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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 15 septembre 2003, n° 01-02887

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison française de distribution (SA), Monnet (ès qual.)

Défendeur :

Guille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magnin (faisant fonctions)

Conseillers :

MM. Jobert, Ruff

Avoués :

SCP Merlinge-Bach-Wassermann, SCP Bonnet-Leinster-Wisniewski

Avocats :

Mes Lyon, Veinand.

TI Briey, du 25 sept. 2001

25 septembre 2001

Faits et procédure :

Par exploit du 23 août 1996, M. Guille a fait assigner la société Maison française de distribution devant le Tribunal d'instance de Briey, en paiement de la somme de 20 000 F avec les intérêts au taux légal à compter de la demande, outre la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, M. Guille a exposé les faits suivants:

- courant janvier 1996 il a été contacté par la société Maison française de distribution pour participer à un jeu gratuit sans obligation d'achat.

- il lui était expliqué que le fait de recevoir quatre cartes de jeu identiques, constituait la preuve qu'il avait gagné 20 000 F.

- l'enveloppe jointe à cette lettre contenait 4 rois de carreau.

- cependant la société Maison française de distribution a refusé de lui payer la somme de 20 000 F.

Devant le tribunal d'instance, la société Maison française de distribution a indiqué qu'elle avait déposé plainte à l'encontre de M. Guille pour tricherie, puisqu'il n'existait qu'un seul gagnant demeurant à Chambéry (73), lequel réunissait 4 rois de coeur, alors que tous les autres participants, y compris M. Guille avaient reçu des rois de couleur différente ;

Par jugement du 25 février 1997, le Tribunal d'instance de Briey a sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive sur l'action publique;

Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 21 juillet 1999, et l'affaire civile était mise au rôle;

Par jugement contradictoire du 25 septembre 2001 le Tribunal d'Instance de Briey a condamné la société Maison française de distribution à payer à M. Guille la somme de (20 000 F) 3 048,98 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 23 août 1996, et outre la somme de 457,35 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Maison française de distribution, et Maître Monnet, liquidateur amiable de cette société, ont relevé appel de ce jugement. Ils demandent à la cour d'infirmer la décision déférée, de débouter M. Guille de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 765 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour sa part M. Guille conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite le paiement de la somme de 915 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 915 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Attendu qu'à l'appui de leur appel, la société Maison française de distribution et son liquidateur font valoir, que cette société a organisé une opération promotionnelle intitulée "Grand jeu de cartes" dont la clôture était fixée au 30 juin 1996, que le règlement stipulait que le gagnant était celui qui découvrirait 4 cartes identiques dans sa pochette, par exemple, 4 rois de trèfle, que M. Guille n'avait pas reçu 4 cartes identiques et ne pouvait donc être le gagnant de ce jeu, et qu'enfin la société Maison française de distribution ne s'est jamais engagée à lui régler la somme de 20 000 F.

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats, que le 2 mars 1996, M. Guille a fait dresser un procès-verbal de constat des cartes en sa possession, et que l'huissier instrumentaire a constaté la présence de 4 cartes de rois de coeur dans l'enveloppe adressée à M. Guille par la société Maison française de distribution.

Que dans son constat, l'huissier a rappelé les termes de la lettre adressée le 23 janvier 1996 à M. Guille par la société Maison française de distribution, à savoir: "Je vous le rappelle que ce soient 4 rois, 4 reines ou 4 valets, le fait que vous possédiez 4 cartes identiques constitue la preuve formelle et indiscutable que vous avez gagne un chèque de 20 000 F".

Attendu que l'information diligentée à la suite du dépôt de plainte de la société Maison française de distribution contre M. Guille, a révélé:

- qu'aucune personne de l'entourage de M. Guille n'a reconnu avoir été contactée par ce dernier pour se faire remettre des cartes;

- que d'autres clients potentiels de la société Maison française de distribution avaient informé celle-ci qu'ils étaient en possession de 4 cartes identiques;

- qu'on ne pouvait exclure la facétie d'un employé de la société chargé de remplir les enveloppes;

Que le magistrat instructeur a motivé son ordonnance de non-lieu comme suit :

"Attendu que dans ces conditions, il n'existe pas de charges suffisantes contre M. Guille d'avoir à Saint-Ail depuis le 29 janvier 1996 et jusqu'en janvier 1997 inclus, en tous cas sur le territoire national et avait prescription de l'action publique, par des manœuvres frauduleuses, tenté de tromper la société Maison française de distribution pour la déterminer à lui remettre une somme de 20 000 F représentant un gain au jeu par elle organisé.

Déclarons la ou les personnes mises en examen hors de cause".

Attendu qu'il est donc établi que M. Guille était bien détenteur de quatre cartes identiques, à savoir, 4 rois de carreau;

Que le règlement du jeu stipulait en son article 8 :

"Le gagnant est celui qui découvrira 4 cartes identiques dans son enveloppe" ;

Qu'il ne peut dès lors être contesté que M. Guille avait la qualité de gagnant;

Que le fait que le nom du gagnant ait été connu lors du pré-tirage, ne saurait être opposé à M. Guille alors que ce dernier justifie qu'il remplissait les conditions lui permettant d'avoir la qualité de gagnant.

Qu'enfin, l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée, sans mettre en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire, à le délivrer;

Attendu qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède, que lia société Maison française de distribution n'a pu rapporter la preuve d'une quelconque manœuvre de tricherie à l'encontre de M. Guille, de sorte que l'ensemble des documents produits par ce dernier le présente comme gagnant du jeu qui lui a été proposé puisqu'il possédait 4 cartes gagnantes;

Attendu dans ces conditions, que pour les motifs retenus par le premier juge et pour les motifs propres ci-dessus, il y a lieu de débouter la société Maison française de distribution et son liquidateur amiable, de leur appel, et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Attendu par ailleurs que compte-tenu du caractère abusif de la résistance des appelants, il y a lieu de les condamner à payer à M. Guille la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts;

Qu'en outre l'équité commande qu'il soit fait en la cause application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il y a lieu d'allouer de ce chef à M. Guille la somme de 750 euros.

Que les appelants succombant en leur appel en supporteront les entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Déclare recevable mais mal fondé l'appel de la société Maison française de distribution et de Maître Monnet, ès qualités de liquidateur amiable de cette société. - Les en déboute. - Confirme en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions. - Condamne la société Maison française de distribution et Maître Jean-Michel Monnet, ès qualités, à payer à M. Jean-Pascal Guille: * la somme de sept cent cinquante euros (750 euros) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, * la somme de sept cent cinquante euros (750 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires. - Condamne la société Maison française de distribution et Maître Jean-Michel Monnet, ès qualités aux entiers d'appel et dit qu'il seront recouvrés par la SCP Bonet Leinster Wisniewski, avoués associés, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.