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Décisions

CA Agen, ch. corr., 23 mars 1995, n° 940446

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Chicheportiche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lateve

Substitut :

général: M. Kubiec

Conseillers :

Mme Girot, M. Treilles

Avocat :

Me Thomas.

TGI Agen, ch. corr., du 7 juill. 1994

7 juillet 1994

Faits de la procédure:

Suivant jugement rendu le 7 juillet 1994, le Tribunal correctionnel d'Agen a condamné Jean-Louis V prévenu de fausse publicité et de tromperie sur la qualité substantielle de la chose vendue, à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant une durée de 3 ans.

Le 12 juillet 1994, agissant au nom et pour le compte de son client, Jean-Louis V, Me Thomas relevait appel général de ce jugement par déclaration au greffe du Tribunal correctionnel de Marmande.

Le même jour, le Ministère public relevait appel incident des seules dispositions pénales de cette décision.

Réguliers tant sur le plan de la forme que des délais, les appels sont recevables.

Le prévenu, cité à domicile, par acte en date du 9 novembre 1994 de Me Busana, huissier de justice à Casteljaloux, l'accusé de réception de la lettre recommandée l'avisant du dépôt de l'acte en mairie étant signé et daté du 14 novembre 1994, est présent, ayant été extrait de la maison d'arrêt de Mont-de-Marsan, assisté de Me Fribourg.

Mme Chicheportiche, non appelante, est présente assistée de Me Nicoulaud.

Renseignements:

Le prévenu a déjà été condamné pour usage de documents administratifs contrefaits.

Faits:

Monsieur Daniel Caujolle, garagiste à Villeneuve-sur-Lot achetait le 2 octobre 1989 un véhicule Peugeot 205 gravement accidenté, immatriculé à l'époque 9418 TH 78 et ayant parcouru 70 426 kilomètres, et après l'avoir réparé le vendait 26 000 F à Jean-Louis V, prix en dessous de l'argus pour ce modèle. Il affirmait n'avoir pas modifié le kilométrage figurant au compteur qui était conforme aux documents qu'il détenait.

Jean-Louis V roulait avec ce véhicule jusqu'au 9 décembre 1990, date où il avait un accident.

Devant un montant de réparations de 23 500 F HTVA pour une valeur avant sinistre de 28150 F HTVA et une valeur résiduelle de 8 000 F HTVA; il préférait conserver son véhicule et percevoir l'indemnité d'assurance.

Il procédait lui-même à des réparations qu'il complétait par des travaux effectués dans d'autres garages pour un montant de 19 000 F.

Il faisait passer une petite annonce présentant ce véhicule comme étant en très bon état, de 1988, ayant un kilométrage de 56 000 kilomètres et le vendait à Madame Chicheportiche le 25 mai 1991 pour un prix de 35 000 F soit 10 000 F au-dessus du prix de l'argus. La nouvelle propriétaire se rendait compte rapidement d'un grave problème au niveau du train avant et faisait expertiser son véhicule qui se révélait être dangereux en raison d'une déformation importante du train avant et donc impropre à son usage.

Monsieur Mallet qui expertisait ce véhicule le 27 septembre 1991 relevait en effet que si la carrosserie avait été refaite à neuf et pouvait donner une apparence de véhicule sain pour un profane, toutes les mesures du soubassement avant étaient non conformes à celles du cahier des charges du véhicule ce qui apportait la preuve d'une déformation prononcée du soubassement avant. Des séquelles de mauvaises réparations récentes étaient de plus visibles et le berceau avait été récupéré, alors qu'il s'agissait d'une pièce maîtresse pour la sécurité. Le compteur kilométrique ne fonctionnait pas et le véhicule avait été transformé en véhicule à 4 places sans repasser à l'inspection des Mines.

Le prévenu prétendait ignorer que le véhicule avait été accidenté avant qu'il ne l'ait acheté, minimisait les réparations qu'il avait faites et affirmait n'avoir pas modifié le kilométrage du compteur. Il se prétendait de bonne foi.

La preuve n'a pas pu être rapportée du moment où le berceau a été changé par une pièce de récupération, mais le deuxième accident ayant également enfoncé toute la partie avant de ce véhicule le prévenu n'a pu apporter la preuve que les réparations non conformes aux règles de l'art aient été effectuées par quelqu'un d'autre que lui. Le véhicule devait avoir environ 75 000 kilomètres au jour de sa vente à Mademoiselle Chicheportiche.

Moyens des parties:

Mademoiselle Chicheportiche sollicite la confirmation de la décision déférée.

Le Ministère public estime les faits établis et requiert confirmation.

Jean-Louis V dit n'avoir pas eu connaissance de l'existence d'un grave accident antérieur, avoir refait le véhicule dans les règles de l'art, alors qu'il a présenté un certificat d'examen technique à Mademoiselle C, et sollicite sa relaxe.

Décision de la cour:

Attendu que le 27 juin 1990, Jean-Louis V a acquis auprès du garage X, vendeur de voitures réparées et remises à neuf, le véhicule Peugeot 205 XAD immatriculé 9418 TH 78, dont la première mise en circulation datait du 26-2-1988, pour un prix de 26 000 F; qu'il avait un accident le 9 décembre 1990 dont les réparations étaient évaluées 23 500 F hors taxes;

Attendu que malgré ses dénégations, Jean-Louis V ne pouvait donc ignorer, en tant que professionnel de l'automobile, lorsqu'il a fait paraître le 17 mai 1991 une annonce présentant ce véhicule comme étant en très bon état pour un prix de 36 000 F, d'une part que le kilométrage réel du véhicule indiqué pour seulement 55 000 kilomètres était très supérieur à ce chiffre, alors qu'il avait eu entre les mains les pièces administratives du véhicule immatriculé 9418 TH 78, puisque le garage X n'avait pas fait immatriculer l'épave à son nom, et que ce véhicule lui avait été vendu en dessous du prix de l'argus, d'autre part que le terme de véhicule TBE ne pouvait s'appliquer à son véhicule car il avait été gravement accidenté et que sa valeur résiduelle avait été évaluée 8 000 F HTVA par un expert qui lui avait remis copie de cette expertise; qu'il a donc bien commis l'infraction de publicité mensongère;

Attendu que pour la même raison, Jean-Louis V a trompé Mademoiselle Chicheportiche en lui vendant ce véhicule 205 XAD gravement accidenté, dont les réparations étaient mal faites et n'avaient pas respecté les règles de l'art, véhicule en définitive impropre à son usage normal par suite d'un grave défaut touchant au train avant; qu'ayant eu le 18 janvier 1991 le rapport du cabinet Lhoumeau, qui avait expertisé son véhicule le 13 décembre 1990 et avait évalué sa valeur avant accident à 28 150 F, d'épave à 8 500 F HTVA et enfin sa remise en état à 23 500 F hors TVA, il a choisi de conserver l'épave et de la réparer lui-même, ce qui est indiqué par ce document; que ce fait réduit à néant sa défense reposant sur le peu de gravité invoqué pour ce deuxième accident dont la réparation chiffrée représentait presque la valeur argus; que les deux accidents ayant touché la partie avant du véhicule, il ne peut prétendre au surplus n'avoir pas vu les réparations déjà mal faites même si la preuve n'est pas rapportée qu'il a lui même installé un berceau de récupération;

Attendu que ce même document d'expertise de Monsieur Lhoumeau apporte au contraire la preuve qu'il n'ignorait pas le prix argus de son véhicule et donc sa connaissance de la tromperie qu'il a commise en le proposant à un prix de 35 000 F, prix d'un véhicule en parfait état et au kilométrage réduit et supérieur de plus de 10 000 F au prix argus;

Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité;

Attendu, sur l'application de la peine, que le prévenu, déjà condamné, n'a effectué aucun effort pour indemniser sa victime depuis le mois de juin 1991 c'est-à-dire dans les jours qui ont suivi la vente; que la décision déférée sera donc confirmée;

Sur les intérêts civils:

Attendu que le prévenu n'invoque aucun motif particulier à l'encontre de sa critique des dispositions civiles de la décision déférée; que celle-ci sera donc intégralement confirmée;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare les appels réguliers et recevables en la forme, Au fond confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales et civiles, Le tout par application des articles 1 et 7 de la loi du premier août 1905, L. 121-1, L. 121-6, L. 213-1 et suivants du Code de la consommation, 131-3 et suivants, 132-40 et suivants du Code pénal et 496 à 520 du Code de procédure pénale.