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Décisions

CA Agen, ch. corr., 8 octobre 1992, n° 920306

AGEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Khaznadar

Substitut :

général: M. Kubiec

Conseillers :

Mme Dreuilhe, M. Lateve

Avocat :

Me Lagarde.

TGI Cahors, ch. corr., du 29 mars 1991

29 mars 1991

Par jugement du 29 mars 1991, le Tribunal correctionnel de Cahors a relaxé des fins de la poursuite Gérard I, poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles de blocs de foie gras qu'il produisait sous l'appellation "X".

Le parquet a régulièrement interjeté appel de ce jugement par acte du 3 avril 1991.

Cet appel est régulier et recevable.

Les faits:

Il résulte des prélèvements effectués les 31 août 1989 et 25 mai 1990, après analyses non contestées, que les blocs de foie gras produits et commercialisés par le prévenu n'étaient pas conformes en raison de la présence de graisse de saccharose et d'un taux d'humidité trop élevé;

Le tribunal a dit, dans le jugement appelé que le délit n'était pas constitué et a relaxé M. I des fins de la poursuite aux motifs:

- en ce qui concerne l'excès de saccharose, que s'il était certain que le produit n'était pas conforme à la réglementation en vigueur, les normes définies par ce règlement n'étaient pas essentielles et qu'il pouvait apprécier l'importance de l'attribut considéré.

Il a donc estimé que la présence dans le foie gras de 2,5 grammes de sucre ou de 3 grammes par kilogramme au lieu de 2, n'altérait pas le goût, la qualité ou la consistance du produit, ni sa quantité; qu'ainsi le délit de tromperie n'était pas constitué.

En ce qui concerne l'apport de graisse (10,66 % constaté dans la boîte prélevée le 25 mai 1990), il a retenu l'affirmation du prévenu qui nie tout rajout de graisse et affirme qu'il s'agit de graisse exsudée.

En ce qui concerne l'adjonction d'eau, il a déclaré que la preuve d'une intention frauduleuse du prévenu était insuffisamment rapportée en l'absence d'une réglementation précise et compte tenu des normes en cours de discussion.

M. l'Avocat général requiert la réformation de la décision et l'application de la loi pénale au prévenu qui doit être retenu dans les liens de la prévention.

Le prévenu, par sa défense, sollicite pour les motifs retenus par le premier juge la confirmation de la décision appelée et sa relaxe.

Le prévenu a eu la parole le dernier.

Sur quoi:

Attendu que les faits sont constants aux débats; que le prévenu ne conteste pas les résultats des analyses mais ne reconnaît pas le délit de tromperie qui lui est reproché;

Attendu qu'en droit, les préparations à base de foie gras font l'objet d'une décision élaborée par les organismes professionnels, approuvée par les pouvoirs publics et publiée au Journal officiel; qu'il s'agit de la décision n° 83 du 31 octobre 1986, approuvée par arrêté ministériel du 14 avril 1987 et publiée au Journal officiel du 9 juillet 1987.

Attendu que l'article 1er dispose que ces préparations doivent être conformes à un certain nombre de critères et établies à partir de foies gras d'oie ou de canard, éventuellement assaisonnées, épicées, aromatisées ou truffées, sans addition d'autres éléments que ceux spécifiés.

Que l'article 2 ajoute que les dénominations de préparations à base de foie gras doivent, d'après leurs structures et compte-tenu des divers éléments entrant dans leur composition, être conformes aux indications d'un tableau récapitulant les différents types de préparations.

Attendu que ce tableau est subdivisé en quatre parties hiérarchiques en fonction de la quantité minimum de foie gras incorporée et des ingrédients qui peuvent être ajoutés;

Que le bloc de foie gras est défini au tableau 1, qu'il s'agit d'un foie reconstitué par des moyens mécaniques pouvant éventuellement contenir de morceaux de foie gras, d'assaisonnements, éventuellement de truffes et d'additifs autorisés.

Attendu que l'examen de ce texte fait apparaître que tout ce qui n'est pas prévu par cette réglementation est interdit; qu'ainsi l'interprétation du premier juge retenant un pouvoir d'appréciation pour la composition de ces blocs de foie gras est erronée, étant rappelée que cette réglementation a été adoptée par les professionnels eux-mêmes;

Attendu qu'ainsi il convient de considérer les composantes relevées par les analyses, non contestées par le prévenu;

Attendu sur l'apport de graisse que celle-ci peut résulter soit d'un apport volontaire en cours de préparation, soit d'une mauvaise maîtrise de la technique de fabrication;

Attendu qu'il résulte de l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905 qu'une obligation de résultat de conformité pèse sur le fabricant; qu'ainsi, le défaut de surveillance et de maîtrise caractérise l'infraction;

Attendu qu'en l'espèce, la décision 83 du CTCPA ne prévoit pas la présence de graisse exsudée; qu'ainsi celle-ci est interdite sans qu'il soit nécessaire que sa présence résulte d'un acte volontaire, l'omission relevée étant suffisante;

Attendu sur l'adjonction d'eau, que celle-ci est tolérée dans la norme de la CTCPA dans la limite de 5 %;

Attendu que ce taux qui résulte des usages de la profession s'imposait au prévenu qui doit pour les motifs énoncés plus haut, maîtriser sa production sans qu'il soit utile d'examiner plus avant les projets de réforme en cours, la réglementation en vigueur au jour des faits étant seule applicable;

Et attendu que l'apport de sucre n'est toléré dans la norme n° 83 qu'à raison de 2 grammes par kilogramme soit dans une proportion inférieure au sucre révélé par les analyses dans la production du prévenu;

Attendu que cette limite a été fixée pour éviter au produit d'être dénaturé artificiellement ou amélioré en masquant une amertume trop importante par exemple;

Attendu que cette adjonction ne peut résulter que d'un acte positif;

Attendu qu'à cet effet l'utilisation des alcools reconnus par le prévenu devait être maîtrisée pour respecter ce pourcentage de sucre dans le produit;

Attendu que c'est à tort et pour ces motifs que le tribunal a, là aussi, dit que cet apport ne constituait pas un élément de tromperie;

Attendu qu'ainsi la décision déférée doit être réformée et la culpabilité du prévenu retenue pour ce délit qui est bien constitué;

Attendu que la cour a des éléments, compte tenu notamment des faits très particuliers de la cause, de l'importance de cette production artisanale pour toute une région de la personnalité du prévenu, dire que les faits dont s'agit seront justement réprimés par la condamnation de Gérard I à une amende de 10 000 F, la publication de la présente condamnation, participant d'une juste répression devant en outre être ordonnée dans un journal local comme il sera dit ci-dessous;

Et attendu que le prévenu qui succombe doit les dépens;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort; Reçoit l'appel du Ministère public régulier en la forme; le déclare fondé; En conséquence, réformant la décision appelée; Déclare I Gérard, coupable des faits qui lui sont reprochés; En répression et par application des dispositions des articles 1 à 7 de la loi du 1er août 1905; Le condamne à une amende de dix mille francs (10 000 F); Ordonne en outre la publication de la présente décision - par extrait - dans le journal La Dépêche du Midi - Edition du Lot et du Lot et Garonne sans que le coût de ladite publication puisse excéder trois mille francs (3 000 F); Condamne I Gérard aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de mille trois cent soixante-onze francs quatre-vingt-douze centimes (1 371,92 F) en ce non compris le droit de poste et les frais de signification s'il y a lieu; Le tout en application des articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsification en matière de produits ou de services, 496 à 520 du Code de procédure pénale.