Conseil Conc., 17 juin 2004, n° 04-D-21
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre sur le marché des pompes funèbres de la région grenobloise
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Biron, par Mme Hagelsteen, présidente, Mmes Behar-Touchais, Mader-Saussaye, Perrot, MM. Flichy, Gauron, Piot, Ripotot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 7 mai 2002 sous le numéro 02-0051 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la SA d'Économie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales de la région grenobloise ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, fixant ses conditions d'application ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par la société SA d'Économie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales et par le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et la SA d'Economie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales (SAEM-PFI) entendus lors de la séance du 9 mars 2004 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. Le secteur des pompes funèbres
1. Le service des pompes funèbres comprend le service intérieur, le service extérieur et les services des prestations libres. Le service intérieur est rendu à l'intérieur des édifices cultuels et relève du service des cultes.
2. Le service extérieur des pompes funèbres constitue, depuis la loi du 8 janvier 1993, un service public industriel et commercial. Il comporte différentes prestations énumérées limitativement, par l'article L. 2223-19 du Code général des collectivités territoriales, qui sont les suivantes : "le transport des corps avant et après mise en bière ; l'organisation des obsèques ; les soins de conservation ; la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ; la fourniture des tentures extérieures des maisons mortuaires ; la gestion et l'utilisation des chambres funéraires ; la fourniture des corbillards et des voitures de deuil ; la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l'exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d'imprimerie et de la marbrerie funéraire".
3. La loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 a mis fin au monopole des communes dans le domaine funéraire. En application de ce texte, le service extérieur des pompes funèbres peut être assuré non seulement par les communes ou leurs délégataires mais aussi par toute entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département.
4. Les chambres funéraires qui ont pour objet de recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, les corps des personnes décédées, relèvent également du service extérieur. Leur création ou leur extension est autorisée, par décision préfectorale, après avis du conseil municipal. Cette autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique.
5. L'article L. 2223-38 du Code général des collectivités territoriales précise que "les locaux où l'entreprise gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations relevant du service extérieur doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire afin de prévenir les risques de confusion par les familles entre les activités funéraires liées aux infrastructures et les autres opérations funéraires relevant du service extérieur".
6. L'article R. 2223-71 du même Code précise que "la liste des régies, entreprises et associations et de leurs établissements, doit être affichée dans les locaux d'accueil des chambres funéraires, des chambres mortuaires et des crématoriums et y être disponible. Elle est établie par le préfet du département où sont situées ces installations dans les conditions fixées ci-dessous. Elle est mise à jour chaque année".
7. L'article R. 2223-72 du Code général des collectivités territoriales précise que les gestionnaires des chambres funéraires et crématoriums doivent veiller à ce qu'aucun document de nature commerciale n'y soit visible.
8. Enfin, le service libre correspond aux prestations annexes (marbrerie, fleurs, etc) fournies par des professions dites "tierces".
B. Les caractéristiques du marché des pompes funèbres de Grenoble
9. Trois entreprises sont implantées dans l'agglomération grenobloise : la SA d'Economie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales (SAEM-PFI), les Pompes funèbres générales et la SARL Funerama.
10. La SAEM-PFI, domiciliée à La Tronche, exploite le service des pompes funèbres de 55 communes adhérentes. Outre le service des pompes funèbres, elle assure la gestion du centre funéraire de La Tronche, du crématorium implanté à Gières et du cimetière intercommunal de Poisat.
11. Selon le rapport d'enquête, la zone d'activité de la SAEM-PFI correspond approximativement à l'arrondissement de Grenoble. S'agissant de l'agglomération grenobloise, elle traite 75 à 80 % des décès y survenant. Elle prend en charge environ 40 % des décès survenant dans le département de l'Isère et près de 70 % de ceux survenant sur la commune de La Tronche, sa commune d'implantation qui se trouve également être celle du centre hospitalier régional universitaire (CHRU).
12. La zone d'activité de l'agence locale des Pompes funèbres générales (PFG) se réduit aux communes de La Tronche et de Grenoble et marginalement à celle de Saint-Martin d'Hères. Elle gère une chambre funéraire à La Fontaine.
13. La SARL Funerama franchisée Roc-Eclerc, dont les deux établissements sont implantés à Saint-Martin d'Hères et à Saint-Egrève, gère la société Marbrerie du Sud-Est, dans l'arrondissement de Grenoble. Cette société intervient dans un périmètre d'environ 30 kilomètres autour de Saint-Martin-d'Hères ; mais dans cette zone, sa part d'activité est faible (inférieure à 3 %).
c. Les pratiques relevées
14. Les diverses pratiques visées par la présente saisine sont relatives au service extérieur des prestations de pompes funèbres.
1. La confusion entretenue par la SAEM-PFI entre ses différentes activités
a) Un numéro d'appel unique
15. Un numéro d'appel unique est utilisé pour toutes les activités de la SAEM-PFI (pompes funèbres, crématorium, chambre funéraire), ce numéro apparaissant dans l'annuaire sous l'intitulé "SAEM-PFI". Le centre funéraire n'est pas répertorié en tant que tel, ni sur le minitel, ni sur l'annuaire. De plus, la recherche sur minitel du crématorium de Gières, activité déléguée à la PFI, renvoie au numéro et à l'adresse du siège commercial de la SAEM-PFI.
b) L'appellation commerciale
16. L'appellation commerciale retenue par la SAEM-PFI est "Pompes Funèbres Intercommunales", avec pour slogan "le Service funéraire des communes solidaires, assurant la mission de service public depuis 1982". Les supports commerciaux utilisés par la SAEM-PFI indiquent que "les communes de l'agglomération grenobloise au sein de la communauté d'agglomération Grenoble Alpes Métropole gèrent les activités funéraires dans le cadre d'une solidarité intercommunale". La plaquette éditée par la SAEM-PFI intitulée "une histoire de service public", présente la loi de 1993 qui met un terme au monopole communal du service extérieur, comme une source d'inquiétude pour les consommateurs, "en ce qu'en offrant des possibilités de choix (sans préciser qu'il s'agit du choix de l'opérateur), elle a tenté d'influer sur le comportement des familles en les incitant à agir en consommateur".
17. M. X..., attaché de direction de la SAEM-PFI, a déclaré aux enquêteurs, le 6 septembre 2000 : "... il est vrai que tout l'environnement et toute l'organisation de la SAEM-PFI donnent à penser qu'il s'agit là d'un service public" et a ajouté : "Ceci ne relève pas de ma responsabilité en tant que subalterne mais il est vrai que tout a été organisé depuis sa création pour que la SAEM-PFI finisse effectivement par obtenir un quasi-monopole du service funéraire dans l'agglomération grenobloise".
c) La signalétique extérieure
18. Un constat d'huissier, dressé le 8 septembre 2000, a établi que l'ensemble des panneaux du mobilier urbain de Grenoble et de La Tronche indiquant la direction du centre funéraire intercommunal portent également le logo commercial de la SAEM-PFI à l'une de leurs extrémités. Le bâtiment du centre funéraire est surmonté d'une enseigne "POMPES FUNÈBRES INTERCOMMUNALES DE LA REGION GRENOBLOISE" installée sur la façade nord du centre funéraire et d'une enseigne "CENTRE FUNÉRAIRE INTERCOMMUNAL DE LA REGION GRENOBLOISE" sur sa façade est, les deux façades reprenant le logo commercial de la SAEM-PFI.
d) Les locaux
19. Les locaux du centre funéraire de la région grenobloise abritent, dans un même bâtiment, les locaux commerciaux et le centre funéraire proprement dit. Ils sont desservis par un hall et une banque d'accueil communs.
20. Selon un procès-verbal de constat dressé le 8 septembre 2000 par Maître Y..., huissier de justice à Grenoble (côte 158 du rapport) : "la porte d'accès initiale au bâtiment permet également l'accès aux locaux des Pompes funèbres Intercommunales de la région grenobloise. Ces locaux, qui sont constitués, en outre de bureaux, de salles d'exposition de fournitures funéraires, sont séparés du hall d'accueil par une porte vitrée double sur laquelle une pancarte du même type que les précédentes indique : "BUREAUX SERVICES FUNERAIRES" Cette porte vitrée est fumée et prolongée, côté banque d'accueil, par une cloison en verre fumé au cadre en aluminium (photographie numéro 6). (...) Face à cette porte séparative, je constate la présence d'une salle d'exposition d'articles funéraires et notamment de plaques et fleurs artificielles. Cette pièce est directement ouverte en forme d'arc de cercle face à la porte séparative et sa superficie est de 12 à 14 m2 avec sol surélevé. De ce fait, le terme 'salle' est imparfait et le terme 'espace' convient mieux (photographie numéro 7). En raison de la séparation vitrée du hall d'accueil, toute personne se trouvant dans ce hall peut voir cet espace qui est ouvert face à elle".
21. Maître Z..., huissier mandaté par la SAEM-PFI, a joint à son procès-verbal de constat du 9 octobre 2000, un plan des lieux communiqué par la SAEM-PFI, qui corrobore ces constatations (côte 189).
22. La SCP d'huissiers Benyahia, désignée par ordonnance du Tribunal de commerce de Grenoble du 9 janvier 2001 pour effectuer des constats dans les locaux de la SAEM-PFI, a constaté dans son procès-verbal du 24 janvier 2001 : "Une partie vitrée, légèrement fumée, à double battant portant l'inscription 'Bureaux Services Funéraires' sépare cette salle d'attente des bureaux funéraires, en nombre de six, occupés par des conseillers funéraires. Ces bureaux sont situés dans le couloir de gauche après la porte vitrée. Dans le couloir de droite après la porte vitrée se trouvent quatre bureaux administratifs. A l'intersection des deux couloirs, nous avons noté la présence d'une salle d'exposition, pourvue d'un bon éclairage, mettant en évidence les articles funéraires exposés à la vente (plaques, bouquets artificiels). Il est à noter que cette salle d'exposition est visible dès l'entrée principale et également à partir de la salle d'attente située à droite".
2. Les avantages conférés à la SAEM-PFI par les municipalités, les établissements hospitaliers et la police
a) Les relations privilégiées avec les municipalités
23. Un certain nombre d'éléments de l'enquête démontrent que des municipalités ont consenti des avantages à la SAEM-PFI qui n'étaient pas reconnus à ses concurrents.
24. Il a été établi que 5 communes sur les 55 adhérentes à la SAEM-PFI communiquaient les seules cordonnées de la SAEM-PFI à leurs administrés en cas de décès (message répondeur ou affichage en mairie). Par ailleurs, la SAEM-PFI a bénéficié, jusqu'en juillet 2000, d'une liaison téléphonique directe avec la mairie de Grenoble qui abrite le bureau des cimetières et le bureau de l'état civil. Enfin, la SAEM-PFI, gérant le cimetière de Poisat, dispose d'un accès permanent à ce site ainsi que des clés de 5 cimetières situés sur des communes adhérentes : Fontaine, Sassenage, Saint-Egrève, Domène et Corenc-le-Bas.
25. Les PFG, société concurrente, ont précisé que, ne détenant pour leur part aucune clé, ils rencontraient des difficultés d'accès aux cimetières de Fontaine, Saint-Martin-d'Hères et de Poisat.
b) Les relations avec les établissements hospitaliers
26. En vertu de l'article L. 2223-39 du Code général des collectivités locales, le CHRU dispose, comme tout établissement de santé, d'une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui sont décédées dans l'établissement. Il doit afficher dans les locaux de la chambre mortuaire et communiquer à toute personne, sur sa demande, la liste des opérateurs funéraires agréés diffusée par la préfecture.
27. Par courrier en date du 18 octobre 1999 adressé au directeur du CHRU, le directeur des PFG, M. A... attirait l'attention de celui-ci sur l'orientation automatique du corps de défunts, par le personnel de l'hôpital, vers la chambre funéraire de la SAEM-PFI. Mme B..., M. C..., M. D..., dont la famille avait pris contact avec les PFG, et Mme E... titulaire d'une convention obsèques avec les PFG, auraient été victimes de ces pratiques.
28. Madame F... a attesté, par écrit, avoir été directement orientée par l'infirmière du CHRU, vers la SAEM-PFI, lors du décès de sa mère.
29. Les Pompes funèbres générales rapportent aussi le cas de M. G..., décédé le 10 octobre 1999 au CHRU, dont la famille a demandé le transfert du corps à la chambre mortuaire du CHRU. Les infirmières ont conseillé à cette famille de faire appel à la SAEM-PFI : "il faut faire appel aux PFI pour le transfert au centre funéraire, c'est beaucoup plus rapide ici on fait toujours comme ça". La famille voulant s'adresser à un opérateur funéraire concurrent, les brancardiers du CHRU n'ont pas voulu intervenir et les PFG ont dû elles-mêmes opérer le transfert du corps dans la chambre mortuaire du CHRU.
30. La SAEM-PFI a ainsi procédé à un lobbying intense auprès des professionnels prescripteurs. Une infirmière déclarait dans L'Essentiel de l'Isère du 1er septembre 2000 : "nous sommes bombardés de publicités venant des PFI (calendriers, stylos) ... Nous ne voyons pas la couleur des sociétés concurrentes".
31. Au cours de son audition du 23 septembre 2002, M. H..., ancien salarié de la SAEM-PFI, détaillait ainsi les distributions de cadeaux de fin d'année : "- un agenda en cuir aux quatre coins dorés est réservé aux cadres et directeurs de maisons de retraite, de mutuelles, de la police et de la gendarmerie ainsi qu'aux maires ; - chaque surveillante de service reçoit un bel agenda, un stylo de belle qualité et un petit agenda de poche ; - toutes les infirmières et autres personnels recevaient un agenda de poche" (cote 274).
c) Les relations avec les services de police et de gendarmerie
32. La SAEM-PFI bénéficie, selon les PFG, d'un système d'échange privilégié avec les services de police, qui lui facilite les démarches d'obtention des autorisations de transport avant et après mise en bière, ainsi que des permis d'inhumer pour les défunts des communes de Grenoble et de La Tronche.
33. La SAEM-PFI est, en outre, systématiquement réquisitionnée par la police ou la gendarmerie, pour l'enlèvement des corps des personnes décédées sur la voie publique ou de mort violente, sur l'agglomération grenobloise. Au cours d'une réunion à la préfecture de l'Isère, le 23 décembre 1997, regroupant les principaux opérateurs funéraires et les services de police et gendarmerie, il avait été décidé par l'ensemble des professionnels, à l'exception de la SAEM-PFI, d'établir un plan de permanence hebdomadaire de toutes les entreprises funéraires de l'agglomération pour assurer un service de permanence d'enlèvement des corps sur réquisition de la police ou de la gendarmerie. A défaut d'accord des professionnels, et notamment en raison de l'opposition de la SAEM-PFI, cette démarche n'a pas eu de suite. Le préfet de l'Isère a rappelé que la SAEM-PFI, délégataire du service extérieur des pompes funèbres sur 48 communes iséroises, offrait un avantage certain par rapport à ses concurrents, étant seule capable de fournir un service 365 jours sur 365, 24 heures sur 24.
d) Les modalités administratives discriminatoires d'admission en chambre funéraire imposées par la SAEM-PFI à ses concurrents
34. En vertu de l'article R. 2223-76 du Code général des collectivités territoriales, l'admission des corps en chambre funéraire ne peut avoir lieu que sur demande écrite de la famille ou, selon les cas, du directeur de l'établissement de santé, de la police ou de la gendarmerie, du Procureur de la République ou encore sur production d'un extrait de certificat médical. Ces règles s'appliquent à l'entreprise de pompes funèbres qui gère la chambre funéraire comme à ses concurrents.
35. Or, les PFG ont dénoncé plusieurs cas de transfert automatique de corps de personnes décédées au sein du CHRU par le personnel hospitalier vers la chambre funéraire de la SAEM-PFI, en l'absence d'accord écrit des familles.
36. L'interview de M. I..., directeur du CHRU de Grenoble dans L'Essentiel de Grenoble et de l'Isère, montre que l'allégement de procédure, quel qu'en soit l'origine ou la justification, est un avantage objectif pour un opérateur funéraire. Les concurrents et les anciens salariés de la SAEM-PFI ont indiqué que la SAEM-PFI se dispensait des démarches a priori et s'autorisait une régularisation a posteriori, alors qu'elle refusait cette faculté à ses concurrents. (cote 285).
3. L'allocation des infrastructures funéraires gérées par la SAEM-PFI
37. Les statistiques d'utilisation des salons de la chambre funéraire de La Tronche montrent que la SAEM-PFI utilise personnellement les salons, disposant d'un accès intérieur, qui permettent des sorties de corps sans porteurs (utilisation de chariots à roues habillés pour présenter les corps aux familles), et réserve à ses concurrents les salons ayant un accès extérieur, beaucoup plus luxueux selon la déclaration des dirigeants de la SAEM-PFI, au sein desquels la présentation des cercueils se fait sur tréteaux en laiton. L'usage de ces salons nécessite l'emploi de porteurs pour le départ des corps en présence des familles, ce qui renchérirait les coûts des prestations en cause.
38. Les responsables des Pompes funèbres générales ont indiqué, lors de leur audition du 6 novembre 2000, qu'ils se voyaient systématiquement attribuer le salon n° 8 et ont, par ailleurs, fait part des difficultés rencontrées dans l'organisation des convois en présence des familles, du fait des tranches horaires très contraignantes qui leur sont imposées par la SAEM-PFI pour accéder à la chambre funéraire ainsi qu'au funérarium (cote 163).
4. Les conditions d'accès aux prestations de thanatopraxie du centre funéraire
39. La SAEM-PFI refuse que ses thanatopracteurs salariés, travaillant au centre funéraire intercommunal, exercent des soins de thanatopraxie pour ses concurrents, alors que de telles prestations ont été consenties à la société Pilot Boudon, dont la zone d'activité se situe hors de la zone de chalandise de la SAEM-PFI (cotes 418 et suivantes).
D. Les griefs notifiés
40. Sur la base des constatations qui précèdent, les griefs suivants ont été notifiés à la SA d'Economie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales :
Grief n° 1 : D'"abuser de sa position dominante par l'entretien constant et volontaire d'une confusion entre ses différentes activités (...), (par) :
- l'organisation de son accueil téléphonique sur un numéro unique ;
- le fléchage et la signalétique vers le centre funéraire ;
- l'unicité du centre funéraire et des locaux commerciaux, et leur accueil commun ;
- la possibilité de voir des articles funéraires depuis le hall d'accueil du centre à travers sa cloison vitrée ;
- la signalétique à l'intérieur même du centre funéraire désignant sous l'appellation "bureau service funéraire" des services commerciaux de la SAEM-PFI ;
- l'appellation commerciale "Pompes Funèbres Intercommunales", associée au slogan "le service funéraire des communes solidaires", ajoute à la confusion sur la fin du monopole des PFI et sur son statut.
Grief n° 2 : (...) d'abuser de sa position dominante (...) en organisant des dispositifs discriminatoires (...). (...) relatives :
- aux conditions d'accès aux cimetières ;
- aux conditions de dérogation à la régularisation des autorisations d'enlèvement et de transport des corps ;
- aux conditions d'accès aux informations sur les activités d'un cimetière intercommunal ;
- à la captation de clientèle qu'elle organise au niveau des centres de santé ;
- à l'exclusivité sur les réquisitions d'office, privant ses concurrents d'accès à ce marché ;
- à la prise en charge, par les collectivités locales adhérentes, d'un fléchage portant un logo commercial de la société.
Grief n° 3 : (...) en appliquant à ses concurrents des conditions défavorables d'accès à l'infrastructure funéraire dont elle assure la gestion, en s'en réservant les salons les plus pratiques.
Grief n° 4 : (...) en opposant à ses concurrents directs un refus de vente de prestations de thanatopraxie dans le centre funéraire dont elle assure la gestion".
II. Discussion
A. Sur la procédure
1. Sur l'autorité de la chose jugée
41. La SAEM-PFI soutient que la plupart des griefs notifiés par le rapporteur ne peuvent plus être soulevés, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux jugements du Tribunal de commerce de Grenoble, en date du 14 mars 2003 (cotes 418 et suivantes).
42. Le tribunal de commerce a été saisi par la SA OGF (PFG), la SARL Funerama et par la SA Marbrerie du Sud Est, de pratiques que les sociétés saisissantes estimaient contraires au droit de la concurrence et à la réglementation funéraire, à savoir la confusion entretenue par la SAEM-PFI, au sein de son complexe funéraire de la Tronche, entre les services relatifs à la chambre funéraire et les autres services de pompes funèbres, l'orientation prioritaire des familles vers les services commerciaux de la SAEM-PFI et d'autres pratiques visées dans la notification de griefs (numéro de téléphone unique, fléchage systématique, orientation préférentielle des personnes décédées à l'hôpital vers la SAEM-PFI, refus de vente). Les sociétés requérantes demandaient au tribunal d'ordonner la cessation des pratiques litigieuses et de leur allouer des dommages-intérêts sur le fondement combiné de l'article 1382 du Code civil et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Ces sociétés ont été déboutées de leur demande, à l'exception de celle relative à la confusion des activités au sein du complexe funéraire. Sur ce point, le tribunal a ordonné à la SAEM-PFI "de modifier la séparation entre la salle d'accueil et les services funéraires, et faire en sorte qu'en aucun cas, la salle d'exposition ne puisse être vue par les personnes entrant dans le centre funéraire ou attendant dans celui-ci".
43. Le rejet par le tribunal de commerce de la plupart des griefs invoqués par les concurrents de la société PFG au soutien de leurs demandes, tendant à la cessation de certains comportements et à l'octroi de dommages-intérêts, ne saurait s'imposer au Conseil de la concurrence dans l'exercice de la compétence qu'il tient des dispositions du livre IV du Code de commerce pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles visées par ces dispositions, aux fins de sauvegarde de l'ordre public économique. Dans un arrêt du 17 mars 1998 rendu sur le recours formé contre une décision n° 97-D-22 du Conseil de la concurrence, la Cour d'appel de Paris a considéré que "la décision rendue dans un litige opposant des particuliers est sans effet sur celle que le Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante investie du pouvoir de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, est amené à rendre dans l'exercice des fonctions qui lui sont dévolues ;qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'autorité de chose jugée ne pouvait en l'occurrence prospérer". Le moyen présenté par la SAEM-PFI ne peut, dès lors, qu'être écarté.
2. Sur la régularité des procès-verbaux
44. Selon la SAEM-PFI, les procès-verbaux d'enquête établis en 2000 et, plus précisément ceux des 17 et 27 octobre et du 22 décembre, devraient être écartés du dossier pour avoir été dressés en violation des règles de forme consacrées par la jurisprudence en ce qu'ils ne préciseraient pas l'objet de l'enquête et ne feraient pas référence aux dispositions pertinentes du Code de commerce.
45. Le Conseil relève, cependant, que sa décision ne se fonde ni sur les constatations ou les déclarations relatées dans les procès-verbaux incriminés ni d'ailleurs, sur des documents communiqués dans le cadre de ces auditions, mais seulement sur le procès-verbal de constat dressé le 8 septembre 2000 par Maître Y..., huissier de justice à Grenoble, sur requête conjointe des sociétés Funérama et Marbreries du Sud-Est et en exécution d'une ordonnance rendue le 21 août 2000 par la vice-présidente du Tribunal de grande instance de Grenoble. Ainsi, le moyen invoqué est-il, en tout état de cause, inopérant.
b. sur le fond
46. A titre liminaire, il convient de relever que les pratiques relevées en l'espèce s'inscrivent dans le contexte d'ouverture à la concurrence du marché des pompes funèbres par la loi du 8 janvier 1993.
47. Le service extérieur des pompes funèbres, incluant la création et le fonctionnement des chambres funéraires, relevait donc de l'initiative privée, sous réserve d'habilitation préfectorale et les familles ne se trouvaient pas dans l'obligation de s'adresser à la SAEM-PFI.
1. sur le marché pertinent
48. Selon une jurisprudence constante, les prestations funéraires sont, compte tenu du comportement des familles et des conditions dans lesquelles les entreprises répondent aux demandes de ces dernières, indissociables et forment un marché unique des prestations de pompes funèbres.
49. Malgré la suppression des restrictions au libre choix des familles, il apparaît que, dans la très grande majorité des cas, les personnes décédées sont enterrées à proximité de leur lieu de résidence et que les familles font appel, pour l'organisation des funérailles, à des entreprises locales dont les bureaux se trouvent à proximité, selon le cas, du domicile du défunt, de la mairie de déclaration du décès, de la chambre funéraire ou du cimetière.
50. Il résulte de l'instruction et il n'a pas été démenti par la SAEM-PFI, que les décès survenus dans la zone délimitée par les communes adhérentes à la SAEM-PFI concernent principalement des personnes domiciliées dans cette zone. Sur ce territoire, le marché des pompes funèbres présente des caractéristiques telles que l'offre, qui émane d'entreprises ou de régies municipales extérieures à ladite zone, n'est pas substituable à celle des entreprises locales.
51. Il en résulte que le marché pertinent à prendre en considération au cas d'espèce est celui des prestations liées au service extérieur et correspond géographiquement au territoire délimité par les communes adhérentes à la SAEM-PFI.
52. Le Conseil de la concurrence note que les erreurs matérielles relevées par la SAEM-PFI et reconnues par le rapporteur sont sans incidence sur le tableau récapitulatif utilisé pour déterminer la dominance de la SAEM-PFI sur le marché pertinent. L'erreur matérielle sur la localisation de la société Manchon, opérateur sur l'arrondissement de la Vienne, qui appartient bien au département de l'Isère, n'a pas affecté le calcul de la part de marché de la SAEM-PFI, le rapporteur l'ayant intégrée dans le tableau figurant en page 19 de son rapport et ayant détaillé son activité dans la notification de griefs. La ville de Saint Sauveur n'était pas portée sur la liste des communes adhérentes à la SAEM-PFI communiquée le 27 octobre 2000 par les dirigeants de cette dernière. Elle ne peut dont être considérée comme appartenant au marché pertinent.
2. Sur la position de la SAEM-PFI sur le marché de référence
53. Il résulte d'une jurisprudence constante que la part de marché d'une entreprise de pompes funèbres s'évalue sur la base du nombre de convois organisés par cette entreprise par rapport au nombre total des convois organisés sur le marché pertinent.La SAEM-PFI a prétendu ne pas disposer d'évaluation du nombre de convois organisés avant 2000, dans sa comptabilité. Toutefois, elle a indiqué aux enquêteurs que le nombre de convois s'était élevé pour 2000, à 2809, soit 88 % du nombre de cercueils. Cette proportion convois/cercueils s'avérant constante, selon la SAEM-PFI, il a été possible de reconstituer le nombre de convois effectués chaque année par cette entreprise et de le rapporter au nombre total des convois de la zone géographique. Part de marché, calculée à partir du ratio convoi PFI/Total convois des acteurs du marché pertinent :
EMPLACEMENT TABLEAU
54. A cette très forte part de marché, s'ajoutent l'antériorité de la présence sur le marché de la société SAEM-PFI, le fait qu'elle a remplacé la régie municipale des pompes funèbres municipales de Grenoble qui existait depuis 1924 et qu'elle a été, jusqu'au 31 décembre 1995, l'opérateur historique détenant un monopole légal sur les prestations funéraires des communes adhérentes.
55. Il résulte de ces éléments qu'à l'époque des faits, c'est-à-dire entre les années 1997 et 2000, la SAEM-PFI occupait, sur le marché des pompes funèbres de Grenoble et ses environs, une position dominante de nature à lui permettre de s'abstraire de la concurrence des autres entreprises présentes sur le même secteur.
3. Sur la confusion entretenue par la SAEM-PFI entre ses différentes activités
56. S'agissant de l'appellation commerciale de la société anonyme d'économie mixte des Pompes Funèbres Intercommunales, l'emploi du terme "intercommunal" renvoie à une réalité géographique et juridique et ne peut donner prise à un grief. Quant à l'utilisation du slogan "le service funéraire des communes solidaires", il n'est pas entaché d'inexactitude ni de nature à induire une confusion quant au statut du service en cause.
57. Par ailleurs, l'enquête et l'instruction n'ont pas permis de démontrer que la signalétique extérieure du centre funéraire de La Tronche présentait, en l'espèce, un caractère anticoncurrentiel, dès lors que le fléchage incriminé n'était pas systématique, mais limité aux abords du centre, lequel, comme cela a été noté, regroupe dans un même bâtiment les locaux commerciaux et le centre funéraire.
58. S'agissant de l'aménagement intérieur des locaux en cause, les dispositions législatives et réglementaires du Code général des collectivités territoriales admettent l'implantation dans le même immeuble des locaux affectés à la gestion de la chambre funéraire et ceux réservés à l'offre des autres prestations, énumérées à l'article L. 223-19 du même Code, à condition que ces locaux restent distincts et que les personnes qui ont la charge d'organiser les obsèques d'un défunt (famille ou proches) soient informées de la possibilité pour elles de choisir, pour les prestations autres que le séjour en chambre funéraire, soit l'entreprise gestionnaire de cette chambre soit toute autre entreprise de pompes funèbres habilitée. Or, il résulte des éléments recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction que les familles qui se rendent au centre funéraire de La Tronche ne peuvent être induites en erreur ni par les affichages ni par la signalétique existant dans les locaux dès lors que la liste préfectorale des opérateurs funéraires est affichée, de manière visible, dans la chambre funéraire et dans les deux salles d'attente. Dans ces conditions, l'affectation aux activités de la SAEM d'un numéro d'appel téléphonique unique n'apparaît pas, à lui seul, dans les circonstances de l'espèce, de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit des personnes désireuses d'organiser les obsèques d'un de leurs proches.
59. En revanche, les plans du site funéraire, décrits aux points 19 à 23, permettent de constater que certains articles funéraires exposés dans les locaux commerciaux étaient visibles depuis le hall d'accueil commun.
60. Or, comme l'a relevé le Conseil dans son avis n° 97-A-26, la possession d'une chambre funéraire, située à proximité immédiate du magasin où sont vendues les autres prestations liées aux obsèques, constitue, pour un opérateur de pompes funèbres, un fort avantage commercial et concurrentiel. En effet, il est de plus en plus fréquent que les corps des personnes décédées soient transférés par les familles en chambre funéraire, où celles-ci peuvent recevoir des conseils et préconisations pour l'organisation des funérailles et ainsi déterminer leur choix dans des délais nécessairement rapides. Le possesseur d'une chambre funéraire bénéficie donc d'un contact privilégié avec les familles qu'il est le premier à rencontrer. Il ne doit pas mettre à profit cette circonstance pour proposer l'ensemble de ses services. A cet égard, le manque de séparation claire entre la salle d'accueil et la salle d'exposition des services funéraires est de nature à entretenir la confusion.
61. La SAEM-PFI relève que cette pratique, à la supposer anticoncurrentielle, a pris fin et estime qu'elle n'a pas eu d'effet sensible sur la concurrence.
62. Il convient, en premier lieu, de donner acte à la SAEM-PFI de ce qu'elle a exécuté l'injonction prononcée à son encontre par le Tribunal de commerce de Grenoble, dans son jugement du 14 mars 2003, lui ordonnant, "afin d'éviter tout risque de confusion, de modifier la séparation entre la salle d'accueil et les services funéraires de faire en sorte qu'en aucun cas, la salle d'exposition ne puisse être vue par les personnes entrant dans le centre funéraire ou attendant dans celui-ci". Elle a, en effet, installé des pare-vues entre le hall d'accueil et la partie des locaux dédiée aux autres prestations commerciales, en juillet 2003. Cependant, le risque de confusion a existé jusqu'à cette date.
63. Il convient de souligner, en second lieu, que durant la période examinée, les parts de marché de la SAEM-PFI se sont accrues, passant de 83,6 % en 1997 à 84,9 % en 2000, au moment même où le marché, jusqu'alors très réglementé, s'ouvrait à la concurrence.
64. Pour les raisons exposées au point 61, la confusion, entretenue entre l'activité de gestion de la chambre funéraire et les autres prestations commerciales de pompes funèbres émanant d'une entreprise en position dominante et exploitant l'une des deux seules chambres funéraires de la zone géographique concernée, a nécessairement eu un effet sensible sur le jeu de la concurrence.
65. La pratique décrite ci-dessus, qui s'est prolongée jusqu'en juillet 2003, a constitué, de la part de la SAEM-PFI, un abus de position dominante ayant pour objet et ayant pu avoir pour effet de dissuader les familles de faire appel aux autres entreprises intervenant sur le marché des pompes funèbres de Grenoble et des communes avoisinantes et de limiter, par suite, le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises sur ce marché. Cette pratique est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
4. Sur les avantages conférés à la SAEM-PFI par les municipalités, les établissements hospitaliers et la police
66. A défaut de preuve d'un accord de volonté entre la SAEM-PFI, d'une part, et les municipalités, les établissements hospitaliers et les services de police, d'autre part, de nature à caractériser une entente anticoncurrentielle visant à désavantager les concurrents de la SAEM-PFI, cette dernière entreprise ne peut être tenue pour responsable des éventuelles discriminations, décrites aux points 24 à 34, dont elle aurait bénéficié. Aucune pratique anticoncurrentielle n'est donc établie à l'encontre de la SAEM-PFI de ce chef.
67. Quant aux distributions de cadeaux de fin d'année auprès notamment du personnel du CHRU, qui sont reprochées à cette société, il convient de relever qu'il s'agit d'une pratique commerciale courante qui ne saurait, à elle seule, être considérée comme abusive.
5. S'agissant des modalités administratives d'admission en chambre funéraire
68. Les seuls éléments à charge concernant cette pratique sont constitués de témoignages d'anciens salariés de la SAEM-PFI qui, après leur licenciement, sont devenus salariés de concurrents de la SAEM-PFI. Ils ne peuvent suffire à eux-seuls, en l'absence de témoignages émanant de tiers dont l'impartialité ne pourrait être contestée, tels par exemple des clients, à établir l'existence d'une pratique discriminatoire, en ce qui concerne les conditions administratives d'admission en chambre funéraire, décrites aux points 35 à 37.
6. Sur l'allocation des infrastructures funéraires gérées par la SAEM-PFI
69. Il n'a pas été démontré au cours de l'instruction que l'affectation, de préférence aux concurrents de la SAEM-PFI de salons permettant un accès extérieur sans passage par le hall d'accueil, ait généré un surcoût pour ces derniers. Par ailleurs, un certain nombre de prestataires ont indiqué avoir pu opérer ponctuellement au sein du centre funéraire intercommunal sans contrainte particulière. Dès lors, il n'est pas établi que cette pratique, décrite aux points 38 et 39, ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.
7. Sur les conditions d'accès aux prestations de thanatopraxie
70. L'unique prestation de thanatopraxie réalisée par les salariés de la SAEM-PFI pour une société tierce dont la preuve figure au dossier, décrite au point 40, ne peut pas non plus suffire, à elle seule, en raison de son caractère ponctuel, à caractériser une pratique anticoncurrentielle de discrimination de la part de la SAEM-PFI.
C. Sur la sanction
71. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; par suite et en vertu du principe de non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
72. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "I.- Le Conseil peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction (...)".
73. Les comportements reprochés à la SA d'Économie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales de la région grenobloise sont graves en ce que les familles des défunts se trouvent, au moment où elles accordent leur confiance à un prestataire de pompes funèbres, dans un état de dépendance tenant, d'une part, à la nécessité d'organiser rapidement les funérailles et, d'autre part, au désarroi provoqué par le deuil.
74. En revanche, il y a lieu de tenir compte du fait qu'à la suite du jugement du Tribunal de commerce de Grenoble du 14 mars 2003, la SAEM-PFI a fait procéder aux aménagements nécessaires, afin qu'il ne soit plus possible d'apercevoir, depuis le hall d'accueil de son centre funéraire, les articles funéraires exposés dans la partie des locaux dédiée aux prestations commerciales.
75. S'agissant du dommage à l'économie, les pratiques considérées traduisent un abus de position dominante destiné à restreindre le développement du libre exercice de la concurrence par d'autres intervenants sur un marché historiquement réglementé et protégé, ouvert depuis peu à une concurrence pleine et entière. Il ressort d'ailleurs des éléments versés aux débats que la SAEM-PFI a même, durant la période considérée, renforcé sa position sur le marché.
76. En conséquence et compte tenu du chiffre d'affaires réalisé par la SA d'Économie Mixte des Pompes Funèbres Intercommunales de la région grenobloise lors du dernier exercice clos (2003), qui est de 6 001 338 euros, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 20 000 euros.
Décision
Article 1er : Il est établi que la société SAEM-PFI a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Article 2 : Une sanction pécuniaire de 20 000 euros est infligée à la SAEM-PFI.