CA Pau, ch. corr., 26 novembre 1991, n° 91-520
PAU
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Confédération syndicale des familles
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riboulleau
Substitut :
général: M. Nicod
Conseillers :
MM. d'Uhalt, Masson
Avocats :
Mes Loustau, Duguet.
Statuant sur l'appel interjeté le 26 avril 1991 par le Ministère public d'un jugement contradictoirement rendu le 25 avril 1991 par le Tribunal correctionnel de Bayonne qui a relaxé Dominique L des fins de la poursuite exercée du chef de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Confédération syndicale des familles;
Attendu qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Biarritz, le 30 août 1989:
- trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue sous la dénomination fausse de Perrier,
Infraction prévue et réprimée par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905.
Attendu qu'il résulte de la procédure les faits suivants:
A la suite de la réclamation d'un consommateur qui s'était vu servir un verre d'eau plate, puis d'eau pétillante vendue pour du "Perrier" alors qu'il ne s'agissait que d'eau gazeuse ordinaire, les contrôleurs de la Répression des Fraudes intervenaient, le 30 août 1989, au café X à Biarritz.
Ayant commandé un "Perrier tranche", il leur était servi, pour le prix de 22 F, un verre d'eau pétillante, sans que la bouteille de Perrier soit apportée sur la table, ni décapsulée devant eux.
Le serveur, Jean-Paul Souvestre, indiquait aux contrôleurs que le Perrier était soutiré d'une machine de distribution de boissons, lequel appareil relié par des tuyaux à des fûts comportait une douchette munie de 7 poussoirs désignés par une lettre; pour obtenir du "Perrier" le serveur indiquait qu'il avait appuyé sur la lettre "S".
L'installateur de l'appareil était la société Coca-cola, dont Monsieur Marchand, technicien régulièrement entendu, précisait que cette machine ne pouvait pas distribuer du Perrier, mais seulement les boissons désignées dans un contrat spécifique à savoir:
- Coca-cola (lettre "C")
- Tonic Finley (lettre "T")
- Limonade (lettre "L")
- Eau (Water lettre "W")
- Eau Gazeuse fabriquée avec adjonction de gaz carbonique, ou eau de Seltz (lettre "S").
Le fournisseur des boissons, à savoir la SA "Limonaderies du Sud-Ouest" dont le directeur Lalanne était entendu, précisait qu'il n'avait jamais livré de Perrier en fûts, ce qui était confirmé par le dépouillement des factures.
Attendu que Dominique L, concessionnaire du café X, entendu dès le 30 août au moment du contrôle, a expressément déclaré dans un procès-verbal "comme vient de vous (servir ?) un serveur, nous vendons du Perrier à la pression à nos clients. Nous appuyons sur la lettre S de notre appareil distributeur correspondant à un fût situé en réserve...",
Que, par la suite, il a précisé que le Perrier était toujours servi en bouteille, décapsulée devant le client, et que l'incident ayant donné lieu à procès-verbal était isolé, unique, dû à la négligence du serveur ou à une erreur,
Qu'il a renouvelé ses déclarations à l'audience, produit des attestations de ses salariés affirmant qu'ils servaient toujours le Perrier en bouteille, et des factures révélant que, pour la période incriminée, il avait acheté de grandes quantités de bouteilles d'eau Perrier;
Attendu, cependant, que les déclarations initiales de L, corroborant les dires spontanés du serveur Souvestre, établissent qu'il existait une pratique consistant à servir pour du Perrier une eau gazéifiée soutirée du distributeur, et vendue 22 F le verre; que le même Souvestre, entendu par les gendarmes, a précisé qu'il agissait ainsi sur instructions de son employeur,
Que ce fait n'est pas isolé, mais s'est produit aux moins deux fois (lettre du consommateur pour des faits antérieurs au 25 juillet 1989 et faits du 30 août 1989 dénoncés par les contrôleurs),
Que, contrairement aux affirmations du tribunal, aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que ce comportement est le fait du même serveur Souvestre et lui est imputable à faute,
Que, par contre, les déclarations de L sont révélatrices des pratiques de l'établissement, les justifications données plusieurs mois après et les attestations de serveurs toujours à son service étant inopérantes,
Qu'ainsi la cour, infirmant la décision des premiers juges, estime-t-elle les faits constitués et établit la culpabilité de l'employeur L;
Attendu, quant à la sanction, que la cour condamnera Dominique L à une amende de 20 000 F et ordonnera la publication par extraits du présent arrêt dans les quotidiens Sud-Ouest et La Nouvelle République à concurrence de 4 000 F par insertion aux frais du condamné;
Sur l'action civile
Attendu que La confédération syndicale des familles conclut pour solliciter 20 000 F de dommages et intérêts et 8 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
Qu'elle n'a pas interjeté appel du jugement l'ayant déclarée irrecevable à agir,
Qu'en application de l'article 509 du Code de procédure pénale l'affaire est dévolue à la cour dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant,
Que seul le Ministère public ayant interjeté appel, son appel est sans effet sur les intérêts civils, lesquels ont fait l'objet d'une décision devenue définitive,
Que la cour ne peut examiner les réclamations de la Confédération syndicale des familles;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme; Reçoit le Ministère public en son appel; Au fond, Le dit fondé; Sur l'action publique: Infirmant le jugement déféré; Déclare Dominique L coupable des faits qui lui sont imputés; En répression, le condamne à une amende de 20 000 F; Ordonne la publication par extraits, du présent arrêt, dans les quotidiens Sud-Ouest et La Nouvelle République à concurrence de 4 000 F par insertion aux frais du condamné; Le condamne aux dépens; Sur l'action civile: Constate que le jugement critiqué est définitif quant aux intérêts civils; Fixe la contrainte par corps conformément à la loi; Le tout par application des articles 473 et suivants, 749 du Code de procédure pénale, 1er et 7 de la loi du 1er août 1905.