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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 21 mai 2003, n° 2003-439

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Courchenaux, Franchomme, Gineste, Julien, Malus (Epoux), Marty, Pichon, Regourd, Sellin, Sevean, Valentin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jacques

Substitut :

général: M. Pinelli

Conseillers :

Mme Doumit El Khoury, M. Lacan

Avocats :

Mes lambert, Rebstock, Marino, Daclin.

TGI Marseille, ch. corr., du 17 déc. 200…

17 décembre 2001

Rappel de la procédure:

La prévention:

Par acte du 24 octobre 2001, délivré sur mandement du Procureur de la République, R Jean-Maurice a été cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Marseille pour avoir:

* à Marseille, en tout cas sur le territoire national, courant mai, juin et juillet 1998, en tout cas depuis non couvert par la prescription, étant partie au contrat, trompé René Bousquet, Brigitte Mullet, Roger Baer, Léopold Marty, Jean Valentin, Bruno Pichon, Olivia Frizzas, Patricia Pichon, Robert Sellin, Marie-Joëlle et Yves Malus, André Gineste, Jean-Michel Sevean, Bernard Jeannotte, Mireille Neyvinck, Denise Leroy, Dorothée Veiller, Fernande Testa, Lise Bonnet, Liliane Julien et Pierre Courtois sur les qualités substantielles de plusieurs croisières thématiques et notamment celle intitulée "Le France" ("51e Festival de Cannes" (du 23 au 25 mai 1998), organisées en Méditerranée sur le paquebot Norway-France au déroulement non conforme aux stipulations concernant notamment l'affectation des cabines se révélant non conformes aux réservations de leur destinataire (de catégories inférieures), l'absence de" dîner de gala" auquel tous les passagers devaient pourtant être conviés lors de la clôture dudit festival (le 24 mai 1998), l'annulation de projections de films qui devaient s'effectuer en présence de personnalités du monde du spectacle et, de manière générale, des prestations de mauvaise qualité (valises égarées, excursions réduites, accueil, qualité des repas)

Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

* à Marseille, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'organisation de croisières thématiques en Méditerranée à bord du paquebot Norway-France avec notamment des animations (cocktails, présence de personnalités du festival de Cannes), des prestations de service (dîner de gala, repas gastronomiques, projections de films, visites du navire) mises en avant bien que nullement ouvertes aux passagers dudit navire,

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

Le jugement:

Par jugement contradictoire du 17 décembre 2001, le Tribunal correctionnel de Marseille a:

Sur l'action publique:

- rejeté l'exception de nullité de la citation du 24 octobre 2001,

- relaxé R Jean-Maurice de l'infraction de tromperie,

- déclaré R Jean-Maurice coupable de publicité trompeuse,

- condamné R Jean-Maurice à une amende de 50 000 F (7 622,45 euros),

- ordonné la publication par extraits du jugement dans "La Provence" et "La Marseillaise".

Sur l'action civile :

- déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Bousquet René,

- déclaré recevables les constitutions de parties civiles de Pichon Patricia, des époux Sevean Jean-Michel, des époux Valentin Jean, de Gineste André, de Julien Liliane, des époux Malus Yves, des époux Marty Léopold et de Sellin Robert,

- condamné R Jean-Maurice à payer:

- à Pichon Patricia, la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F (228,67 euros) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- aux époux Sevean Jean-Michel, la somme de 12 000 F (1 829,39 euros) à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F (228,67 euros) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

* aux époux Valentin Jean, la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) à titre de dommages- intérêts,

* à Gineste André, la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) à titre de dommages-intérêts,

* à Julien Liliane, la somme de 5 000 F (762,25 euros) à titre de dommages-intérêts,

* aux époux Malus Yves, la somme de 16 000 F (2 439,18 euros) à titre de dommages-intérêts,

* aux époux Marty Léopold, la somme de 16 000 F (2 439,18 euros) à titre de dommages-intérêts,

* à Sellin Robert, la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) à titre de dommages-intérêts,

- condamné R Jean-Maurice aux dépens.

Les appels:

Le prévenu a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions, par déclaration au greffe du tribunal, le 24 décembre 2001.

Le Ministère public a relevé appel incident le 27 décembre 2001.

Décision:

En la forme,

Attendu que les appels formés par le prévenu et le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;

Attendu que les parties ont été convoquées à l'audience du 30 octobre 2002; qu'à cette audience, le prévenu, R Jean-Maurice, et les parties civiles, Pichon Patricia, Sevean Jean- Michel, Franchomme Maud épouse Sevean, Julien Liliane, Malus Yves, Malus Marie-Joëlle, Marty Léopold et Regourd Cécile épouse Marty, ont comparu ou étaient représentés; que l'affaire a été renvoyée, contradictoirement à l'égard des parties précitées, à l'audience du 1er avril 2003;

Attendu que Valentin Jean et Courchenaux Yvette épouse Valentin ont été cités à mairie le 5 mars 2003, Gineste André a été cité à mairie le 7 février 2003, Sellin Robert a été cité à domicile le 2 décembre 2002, aux fins de leur comparution à l'audience du 1er avril 2003;

Attendu qu'à l'audience du 1er avril 2003:

- R Jean-Maurice, qui n'a pas comparu, était représenté par son conseil, Maître Daniel Lambert, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, muni d'un pouvoir exprès de représentation;

- Valentin Jean, Courchenaux Yvette épouse Valentin, Malus Marie-Joëlle, Marty Léopold et Regourd Cécile épouse Marty ont comparu;

- Pichon Patricia, Sevean Jean-Michel, Franchomme Maud épouse Sevean et Julien Liliane étaient représentés par leur avocat respectif;

- Gineste André, Malus Yves et Sellin Robert n'ont pas comparu;

Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de R Jean-Maurice, prévenu, de Pichon Patricia, Sevean Jean-Michel, Franchomme Maud épouse Sevean, Valentin Jean, Courchenaux Yvette épouse Valentin, Julien Liliane, Malus Marie-Joëlle, Marty Léopold et Regourd Cécile épouse Marty, parties civiles, et par arrêt de défaut à l'égard de Gineste André, Malus Yves et Sellin Robert, parties civiles.

Au fond,

Rappel succinct des faits:

Au cours du mois de mai 1998, la SARL X, entreprise de voyages dont le siège est à Marseille et qui est dirigée par R Jean-Maurice, a organisé plusieurs croisières thématiques en Méditerranée à bord du paquebot Norway, l'ancien paquebot France.

Lune d'entre elles, qui s'est déroulée du 23 mai au 25 mai 1998, avec pour thème le Festival de Cannes, a été marquée par d'assez graves incidents. Alors que le navire se trouvait en rade de Cannes, le 24 mai 1998, plusieurs croisiéristes, mécontents des prestations fournies par la société X, ont eu une altercation avec le commandant de bord, qui a dégénéré. Considérant qu'il avait à faire à une mutinerie, ce dernier les a fait jeter à fond de cale par les membres de l'équipage. Les malheureux passagers n'ont pu être libérés que par les forces de police de la sûreté urbaine de Cannes.

A la suite de ces événements, largement reproduits par les médias mais qui en eux-mêmes ne font pas l'objet des présentes poursuites, de nombreux clients se sont plaints au parquet de Marseille des méthodes commerciales de la société X, à qui il était surtout reproché de ne pas fournir les prestations promises dans ses documents publicitaires.

Après une enquête sommairement menée par la division économique et financière du SRPJ de Marseille (les victimes n'ont même pas été entendues) et à la suite de plusieurs citations délivrées par le parquet, dont le Tribunal correctionnel de Marseille a dû constater la nullité, R Jean-Maurice a finalement été cité devant ledit tribunal par acte du 24 octobre 2001, sous la double prévention de tromperie et de publicité trompeuse.

Moyens des parties:

Sur la procédure,

R Jean-Maurice soulève in limine litis, comme il l'avait fait devant le tribunal, la nullité de la citation du 24 octobre 2001, motif pris de la violation des articles 551 et 565 du Code de procédure pénale, ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Le Ministère public requiert le rejet de cette exception.

Sur le fond,

Malus Marie-Joëlle a longuement relaté devant la cour les circonstances du voyage, faisant ressortir les nombreuses différences entre la publicité sur la base de laquelle les croisiéristes avaient contracté avec la société X, et la réalité des prestations fournies par celle-ci. Elle n'a pas été contredite, sur cette relation des faits, par l'avocat de R Jean-Maurice.

Malus Marie-Joëlle réclame par ailleurs la confirmation du jugement, outre la somme de 1 500 euros au titre du "temps écoulé" depuis le jugement.

Sevean Jean-Michel et Franchomme Maud épouse Sevean sollicitent, par voie de conclusions, la confirmation du jugement, outre une augmentation des dommages-intérêts alloués au titre de leur préjudice matériel (de 1 829,39 euros à 9 997,21 euros), l'allocation de la somme de 2 286,74 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, et de celle de 1 524,49 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sellin Robert, par lettre recommandée, sollicite la confirmation du jugement, outre une indemnisation complémentaire de 572 euros à titre de dédommagement des frais d'hospitalisation, d'ambulance et d'hôtel qu'il a dû exposer à la suite des coups reçus de la part du service d'ordre du navire.

Outre la confirmation du jugement, Pichon Patricia, par voie de conclusions, Valentin Jean, Courchenaux Yvette épouse Valentin, Marty Léopold et Regourd Cécile épouse Marty, à la barre, formulent des demandes au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale:

- Pichon Patricia, la somme de 305 euros;

- les époux Valentin, celle de 500,52 euros;

- les époux Marty, celle de 613,99 euros.

Le Ministère public requiert l'infirmation du jugement sur la relaxe et la condamnation de R Jean-Maurice à une peine 1 an d'emprisonnement assortie du sursis sous le régime de la mise à l'épreuve, avec obligation de rembourser les victimes.

R Jean-Maurice fait valoir que le tribunal s'est prononcé sur la base d'une pièce recueillie par les enquêteurs postérieurement au jugement prononcé dans cette affaire le 13 septembre 2000, que la rencontre entre festivaliers et croisiéristes, annoncée dans un document publicitaire de la société X, aurait dû avoir lieu, en l'absence des incidents survenus, et que la projection du film de clôture "Godzilla", précédée de la montée des marches du Palais des Festivals en tenue de soirée, a effectivement eu lieu. Il sollicite donc la relaxe. Enfin, il discute les sommes allouées par le tribunal aux parties civiles.

Motifs de la décision:

Sur l'exception de nullité:

Attendu que R Jean-Maurice développe trois moyens au soutien de son exception de nullité de la citation du 24 octobre 2001:

- l'imprécision sur la croisière faisant l'objet des deux chefs de la prévention, la citation visant "plusieurs croisières thématiques" organisées "courant mai, juin et juillet 1998", d'une part, le fait que les victimes visées aient contracté en différentes occasions avec la société X, d'autre part, et, enfin, la formulation elliptique de certains griefs - "valises égarées, excursions réduites, accueil, qualité des repas" -, n'ont pas permis au prévenu de connaître de manière effective et suffisante, la nature et la cause de la prévention, au mépris des exigences de l'article 6-3 a) de la Convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 551 du Code de procédure pénale

- la société X étant seule partie aux contrats de voyage avec les différentes parties civiles, elle est seule concernée par les récriminations de celles-ci et aurait dû être mise en cause;

- l'article L. 213-1 du Code de la consommation, visé dans le mandement de citation, ne concerne que la tromperie sur les marchandises et est inapplicable en la cause

Mais attendu, en premier lieu, que la croisière intitulée "Le France, 51e Festival de Cannes", organisée du 23 au 25 mai 1998, est expressément visée dans la citation litigieuse, en ce qui concerne le premier chef de la prévention (tromperie); qu'en ce qui concerne le second chef (publicité trompeuse), la citation, qui se réfère aux mêmes circonstances de temps et de lieu, mentionne la présence de personnalités du Festival de Cannes et les projections de films, comme des prestations faussement promises aux clients; que, par ailleurs, si certains griefs sont justement critiqués par R Jean-Maurice comme étant énoncés de manière elliptique, d'autres sont formulés de manière précise: l'absence de dîner de gala auquel tous les passagers devaient pourtant être conviés lors de la clôture dudit Festival (le 24 mai 1998), l'annulation de projection de films qui devaient s'effectuer en présence de personnalités de monde du spectacle, la non-présence de personnalités du Festival de Cannes;

Que, dans ces conditions, R Jean-Maurice était à même de connaître, de manière effective et suffisante, la nature et la cause de la prévention et, comme l'ont retenu les premiers juges, en état de faire valoir ses moyens de défense;

Attendu, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celles des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits; qu'il résulte des propres écritures de R Jean-Maurice, qu'il est le gérant de la société à responsabilité limitée X; qu'il est, en sa qualité de chef d'entreprise, pénalement responsable des faits commis par celle-ci, en application de l'article 121-1 du même Code; que, de surcroît, en l'espèce, le principal document publicitaire est signé par la formule "Le Directeur Général, Jean-Maurice R", suivie de la reproduction de la propre signature manuscrite de l'intéressé qu'ainsi, c'est à bon droit que les poursuites ont été dirigées contre lui;

Attendu, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article L. 216-1 du Code de la consommation que les dispositions de l'article L. 213-1 dudit Code sont applicables aux prestations de service; que le visa du seul article L. 213-1 dans la citation litigieuse n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du prévenu - au demeurant professionnel dans le secteur des prestations de service -, au sens de l'article 802 du Code de procédure pénale;

Qu'il s'ensuit que l'exception de nullité de la citation doit être rejetée.

Sur l'action publique:

1- Sur la culpabilité,

Attendu que la publicité diffusée par X sous la signature de R Jean-Maurice, comme indiqué ci-dessus, sous format A4, en quadrichromie et sur fond de ciel ennuagé, était formulée dans les termes suivants:

Le dimanche 24, les passagers seront invités à gravir les marches du Palais, avant d'assister, en avant-première, à la projection privée du film de clôture, qui, par tradition, est un "film-événement ".

Enfin, le dîner de clôture du Festival, réunissant plus de 800 personnalités, aura lieu à bord du France en présence du maire de Cannes et du Président.

Oui, c'est vraiment un événement exceptionnel auquel vous êtes conviés!

Pour être sûr d'y avoir votre place, envoyez-nous dès aujourd'hui votre bulletin d'inscription.

Attendu que les plaignants ont reproché à R Jean-Maurice:

1. De ne leur avoir offert qu'alternativement la projection du film au Palais des Festivals et le dîner de clôture, alors que la publicité présentait ces prestations comme cumulatives.

2. D'avoir organisé la projection du film de clôture à une heure tardive dans la soirée (23h30), à laquelle le "gravissement des marches du Palais", hors des projecteurs, de la presse et de toute personnalité du spectacle, se réduisait à monter dans la pénombre l'escalier de façade d'un bâtiment public.

3. D'avoir organisé avec le Festival International du Film de Cannes (le FIF) un dîner de clôture réservé aux seuls festivaliers, auquel les croisiéristes n'étaient pas conviés.

Attendu, sur le premier point, que le caractère alternatif des deux prestations, manifestement contraire au message publicitaire reproduit ci-dessus et que l'avocat du prévenu a cherché à relativiser à l'audience, résulte d'une note interne diffusée à bord du navire, le dimanche 24 juin, précisant: "Vous pouvez, si vous le désirez, assister à ce dîner, mais dans ce cas, vous ne pourriez pas assister à la projection que nous avons préparée pour vous et vous en éprouveriez une grande déception rétrospective";

Attendu, sur le deuxième point, qu'aucun dispositif n'était prévu pour donner le moindre éclat à la projection du film de clôture; que si le programme diffusé mentionne "Tous les passagers sont invités à la projection du film de clôture Godzilla avec Jean Réno", il fallait comprendre que l'acteur tenait un rôle dans le film et non qu'il assisterait à la projection; quant au caractère élégant et presque cérémoniel d'une telle manifestation, pour laquelle une tenue de soirée (voire de gala, selon les documents) était recommandée, une photographie du groupe, versée au débat par Pichon Patricia, montre les croisiéristes en train de monter les marches du palais en tenue de vacances ou d'excursion; que le "gravissement des marches du Palais", présenté dans toute la documentation publicitaire de la société X comme l'une des attractions principales, sinon comme l'attraction principale, de la croisière, s'est révélé comme un acte exempt de toute la symbolique dont il était paré, accompli dans l'anonymat et l'indifférence générale;

Attendu, sur le troisième point, qu'il résulte d'une lettre circonstanciée adressée le 7 mars 2001 à la police judiciaire par Monsieur François Erlenbach, secrétaire général du FIF, qu'il n'a jamais été question de voir les croisiéristes du Norway participer aux réceptions (cocktail + dîner) données à bord pour les festivaliers; que le fait que cette lettre soit postérieure à un premier jugement intervenu dans cette affaire le 13 septembre 2000, ayant annulé une citation du parquet, ne diminue en rien la valeur probante de ce document, versé avant le jugement déféré au dossier de la procédure; que la note interne, diffusée par la société X le 24 mai 1998, précisait que le dîner de clôture concernait "exclusivement les invités du Festival de Cannes", la contradiction existant cette mention et celle, citée plus haut, prévoyant la possibilité pour les croisiéristes, "d'assister à ce dîner" manifestant seulement l'embarras de la société organisatrice à assumer des engagements inconciliables; qu'enfin, le "Journal de Bord " édité par la société X et présentant sur quatre pages le programme de la journée du dimanche 24 mai 1998, ne fait strictement aucune référence à un dîner de gala quel qu'il soit, en particulier avec les festivaliers;

Qu'il convient, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a retenu la culpabilité de R Jean-Maurice du chef de la publicité trompeuse;

Attendu, cependant, que le tribunal, après avoir retenu que la non-réalisation du dîner annoncé est bien constitutive d'une tromperie, a décidé que cette absence ne pouvait, à elle seule, caractériser le délit de tromperie;

Mais attendu qu'en l'état de la présentation par la société X de la croisière litigieuse, le dîner de clôture du Festival de Cannes, dans lequel les croisiéristes devaient se mêler aux festivaliers - acteurs, metteurs en scène, producteurs et autres célébrités du cinéma -, a été l'un des éléments ayant déterminé les victimes à contracter avec le voyagiste; que la non-réalisation de ce dîner est bien constitutive du délit de tromperie sur les qualités substantielles ou la composition de la prestation de service vendue;

Attendu, enfin, que R Jean-Maurice ne peut invoquer les incidents survenus dans l'après-midi du 24 mai 1998 pour faire valoir la force majeure et son absence d'intention dolosive; qu'en effet, le "Journal de Bord " du 24 mai 1998, de même que la note interne diffusée ce jour-là avant les incidents, démontre clairement que, si des accords avaient été passés avec le FIF pour organiser un dîner de gala à bord du France à l'intention des festivaliers, il n'était pas prévu d'y associer les croisiéristes;

Qu'il s'ensuit qu'en organisant dans les conditions ci-dessus rappelées la croisière intitulée "Le France, 51e Festival de Cannes" du 23 au 25 mai 1998, R Jean-Maurice a commis les délits de publicité trompeuse et de tromperie qui lui sont reprochés.

2- Sur la peine,

Attendu que le bulletin n°1 du casier judiciaire de R Jean-Maurice, édité le 11 mars 2003, fait apparaître une condamnation en date du 20 septembre 1995 à une peine d'amende de 50 000 F, dont 20 000 F avec sursis, pour des faits de publicité trompeuse, commis en 1989; que cette mention au casier judiciaire, malgré les lois d'amnistie de 1995 et 2002, indique que l'amende n'a pas été payée;

Attendu que les circonstances de l'espèce, ainsi que les récriminations de nombreux clients de la société X concernant des prestations non visées par la prévention, montrent que le comportement de R Jean-Maurice, loin d'être accidentel, participe à sa pratique commerciale;

Qu'il convient de condamner R Jean-Maurice à une peine principale d'emprisonnement avec sursis et à une peine complémentaire d'interdiction professionnelle, ainsi qu'à la mesure de publication, prévue par l'article L. 121-4 du Code de la consommation, déjà prononcée par les premiers juges.

Sur l'action civile:

Attendu qu'il convient d'évaluer le préjudice matériel de Pichon Patricia à la somme de 12 951,40 F (soit 1 974,43 euros) correspondant à la facture acquittée de sa croisière et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné R Jean-Maurice à lui payer la somme de 228,67 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance; qu'il convient en outre de condamner le prévenu à lui payer la somme de 305 euros sur le même fondement pour les frais exposés en cause d'appel;

Attendu que les époux Sevean n'ayant pas interjeté appel, leurs demandes tendant à voir aggraver les condamnations principales prononcées à leur profit sont irrecevables; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris du chef de ces dispositions, et de condamner en outre R Jean-Maurice à payer aux époux Sevean la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel;

Attendu qu'il convient d'évaluer le préjudice matériel des époux Valentin à la somme de 15 490 F (soit 2 361,44 euros) correspondant à la facture acquittée de leur croisière (13 980 F) et à leur frais d'avion (1 510 F); qu'il convient en outre de condamner R Jean-Maurice à leur payer la somme de 500,52 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel;

Attendu qu'il convient de confirmer les dispositions civiles du jugement concernant Gineste André;

Attendu que R Jean-Maurice fait valoir à juste titre que Julien Liliane n'a pas participé à la croisière litigieuse; que le préjudice qu'elle invoque, relatif à quatre déjeuners qui lui ont été servis, à elle et à trois invités, à bord du France, ne peut être rattaché aux infractions reprochées au prévenu; qu'il convient de la déclarer irrecevable en sa constitution de partie civile;

Attendu que Malus Marie-Joëlle n'ayant pas interjeté appel, sa demande tendant à voir aggraver la condamnation prononcée à son profit et à celui de son époux est irrecevable qu'il convient de confirmer le jugement entrepris du chef de cette condamnation, la somme allouée de 16 000 F (soit 2 439,18 euros) étant justifiée, tant par le montant des factures acquittées (14 400 F + 240 euros) que par le dédommagement des démarches effectuées;

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement entrepris du chef de la condamnation prononcée au profit des époux Marty, et de condamner en outre R Jean-Maurice à leur payer la somme de 613,99 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel;

Attendu que Sellin Robert n'ayant pas interjeté appel, sa demande tendant à voir aggraver la condamnation prononcée à son profit est irrecevable; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris du chef de cette condamnation, la somme allouée de 10 000 F (soit 1 524,49 euros ) étant justifiée, tant par le montant des factures acquittées (6 272 F + 240 F) que par le dédommagement des démarches effectuées.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de R Jean-Maurice, prévenu, de Pichon Patricia, Sevean Jean-Michel, Franchomme Maud épouse Sevean, Valentin Jean, Courchenaux Yvette épouse Valentin, Julien Liliane, Malus Marie-Joëlle, Marty Léopold et Regourd Cécile épouse Marty, parties civiles, et par arrêt de défaut à l'égard de Gineste André, Malus Yves et Sellin Robert, parties civiles, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Reçoit les appels formés par R Jean-Maurice et par le Ministère public, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de la citation. Au fond, Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré R Jean-Maurice coupable de publicité trompeuse. L'infirme pour le surplus de la prévention et déclare R Jean-Maurice coupable de tromperie. Réformant sur la peine, Condamne R Jean-Maurice à la peine principale de 8 mois d'emprisonnement avec sursis. Le condamne à la peine complémentaire d'interdiction, pour une durée de trois ans, d'exercer l'activité professionnelle de voyagiste, en application de l'article 131-6 (11°) du Code pénal. Ordonne la publication par extraits du présent arrêt, aux frais du condamné, dans les journaux "La Provence" et "Var Matin" et dit que l'espace de chaque encart sera d'un quart de page. Constate qu'en l'absence du condamné, l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal n'a pu lui être donné. Sur l'action civile: Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de Pichon Patricia, des époux Sevean Jean-Michel, des époux Valentin Jean, de Gineste André, des époux Malus Yves, des époux Marty Léopold et de Sellin Robert. L'infirme en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de Julien Liliane et déclare celle-ci irrecevable. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné R Jean-Maurice à payer: - aux époux Sevean Jean-Michel, la somme de 12 000 F (1 829,39 euros) à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F (228,67 euros) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; - à Gineste André la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) à titre de dommages-intérêts; - aux époux Malus Yves, la somme de 16 000 F (2 439,18 euros) à titre de dommages-intérêts; - aux époux Marty Léopold, la somme de 16 000 F (2 439,18 euros) à titre de dommages-intérêts; - à Sellin Robert, la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) à titre de dommages-intérêts. Y ajoutant, Condamne R Jean-Maurice à payer: - aux époux Sevean la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel; - aux époux Marty la somme de 613,99 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel. Réformant sur le surplus, Condamne R Jean-Maurice à payer: - à Pichon Patricia la somme de 1 974,43 euros à titre de dommages-intérêts, outre celles de 228,67 euros et de 305 euros au titre des frais irrépétibles, par elle exposés en première instance et en cause d'appel; - aux époux Valentin la somme de 2 361,44 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 500,52 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel. Condamne R Jean-Maurice aux dépens de l'action civile. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.