CA Rouen, ch. corr., 26 mars 1991, n° 691-90
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Denelle, Confédération syndicale des familles
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moulanier
Conseillers :
MM. Brignaschi, Vandeville
Avocat :
Me Malexieux.
Statuant sur les appels régulièrement interjetés en la forme par le prévenu Jacques T et le Ministère Public d'un jugement rendu le 3 mai 1990 par le Tribunal correctionnel de Rouen qui a
1° - Sur l'action publique
- relaxé Jacques T du chef d'avoir à Darnétal, courant 1986 et 1987, trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles de la marchandise en mentionnant sur les factures de vente plusieurs véhicules automobiles "VN" (véhicule neuf), alors qu'il s'agissait de véhicules de démonstration, infraction prévue et réprimée par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905,
- déclaré Jacques T coupable d'avoir à Darnétal, trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles de la marchandise en vendant à Charles Denelle un véhicule ayant subi un grave accident sans en informer le client, infraction prévue et réprimée par les articles cités plus haut,
- condamné Jacques T à la peine d'amende de 5 000 F,
- ordonné aux frais du condamné la publication par extraits de la présente décision dans le journal "Paris Normandie", une fois ;
- dit que le coût de cette publication ne devra pas dépasser la somme de 1 500 F,
2° - Sur l'action civile
- reçu Charles Denelle en sa constitution de partie civile,
- déclaré Jacques T responsable du préjudice subi par Charles Denelle,
- débouté partiellement ce dernier quant à la partie de sa demande qui concerne des réparations relatives à des incidents mécaniques,
- condamné Jacques T à payer à Charles Denelle la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,
- reçu la Confédération syndicale des familles en sa constitution de partie civile
- déclaré Jacques T responsable du préjudice subi par la Confédération syndicale des familles,
- condamné Jacques T à payer à l'Association Confédération syndicale des familles la somme de l 000 F à titre de dommages-intérêts.
Attendu que le prévenu déclare avoir fait appel parce qu'il avait signalé à Charles Denelle le changement d'un passage de roue, mais reconnaît qu'il ne lui avait pas dit que le véhicule avait été gravement accidenté ; que les réparations ne s'étaient élevées qu'à 15 700 F parce qu'il n'avait pas remplacé les pièces qui n'étaient pas à changer ; que depuis août 1990 il n'est plus garagiste, mais sans activité, étant atteint d'une hernie discale requérant des soins intensifs ;
Attendu que par l'organe de son avocat, il sollicite la confirmation de la relaxe partielle ; que pour la prévention relative à la vente d'un véhicule au sieur Denelle, il soutient que cette voiture n'avait pas été gravement accidentée, le passage au marbre n'impliquant pas le contraire, car c'est une opération obligatoire en carrosserie ; qu'il avait prévenu l'acquéreur de la remise en état de la coque ; que le service verbalisateur n'a fait d'investigations ni sur la gravité de l'accident, ni sur la qualité des réparations, alors que l'apparence de neuf que présentait la voiture vendue dénote que le travail était convenable ; que d'ailleurs, selon un arrêt du 4 janvier 1986 de la Cour de cassation (Bull. n° 5), l'absence d'accident antérieur ne constitue pas pour une voiture d'occasion une qualité substantielle lorsque la réparation a été parfaite ; que d'autre part il n'y a pas eu de tromperie, puisque la panne survenue en 1987, qui serait due à une rupture dans le moteur par suite du gel du liquide de refroidissement, était sans rapport avec l'accident et les réparations consécutives ; qu'il doit donc être relaxé si Charles Denelle ne communique pas le rapport d'expertise établi à sa requête ;
Attendu que le Ministère public requiert la confirmation du jugement sur la relaxe pour les premières tromperies et sur la culpabilité pour la dernière ; qu'il estime grave la dissimulation d'un choc frontal faussant la caisse autoporteuse au point de nécessiter un passage au marbre ; que des réparations faites pour 16 000 F alors qu'elles étaient évaluées à 38 000 F ne peuvent avoir été faites dans les règles de l'art ; qu'il demande à la cour de porter l'amende à 15 000 F, compte tenu du bénéfice de Jacques T ;
Attendu que la partie civile sollicite la confirmation du jugement déféré, en maintenant qu'au moment de la vente Jacques T ne lui avait pas précisé que le véhicule avait été accidenté, et ne lui avait parlé ultérieurement que d'un choc de côté ; qu'il explique que l'expert qu'il avait pressenti lui avait dit que le véhicule avait été accidenté, sans que la panne survenue en 1987 ait un rapport avec cette circonstance, et qu'il ne pouvait faire un rapport ;
Attendu que l'Union départementale de la Confédération syndicale des familles, association dépendant statutairement de la Confédération syndicale des familles, partie civile, conclut à la confirmation du jugement sur les peines et sur les dommages-intérêts alloués, en ajoutant qu'elle a traité 5 dossiers concernant Jacques T et qu'elle a du chaque fois pressentir la Direction de la Concurrence, car il ne répondait pas aux lettres ; qu'elle estime qu'un particulier qui revend sa voiture sans signaler un accident étant généralement condamné, il doit en être de même pour un professionnel ;
Attendu qu'aucun élément nouveau n'étant apporté en cause d'appel, les faits restent tels qu'ils ont été exposés, analysés ou qualifiés par les premiers juges en des motifs que la cour adopte ; qu'il convient donc de confirmer cette décision sur la relaxe relative à la vente de 3 voitures de démonstration dont les factures portaient la mention "VN", et sur la culpabilité de Jacques T du chef de tromperie au préjudice de Charles Denelle ;
Attendu, en effet, que le prévenu, qui avait procédé pour le compte du garage X au redressement de la coque et au changement de divers éléments de carrosserie ne pouvait ignorer l'importance du choc ; que les variations de ses explications, alors que dans sa première audition, recueillie par le Service de la Répression des Fraudes, il avait déclaré ne pas savoir s'il avait dit à Charles Denelle si le véhicule avait été accidenté, montrent qu'il avait dissimulé à l'acheteur cet accident lors de la vente ;
Attendu que l'arrêt de la Cour suprême cité par le prévenu n'a pas pour objet d'énoncer un principe intangible, mais seulement de censurer un arrêt insuffisamment motivé ;
Attendu que l'achat d'une voiture d'occasion est toujours une opération aléatoire, notamment parce qu'on ignore si le rodage a été effectué ponctuellement ; que le vendeur a un devoir positif d'information de son client sur tous les éléments de nature à lui permettre une appréciation sérieuse de la qualité d'un tel véhicule ; que l'absence d'accident antérieur constitue indiscutablement l'une des raisons qui déterminent le client à conclure l'achat ; qu'un accident grave doit lui être révélé, afin de lui permettre de décider s'il doit recourir à une expertise, car il est impossible à un profane de vérifier si les réparations ont été faites dans les règles de l'art ;
Attendu que la bonne foi ne saurait être alléguée, car la dissimulation d'un accident antérieur a bien évidemment pour unique objet de priver le contractant d'un argument de marchandage ;
Attendu enfin que la peine principale doit être confirmée comme suffisante, puisque aucun défaut pouvant résulter des pneumatiques et ou des anomalies de réparations mal faites, tel qu'une usure anormale de la tenue de la route ou des organes de direction n'est alléguée ; que la publication de l'arrêt doit être substituée à celle du jugement ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ses dispositions civiles, qui sont entièrement justifiées ;
Par ces motifs, et ceux des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. En la forme, Reçoit les appels. Au fond Confirme le jugement entrepris sur la décision de relaxe concernant la vente de 3 voitures de démonstration, sur la culpabilité de Jacques T du chef de tromperie dans la vente d'une voiture à Charles Denelle, et sur la peine d'amende Ordonne aux frais du condamné la publication par extraits du présent arrêt dans le journal "Paris Normandie" une fois, et dit que le coût de cette publication ne pourra dépasser la somme de 1 500 F. Confirme en toutes ses dispositions civiles le jugement déféré Condamne Jacques T aux dépens. Liquide les frais dus au Trésor à la somme de 522,03 F, en ce compris ceux de première instance et d'appel mais non compris le coût du présent arrêt et ses suites. Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à l'article 750 du Code de procédure pénale.