CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 29 janvier 2004, n° 01-21111
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
De Gastines
Défendeur :
Biotonic (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. André
Conseillers :
Mmes Charpentier, Zenati
Avoués :
SCP Bottai-Gereux, SCP Latil-Penarroya-Latil-Alligier.
Exposé du litige
Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2001 par Louise De Castines du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Grasse le 11 octobre 2001 lequel a débouté les parties de toutes leurs demandes, dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné Louise De Castines aux dépens,
Vu les conclusions déposées par cette appelante le 15 mars 2002, par lesquelles elle demande de condamner la société Biotonic à lui payer la somme de 5 335,72 euros au titre de l'exécution forcée de son engagement de lui remettre la somme de 35 000 F au " Grand jeu des 43 000 F ", la somme de 3 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées par la SA Biotonic le 8 septembre 2003 demandant à la cour de constater qu'elle n'a commis aucune faute et n'a souscrit aucun engagement ferme de verser un prix à Louise De Castines et de confirmer en conséquence le jugement en condamnant en outre l'appelante à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société intimée n'ayant pas formé appel incident sur le rejet de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts.
Motifs de la décision
Louise De Castines énonce avoir reçu courant 1997 un envoi publicitaire l'informant qu'elle était gagnante du jeu intitulé " Grand jeu des 43 000 F ". Il était précisé qu'elle avait été désignée par un pré-tirage au sort et que pour être attributaire de la somme de 35 000 F, il fallait posséder le numéro désigné comme gagnant et que pour se faire remettre le lot, le bénéficiaire doit envoyer un document dénommé " demande de chèque bancaire ".
Or, le bordereau d'attribution des lots permet de constater que Louise De Castines n'est pas titulaire du numéro gagnant qui ouvre droit au gain de 35 000 F et la lettre envoyée par la société Biotonic lui indiquait seulement " vous êtes le gagnant potentiel de 35 000 F si sur votre bordereau d'attribution, vous trouvez en référence d'attribution juste au-dessus de vos nom et adresse le n° 144888715 ; tous les autres bordereaux d'attribution sont perdants. Si vous êtes parmi les gagnants potentiels il ne vous reste pour recevoir votre prix qu'à nous retourner votre bon de participation ".
Il résulte de ces documents que la société Biotonic n'a pas, comme le prétend à tort Louise De Castines, exprimé sa volonté ferme et non équivoque de lui remettre la somme de 35 000 F si la destinataire de l'envoi adressait en retour le bon de participation intitulé "demande de chèque bancaire ", de sorte que l'inexécution contractuelle de la société émettrice n'est pas caractérisée puisque son bordereau de participation ne portait pas le numéro gagnant visé par ailleurs.
Au surplus, sur le fondement quasi-contractuel, il est certes démontré que la société Biotonic a mis en œuvre un jeu-loterie en annonçant un gain à une personne dénommée, mais qu'elle a aussi mis en évidence dans son envoi l'aléa attaché à ce gain de 35 000 F par l'annonce d'un pré-tirage avec un gagnant et des perdants, suffisant pour faire apparaître l'incertitude de ce gain, de sorte que la société organisatrice ne s'est pas obligée par un fait purement volontaire à délivrer ce lot dont le caractère hypothétique était mis en évidence.
Enfin, sur un fondement délictuel ou quasi-délictuel, les documents publicitaires adressés à Louise De Castines n'ont pu donner naissance chez un consommateur normalement avisé et vigilant à de fausses espérances de gains, dès lors que les procédés sus-énoncés, de nature publicitaire, destinés à retenir l'attention du consommateur et à favoriser l'envoi par lui de commandes est si grossier et banal qu'il n'a pu surprendre même momentanément la crédulité du destinataire de bonne foi, étant observé en outre qu'il n'est pas relevé que la société Biotonic aurait contrevenu aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation.
Enfin, le fait de ne pas avoir été désignée comme gagnante après avoir participé à. un jeu par tirage au sort n'ouvre pas droit au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'aléa du jeu n'étant pas constitutif d'un dommage et aucune faute de l'organisateur du jeu n'étant établie.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Louise De Castines de ses demandes.
Celle-ci, qui échoue en ses prétentions, sera condamnée aux dépens ; mais l'équité commande de ne pas la condamner à payer une indemnité au titre des frais et honoraires de la procédure non compris dans les dépens, alors que le litige a pour origine l'initiative mercantile de la société de vente par correspondance Biotonic pour tenter de s'attacher de nouveaux clients en intégrant nécessairement le risque de telles initiatives procédurales de la part de la destinataire de ses envois,
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Confirmant le jugement entrepris dans ses dispositions querellées et y ajoutant, Déboute Louise De Castines de toutes ses demandes, Déboute la société Biotonic de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne Louise De Castines aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.