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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 21 mai 1993, n° 6938-92

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Da Cruz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin, Avocat général : M. Blachin

Avocat :

Me Dalle.

TGI Paris, 11e ch., du 1er juill. 1992

1 juillet 1992

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,

Etant toute fois, précisé que les faits ont été commis courant août 1988,

Appels :

Appel de cette décision a été interjeté par :

1°) A Henri, le 8 juillet 1992,

2°) Le Ministère public, le même jour,

Décision:

Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi;

Henri A a été poursuivi devant le Tribunal de Paris (11e chambre) sous la double prévention d'avoir à Paris, courant août 1988;

1°) Effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles de la chose et les engagements pris par l'annonceur en faisant paraître une annonce n° 652.857 dans le journal La Centrale des particuliers en indiquant faussement qu'un véhicule Super 5 GT Turbo avait parcouru 28 000 kms et n'avait jamais été accidenté, délit prévu et réprimé par les articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905.

2°) Trompé le contractant sur les qualités substantielles d'un véhicule automobile en vendant un véhicule Renault 5 GT Turbo à M. José Da Cruz et en lui indiquant que le véhicule avait parcouru 28 000 kms alors qu'il s'agissait d'au moins 65 801 kms et qu'il n'avait jamais été accidenté, délit prévu et réprimé par les articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905.

Par jugement en date du 23 janvier 1991, le tribunal, statuant par défaut à l'égard du prévenu, a déclaré Henri A coupable de publicité mensongère et de tromperie sur les qualités d'une marchandise "en vendant, sans le préciser, un véhicule gravement accidenté après avoir fait paraître une annonce laissant croire à un kilométrage parcouru inférieur de plus de la moitié à la réalité" et l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement et 50 000 F d'amende ainsi qu'à payer à José Da Cruz, partie civile, la somme de 60 052,39 F.

Statuant sur l'opposition régulièrement formée par le prévenu à l'exécution de ce jugement, le tribunal, par jugement en date du 1er juillet 1992, a mis à néant le précédent jugement et, statuant à nouveau, a déclaré Henri A coupable de publicité mensongère et de tromperie sur la qualité substantielle d'un véhicule vendu et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation de se soumettre aux dispositions de l'article R. 58-1°, 3° et 6° du Code de procédure pénale, et à 5 000 F d'amende ainsi qu'à verser à José Da Cruz, partie civile, la somme de 40 000 F.

Appel de cette seconde décision a été régulièrement interjeté par le prévenu, qui a fait porter son recours sur les dispositions tant pénales que civiles du jugement, et par le Ministère public.

Assisté de son conseil, Henri A demande à la cour, par voie de conclusions, de:

- "(le) recevoir en ses écritures et les dire bien fondées",

- "y faisant droit, (le) renvoyer des fins de la poursuite sans peine ni dépens".

- "constater, au besoin dire et juger, qu'(il) n'est pas l'auteur de l'annonce parue à La Centrale des particuliers"

- "le relaxer en conséquence et en tout état de cause du chef de la prévention"

- "constater que M. Da Cruz a aliéné le véhicule litigieux 5 jours avant l'audience tenue le 17 juin 1992 par le Tribunal de Paris",

- "en tirer toutes conséquences de droit et notamment le débouter de sa constitution de partie civile",

- "ordonner en tant que de besoin la comparution de M. Amah A, demeurant chez N. T, <adresse>, à Antony",

- "très subsidiairement, donner acte (au concluant) de ce qu'il offre de payer à M. Da Cruz la somme de 10 000 F pour solde de tout compte, M. Da Cruz ayant aliéné le véhicule (dont on ne peut plus apprécier ni la valeur ni l'état antérieur) dans des conditions particulièrement sujettes à caution".

A l'appui de son recours, Henri A fait valoir:

- que c'est son cousin Narcisse A Amah qui a fait paraître l'annonce en cause dans le journal La Centrale des particuliers;

- que lui-même n'est pour rien dans la minoration du kilométrage du véhicule et qu'il n'a, quant à lui, nullement dissimulé à José Da Cruz que le véhicule avait été accidenté.

Quant à José Da Cruz, il se borne à solliciter la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions civiles, affirmant, notamment, que Henri A lui avait caché l'accident que le véhicule avait subi.

Sur l'action publique:

Considérant que, dans le numéro 969 du journal La Centrale des particuliers du 25 août 1988, paraissait une annonce n° 652.857 rédigée en ces termes: "43 500 F super 5 GT Turbo - Avril 1986 - blanc - 28 000 kms - Ahite 42.06.12.99";

Que, le 29 août 1988, José Da Cruz, qui avait fait le déplacement de Clermont-Ferrand à Paris, achetait ce véhicule Renault pour 40 500 F à Henri A qui en était propriétaire et au nom de qui le certificat d'immatriculation était établi; que, dès le lendemain, il l'utilisait pour partir au Portugal; qu'ayant constaté des anomalies au moteur il faisait effectuer quelques réparations, ce même jour, à son passage à Bordeaux, au garage Gallieni, pour un montant de 2 228 F;

Qu'à son retour en France, un contrôle technique réalisé à la station de contrôle CSCA - Auvergne à Aubière (63), le 20 septembre 1988, révélait que le parallélisme avant était hors tolérance, que les têtes de paliers amortisseurs présentaient du jeu et qu'il existait des traces de choc par dessous sur le berceau moteur;

Que, José Da Cruz ayant porté plainte, le 31 janvier 1989, pour tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue, l'enquête de police établissait que ce véhicule, dont la première mise en circulation datait du 17 avril 1986, avait été accidenté le 29 juin 1987 alors qu'il avait parcouru 65 801 kms et vendu à Henri A, le 8 février 1988, pour 15 000 F, après qu'il eut été cédé par son précédent propriétaire, la société Parc Location, à la société Sport Autodrome; qu'il fut alors réparé et soumis ensuite au contrôle de Jacques Belmont, expert automobile, qui, le 31 mai 1988, délivrait une attestation aux termes de laquelle le véhicule était conforme aux normes du constructeur;

Considérant qu'il résulte de la procédure et des débats que la démarche auprès du Club Des Particuliers en vue de la publication dans le journal La Centrale des particuliers d'une annonce concernant la vente du véhicule en cause a été effectuée par Narcisse A Amah, cousin du prévenu; que c'est donc ce dernier, et non Henri A, qui, faussement, a certifié sur l'honneur que le véhicule n'avait jamais été accidenté et que son kilométrage réel était bien de 28 000 kilomètres, tel qu'il était inscrit au compteur; que la signature figurant sur le certificat n'est, en effet, manifestement pas celle du prévenu; que, par ailleurs, il n'est pas établi qu'en donnant ces garanties, Narcisse A Amah ait agi sur les instructions d'Henri A;

Qu'il convient, en conséquence, en infirmant sur ce point le jugement attaqué, de relaxer Henri A du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur;

Considérant, par ailleurs, que José Da Cruz et Henri A sont contraires en leurs déclarations quant à l'information qui aurait été donnée au premier par le second que le véhicule avait été accidenté un an auparavant; que le doute sur ce point doit bénéficier au prévenu;

Mais considérant que n'apparaît en rien vraisemblable que Henri A ait ignoré, comme il le soutient, que Narcisse A Amah avait modifié le compteur kilométrique, postérieurement au contrôle effectué par Jacques Belmont, pour le ramener à 28 000 kilomètres, kilométrage dont il n'est pas discuté que c'est bien celui qui figurait au compteur lors de la vente à José Da Cruz; que les explications fournies à ce sujet par Henri A, qui se contente de faire porter sur son cousin toute la responsabilité de la tromperie, ne sont nullement convaincantes; qu'il ne pouvait, en effet, en aucun cas ignorer que ce même véhicule qu'il avait acheté avec 65 801 kms au compteur était revendu par lui avec un kilométrage ramené à 28 000;

Que, Henri A ayant participé à la transaction avec son cousin Narcisse A Amah, dont l'audition par la Cour n'apparaît pas nécessaire, et son intention de tromper l'acquéreur étant manifeste, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue;

Que, toutefois, il échet de lui faire une application différente de la loi pénale, des circonstances atténuantes existant en la cause;

Sur l'action civile:

Considérant qu'il est constant que José Da Cruz s'est rendu au Portugal avec le véhicule qu'il avait acheté 40 500 F à Henri A le 29 août 1988 et en est revenu au volant de ce même véhicule; qu'il l'a revendu 10 000 F début 1992;

Que la cour puise dans les circonstances de l'espèce les éléments suffisants pour fixer à 15 000 F le montant total du préjudice résultant directement pour José Da Cruz des agissements délictueux d'Henri A, toutes causes en étant confondues;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Réformant le jugement attaqué, Relaxe Henri A du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur. Le déclare coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue. Le condamne à deux mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant dix huit mois, obligation lui étant spécialement imposée de justifier qu'il acquitte, en fonction de ses facultés contributives, les sommes dues à la victime ou à ses représentants légaux ou ayants droit. Le condamne à payer à Jasé Da Cruz, partie civile, la somme de quinze mille (15 000) francs à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues. Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 463 du Code pénal, 512, 738, R. 58-6° du Code de procédure pénale.