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Décisions

CA Pau, ch. corr., 8 avril 1992, n° 210

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lalherrere-Souviraa

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riboulleau

Substitut :

général: Mlle Esclapez

Conseillers :

MM. Masson, Laventure

Avocat :

Me Dumas-Colnot.

TGI Pau, ch. corr., du 11 déc. 1991

11 décembre 1991

Statuant sur les appels interjetés le 11 décembre 1991 par le prévenu, le 12 décembre 1991 par le Ministère public et le 17 décembre 1991 par la partie civile, d'un jugement contradictoirement rendu le 11 décembre 1991 par le Tribunal correctionnel de Pau, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, a condamné Jean-Pierre G à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et recevant Françoise Laherrere-Souviraa en sa constitution de partie civile, lui a alloué 45 000 F à titre de dommages-intérêts et 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu qu'il est fait grief au prévenu:

- d'avoir à Orthez, le 23 septembre 1988, trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue en l'espèce, un véhicule Opel Corsa, en ayant omis de signaler le fait que ledit véhicule avait été gravement accidenté auparavant;

Infraction prévue et réprimée par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905;

Attendu qu'il ressort de l'enquête les éléments suivants:

A la suite d'une annonce, Françoise Laherrere-Souviraa se présentait à Orthez au garage X dont Jean-Pierre G est le gérant pour acquérir un véhicule; le 23 septembre 1988, elle achetait, en présence de son père, une Opel Corsa millésime 85, affichant un faible kilométrage (5 200 kms) pour 40 500 F soit 4 000 F au-dessus de l'argus;

Selon elle, à aucun moment, le vendeur ou M. G n'ont évoqué l'existence d'un quelconque accident ayant affecté le véhicule;

En octobre 1990, lors d'une visite d'entretien, deux garagistes constataient que le véhicule acquis portait des traces d'accident ancien; une expertise était confiée à l'expert de la Cie d'assurances, M. Berrenguer, qui révélait que la voiture avait été accidentée le 23 janvier 1988, et avait été soumise à la procédure concernant les véhicules gravement accidentés (VGA); que les réparations avaient été effectuées par le garage de M. G;

Une deuxième expertise, confiée à M. Meret, confirmait les conclusions du premier expert;

Faute d'arrangement amiable, Françoise Laherrere-Souviraa portait plainte;

Sur quoi,

Attendu que l'acquéreur et son père, présents lors de la transaction, affirment qu'il ne leur a jamais été précisé que le véhicule litigieux avait eu un très grave accident, faute de quoi, ils ne l'auraient pas acheté, et en tout cas pas à un prix supérieur à l'argus;

Que le prévenu affirme l'avoir fait, ou que son vendeur a dû le faire verbalement; que le vendeur, entendu, dit n'avoir qu'un vague souvenir, mais "il (lui) semble bien (se) rappeler" qu'il avait informé l'acquéreur, et que, sans se rappeler la nature de l'accident "il lui semble que ce n'était pas très important";

Attendu que le prévenu affirme que les réparations ayant été faites dans des conditions de sécurité et fiabilité totales du fait de la procédure VGA, il n'avait pas à en informer las clients qu'en tout cas, son omission n'est pas frauduleuse;

Qu'il appuie son affirmation sur un arrêt rendu le 4 janvier 1986 par la Cour de cassation, qu'il interprète comme un revirement de jurisprudence alors qu'il s'agit d'une décision cassant un arrêt pour défaut de motifs;

Attendu, en réalité, qu'en s'abstenant soigneusement d'informer sa cliente sur l'existence d'un grave accident antérieur, même parfaitement réparé, pour détourner son intérêt sur les aspects positifs de la transaction (bon état général, faible kilométrage, millésime très récent) ce qui justifiait un prix légèrement supérieur au prix moyen argus, le vendeur G, garagiste professionnel, a fait preuve d'une abstention frauduleuse constitutive de sa mauvaise foi; que son comportement était d'autant plus conscient et intentionnel qu'il recevait régulièrement des mises en garde et recommandations de sa chambre syndicale sur cette question;

Qu'ainsi, l'infraction étant constituée, c'est à bon droit que le tribunal a retenu la culpabilité de Jean-Pierre G; que la cour confirmera sur ce point;

Attendu, par contre, quant à le peine, que la cour trouve dans les débats et les documents produits, les éléments lui permettant d'appliquer autrement la sanction et de condamner Jean-Pierre G à une amende de 10 000 F;

Attendu sur l'action civile de Françoise Laherrere-Souviraa que celle-ci s'appuie sur les rapports d'expertises pour affirmer qu'actuellement le véhicule est hors d'usage et dangereux;

Qu'elle demande donc des dommages-intérêts à concurrence de 53 558,90, soit:

- prix du véhicule: 40 500 F

- carte grise: 400 F

- frais de gardiennage: 533,70 F

- location de véhicule: 119,20 F

1 358,20 F

- réparations sur le véhicule: 119,67 F

378,13 F

- dédommagement d'un prêt de véhicule par:

Yvonne Souroste: 2 000 F

- achat d'un nouveau véhicule: 6 000 F

Qu'elle sollicite, en outre, 20 000 F à titre de préjudice moral et 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu que la victime d'une infraction est en droit d'obtenir la réparation intégrale du préjudice résultant directement de l'infraction;

Qu'en l'espèce, Françoise Laherrere-Souviraa subit, du fait de la tromperie imputée à Jean-Pierre G un préjudice réel qui doit être justement indemnisé;

Attendu, par contre, que contrairement à ses affirmations, les graves désordres constatés en décembre 1990, alors qu'elle utilisait son véhicule depuis plus de 2 ans (achat en septembre 1988) ne sont pas la conséquence de l'accident, dont l'existence lui avait été cachée;

Qu'au contraire, l'expert Berrenguer a attesté que la remise en état avait été bien faite (et à cet égard la procédure VGA est une garantie) et l'expert Meret dit que le dommage constaté le 21 décembre 1990 (calotte du Mac Pherson arrachée au niveau du passage de la roue avant-gauche suite à une violente poussée venant du bas vers le haut) n'est pas imputable aux remises en état précédemment effectuées; qu'il n'établit aucun lien de causalité avec le rappel du très grave choc qu'il mentionne en conclusion de son rapport;

Qu'en conséquence, la partie civile n'est pas recevable à réclamer l'annulation déguisée de la vente, et des dommages afférents à des désordres non imputables à Jean-Pierre G;

Que la cour, au vu de ce qui précède, fixe à 5 000 F le montant des dommages-intérêts que le prévenu sera condamné à lui verser;

Qu'au surplus, il est équitable que soit allouée à Françoise Laherrere-Souviraa une somme de 5 000 F pour ses frais irrépétibles; Qu'elle sera déboutée du surplus de ses demandes;

Par ces motifs : La COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, reçoit les appels du prévenu, du Ministère public et de la partie civile; Au fond, Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité; Réformant sur la peine, Condamne G Jean-Pierre à une peine d'amende de 10 000 F; Sur l'action civile: Réformant le jugement, Condamne Jean-Pierre G à payer à Françoise Laherrere-Souviraa une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et une somme de 5 000 F pour frais irrépétibles; Déboute la partie civile de toutes demandes plus amples ou contraires; Condamne Jean-Pierre G aux dépens; Fixe la contrainte par corps conformément à la loi; Le tout par application des articles 473 et suivants, 749 du Code de procédure pénale, 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905.