CA Paris, 1re ch. H, 29 juin 2004, n° ECOC0400296X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des professionnels européens de l'automobile
Défendeur :
Renault (SAS), Le groupement des concessionnaires Renault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
M. Savatier, Mme Penichon
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin, SCP Roblin-Chaix de la Varene
Avocats :
Mes Fourgoux, Associés, Vogel, Bourgeon.
Par lettres des 4 avril, 12 avril et 28 août 1995, le Syndicat des professionnels européens de l'automobile (SPEA) a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution automobile par les constructeurs PSA et Renault ainsi que par leurs concessionnaires, leurs groupements et leur organisation professionnelle le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), qu'il a qualifiées de pratiques anticoncurrentielles au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE, ayant pour effet ou pour objet d'entraver les importations parallèles de véhicules Renault et Peugeot en France au détriment des consommateurs et des mandataires automobiles ainsi que des concessionnaires situés dans les autres Etats membres.
Par décision du 26 mai 2003, le rapporteur général a disjoint cette affaire en trois procédures distinctes, la présente procédure concernant les griefs notifiés le 29 mars 2000 à la société Renault ainsi qu'au Groupement des concessionnaires Renault (GCR) association régie par la loi du 1er juillet 1901, concernant:
- l'octroi d'aides dites " budgets frontières ", de manière spécifique et discriminatoire, aux concessionnaires subissant la concurrence des mandataires et des revendeurs indépendants,
- l'interdiction de tout rabais sur certains modèles (Scenic, Laguna, Twingo),
- la mise sur le marché de séries spéciales pour que ces véhicules ne soient pas réimportés en France.
Par décision n° 03-D-66 du 23 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a dit qu'il n'était pas établi que la société Renault et le GCR aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et celles de l'article 81 du traité CE.
LA COUR,
Vu le recours en réformation enregistré le 27 janvier 2004 par le SPEA contre cette décision, l'exposé des moyens du requérant déposé le 26 février 2004 à l'appui de ce recours, et le mémoire en réponse enregistré le 17 mai 2004, par lesquels le SPEA demande à la cour,
Vu les observations présentées devant le Conseil qui font corps avec les écritures déposées devant la cour, vu les articles L. 464-2 du Code de commerce, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH), de:
- constater que le délai et le déroulement de la procédure a porté atteinte à ses droits,
- constater l'existence de " budgets frontières ", et la mise en place de plans anti-rabais sur certains modèles de véhicules (Scenic, Laguna, Twingo) constituant une politique de prix minimum imposés,
- constater le caractère concerté de l'ensemble de ces pratiques anticoncurrentielles, leur objet et leur effet anticoncurrentiels,
En conséquence,
- réformer la décision n° 03-D-66 du 23 décembre 2003 en toutes ses dispositions,
- dire que ces faits constituent des pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 § 1 du traité CE,
- ordonner la publication de la décision à venir dans trois revues aux frais de Renault et du GCR et dans la limite de 15 000 euros par insertion.
Vu le mémoire et les observations en réponse déposés par la société Renault SAS les 5 avril et 19 mai 2004, demandant à la cour de :
- confirmer la décision rendue par le Conseil,
- constater qu'il n'est pas établi que la société Renault et le GCR aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et celles de l'article 81 du traité CE,
1- sur les budgets frontières, de constater que la mise en place par la société Renault de budgets frontières n'était pas une pratique constitutive d'entente, subsidiairement qu'elle n'a pas eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence,
2- sur les orientations de la société Renault en matière de remises, constater que ces orientations n'étaient pas une pratique constitutive d'entente, subsidiairement que ces orientations n'ont pas eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence,
3- en tout état de cause, condamner le SPEA aux entiers dépens,
Vu le mémoire déposé le 5 avril 2004 par le Groupement des concessionnaires Renault (GCR), priant la cour de:
- confirmer la décision du Conseil de la concurrence,
- constater que les pratiques reprochées au Groupement des concessionnaires Renault relèvent de décisions de politique commerciale unilatérales de la société Renault, non constitutives d'une entente au sens de l'article 81 du traité CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- très subsidiairement, dire que l'objet et l'effet anticoncurrentiels de ces pratiques ne sont pas établis,
- condamner le SPEA aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction pour ces derniers à la SCP Roblin-Chaix de Lavarene et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui des recours,
Vu les observations déposées le 28 avril 2004 par le ministre chargé de l'Economie, concluant au rejet du recours,
Vu les observations du Conseil de la concurrence enregistrées le 27 avril 2004, réfutant les moyens développés par le SPEA sur l'existence d'un accord entre le fabricant et le groupement de ses concessionnaires en ce qui concerne l'interdiction des rabais,
Après avoir, à l'audience publique du 1er juin 2004, entendu les conseils des parties, les observations du ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, et les observations orales du Ministère public concluant au rejet du recours,
Le requérant ayant pu répliquer à l'ensemble des observations présentées lors de l'instruction écrite et à l'audience,
Sur la procédure
Considérant que le SPEA fait valoir au visa des articles L. 464-2 du Code de commerce et 6 de la CESDH que le délai et le déroulement de la procédure ont porté atteinte à ses droits; qu'il incrimine à ce titre tant la durée déraisonnable de cette procédure ouverte en 1995, que la décision de disjonction prise le 29 mai 2003 par le rapporteur général du Conseil de la concurrence, qui aurait eu pour effet de limiter l'examen des comportements en cause - notamment l'effet cumulatif des actions concertées dénoncées par le requérant - et ainsi de "désarticuler" le dossier; qu'il critique enfin le fait que le rapporteur, lors de la séance tenue par le Conseil, n'ait pas suivi dans ses observations orales la position écrite exprimée dans son rapport;
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que la durée de la procédure ait été excessive eu égard à la complexité de l'affaire et aux nécessités de l'enquête, la sanction qui s'attache à la violation par le Conseil de son obligation de se prononcer dans un délai raisonnable au sens de la Convention précitée n'est pas l'annulation de la procédure - qui au demeurant n'est pas sollicitée - mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d'un tel délai;
Considérant, en second lieu, que la disjonction de la saisine initiale du Conseil en trois dossiers distincts concernant respectivement les faits reprochés à chacun des deux constructeurs et à leurs concessionnaires, et ceux concernant le CNPA, prise en application des dispositions de l'article 31 du décret n° 2002-189 du 30 avril 2002, ne constitue pas une décision susceptible de recours par application des articles L. 464-2 et L. 464-8 du Code de commerce, les moyens visant à contester cette répartition de la saisine étant irrecevables ; qu'il est néanmoins relevé que cette disjonction répondait à la demande formée par la société Peugeot elle-même fondée sur des considérations de confidentialité et que cette décision ne fait l'objet d'aucune contestation des autres parties à la procédure;
Qu'aucune atteinte aux principes inscrits à l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentale (CESDH), et spécialement au principe d'impartialité, ne peut être reprochée à cet égard au Conseil dans la conduite de la procédure, le grief de "désarticulation" du dossier reproché au Conseil ne pouvant qu'être rejeté; qu'en effet, le requérant, qui dénonce " un plan global poursuivant un objectif commun conjoint des constructeurs, des concessionnaires, de leur groupement et leur organisation professionnelle le CNPA [à savoir] l'élimination des importateurs parallèles et l'entrave aux réimportations en France des véhicules de marque française ", ne justifie d'aucun élément pouvant étayer l'existence d'une action concertée entre PSA, Renault, les groupements de leurs concessionnaires et le CNPA, et a fortiori celle d'une domination conjointe exercée par les deux constructeurs, l'affirmation d'une part de marché cumulée entre eux représentant 55 % des ventes sur le marché français des véhicules particuliers étant insuffisante à apporter une telle démonstration d'ailleurs absente de la notification de griefs du 29 mars 2000 concernant les pratiques reprochées à l'un et à l'autre des constructeurs;
Que les "interférences" objectives dénoncées par le requérant entre les pratiques des deux constructeurs et du CNPA, desquelles résulterait un effet cumulatif pouvant restreindre de façon sensible la concurrence sur ce marché, ne sont pas davantage étayées, ainsi que le confirme l'analyse ci-après des pratiques reprochées à la société Renault et au GCR, le SPEA n'apportant la preuve ni de ce que ces pratiques reprochées à la société Renault seraient en elles-mêmes restrictives de concurrence, ni de ce que la coexistence sur le marché de pratiques similaires mises en œuvre par les sociétés Renault et Peugeot dans leurs réseaux respectifs de distribution aurait un effet de fermeture sur le marché, étant enfin observé que les menaces de boycott auprès du Républicain Lorrain et du Crédit de l'Est, reprochées au CNPA, ne sont pas de même nature;
Considérant, en troisième lieu, que le fait que le rapporteur n'ait pas repris dans son intervention orale devant le Conseil, l'opinion exprimée dans son rapport, ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, dès lors que les parties ont été en mesure de lui répondre, et qu'il résulte de l'application même du principe du contradictoire que le rapporteur, de même que les parties, peuvent modifier leur appréciation des faits de la cause y compris lors des débats tenus devant le Conseil;
Que ces moyens seront écartés;
Considérant que la société Renault demande pour sa part que soient rejetées des débats les pièces communiquées le 28 mai 2004 par le SPEA, qui sont sans rapport avec la présente procédure;
Qu'il y a lieu de faire droit à cette demande, les pièces en cause, constituées par une communication de griefs du 29 avril 2004 à la société Peugeot par la Commission européenne et par la lettre de notification de la Commission du 19 mai 2004, étant étrangères à la procédure;
Sur le fond
Considérant que sans plus incriminer devant la cour la mise sur le marché par la société Renault de séries spéciales ne pouvant être réimportées en France, le SPEA dénonce, au visa des règlements d'exemption par catégorie (REC) pris en application de l'article 81 paragraphe 3 du traité CE dans le secteur automobile, le premier n° 123-85 (CEE) du 12 décembre 1984 abrogé par le REC n° 1475-95 du 28 juin 1995 lui-même abrogé par le REC n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 entré en vigueur le 1er octobre 2003, les pratiques concertées mises en œuvre par le constructeur et par le GCR concernant, d'une part, l'octroi d'aides dites " budgets frontières ", de manière spécifique et discriminatoire, aux concessionnaires subissant la concurrence des mandataires et des revendeurs indépendants, dans les zones frontalières et, d'autre part, l'interdiction de tout rabais sur les modèles Scenic, Laguna et Twingo ; qu'il estime que ces pratiques ont porté atteinte à la concurrence entre les concessionnaires ainsi qu'entre les concessionnaires et les mandataires et ainsi consolidé un cloisonnement de caractère national entravant l'interpénétration voulue par le traité;
Considérant que ces pratiques étant susceptibles d'affecter le marché intracommunautaire de la distribution de véhicules automobiles auprès des particuliers, il convient de rechercher si elles entrent dans les prévisions tant des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce que de celles de l'article 81 du traité CE, les interdisant lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun;
Qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du règlement 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 abrogeant le règlement 17-62 du Conseil et entré en application le 1er mai 2004, que l'application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l'interdiction d'accords ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres mais qui n'ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81 paragraphe 1 du traité, ou qui sont couverts par un règlement d'exemption pris en application du paragraphe 3 du même article;
Que selon l'article 29 alinéa 2 du même règlement, lorsque dans un cas déterminé, des pratiques concertées auxquelles s'applique un règlement d'exemption par catégorie de la Commission produisent des effets incompatibles avec l'article 81 paragraphe 3 du traité sur le territoire d'un Etat membre ou sur une partie de ce territoire qui présente toutes les caractéristiques d'un marché géographique distinct, l'autorité de concurrence de cet Etat membre peut retirer le bénéfice de l'application du règlement d'exemption par catégorie en cause sur ce territoire ;
Sur les "budgets frontières "
Considérant que le SPEA fait valoir, en premier lieu, que les aides financières instituées à partir de 1991 et jusqu'en 1997 par le constructeur pour soutenir les concessionnaires installés dans les régions frontalières, qui se sont élevées entre 1994 et 1997 à 35 millions d'euros, avaient par leur nature un caractère anticoncurrentiel dès lors qu'elles avaient pour objet de lutter contre les importations parallèles imputables aux intermédiaires mandataires de consommateurs finaux, ainsi que contre les écarts entre les prix pratiqués par ces intermédiaires et par les concessionnaires, comme l'ont confirmé les représentants de la société Renault lors de l'enquête;
Qu'il ajoute que les modalités discriminatoires de calcul de ces aides, accordées au cas par cas en fonction de l'offre alternative concurrente, renforçaient leurs effets anticoncurrentiels sur le marché tant français qu'intracommunautaire, le constructeur ayant ainsi faussé de manière artificielle la concurrence par les prix entre les concessionnaires et les mandataires et entretenu une opacité tarifaire qui lui permettait de maintenir au détriment des utilisateurs finaux des prix élevés sauf sur les zones de marché concurrencées par les mandataires, au lieu de baisser ses prix de vente pour l'ensemble du territoire français et ce alors qu'il disposait d'autres moyens tels que les conditions d'approvisionnement et les services, pour protéger son réseau;
Considérant qu'il est constant que ces aides financières consenties par le constructeur sous forme d'une prime à la vente de chaque véhicule intitulée " Budget d'Action Commerciale (BAC) et d'une " prime d'objectif commercial (POC) " versée aux meilleurs vendeurs, ont été effectivement mises en œuvre pendant la période visée par la notification de griefs;
Que le GCR, association régie par la loi du 1er juillet 1901, ne peut contester avoir donné son accord à ces pratiques, alors qu'il représentait la collectivité des concessionnaires Renault auprès du constructeur, et qu'elles répondaient aux demandes renouvelées des membres du réseau ainsi que le confirment, notamment, la note d'information du 29 mai 1995 par laquelle le GCR faisait part au réseau de ses démarches auprès du constructeur pour l'alerter sur la gravité pour les concessionnaires de la situation résultant des importations parallèles, la tenue d'une réunion courant mai 1995 avec la direction de Renault consacrée à ce sujet, et la circulaire du 11 septembre 1996 de la direction commerciale France du constructeur adressée aux directeurs régionaux et leur faisant part de l'accord du GCR sur le BAC mis en place par le constructeur à l'occasion du lancement de la nouvelle Scenic;
Mais considérant que l'objet ou l'effet anticoncurrentiel de ces pratiques n'est pas établi;
Considérant en effet, que le versement par un constructeur d'aides commerciales spécifiques à ses concessionnaires afin de soutenir ses réseaux, de développer ses ventes ou d'éviter leur chute ne constitue pas, en soi, une pratique illicite, dès lors que leurs conditions d'octroi ne sont pas en elles-mêmes critiquables ;qu'il est justifié des difficultés rencontrées par les concessionnaires Renault situés notamment en zone frontalière dont l'activité s'est trouvée affectée, de manière sensible, par le développement d'importations parallèles que favorisaient les écarts de prix constatés dans les Etats membres et les fluctuations des monnaies européennes pendant la période considérée, circonstances non démenties par le requérant ;
Que contrairement à l'argumentation développée par ce dernier, les pratiques reprochées à la société Renault et au GCR n'entrent pas dans les prévisions des cas d'exclusion mentionnés dans les règlements d'exemption précités et spécialement à l'article 6 alinéas 7 et 8 du REC n° 1475-95, dès lors qu'il n'est démontré:
- ni que le constructeur ou ses concessionnaires auraient restreint directement ou indirectement la liberté des utilisateurs finaux, des intermédiaires mandatés ou des distributeurs de s'approvisionner auprès d'une entreprise du réseau de leur choix à l'intérieur du Marché commun en produits contractuels ou en produits correspondants, dès lors que les distributeurs, concessionnaires ou mandataires, notamment étrangers, sont restés libres d'approvisionner la clientèle nationale, et que ces aides dont le montant moyen était en 1997 de 4 550 F par affaire soit une remise de 8 % environ pour un prix de vente moyen de 55 000 F pour un véhicule Twingo et de 4,5 % pour un véhicule de 100 000 F, étaient loin de compenser les écarts de prix de 20 % à 30 % annoncés par les mandataires pour les mêmes produits,le requérant n'ayant au reste nullement avancé l'hypothèse de prix prédateurs pratiqués par le réseau avec le soutien du constructeur,
- ni que la société Renault, sans raison objectivement justifiée, aurait octroyé aux concessionnaires des rémunérations calculées en fonction du lieu de destination des véhicules automobiles revendus ou du domicile de l'acheteur, ces aides étant attribuées dès lors qu'un client, quel que soit son lieu de résidence, faisait état d'une proposition tarifaire inférieure émanant d'un concessionnaire étranger, d'un mandataire ou d'un revendeur hors réseau,
Que ces pratiques ne peuvent davantage être critiquées au regard de l'article 8 alinéa 3 du même règlement qui prévoit le retrait du bénéfice d'un règlement d'exemption, notamment, lorsque le constructeur applique sans justifications objectives des prix ou des conditions de ventes discriminatoires, les conditions d'octroi de ces aides consenties aux concessionnaires Renault en concurrence avec les mandataires ou les distributeurs hors réseau, quelque soit le lieu de résidence du client, n'ayant aucun caractère discriminatoire;
Qu'enfin il n'est pas établi que les pratiques en cause, qui étaient ainsi couvertes par les règlements d'exemption n° 123-85 et n° 1475-95 précités aient produit des effets incompatibles avec l'article 81 paragraphe 3 du traité sur le territoire d'un Etat membre; qu'il y a lieu de relever à cet égard que loin de conduire à un cloisonnement du marché et d'éliminer certains de ses acteurs, ces pratiques ont au contraire stimulé la concurrence entre les membres des réseaux de distribution et les distributeurs hors réseaux -mandataires et revendeurs-, maintenu la densité du réseau de distribution et la qualité des services offerts, et conduit à des baisses significatives du prix des produits dont ont bénéficié les utilisateurs finaux, sans pour autant évincer de leurs parts de marché les distributeurs hors réseaux dont la liberté commerciale n'était nullement restreinte;que ces effets sont au demeurant attestés par le requérant, qui observe dans ses écritures que "le volume des aides a augmenté [alors que le volume des véhicules réimportés demeurait quasiment identique], contribuant à réduire d'autant l'écart de prix et donc à rendre moins attractives les offres des mandataires et à diminuer leur part de marché";
Sur l'interdiction de rabais concernant les modèles Scenic, Laguna et Twingo
Considérant que le SPEA critique, en second lieu, la mise en place de plans anti-rabais sur certains modèles de véhicules (Scenic, Laguna, Twingo) qui constituerait une pratique de prix minimum imposés par le constructeur, interdite par l'article 6 alinéa 6 du règlement d'exemption n° 1475-95 ; qu'il se fonde sur la circulaire du 11 septembre 1996 de la direction commerciale France du constructeur faisant état de l'accord donné par le GCR à un prix de lancement de la Scenic à 99 700 F alors que son "prix officiel est de 103 900 F ", ce document ajoutant qu'il " n'est pas question d'accorder de remise supplémentaire ", demandant de "faire passer le message verbalement aux affaires " et annonçant " un contrôle par client mystère afin d'être certains que tout le monde respecte bien cette règle";
Qu'il est constant que les plans anti-rabais ont été mis en place,pour les Scenic à la suite de la circulaire précitée à partir de septembre 1996 et jusqu'en janvier 1997, pour les Twingo du 29 avril 1993 et jusqu'en janvier 1994 en application d'une note du constructeur du 30 avril 1993, de même que les Laguna ainsi que le confirme une note du constructeur du 30 décembre 1996;
Considérant toutefois que si la circulaire du 11 septembre 1996 relative au prix de la Scenic, et elle seule, mentionne l'accord du GCR à " l'opération prix de lancement (...) obtenue par la mise en place d'un BAC de 4 200 F (...)", " la règle " d'exclusion de toute remise supplémentaire, énoncée à deux reprises dans ce document diffusé aux directions régionales par la direction commerciale France de la société Renault sous la seule signature de son responsable, ne peut constituer en elle-même une stipulation exprimant la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément à ses termes;
Que dès lors la preuve de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord au sens de l'article 81 paragraphe 1 du traité, c'est-à-dire la concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en œuvre d'une politique, doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de la manière dont s'est manifestée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord;
Que force est de relever, au cas d'espèce, que l'adhésion des concessionnaires aux plans anti-rabais définis par le constructeur dans les documents précités n'est nullement établie, les pièces versées aux débats -notamment le tableau récapitulatif des factures établies par les intéressés pendant les périodes couvertes par les notes incriminées, qui atteste des remises accordées par certains concessionnaires, ainsi que d'un différentiel de prix avant remise allant jusqu'à 10 % - établissant au contraire la liberté laissée aux concessionnaires dans la fixation des prix de revente et la diversité de leurs pratiques tarifaires, comme l'absence d'une surveillance effective et de sanctions mises en œuvre par le constructeur;
Considérant, enfin, qu'il ne peut être reproché à la société Renault d'avoir cherché à mettre en place, unilatéralement, de telles orientations, dès lors que le constructeur, qui détenait entre 27 et 30 % du marché au cours de la période considérée, ne se trouvait pas en position de domination sur ce marché;
Que dès lors, aucun des griefs formés par le requérant n'étant établi, le recours déposé contre la décision du Conseil ne peut qu'être rejeté;
Considérant que les avoués ne peuvent obtenir le bénéfice de la distraction des dépens que dans les matières où leur ministère est obligatoire; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande présentée sur le fondement de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile par la SCP Chaix de Lavarene sera rejetée;
Par ces motifs : Ecarte des débats les pièces communiquées le 28 mai 2004 par le SPEA, soit une communication de griefs de la Commission européenne du 29 avril 2004 et une lettre de notification de la Commission européenne du 19 mai 2004, adressées à la société Peugeot, Rejette le recours, Condamne le SPEA aux dépens.