CA Lyon, 7e ch. corr., 5 juin 1991, n° 367
LYON
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie, Union des maisons de vin du Beaujolais et du Maçonnais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman
Conseillers :
MM. Poudensan, Gouverneur
Avoué :
Mes Dutrievoz
Avocats :
Mes Imbach, Bertin, Pinet.
Statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre de François X des chefs d'avoir ;
- à Saint Etienne des Oullières (69) du 20 octobre 1982 au 10 octobre 1984, trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue en vendant et facturant à Emery, Delorme, Denis, Dacosta, Croix, Bersot, Possy, Berry, Wiart, Negrier SA, Lemaitre, Nion, des vins des différents pays de la Communauté européenne alors qu'ils avaient commandé des vins sous l'appellation d'origine contrôlée Morgon, Moulin à vent ou Beaujolais pour un total de 2 099 cubitainers en Morgon, 38 en Moulin à vent et 11 en Beaujolais (infraction prévue et réprimée par les articles 44-I, 44-II al. 9, 44-II al. 3 et 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et l'article 1er de la loi du 1er août 1905) ;
- à Saint Etienne des Oullières (69) courant 1982, 1983, 1984, 1985 et 1986 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, prix et conditions de ventes de biens ou de services, en l'espèce en apposant sur les cubitainers de vin vendu la mention "MDPCE" non prévue par la réglementation et susceptible d'être traduite par "Morgon Desclasse par la Communauté européenne" (infraction prévue et réprimée par les articles 44-1, 44-II al. 9, 44-II al. 3 et 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et l'article 1 de la loi du 1er août 1905) ;
* A :
Déclaré X coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles du vin vendu,
L'a relaxé du chef de publicité mensongère,
Et par application des articles susvisés, l'a condamné à :
Six mois d'emprisonnement avec sursis, cent mille francs d'amende,
A ordonné la publication par extraits des motifs et du dispositif du jugement dans "Le Progrès", "Le Patriote Beaujolais" et "France-Soir", le coût des deux premières insertions ne devant pas excéder 5 000 F et celui de la dernière 8 000 F ;
Le même jugement a condamné le prévenu aux dépens, et a fixé la durée de la contrainte par corps conformément à la loi.
Sur l'action civile : Le tribunal a condamné X à payer à l'INAO 70 000 F à titre de dommages-intérêts et à l'Union des maisons du vin du Beaujolais et du Mâconnais un francs à titre de dommages-intérêts, et 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. A condamné le prévenu aux dépens.
Faits.
A partir de décembre 1983 le service départemental du Rhône de la Répression des Fraudes était alerté sur la vente d'importantes quantités de vins de table sous de fausses appellations d'origine par les Etablissements X à Saint Etienne les Oullières (Rhône). Cette pratique était en particulier dénoncée
- par le Service de la Répression des Fraudes de la Haute-Saône, qui indiquait que X était le fournisseur d'un certain Marcel G, domicilié à Plombières, poursuivi avec son épouse devant le Tribunal correctionnel de Dijon;
- par le Syndicat viticole de Morgon, qui signalait que le Comité d'action sociale du personnel de la ville d'Auxerre proposait à ses adhérents sous l'appellation d'origine Morgon du vin provenant de la société X, vendu en cubitainers de 32 litres, à un prix inférieur de moitié au vin d'appellation Beaujolais (259 F en 1983, 275 F en 1984, soit 8,09 et 8,60 F le litre au lieu de 516 F pour le Beaujolais Villages en 1983 et 550 F pour le Beaujolais en 1984).
Le 26 octobre 1984, à l'occasion de la livraison des commandes groupées faites par le Comité d'action sociale de la ville d'Auxerre, il était constaté que le vin commandé par les adhérents sous l'appellation Morgon était livré accompagné de factures groupées de la SA Vins X indiquant simplement "Vin de table rouge 13°", avec un astérisque renvoyant à une mention imprimée "mélange de vin (au singulier!) de différents pays de la Communauté européenne". En revanche les cubitainers relatifs aux commandes de Beaujolais étaient normalement facturées "Vin rouge Beaujolais".
Raymond Lesourd, vice-président du Comité d'action sociale, déclarait le 30 octobre 1984 que ce type d'achat existait depuis trois ou quatre ans et que les adhérents avaient toujours été persuadés de recevoir du Morgon déclassé, sans pouvoir préciser la cause et l'origine de cette conviction erronée. Cependant les adhérents n'avaient pas connaissance des factures, adressées au seul Comité d'action sociale.
L'étiquetage des cubitainers livrés, au lieu de comporter les mentions "Vin de table" et "Mélange de vins de différents pays de la Communauté européenne" portait uniquement les initiales "MDPCE", que les acheteurs interprétaient, selon les indications fournies verbalement par un représentant du Syndicat des vins de Morgon, comme signifiant "Morgon déclassé par la Communauté européenne".
François X avait déjà été mis en garde au sujet de ces initiales fallacieuses par le Service de la Répression des Fraudes le 7 décembre 1982. Il avait alors commandé à la société Y SA le 17 janvier 1983 un tampon "Mélange de vin de différents pays de la Communauté européenne mais avait continué à employer l'ancien tampon "MDPCE", commandé le 16 août 1982.
Il était constaté lors de l'intervention du service de la Répression des Fraudes aux Etablissements X à Saint Etienne les Oullières les 26 octobre 1984 et jours suivants et lors des vérifications poursuivies en 1987 que ces Etablissements - divisés en fait en deux sociétés anonymes dont François X était le président directeur général la SA X ayant pour objet le négoce des vins en gros et leur conditionnement et la SA Vins X ayant pour activité la vente au détail - vendaient essentiellement des vins de table, qui représentaient en volume 96 à 97 % des ventes et résultaient en général d'assemblages de vins italiens de forts degrés avec un peu de vins français plus légers, et très accessoirement (3 à 4 % en volume) des vins d'appellation d'origine contrôlée.
Les vins de table les plus vendus portaient des désignations en degrés (13°, 13°5 etc), souvent accompagnées de marques dont les plus fréquentes étaient Descombetrois, Descombecinq et Descombehuit.
A l'intérieur des chais les fonctionnaires de la Répression des Fraudes remarquaient certaines anomalies faisant présumer que les vins d'appellation d'origine contrôlée n'étaient pas normalement individualisés et faisaient l'objet, tout comme les vins de table, d'assemblages difficilement vérifiables.
Ils notaient que les cuves ne portaient la désignation de leur contenu ni en clair, ni sous forme codée, contrairement à l'article 40 § 3 du règlement CEE 355-79, mais seulement des numéros dont seul le prévenu connaissait la signification.
Le président directeur général ayant fait une chute au cours de l'inventaire, les fonctionnaires poursuivaient leurs investigations en présence du directeur salarié, Raymond L, qui leur remettait un certain nombre de documents, notamment des factures et commandes, et procédaient en sa présence à l'audition d'une employée, Danielle Maurin, chargée de l'embouteillage et de l'étiquetage. Cette personne leur déclarait qu'elle mettait en bouteilles les vins par cinq ou six palettes de 500 ou 520 bouteilles chacune, avec des numéros 3, 5, 7, 8 et 10, et qu'elle posait les étiquettes au fur et à mesure des besoins, en fonction du numéro et de l'ordre d'étiquetage donné par X. Elle précisait que :
- le numéro 3 encore appelé Descombetrois, pouvait correspondre à du vin de table, de l'AOC Fleurie, de l'AOC Moulin à Vent ou de l'AOC Bourgogne rouge ;
- le numéro 5 pouvait correspondre à de l'AOC Côtes du Rhône, de l'AOC Châteauneuf du Pape ou de l'AOC Gigondas ;
- le numéro 7 pouvait correspondre à de l'AOC Beaujolais ou de l'AOC Beaujolais-Villages ;
- le numéro 8, encore appelé Descombehuit, pouvait correspondre à du vin de table dit "léger - 13°5 ", de l'AOC Chiroubles, de l'AOC Morgon, de l'AOC Saint-Amour, de l'AOC Brouilly, de l'AOC Côtes de Brouilly ou de l'AOC Mâcon rouge supérieur ;
- le numéro 10 pouvait correspondre à de l'AOC Bordeaux supérieur ou de l'AOC Gaillac.
Madame Maurin spécifiait qu'il lui arrivait, selon les indications de X, d'étiqueter sur les mêmes palettes portant le même numéro plusieurs séries de bouteilles avec des appellations différentes. Cependant elle refusait de signer le procès-verbal en déclarant "Je suis là en tant qu'employée et j'exécute les ordres du patron". Raymond L, loin de contester les déclarations de Madame Maurin sur le processus d'étiquetage, précisait "Elle travaille sous le contrôle et la responsabilité de Monsieur X ; c'est lui qui lui désigne les bouteilles à étiqueter". Et il signait sa propre déclaration.
Afin de recouper le témoignage de Madame Maurin les enquêteurs procédaient alors à 40 prélèvements de vins en vrac, en bouteilles étiquetées ou en bouteilles non étiquetées, dont l'analyse était confiée au laboratoire interrégional de Montpellier.
Le directeur central de ce laboratoire concluait son rapport regroupant les résultats des analyses en constatant une similitude voire une identité des résultats analytiques concernant des vins de dénominations différentes.
C'est ainsi que notamment :
- le vin rouge numéro 3 prélevé en tiré-bouché, l'AOC Fleurie, l'AOC Moulin à Vent, l'AOC Bourgogne rouge, le vin de table Florent X 14°5 présentaient des résultats analytiques identiques ;
- le vin rouge numéro 7 prélevé en tiré-bouché, et l'AOC Beaujolais-Village présentaient les mêmes résultats analytiques, et le vin de table numéro 7 prélevé sur cuve s'en rapprochait fortement ;
- le vin rouge numéro 8 prélevé en tiré-bouché, l'AOC Morgon, l'AOC Côtes de Brouilly, l'AOC Mâcon rouge, l'AOC Chiroubles et le vin rouge numéro 8 prélevé sur cuve présentaient les mêmes résultats analytiques.
Les enquêteurs saisissaient aux Etablissements X 25 factures de clients, avec les commandes correspondantes, dont l'examen révélait dans de nombreux cas que les clients commandaient des vins d'appellation d'origine contrôlée (parfois avec la mention 'déclassé") et se voyaient livrer et facturer de simples vins de table.
Entendu à ce sujet le 31 juillet 1986, François X déclarait qu'il était lui-même surpris par de telles commandes et qu'il faisait téléphoner aux clients pour préciser qu'il ne s'agissait en aucun cas de vins d'appellation contrôlée, ni de déclassés, ni de surproduction. Il n'expliquait pas le fait que les commandes en question provenaient de localités très nombreuses et très dispersées.
Des enquêtes complémentaires effectuées par les services départementaux de la Répression des Fraudes établissaient que dans diverses régions de France des négociants en vins, des collectivités ou des particuliers procédant à des groupements de commande distribuaient sous le nom de Morgon ou sous d'autres appellations d'origine contrôlées des vins de table provenant des Etablissements X, certains particuliers disposant même de lots d'étiquettes d'appellations à apposer lors de la mise de ces vins en bouteille. Cependant, à l'exception de la déposition de Camille Dumont, négociant à Longecourt en Plaine (Côte d'Or), qui expliquait que son fournisseur lui avait indiqué que les vins fournis étaient des mélanges contenant des vins originaires des zones de production d'appellation contrôlée, aucun renseignement précis ne pouvait être recueilli sur l'origine de la rumeur selon laquelle les vins de table provenant des Etablissements X étaient des vins d'appellation d'origine contrôlée déclassés. Aussi la poursuite ne porte-t-elle que sur les livraisons faites directement par les deux sociétés dont le prévenu est le président directeur général à onze clients dont les commandes par écrit ont été saisies par les enquêteurs.
Prétentions des parties.
Avant toute défense au fond le prévenu fait déposer des conclusions demandant que soient déclarés nuls et de nul effet le procès-verbal de délit du 4 juillet 1989, les visites, saisies et prélèvements effectués, et par voie de conséquence l'ensemble de la procédure pénale diligentée à son encontre pour violation des règles énoncées par le décret du 22 janvier 1919, modifié par le décret du 19 avril 1972, et pour violation des droits de la défense, invoquant la prescription de l'action pénale, sollicitant la relaxe et le rejet des prétentions de l'Administration et des parties civiles et demandant subsidiairement la comparution des témoins Danielle Maurin, Michel Laplace et Mireille Laplace.
Au fond, le prévenu fait également déposer des conclusions sollicitant la confirmation de sa relaxe du chef de publicité mensongère et demandant à la cour de dire et juger que les éléments constitutifs des infractions reprochées ne sont pas réunis et que l'intention frauduleuse n'a pas été prouvée, et de prononcer sa relaxe.
Le Ministère public requiert le rejet des exceptions de nullité et l'aggravation des sanctions prononcées du chef de fraude, s'en rapportant à justice quant au délit de publicité mensongère.
L'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie (en abrégé INAO) demande acte de ce qu'il se désiste de son appel et conclut à la confirmation du jugement et en outre à la condamnation de X au paiement à son profit d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'Union des maisons de vin du Beaujolais et du Mâconnais (en abrégé UMVBM), syndicat professionnel régi par les articles L. 410-1 et suivants du Code du travail, conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne les dommages-intérêts et à la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 5 000 F par application de l'article 475-1 précité.
Discussion
Attendu que les appels relevés par le prévenu, le Ministère public et l'INAO, malgré certaines imperfections formelles des actes d'appel, sont recevables ; qu'il convient de donner acte à l'INAO de son désistement ;
Attendu qu'il convient d'examiner successivement les moyens de nullité et de prescription invoqués par le prévenu, la demande d'audition de témoins, puis le fond, et enfin les actions civiles ;
I - Sur les exceptions de nullité
Attendu que les conclusions de nullité du prévenu sont fondées sur l'affirmation que dans toute procédure suivie en vertu de la loi du 1er août 1905 les règles très strictes édictées par le décret du 22 janvier 1919, modifié par celui du 19 avril 1972, doivent être observées rigoureusement, à peine de nullité ; qu'elles incriminent cinq catégories d'irrégularités commises selon lui par les fonctionnaires du service de la Répression des Fraudes ayant dressé le procès- verbal sur lequel sont fondées les poursuites ;
1° En ce qui concerne l'absence d'ordre de mission
Attendu que le prévenu reproche à tort aux fonctionnaires verbalisateurs d'être intervenus sans ordre de mission, alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une telle formalité ; que ces fonctionnaires tirent directement de l'article 4 du décret du 22 janvier 1919 leur pouvoir de constater les infractions en matière de fraude ; que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne saurait être invoqué à l'encontre d'une telle prérogative dès lors que les fonctionnaires verbalisateurs exercent leur contrôle, conformément à l'article 5 du même décret, dans les locaux professionnels des entreprises et non pas dans les lieux privés auxquels s'applique la protection prévue par l'article 8 de la Convention internationale précitée ;
2° En ce qui concerne l'étendue des pouvoirs d'en- quête des fonctionnaires verbalisateurs
Attendu que le prévenu, s'appuyant sur une opinion de doctrine qui n'engage que son auteur et sur l'article 5 bis ajouté au décret du 22 janvier 1919 par le décret du 19 avril 1972, prétend que les fonctionnaires du service de la Répression des Fraudes devraient se contenter de "contrôles élémentaires" et n'auraient pas le pouvoir de procéder à de véritables enquêtes et notamment d'entendre les parties en cause et les témoins ;
Mais attendu que les dispositions combinées des articles 11-3 de la loi du 1er août 1905, 4 et 5 du décret du 22 janvier 1919 confèrent aux agents du service de la Répression des Fraudes la mission de rechercher et constater les infractions en matière de fraudes et leur confèrent à cet effet de larges pouvoirs d'investigations ; que notamment la recherche et la constatation des infractions, qui correspond à la mission donnée par l'article 14 du Code de procédure pénale à la police judiciaire pour l'ensemble des infractions, comprend nécessairement l'audition de toute personne susceptible de fournir des renseignements quant aux infractions recherchées; que l'article 5 bis, lu dans son entier et replacé dans le contexte de la fin de l'article précédent, définit la conduite à tenir lorsque les enquêteurs découvrent des marchandises suspectes de fraude et n'a nullement pour objet de limiter d'une manière générale leurs pouvoirs d'investigations ; que cette exception de nullité n'est donc pas plus fondée que la précédente ;
3° En ce qui concerne les saisies sans autorisation judiciaire
Attendu qu'il est constant que les agents verbalisateurs se sont fait communiquer des documents et ont procédé à la saisie de certains d'entre eux ;
Attendu qu'il leur est fait grief d'y avoir procédé sans autorisation judiciaire, au mépris des articles 11-1 de la loi du 1er août 1905, 7 du décret du 22 janvier 1919, 6 et 8 de la Convention internationale précitée ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit constaté qu'il ne s'agissait pas de saisies de produits soumises à l'article 11-1 de la loi du 1er août 1905 ; que l'article 7 du décret du 22 janvier 1919 ne s'applique également qu'aux saisies de produits et ne saurait en tout cas prévaloir sur l'article 11-3 alinéa 4 de la loi du 1er août 1905 qui prévoit la possibilité de saisir dans les lieux de fabrication, de production, de conditionnement, de stockage, de dépôt ou de vente énumérés à l'article 4, sans autorisation judiciaire préalable, tous documents propres à faciliter l'accomplissement de la mission des fonctionnaires verbalisateurs ; que les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne s'oppose nullement à ce que des saisies de documents aient lieu dans les locaux professionnels ; que de telles saisies, nécessaires pour la sauvegarde des intérêts économiques du pays et la prévention des infractions, ne portent aucune atteinte, ni au respect des droits privés ni aux droits de la défense puisque le prévenu a pu sans aucun obstacle avoir accès aux documents saisis et les discuter à l'audience du tribunal et à celle de la cour ; que par conséquent les prétentions du prévenu quant à la nullité des saisies ne peuvent qu'être rejetées ;
4° En ce qui concerne le défaut d'expertise contradictoire
Attendu que X se plaint de n'avoir pas bénéficié de l'expertise contradictoire prévue par les articles 24 et suivants du décret du 22 janvier 1919 et prétend qu'il y a contradiction à lui reprocher une fraude ou falsification sans qu'il ait été procédé à une telle expertise ;
Attendu que le raisonnement du prévenu est parfaitement spécieux ; qu en effet le tribunal a noté à juste titre que la poursuite ne concerne pas les échantillons de vins qui avaient été prélevés et dont l'analyse n'a révélé aucune falsification, et que l'expertise contradictoire n'est prévue par l'article 25 du décret du 22 janvier 1919 que dans le cas où la présomption de fraude ou de falsification résulte de l'analyse faite au laboratoire ; qu'il suffit de lire la prévention pour se rendre compte que la fraude reprochée au prévenu porte sur des vins vendus antérieurement au contrôle à onze personnes qui y sont énumérées et que la poursuite repose sur les documents saisis et sur l'enquête et non sur l'analyse des échantillons prélevés lors du contrôle ; qu en l'absence de prélèvements d'échantillons des vins vendus à ces onze personnes l'expertise contradictoire ne présentait aucune utilité, et en tout cas aucune nécessité ;
5° En ce qui concerne les prétendues incohérences du dossier pénal
Attendu que, pour la première fois en cause d'appel, X entend se prévaloir d'une discordance entre le procès-verbal contenant son audition en date des 26 et 29 octobre 1984 et la copie qui lui en a été délivrée et du fait que les enquêteurs ont recensé comme vins détenus en vue de la vente des vins en vrac, contenus dans des cuves et correspondant par définition à des vins non détenus en vue de la vente ;
Attendu qu'en vertu de l'article 385 du Code de procédure pénale les anomalies ainsi dénoncées ne sauraient entraîner la nullité de la procédure puisqu'elles n'ont pas été soulevées en première instance avant toute défense au fond ;
Attendu que la copie du procès-verbal des 26 et 29 octobre 1984, datée des 26 et 27 octobre 1984, que produit le prévenu ne saurait prévaloir sur l'original figurant au dossier ; que sa contestation de la rature de la date de l'original, en ce qui concerne le 29 octobre, est inopérante puisqu'il expose lui-même qu'ayant été hospitalisé dès le premier jour du contrôle, le 26 octobre 1984, il n'est revenu assister aux opérations des agents verbalisateurs que le 29 octobre 1984, de sorte que la rature de la date dont il excipe correspond à la réalité ; que d'autre part il ne démontre nullement s'être alors trouvé dans l'impossibilité de signer le procès-verbal, ne serait-ce que de la main gauche ;
Attendu que la mention "Recensement des vins détenus en vue de la vente par les Ets X " dactylographiée en tète du procès-verbal des 26 et 29 octobre 1984 est critiquée à tort par le prévenu ; qu'en effet, dès lors que ses deux sociétés ont pour objet le négoce des vins, tous les vins qu'elles détenaient étaient nécessairement destinés à la vente, le cas échéant après assemblage, même s'ils étaient contenus dans des cuves ; qu'en tout état de cause une erreur de dénomination ne saurait vicier le procès-verbal ni l'inventaire qui lui fait suite, dont les énonciations sont parfaitement claires et précises, ni a fortiori la procédure subséquente ;
Attendu en conséquence que les exceptions fondées sur de prétendues irrégularités qu'invoque le prévenu ne sauraient prospérer ;
II - Sur la prescription
Attendu que le prévenu soutient qu'aucun acte interruptif de la prescription n'a été accompli entre le 26 octobre 1984, date du contrôle, et le 20 février 1990, date de la citation ; qu'il dénie la qualité d'actes de poursuite et d'instruction aux procès-verbaux du 15 juillet 1985 (cote 100) et du 6 novembre 1987 (cote 82) sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour rejeter l'exception de prescription ;
Attendu que X a été entendu dans le cadre de l'enquête des fonctionnaires de la Répression des Fraudes ;
- les 26 et 29 octobre 1984 au sujet de l'inventaire des vins détenus par les Etablissements X (cote 39),
- le 15 juillet 1985 au sujet d'une mise en garde adressée à ses clients et d'une commande des époux Mattioli (cote 100),
- le 10 mars 1986 au sujet de ses ventes de vins à Jean Cuilleux, important client domicilié dans le Doubs et effectuant des groupages de commandes pour d'autres personnes (cote 94),
- le 31 juillet 1986 au sujet de ses ventes de vins aux personnes mentionnées dans la prévention, notamment en ce qui concerne la nature et la dénomination des vins commandés et livrés, et au sujet de l'emploi des initiales "MDPCE" (cote 99),
- le 6 novembre 1987 au sujet des activités respectives des sociétés F X et Vins X ;
Attendu que, contrairement à ce qu'allègue le prévenu, ce dernier procès-verbal avait pour objet la constatation des infractions et la recherche de leur auteur puisque notamment l'examen des factures adressées aux clients mentionnés à la prévention fait apparaître tantôt l'une, tantôt l'autre société, dont il était par conséquent nécessaire de faire préciser le rôle respectif et d'identifier le ou les responsables ;
Attendu qu'après réception du dossier établi par le service de la Répression des Fraudes le Procureur de la République a ordonné le 13 juillet 1989 une enquête complémentaire confiée à la police judiciaire, au cours de laquelle ont été entendus le 7 septembre 1989 Thierry Lanure, ancien employé de la société F X , et le 9 janvier 1990 François X lui-même ; que ces auditions, portant sur les faits poursuivis, ont interrompu la prescription de même que la note du Procureur de la République qui les a ordonnées ;
Attendu qu'il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit déclaré non-atteintes par la prescription les infractions visées à la prévention
III - Sur la demande d'audition de témoins
Attendu que d'après les conclusions in limine litis du prévenu l'audition de Danielle Maurin, Michel Laplace et Mireille Laplace, dont il produit des attestations, permettrait de prouver que les enquêteurs du service de la Répression des Fraudes ont procédé à de véritables actes d'information, en interrogeant notamment ces témoins, et ont ainsi excédé leurs pouvoirs ;
Attendu que dès lors que les enquêteurs avaient qualité pour procéder de la sorte l'audition des témoins sollicitée par le prévenu ne présenterait aucune utilité et ne saurait donc être ordonnée ;
IV - Sur le fond
Attendu que D allègue dans ses conclusions que le Tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône s'est contenté de faire état de ce qu'il a considéré comme des faits troublants, sans que la preuve d'une quelconque tromperie fût réellement rapportée ; qu'il se prévaut de sa parfaite bonne foi ; qu'il affirme qu aucune déduction ne peut être tirée des prix de commercialisation des vins, qui sont libres et conformes aux cours normalement pratiqués, que la fidélité de la clientèle s'explique uniquement par l'excellente qualité de ses vins, et qu'il n'a jamais donné aucune fausse indication à sa clientèle ;
Attendu que l'argumentation du prévenu ne correspond pas à la réalité ; qu'il résulte en effet de l'enquête effectuée par le service de la Répression des Fraudes et notamment de l'examen des pièces saisies ;
- Que Delourme, client domicilié à Saint-Lô (Manche), a commandé le 20 octobre 1982 deux cubitainers de "Rouge 13° (Morgon)" et deux cubitainers de "Descombehuit rouge 13°5 léger (Moulin à Vent)" et qu'il lui a été livré par la société F X deux cubitainers de 32 litres de " Vin de table rouge 13° " et deux cubitainers de la même capacité de "Vin de table rouge 13°5 Descombehuit" (cote 7) ;
- Qu'Emery, domicilié à Orléans (Loiret), a commandé le 20 mars 1984 trois cubitainers de "Morgon Descombetrois 13°5 corsé" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X trois cubitainers de "Vin de table rouge 13°5 Descombetrois" (cote 6) ;
- Que Nion, domicilié à Avrainville (Essonne), a commandé le 23 février 1984 cinq cubitainers de "Descombehuit (Morgon) 82 ou 83" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X du "Vin de table rouge 13°5 Descombehuit" (cote 29) ;
- Que Lemaire, domicilié à Saint-Germain lès Arpajon (Essonne), a commandé le 7 juin 1984 un cubitainer de "n° 8 Région Morgon" et a été livré de la même façon que Nion (cote 25) ;
- Que Bersot, domicilié à Rixheim (Haut-Rhin), a commandé le 11 novembre 1983 quinze cubitainers de "Moulin à Vent déclassé (Descombetrois)" et six cubitainers de "Morgon déclassé (Descombecinq)" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X quinze cubitainers de "Vin de table rouge 1305 Descombetrois" et six cubitainers de "Vin de table rouge 13° Descombecinq" (cote 15) ;
- Que la société Négrier SA, ayant son siège à Rungis (Val-de-Marne), a commandé le 1er octobre 1983 par écrit, suite à un entretien téléphonique, vingt cubitainers de "Morgon rouge, 13°, déclassé", qu'il lui a été livré par la SA Vins X vingt cubitainers de " Vin de table rouge 13° " (cote 24), et que l'auteur de la commande, Serge Picot, a précisé avoir cru au moment où il l'a faite qu'il s'agissait vraiment de Horgon déclassé (cote 90-6) ;
- Que Wiart, domicilié à Romainville (Seine-Saint-Denis), a commandé le 30 avril 1984 sept cubitainers de "Rouge 11° Beaujolais" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X sept cubitainers de " Vin de table rouge 11° " (cote 23);
- Que Michel Possy-Berry-Quenum, Avocat à la Cour de Paris, a commandé le 1er octobre 1984 un cubitainer de "Vin rouge 13° Morgon" (en même temps qu'un autre de "Vin rouge 11°" sans autre précision) et qu'il lui a été livré par la SA Vins X un cubitainer de " Vin de table rouge 13° " (cote 22) ;
- Que Croix, domicilié à Châlons-sur-Marne (Marne), a commandé le 5 juin 1983 sept cubitainers de "Morgon 13° " et quatre cubitainers de "Moulin à Vent 13°5 n° 3 ou 8" et qu'il lui a été livré par la société F X sept cubitainers de "Vin de table rouge 13°" et quatre cubitainers de "Vin de table rouge 13°5 Descombetrois" (cote 14) ;
- Que Denis, domicilié à Blois (Loir et Cher), a commandé par écrit le 2 novembre 1983 510 cubitainers de "Morgon" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X, suivant trois factures successives qui révèlent l'existence de nouvelles commandes verbales, 945 cubitainers de "Vin de table rouge 13°' (cote 8) ;
- Que Delvaque, demeurant également à Blois, a adressé en janvier 1984 une commande groupée de " Morgon rouge 13° ", "Morgon", "Moulin à Vent" et "Beaujolais" et qu'il lui a été livré par la SA Vins X 294 cubitainers de "Vin de table rouge 13°", 41 cubitainers de "Vin de table rouge 13°5 Descombetrois" et 273 cubitainers de "Vin de table rouge 12°" (cote 9) ;
- Que Da Costa, qui groupait les commandes du personnel des services municipaux de Montoir de Bretagne (Loire Atlantique), a effectué les 13 juin 1983, 10 octobre 1983, 3 mars 1984 et 10 octobre 1984 quatre commandes portant sur un total de 1940 cubitainers de " Morgon 12° " et " Morgon 13° " et qu'il lui a été livré par la SA Vins X la même quantité de " Vin de table rouge 12° " et de "Vin de table rouge 13° " (cotes 10, 11, 13 et 30) ;
Attendu que le libellé des commandes de tous ces clients prouve qu'ils étaient persuadés d'acheter des vins d'appellation d'origine contrôlée Morgon, Moulin à Vent ou Beaujolais ayant fait l'objet d'un déclassement, certains (Bersot, Négrier SA) ayant même expressément mentionné cette circonstance ; que le cas de la société Négrier, qui a confirmé par écrit une commande téléphonique antérieure, démontre que, contrairement à ce qu'il prétend, X ne faisait pas détromper par téléphone les clients qui identifiaient à des vins d'appellation déclassés les vins de table 12°, 13° ou 13°5 de son tarif ; que l'exemple des commandes multiples de Da Costa, échelonnées sur seize mois et mentionnant toujours l'appellation Morgon alors même que les factures indiquaient "Vin de table rouge, constitue la preuve irréfutable de ce que X faisait croire à ses clients qu'il leur livrait, en les facturant comme vins de table, des vins d'appellation déclassés ;
Attendu que les clients étaient entretenus dans leur erreur par les prix relativement élevés (entre 5 et 7 F le litre hors taxe), et en tout cas supérieurs à ceux de simples vins de table, des vins qui leur étaient ainsi vendus ;
Attendu que le prévenu entretenait, jusque dans ses propres chais, une confusion systématique entre vins d'appellation et vins de table désignés soit par leur degré alcoolique, soit par un numéro, soit par une dénomination de fantaisie telle que Descombetrois, Descombecinq, Descombehuit; que fort souvent les clients eux-mêmes (Delourme, Emery, Nion, Bersot) identifiaient ces dénominations à des appellations d'origine déterminées ; que les similitudes des résultats des analyses effectuées par le laboratoire interrégional de Montpellier établissent que ces assimilations n'étaient pas fortuites ; que du reste, d'après le témoignage de Danielle Maurin implicitement confirmé par celui de Raymond L, François X, qui était le seul à connaître le contenu des cuves de stockage de vin, lesquelles ne portaient ni en clair ni en code aucune indication de nature à les identifier, distribuait en fonction des circonstances les appellations et dénominations différentes attribuées à des vins provenant des mêmes récipients ;
Attendu certes qu aucun des clients ayant cru acheter des vins d'appellation déclasses n'a fait retour de la marchandise, ni porté plainte contre X ; que toutefois plusieurs d'entre eux n'ont pas renouvelé leur commande que quelques-uns de ceux qui ont été entendus ont indiqué avoir pris conscience après la livraison de ce que les vins fournis par le prévenu n'étaient pas réellement du Morgon ou du Moulin à Vent ; que d'autres, persistant dans leur erreur, se sont fait une idée fausse de la qualité des vins ayant droit à ces appellations ;
Attendu que le fait de livrer à des personnes qui commandent des vins sous une appellation d'origine contrôlée des vins de table constitués de mélanges de vins provenant de différents pays de la Communauté économique européenne constitue une tromperie sur la nature, l'origine et les qualités substantielles des marchandises vendues ;
Attendu que l'erreur commise par de nombreux clients sur ces particularités des vins achetés aux sociétés dirigées par le prévenu ne saurait résulter du hasard ni d'une concertation entre eux, alors que ces clients sont éparpillés dans toute la moitié Nord de la France et que les commandes litigieuses s'échelonnent sur deux ans ; qu'elle a nécessairement été provoquée par une tromperie volontaire de la part du prévenu et de ses préposés, dont la preuve formelle existe au dossier en ce qui concerne un client dénommé Jacques Bantellier, domicilié à Arras (Pas-de-Calais), lequel, ayant demandé le 9 janvier 1978 aux Etablissements X l'envoi de leurs conditions de vente concernant leur Morgon, qu'il avait eu l'occasion de déguster en famille, s'est vu répondre ;
" Monsieur, suite à votre courrier du 9, nous avons le plaisir de vous remettre nos différents tarifs départ. Nous pensons que le vin qui vous intéresse, est du vin rouge 13° " ;
Attendu que de même, sur les commandes de vins d'appellation des clients précités, le personnel des sociétés dirigées par le prévenu s'est contenté d'écrire en regard des vins commandés la dénomination du produit qui devait être livré, sans que jamais l'attention du client fût attirée par écrit sur le fait qu'aucun vin d'appellation n'était disponible au prix mentionné sur sa commande ;
Attendu que X se targue à tort de sa bonne foi, les circulaires de mise en garde adressées à sa clientèle l'ayant été postérieurement au contrôle, de même qu'il n'a porté plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Pontoise que le 25 juillet 1985 au sujet d'étiquettes de Morgon F X arguées de faux dont l'une avait été utilisée par les époux Mattioli pour lui demander un tarif ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit jugé insuffisamment caractérisé le délit de publicité mensongère dès lors qu'il n'est pas établi que les initiales "MDPCE" dussent être interprétées par un consommateur moyen comme signifiant "Morgon déclassé par la Communauté européenne" ; qu'en revanche l'emploi obstiné par le prévenu de ce sigle non réglementaire et dépourvu de toute signification, au lieu des initiales "MVDPCE" imposées par la réglementation européenne, alors que son attention avait déjà été attirée à ce sujet lors d'un précédent contrôle, manifeste sa volonté de tromper sa clientèle et en tout cas de l'empêcher de prendre conscience de la véritable origine des vins qu'il lui livrait ;
Attendu que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef de publicité mensongère, mais l'a déclaré coupable du délit de fraude visé à la prévention ;
Attendu que les peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende prononcées par les premiers juges, suffisantes sans être excessives, méritent également d'être confirmées ;
Attendu en revanche qu'il y a lieu d'étendre la publication à juste titre ordonnée par le tribunal à d'autres organes de presse, afin d'accroître l'efficacité de cette mesure ;
V - Sur les actions civiles
1° En ce qui concerne l'INAO :
Attendu que l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie, institué par décret-loi du 30 juillet 1935, est expressément habilité par l'article 23 de ce texte (devenu l'article 22, b, du Code du vin) à ester en justice dans les mêmes conditions que les syndicats professionnels pour la défense des appellations d'origine ;
Attendu que les agissements du prévenu, qui introduisent une confusion entre les vins de table et les vins d'appellation d'origine, portent atteinte à la protection légale dont jouissent ces derniers et justifient l'intervention de l'INAO ;
Attendu que les premiers juges ont équitablement apprécié le préjudice subi par ce dernier ; qu'il y a lieu, compte tenu de l'appel intempestif du prévenu, d'élever à 5 000 F le montant de la somme allouée pour compenser les frais irrépétibles qu'il a dû exposer et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
2° En ce qui concerne l'UMVBM
Attendu qu'en sa qualité de syndicat professionnel l'Union des maisons de vins du Beaujolais et du Mâconnais peut en vertu de l'article L. 411-11 du Code du travail ester en justice pour obtenir réparation du préjudice direct ou indirect porté à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;
Attendu que l'UMVBM regroupe des négociants spécialisés dans le commerce des vins d'appellation contrôlée du Beaujolais et du Mâconnais ; que la fraude consistant à vendre des vins de table issus de mélanges de vins de diverses provenances en faisant croire qu'il s'agit de vins d'appellation d'origine contrôlée déclassés porte à l'intérêt collectif de la profession un double préjudice, d'une part en privant les négociants en vins d'appellation d'origine contrôlée d'une partie de la clientèle désireuse d'acquérir des vins de cette catégorie, d'autre part en dépréciant les vins ayant droit à une telle appellation et en accréditant l'idée que l'on peut de procurer de tels vins au rabais à la faveur d'un déclassement qui est en fait prohibé par la législation et la réglementation en vigueur ;
Attendu que l'UMVBM est donc bien fondée à demander la confirmation des dommages-intérêts que lui ont alloués les premiers juges ; qu'il y a lieu d'arbitrer à 5 000 F, comme en ce qui concerne l'INAO, la somme à allouer au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Rejette les exceptions de nullité et de prescription de l'action publique invoquées par le prévenu ; Dit n'y avoir lieu à audition de témoins ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions relatives à l'action publique ; Dit toutefois que la publication ordonnée portera sur des extraits du présent arrêt et aura lieu, aux frais du condamné, non seulement dans les journaux Le Progrès, Le Patriote beaujolais et France Soir, mais aussi dans les journaux Libération (édition nationale) et Que Choisir ? Fixe à 6 000 F le coût maximal de chacune des insertions ; Donne acte à l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie (INAO) de son désistement d'appel ; Sur l'appel du prévenu, confirme les dispositions du jugement déféré en ce qui concerne les dommages-intérêts alloués à chacune des deux parties civiles ; Elève à 5 000 F le montant de la somme que François X est condamné à payer à chacune des deux parties civiles au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne François X aux dépens de première instance et d'appel et aux frais des actions civiles ; Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi ; Le tout par application des articles 1er, 4, 7, 11-1, 11-3 de la loi du 1er août 1905, 4, 5, 25 du décret du 22 janvier 1919, 22 du Code du vin, L. 411-11 du Code du travail, 385, 459, 473, 475-1, 485, 509, 512, 513, 514, 515, 734-1, 749, 750 du Code de procédure pénale.