CA Rennes, 2e ch. com., 20 janvier 2004, n° 03-00757
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Marie Bernard (SARL), Groupement Parfumeries Marie Bernard (SARL), Bretagne Parfums Diffusion (SA), Parfumeries de l'Ouest (SA), Parfumeries Associées de l'Ouest (SA), Armoricaine de Parfumerie (SARL), H H Holding Hamel (SA), Chadeville (SA)
Défendeur :
Marybel (SARL), Jaina (SARL), Céline C Parfums (EURL), Frimousse (SARL), L'Ilebelle (SARL) Roselyne Gasdon (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Letouze
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Patte
Avoués :
Me Gautier, SCP Bazille, Génicon
Avocats :
Mes Gast, Verniau.
Comme il l'avait annoncé par un communiqué de presse du 22 février 2000, le groupe Marionnaud a pris, le 30 avril 2000, le contrôle, via les sociétés holding tête de file, du groupe Marie Bernard qui animait sous cette enseigne un réseau de 24 parfumeries situées principalement dans l'Ouest de la France.
Si plusieurs de ces magasins étaient exploités par des sociétés dont les titres étaient détenus en tout ou partie par les dirigeants fondateurs (familles Hamel et Chedeville), d'autres appartenaient à des sociétés indépendantes qui, d'une part, avaient conclu un contrat d'enseigne avec la SARL Marie Bernard, propriétaire de la marque et concepteur notamment d'agencements, d'autre part étaient membres associés de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard, société de référencement à capital variable créée en juillet 1997 à la place d'un GIE.
A la suite de cette prise de contrôle, six des sociétés indépendantes, titulaires d'un contrat d'enseigne Marie Bernard (les intimées) ont, par différentes correspondances du mois d'avril 2000 considéré acquise la résiliation dudit contrat aux torts de la SARL Marie Bernard et recherché une indemnisation amiable.
Ayant échoué dans cette démarche, elles ont, le 30 juin 2000, assigné devant le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc, aux fins d'indemnisation les huit sociétés du groupe Marie Bernard, soit:
- la société franchiseur, la SARL "Marie Bernard";
- la société de référencement, la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard;
- les sociétés associées de chacune des deux entités;
- les deux sociétés holding de tête la SA "H H" Holding Hamel et la SA Chedeville;
Vu le jugement déféré, rendu le 13 janvier 2003 par le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc qui, après avoir implicitement imputé la résiliation des contrats aux sociétés du groupe Marie Bernard et prononcé expressément la nullité des contrats conclus par les sociétés Roselyne Gasdon et Céline C Parfums a condamné in solidum les sociétés du groupe Marie Bernard à payer aux sociétés Marybel, Jaina, L'illebelle, Gaston, Céline C. Parfums et Frimousse les sommes respectives de 116 542,51 euro, 148 852,62 euro, 105 828, 48 euro, 289 551,92 euro, 224 951,83 euro et 79 784,12 euro, outre, à chacune, une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et a débouté les sociétés défenderesses de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts;
Vu les conclusions d'appel déposées le 16 octobre 2003 par les huit sociétés du groupe Marie Bernard, tendant à débouter les six sociétés du groupe Marie Bernard, tendant à débouter les six sociétés intimées de leurs demandes principales et, sur leurs propres demandes reconventionnelles, à condamner chacune de ces sociétés à leur payer 152 449,02 euro à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat d'enseigne 76 224,51 euro à titre de dommages-intérêts pour agissements déloyaux, déstabilisation et atteinte à l'image, outre 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les conclusions déposées par les intimées par les intimées le 23 juin 2003, dont le dispositif des points 1 à 6 inclus, est un résumé de moyens, et se poursuit ainsi:
"7 - En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats aux torts de la SARL Marie Bernard et de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard et l'infirmer quant à la date, celle à retenir étant le 5 avril 2000.
8 - De plus fort, dire et juger que les contrats dits d'enseigne sont de plein droit soumis aux dispositions de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989.
9 - En conséquence, constater que la SARL Marie Bernard n'a pas satisfait à l'obligation d'ordre public de remettre au moins 20 jours avant la signature du contrat, l'information précontractuelle définie par l'article 2 du décret n° 91-337 du 4 avril 1991.
10 - De plus fort, prononcer la nullité des 6 contrats d'enseigne.
11 - Dire et juger que l'EURL Roselyne Gasdon et l'EURL Céline C. Parfums ont été victimes de manœuvres dolosives justifiant la nullité de leurs contrats.
12 - Condamner conjointement et solidairement la SARL Marie Bernard, la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard, la SA Bretagne Parfums Diffusion, la SA Parfumeries de l'Ouest, la SARL Parfumeries Associées de l'Ouest, la SARL Armoricaine de Parfumerie, la SA HH - Holding Hamel et la SA Chedeville à payer à titre de dommages et intérêts:
à la SARL Marybel : 415 920,71 euro
à la SARL Jaina : 353 158,02 euro
à l'EURL Céline C. Parfums : 287 183,66 euro
à la SARL Frimousse : 141 860,71 euro
à la SARL l'Ilebelle : 230 703,68 euro
à l'EURL Roselyne Gasdon : 317 998,96 euro
13 - Vu la nullité du contrat d'enseigne et/ou la résiliation confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la cession des actions détenues par la sociétés Chedeville SA et HH - Holding Hamel au capital de la SARL Marybel et de la SARL Jaina à toutes personnes physique ou morale qui leur sera désignée;
Dire que le prix de cession est de 1 euro;
14 - Désigner tel expert chargé de vérifier et établir les comptes de gestion de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard relatifs aux avantages, remises, ristournes revenant à chacune des intimées et plus généralement ordonner la reddition des comptes sous le contrôle de l'expert;
15 - Condamner conjointement et solidairement les appelantes à payer à chacune des intimées la somme de 5 000 euro HT en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile."
Sur ce,
I. Sur la demande principale:
L'ambiguïté du dispositif (points 10 et 13 susvisés), qui paraît cumuler une demande de nullité avec une demande de résiliation, alors que ces deux notions sont antinomiques, est levée par la précision fournie en page 4 des conclusions des intimées dans les termes suivants:
"Il est donc demandé à la cour:
1 - de prononcer la résiliation de chacun des six contrats d'enseigne des intimées, aux torts de la SARL Marie Bernard,
2 - d'allouer à chacune des intimées des dommages et intérêts résultant de leur préjudice respectif,
3 - d'ordonner la reddition des comptes (attribution des avantages et remises encaissés par Marie Bernard, pour le compte de ses franchisés);
4 - de prononcer, à titre subsidiaire, la nullité de chacun des six contrats et d'ordonner à Marie Bernard de remettre les parties en l'état à la date de signature, avec toutes les conséquences financières qui en découlent."
Les intimées confirment en tant que de besoin le caractère alternatif de l'action (pages 63 et 64 de leurs conclusions) en distinguant leur préjudice indemnisable dans l'hypothèse, d'une part d'une résiliation, d'autre part d'une annulation des contrats selon que la cour se placera sur l'un ou l'autre de ces terrains.
1°) Sur la résiliation des contrats d'enseigne:
Les parties considèrent avoir été liées dans des rapports de franchiseur à franchisé;
L'objet du litige n'est pas de prononcer la résiliation, puisque les sociétés intimées l'ont elles-mêmes décidée, non pas par lettres des 5 au 7 avril 2000, lesquelles étaient adressées à Marionnaud, mais par lettres des 18 et 19 avril 2000 adressées à la SARL Marie Bernard, et l'ont effectivement mise en œuvre en cessant de remplir leurs obligations puis en adhérant, en octobre 2000, au réseau d'enseignes Beauty Success;
Il s'agit dès lors de déterminer l'imputabilité de la résiliation dont les sociétés intimées ont pris l'initiative.
Certes la SARL Marie Bernard stipulait comme élément déterminant du contrat d'enseigne qu'elle acceptait de concéder cette enseigne en considération, notamment, de la personnalité de l'actionnaire majoritaire et dirigeant de la société candidate à la franchise, chez qui elle considérait trouver des qualités morales, une expérience professionnelle et une surface financière suffisantes, alors qu'un tel "intuitu personnae" n'était pas revendiqué en sens inverse à son profit par la société franchisée.
Cependant les intimées font à juste titre valoir que le caractère bilatéral de cet "intuitu personnae" s'est instauré à partir du moment où en prenant la concession de l'enseigne, elles ont, comme elles en avaient la faculté, simultanément souscrit une part sociale de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard (le Groupement) et adhéré au règlement intérieur de cette société.
Or, selon le préambule de ce règlement intérieur:
"La société est une association d'hommes, présentant des qualités intrinsèques favorisant le bon fonctionnement de celle-ci et auquel le nouvel associé doit répondre.
Cet intuitu personnae est un élément déterminant, indépendamment de l'écran que constitue la personnalité morale des structures de l'entreprise associée.
En effet, la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard est avant tout une association de personnes, qui se sont choisies; mettant en commun leurs efforts pour dynamiser et optimiser leurs propres activités et structures d'exploitation."
Cette association de personnes comprend nécessairement à la fois les dirigeants des quatre sociétés familiales fondatrices du groupement et ceux des sociétés venant s'y associer, desquels il était exigé une indépendance par rapport à la personne morale, caractérisée par leur participation au moins égalitaire au capital de celle-ci.
Les sociétés intimées se sont donc engagées dans une relation contractuelle à caractère complexe en considération de l'identité du réseau et de la personne de ses dirigeants.
Il est constant que le groupe Marionnaud, qui certes, n'a pas acquis les fonds de commerce des sociétés intimées ni le capital desdites sociétés contrairement à ce que pouvaient laisser supposer les articles de presse parus en février 2000, est devenu le porteur de parts majoritaire dans la SARL Marie Bernard, franchiseur, et dans le groupement du même nom.
Ce fait, qui ne caractérise pas en lui-même une faute du franchiseur, autorisait néanmoins les sociétés franchisées à dénoncer avant terme le contrat d'enseigne dès lors qu'il modifiait les fondements dudit contrat et laissait en outre planer une incertitude sur la survie même de l'enseigne Marie Bernard.
Les fondements des contrats étaient modifiés car "l'esprit club" était l'un des arguments de Marie Bernard.
On trouve cette caractéristique expressément citée comme originalité dans la fiche signalétique publiée en décembre 1999-janvier 2000 par la presse spécialisée.
Dans des correspondances d'accueil de candidats à l'adhésion au réseau, l'un et l'autre des co-gérants du groupement terminaient leur lettre en ces termes: "en vous confirmant l'intérêt que nous portons à vous voir rejoindre notre club.";
Or ces caractéristiques familiales, et régionales disparaissaient nécessairement avec la prise de contrôle par le plus gros groupe distributeur en France en nombre de points de vente, coté en bourse et affichant une stratégie d'expansion nationale et internationale.
L'avenir des contrats d'enseigne devenait incertain dans la mesure où, nonobstant un communiqué laconique adressé aux fournisseurs le 3 mai 2000 selon lequel l'enseigne Marie Bernard était conservée, le dirigeant du groupe Marionnaud n'a expressément proposé par écrit aux dirigeants des sociétés intimées que d'acquérir leurs titres et de les embaucher comme responsables de magasin dans des conditions à négocier.
Les franchisées étaient d'autant plus fondées à prendre acte de la rupture de leurs relations avec le groupe Marie Bernard que, nonobstant certains revirements de ses dirigeants, ceux-ci ont laissé clairement entrevoir la disparition de l'enseigne.
Ainsi, lors de la réunion des adhérents du groupement en date du 15 février 2000, les co-gérants présentaient, parmi les choix stratégiques possibles, le développement de l'enseigne comme un facteur de perte d'identité auprès des partenaires et banquiers, mettant alors en parallèle, sans en préciser le contenu, la possibilité de profiter d'une "opportunité financière".
Ainsi, dès le 11 avril 2000, le co-gérant rennais du groupement annonçait aux sociétés Marybel et Jaina qu'il ne communiquerait plus en publicité sous l'enseigne Marie Bernard pour le magasin du centre ville de Rennes.
Il est d'ailleurs constant qu'il ne subsiste actuellement aucun affilié du groupement Marie Bernard qui n'ait été racheté par le groupe Marionnaud et exploite sous cette enseigne.
Dans ces conditions, la reprise, par la société exploitant le magasin susvisé, de promotions sous l'enseigne Marie Bernard à l'occasion d'événements tels que la fête des mères et des pères peut paraître de pure circonstance et visant à désamorcer la revendication indemnitaire que les intimées avaient formulée au mois d'avril 2000 et sur laquelle le groupe Marie Bernard refusait de négocier.
A la date de la notification de la rupture, soit le 18 avril 2000 et non le 5, les intimées, qui n'avaient reçu que des propositions d'achat de Marionnaud et avaient seulement appris de Marie Bernard, sur leur demande pressante, que seul le capital de leur co-contractant changeait de mains, n'avaient obtenu de celui-ci aucune assurance sur les intentions du nouveau franchiseur quant aux modalités de poursuite des contrats.
Ce défaut d'information est particulièrement flagrant à l'égard des sociétés Roselyne Gasdon et Céline C. Parfums, dont l'adhésion au réseau Marie Bernard date de début décembre 1999, époque à laquelle les accords avec le groupe Marionnaud, annoncés le 22 février 2000 ne pouvaient qu'être, sinon en cours de négociation, du moins très sérieusement envisagés.
Il est d'ailleurs anormal - et cela témoigne d'un traitement désinvolte des franchisées - que celles-ci aient été bercées de propos dithyrambiques sur Marie Bernard lors des réunions du groupement des 10 décembre et 13 janvier 2000, pour être confrontées brutalement, lors de la réunion suivante en février, à un tableau économique radicalement opposé, résultat d'une évolution qualifiée d'inexorable, et justifiant aux yeux du franchiseur, que le développement de l'enseigne s'efface derrière une opportunité financière."
Pour ces raisons, la résiliation des contrats d'enseigne, dont les intimés ont pris l'initiative, est imputable aux sociétés du groupe Marie Bernard, lesquelles doivent en assumer les conséquences.
Il n'est en effet nullement établi que les six sociétés intimées aient préparé leur scission avant l'annonce officielle de la reprise de leur franchiseur par Marionnaud, la recherche par elles, après cette annonce, d'une autre enseigne correspondant à leurs aspirations professionnelles d'indépendance étant légitime.
2°) Sur les conséquences de la résiliation:
L'exécution des contrats jusqu'au 18 avril 2000, date de la rupture par les sociétés intimées, ne peut être remise en cause.
Il s'ensuit que tous les postes de préjudice relatifs aux restitutions pour cause de nullité des contrats sont à écarter.
Demeurent cinq chefs de préjudice dont un n'est propre qu'aux sociétés Marybel et Jaina.
a) Sur les frais d'agencement et d'installation:
Il est constant qu'en application des contrats d'enseigne, les sociétés franchisées ont dû, d'une part, apposer des signes distinctifs de l'enseigne Marie Bernard, d'autre part et surtout, agencer et décorer leurs magasins selon des normes imposées par le franchiseur.
Si la résiliation des contrats a contraint les sociétés intimées à supprimer le panonceau et toute référence matérielle à l'enseigne Marie Bernard, ces sociétés ne justifient pas avoir exposé les moindres frais à l'occasion de ces suppressions.
Elles n'allèguent aucunement avoir été enjointes, depuis la rupture, de modifier l'agencement de leur magasin et de supprimer le mobilier qui leur avait été imposé par Marie Bernard. Or, ces installations, pour cinq des sociétés intimées, étaient conjuguées à un agrandissement de leur surface commerciale, ce qui valorisait d'autant chaque fonds de commerce, ont permis non seulement une progression très importante de leur chiffre d'affaires sous l'enseigne Marie Bernard mais encore leur entrée dans le réseau Beauty Success sans avoir à exposer les frais de mise aux normes, lesquels étaient pourtant fixés à 1 000 euro par m2, le groupement Beauty Success n'ayant pas exigé de travaux pour leur intégration.
Ainsi, loin d'être perdus, les investissements réalisés par les intimées lors de leur entrée dans le réseau Marie Bernard continuent de leur bénéficier, les intéressées n'alléguant d'ailleurs aucun fléchissement de leur chiffre d'affaires à la suite de leur adhésion au réseau Beauty Success.
Ces chefs de demande seront donc rejetés
b) Sur le préjudice d'image:
Chacune des intimées chiffre ce préjudice uniformément à 15 244,90 euro.
Or, elles ne produisent aucune pièce de nature à établir que le changement d'enseigne, intervenu plus ou moins longtemps après leur adhésion au réseau Marie Bernard, ait eu un impact quelconque sur leur image auprès de la clientèle ou des fournisseurs ni que ce changement les ait amenées à exposer des frais autres que les droits d'entrée dans le réseau Beauty Success.
c) Sur le droit d'entrée dans le réseau Beauty Success:
Ce paiement est sans lien de causalité direct avec la résiliation du contrat d'enseigne Marie Bernard mais l'expression d'une option économique, faite après étude, par le dirigeant de chaque société concernée.
d) Sur les rétrocessions RFA
Cette demande, peu explicite par sa formulation, entre dans le domaine de la reddition de comptes par la SARL Marie Bernard, pour laquelle une expertise est sollicitée, ce qui ne soulève aucune objection de la part des appelantes.
e) Sur la restitution d'actions
Cette demande est faite par les seules sociétés Marybel et Jaina. En effet,
- 10 % du capital de la SARL Marybel est détenu par la SA Bretagne Parfums Diffusion, associée de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard, et par la SA Chedeville, société holding:
- 10 % du capital de la SARL Jaina est détenu par cette même société holding et par l'autre, à savoir la SA HH Holding Hamel.
Or les sociétés appelantes ne critiquent pas le jugement en ce qu'il a ordonné la "restitution" de ces titres et n'opposent aucun moyen à la demande des intimées tendant à fixer à l'euro le prix de cession.
II. Sur la demande reconventionnelle:
Les appelantes ne sauraient invoquer comme preuve de la faute des intimées le texte de la motion soumise par la gérance du groupement à l'assemblée générale ordinaire du 16 octobre 2000, appelée à statuer sur l'exclusion des six dissidentes. Ce texte n'est en effet que la thèse des appelantes.
La volonté des sociétés intimées de sortir du groupement Marie Bernard était légitime à partir de l'annonce publiée le 22 février 2000 à grand renfort de presse. Rien ne démontre qu'elles aient envisagé leur sortie avant cette date.
Le maintien de leur position au vu de l'insuffisance des garanties fournies par la société Marie Bernard ne caractérise pas une entreprise de désorganisation ou de déstabilisation du groupement. Aucun élément ne révèle qu'elles aient combattu la marque Marie Bernard.
Leur ralliement à un réseau et à une enseigne correspondant à leurs aspirations en affaires était la conséquence et non la cause de leur retrait.
Le seul constat fait le 26 juin 2000, de ce que les sociétés intimées avaient conservé l'enseigne Marie Bernard et utilisaient des emballages et des tickets de caisse à ce nom ne caractérise pas suffisamment une volonté de créer la confusion dans l'esprit de la clientèle, alors que ces mêmes sociétés ont tiré les conséquences de l'action judiciaire qu'elles ont introduite le 30 juin 2000, en supprimant au début du mois de juillet suivant toute référence à l'enseigne Marie Bernard ainsi qu'il résulte des constats d'huissier établis les 11 et 12 juillet 2000.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Les demanderesses principales échouant d'ores et déjà dans la quasi-totalité de leurs demandes excessives et les demanderesses reconventionnelles échouant dans la totalité de leurs demandes tout autant excessives, les dépens seront supportés par elles par moitié et il n'y a pas lieu, en équité, à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : Réformant le jugement entrepris sur la demande principale; Dit que la résiliation des contrats d'enseigne, dont les sociétés Marybel, Jaina, l'Ilebelle, Roselyne Gasdon, Céline C. Parfums et Frimousse ont pris l'initiative le 18 avril 2000, est imputable aux sociétés Marie Bernard; Groupement Parfumeries Marie Bernard, Bretagne Parfums Diffusion, Parfumeries de l'Ouest, Parfumeries Associées de l'Ouest, Armoricaine de Parfumerie, HH Holding Hamel, Chedeville; En conséquence: Ordonne la cession des parts sociales détenues par des sociétés membres du groupe Marie Bernard dans le capital de la SARL Marybel et de la SARL Jaina à toutes personnes physique ou morale qui leur sera désignée; dit que le prix de cession est de 1 euro; Commet expert Monsieur Pierre Borie, 9, rue Beaugeard Lancelot - 35700 Rennes <Tél.>avec mission de vérifier et établir les comptes de gestion de la SARL Groupement Parfumeries Marie Bernard relatifs aux avantages, remises et ristournes revenant à chacune des sociétés intimées, ordonne la reddition des comptes sous le contrôle de l'expert; Fixe à 3 000 euro le montant de la provision en compte ou à valoir sur la rémunération de l'expert, que les intimées, unies d'intérêts, devront consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Rennes avant le 1er mars 2004; Impartit à l'expert un délai de quatre mois, à dater de la consignation susvisée, pour déposer son rapport au secrétariat-greffe de cette chambre; Déboute les sociétés intimées du surplus de leurs prétentions; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts; Dit que les dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour seront supportés par moitié par les appelantes, d'une part, par les intimées, d'autre part; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties; Accorde aux avoués de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.