Conseil Conc., 23 juin 2004, n° 04-D-24
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en ouvre par la société France Télécom Câble à l'encontre des chaînes Planète Câble et Canal J
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Fontaine, par M. Nasse, vice-président, présidant la séance, Mmes Aubert, Mader-Saussaye, Perrot, MM. Bidaud, Lasserre, Piot, membres.
Le Conseil de la concurrence (Section I)
Vu la décision en date du 20 mai 1999, enregistrée sous le n° F 1144, par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence sur les réseaux câblés exploités par France Télécom Câble et ses filiales ; Vu le livre IV du Code de commerce, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu la décision n° 03-DSA-38 du 24 novembre 2003, par laquelle la Présidente du Conseil de la concurrence a fait application des dispositions de l'article L. 463-4 du Code de commerce ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 27 avril 2004 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. Le secteur concerne
1. Les pratiques qui ont motivé l'auto-saisine du Conseil sont relatives aux résiliations de contrats de diffusion, par France Télécom Câble, des chaînes Planète Câble et Canal J, et à leur éviction progressive des offres de programme de ce câblo-opérateur.
1. La fourniture de produits audiovisuels par les éditeurs de programmes
2. Les câblo-opérateurs et diffuseurs satellitaires exploitent les réseaux câblés et la diffusion satellitaire en diffusant des vidéoprogrammes proposés par des fournisseurs de services télévisés appelés "éditeurs de programmes". Aux termes de contrats d'exploitation types, la fourniture de programme par les éditeurs de programme est rémunérée par le versement d'une redevance.
3. La pauvreté de l'offre de chaînes proposées au public au moment de l'ouverture du réseau câblé à la concurrence a conduit les câblo-opérateurs à éditer leurs propres chaînes thématiques pour alimenter leurs réseaux, dont Planète Câble et Canal J en 1987, TV Sports en février 1988, devenue filiale de la Compagnie Générale des Eaux en septembre 1988, Canal info, Ciné-Cinéma, Ciné-Folies et Canal bis à la fin de l'année 1988.
4. A compter du milieu des années 90, la pression des chaînes télévisuelles du satellite pour être diffusées sur le câble et, plus généralement, la concurrence des bouquets satellitaires ont incité les câblo-opérateurs à réduire le prix de l'abonnement proposé à leurs clients finals en excluant les chaînes thématiques les plus chères au bénéfice de chaînes meilleur marché.
2. La diffusion de programmes audiovisuels par les câblo-opérateurs
5. La distribution des chaînes de télévision par câble consiste à diffuser, par fil ou par câble (et non plus par ondes hertziennes), des programmes composés de sons et d'images.
6. La transmission de données câblées se fait en mode analogique ou en mode numérique. L'avantage principal de la diffusion numérique réside dans la quantité 8 à 10 fois supérieure de l'information qu'elle permet de véhiculer. Du fait de la multiplication des possibilités offertes par la compression numérique, la capacité de s'approvisionner et de distribuer les chaînes thématiques s'est fortement accrue.
7. Pour l'usager, le coût mensuel de la location d'un décodeur numérique et de l'abonnement stricto sensu est de l'ordre de 45 francs TTC (prix France Télécom Câble). Aligné sur les tarifs des opérateurs satellitaires, ce montant ne couvrirait pas les frais des câblo-opérateurs, évalués par France Télécom Câble à 60 francs HT.
8. En outre, bien que le développement des bouquets satellites offre de nouveaux débouchés aux chaînes du câble, l'individualisation de l'offre rendue possible par la numérisation croissante des réseaux a pour effet de réduire substantiellement le nombre d'abonnés pour certaines chaînes thématiques, auparavant proposées dans l'offre de base et désormais uniquement accessibles en option.
B. Les intervenants du secteur
1. Les éditeurs de programmes
a) Planète Câble
9. La société Planète Câble [48, quai Point du Jour à Boulogne (92)] éditrice de la chaîne du même nom, est une SA contrôlée à 98,4 % par le groupe Multithématiques, appartenant lui-même au pôle audiovisuel de Canal Plus.
10. Le chiffre d'affaires de la société Planète Câble s'élevait en 1998 à 157 millions de francs, en progression de 28 %, par rapport à 1997. 90 % des revenus de la chaîne proviennent des produits d'abonnement, les recettes publicitaires étant en revanche peu élevées. En 1998, le nombre d'abonnés à la chaîne a crû de 20 % par rapport à 1997, pour atteindre 2 708 000 abonnés. Cette expansion est à mettre au compte de la présence de Planète dans le bouquet de Canalsatellite et dans les plans de services analogiques de la plupart des câblo-opérateurs. La société Planète Câble exporte Planète en Belgique et en Suisse à un prix moindre que celui facturé en France.
11. Planète bénéficie d'un contrat de fourniture de programmes avec TPS et Canalsatellite (prorogé par avenant jusqu'en 2004 pour ce dernier). En outre, elle est assurée, en vertu d' un contrat de 3 ans, d'être achetée jusqu'en 2001 inclus par le premier câblo-opérateur, Lyonnaise câble, pour un montant annuel garanti supérieur à 22,5 millions de francs, soit un prix moyen de 4,80 francs par mois et par abonné.
12. La chaîne Planète Câble était, avant les résiliations litigieuses, commercialisée à 5,15 francs par mois et par abonné, contre 2,50 francs/m/a pour sa concurrente, la chaîne Odyssée.
b) Canal J
13. La société Canal J (91, rue du Cherche-Midi à Paris 6e) est une société anonyme filiale à 91,5 % de la chaîne Euromusique MCM, elle-même contrôlée à 51 % par le groupe Lagardère qui vient d'entrer dans le capital de Canalsatellite et de Multithématiques. Enfin, Canal Plus dispose d'une participation de 18,1 % dans l'ensemble Euromusique/MCM. La chaîne Canal J rejoint donc le groupe Multithématiques piloté par Canal Plus.
14. Canal J est, avec Paris Première, la plus ancienne des chaînes thématiques, leur création remontant à la fin de l'année 1986 avec l'ouverture du premier réseau câblé à Paris. Elle a longtemps été la seule chaîne éditée par câble et satellite dédiée à la jeunesse et à la famille, ce qui lui a conféré une forte notoriété. Le chiffre d'affaires de Canal J s'élève à 142,4 millions de francs en 1998, en hausse de 14 % par rapport à 1997, avec des produits d'abonnements représentant 85 % du chiffre d'affaires. Canal J a dégagé, en 1998, un bénéfice d'exploitation de 9,189 millions de francs, soit 6,4 % du CA, en hausse de 97 % par rapport à 1997.
15. Au 1er septembre 1999, le nombre des abonnés de Canal J a crû de 160 000, par rapport à début 1999 (soit 6,3 %), pour atteindre 2 670 000 abonnés, grâce à sa présence dans le bouquet Canalsatellite et dans les plans de service analogiques de la plupart des câblo-opérateurs. Selon ce qu'avance Canal J, la chaîne "(...) est reprise sur l'intégralité des réseaux câblés français à l'exception de quelques régies municipales et de certains réseaux de petite taille, et du réseau de Metz bien entendu(...)".
16. En diffusion satellitaire, Canal J est commercialisée en exclusivité (reconduite par avenant jusqu'au 31 décembre 2002) dans le bouquet de base de Canalsatellite au prix de 4 francs/m/a. Par ailleurs, Canal J faisant partie du groupe Lagardère depuis l'automne 1999 (associé depuis janvier 2000 au groupe Canal Plus par des prises de participation dans Canalsatellite et Multithématiques), est assurée de bénéficier le cas échéant des distributeurs Canalsatellite et NC Numéricâble. Canal J bénéficie, en outre, d'un contrat triennal de fourniture à Lyonnaise câble lui garantissant jusqu'en 2001 un montant annuel de 23,5 millions de francs (prix moyen de 5 francs/m/a).
17. La chaîne Canal J est commercialisée entre 4,40 francs/m/a et 6 francs/m/a sur les réseaux France Télécom Câble, contre 1,46 francs/m/a pour Télétoon sur Metz, et 1,06 francs/m/a pour cette même chaîne sur le réseau de la Lyonnaise communications.
2. Les distributeurs
18. On distingue les câblo-opérateurs et les opérateurs satellitaires.
a) Les câblo-opérateurs
19. Ils sont très concentrés : 72,3 % des abonnés tous services, au 30 septembre 1999, le sont auprès des trois opérateurs du plan câble : Lyonnaise communications (Suez), NC Numéricâble (Canal Plus), France Télécom Câble. De nombreux petits réseaux viennent d'être regroupés autour d'opérateurs étrangers (UPC, Intercom, NTL).
20. France Télécom Câble est, au moment de la saisine d'office, le troisième câblo-opérateur derrière Lyonnaise communications et NC Numéricâble, contrôlant 23 % des abonnés au service télévisuel. France Télécom Câble est une filiale à 100 % de Cogecom ; elle regroupe notamment les 17 sociétés (sociétés en nom collectif ou sociétés anonymes) qui exploitent les réseaux câblés locaux. La maison mère, France Télécom, est associée avec France Télévision SA dans France Télévision Entreprises, pour contrôler 25 % du capital de Télévision par satellite (TPS).
21. En 1998, France Télécom Câble réalise un chiffre d'affaires de 769 millions de francs et accuse une perte d'exploitation de 19,7 % ; la société n'a connu que des exercices déficitaires depuis sa création. Pour la période allant de janvier à octobre 1999, les nouveaux abonnés se partagent entre 56,2 % d'abonnés en mode numérique et 45,8 % en mode analogique, ce qui montre un réel développement de l'offre numérique. En outre, il est relevé que France Télécom Câble dénonce régulièrement les contrats avec les chaînes "historiques" qu'elle distribue, avant leur date de tacite reconduction, afin de négocier à la baisse les redevances versées à ces chaînes, ainsi que le montrent les résiliations des chaînes Ciné cinémas, Ciné classics, MTV, MCM, Eurosport, Festival, Paris première, Météo.
b) Les opérateurs satellitaires
22. Il s'agit de Canalsatellite et de TPS
Canalsatellite
23. La société Canalsatellite (21-23, rue Leblanc à Paris 15ème) est une société anonyme filiale à 57 % de Canal Plus. Créée fin 1992 par le groupe Canal Plus pour commercialiser un bouquet de chaînes à péage en mode analogique, la société gère à présent un bouquet numérique plus étoffé, diffusé à partir du satellite Astra. La société Canalsatellite fait partie du pôle audiovisuel de Canal Plus, société dont l'actionnaire principal est Vivendi (34 %), et qui comprend notamment le câblo-opérateur NC Numéricâble (63 %) et la société Multithématiques (27,4 %) éditrice de chaînes thématiques, dont Planète, mais possédant encore des participations dans d'autres chaînes, dont Canal J (18,1 %). Enfin, le groupe Lagardère a racheté, en 1999, la participation de Vivendi et de Time Warner dans Canalsatellite (34 %, soit la minorité de blocage).
24. Son chiffre d'affaires s'établit, en 1999, à 3 100 millions de francs contre un chiffre d'affaires de 2 300 millions de francs en 1998 (+ 34 %), lui-même en hausse de 86 % par rapport à celui de 1997. Compte tenu des charges d'exploitation et des investissements engagés, le point mort n'est pas atteint en 1999 et, pour 1998, la perte d'exploitation est de 472 millions de francs avec un résultat comptable négatif de 470 millions de francs (20 % du chiffre d'affaires). TPS
25. La société TPS (145, quai de Stalingrad à Issy-les-Moulineaux 92) commercialise un bouquet de chaînes numériques depuis fin décembre 1996 et, à la date de la saisine, associe dans son capital opérateurs publics et privés TF1 (25 %), Suez (25 %), M6 (25 %), France Télévision services (25 %) France Télécom (16,7 %) et France Télévision (8,3 %).
c) Parts de marché des principaux distributeurs de chaînes thématiques (octobre 1999)
26. Le tableau suivant distingue les simples raccordés TV des abonnés aux niveaux de services plus rémunérateurs où sont distribuées les chaînes payantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
27. Comparaison des offres sur les principaux bouquets de chaînes :
EMPLACEMENT TABLEAU
C. Les pratiques relevées
1. Pratiques de France Télécom câble à l'égard de la chaîne Planète Câble
28. Les filiales régionales de France Télécom Câble (FTC) ont signé des contrats-types de diffusion avec la société Planète Câble, d'une durée de 58 mois, renouvelables par tacite reconduction et comportant une clause de résiliation anticipée pour le câblo-opérateur, avec préavis de six mois. Plus spécifiquement, la chaîne Planète Câble a signé avec la société exploitant le réseau Bayonne-Anglet-Biarritz aux droits de laquelle vient le câblo-opérateur France Télécom Câble (la société Atlantique Télé Câble), un contrat cadre en date du 27 mars 1991. Ce contrat prévoyait une rémunération de 6 francs HT par mois et abonné raccordé au réseau (art. 9) et un préavis de dénonciation de 6 mois (art. 2-1). L'article 2-2 stipulait que l'opérateur avait la faculté de résilier le contrat par anticipation, la résiliation étant effective trois mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception.
29. Par courrier du 29 avril 1998, le câblo-opérateur a annoncé son projet d'un nouveau plan de services faisant un recours accru au numérique. Concrétisé courant 1999 sur la plupart des sites France Télécom Câble, ce plan comportait un niveau d'entrée composé des chaînes hertziennes nationales ou locales, auquel s'ajoutaient deux bouquets analogiques "Mini direct" et "Maxi direct", plusieurs bouquets numériques à la carte ou non ("Modulo cartes", "Modulo passions", "Modulo cinés") et une série de chaînes optionnelles à l'unité (Seasons, Disney Channel, XXL...). Dans le cadre d'une telle offre, Planète Câble et Canal J bénéficiaient d'une diffusion analogique et numérique (bouquet"Découverte" pour Planète). Dans ce courrier, FTC demandait à Planète Câble de formuler ses propositions tarifaires pour cette double diffusion.
30. Faute de proposition tarifaire "concrète et satisfaisante" de la société Planète Câble, la société France Télécom Câble lui a adressé, le 1er juillet 1998, un courrier signifiant le retrait de la chaîne Planète du réseau Bayonne-Anglet-Biarritz.
31. Il était rédigé de la manière suivante : "(...) il est nécessaire de faire évoluer l'offre de diffusion de chaînes sur les réseaux exploités par le groupe France Télécom Câble qui vous a informé à cet égard, il y a plusieurs mois, en vous demandant de formuler des propositions tarifaires. Or, à ce jour, Planète n'a formulé aucune proposition concrète et satisfaisante. En conséquence, la diffusion de la chaîne Planète sur le réseau Bayonne-Anglet-Biarritz cessera à compter du 1er octobre 1998. Toutefois, je suis prêt à envisager avec vous la diffusion de la chaîne Planète en numérique sur ce même réseau, à compter de cette date. Cette diffusion se ferait, dans un premier temps, dans la formule Câble satellite 2, et ce selon des conditions à déterminer (...)".
32. Un second courrier de France Télécom Câble, en date du 29 juillet 1998, relevait : "dois-je rappeler que Planète impose toujours, depuis près de cinq années, un prix totalement rigide de 5,15 francs par abonné, la seule concession que vous ayez faite consistant en une baisse de ...3 % pour les seuls abonnés postérieurs au 1er janvier 1997. Dois-je attirer votre attention sur la totale opposition de Planète à tout changement de son système de tarification lequel nous impose d'acquitter une rémunération pour des abonnés qui ne reçoivent pas votre chaîne ? Dois-je souligner les énormes écarts de prix qui existent entre Planète et ses concurrents sur le marché ? (...)"
33. Le retrait de la chaîne a pris effet à compter du 1er octobre 1998 (soit avec un préavis de trois mois) et elle a été remplacée par la chaîne Odyssée, éditée par la Société d'exploitation de documentaires, filiale de TF1 à 99 % (elle-même partenaire de France Télécom dans le bouquet satellitaire TPS).
34. En outre, par lettres des 14 mai et 16 septembre 1998, la société France Télécom Câble a notifié à la société Planète Câble sa décision de ne pas renouveler les contrats de diffusion de la chaîne sur le réseau de Toulon au-delà du 31 décembre 1998 et sur les réseaux d'Angers, de Tours, des Yvelines, de Rennes, de l'Essonne, de la côte d'Opale et de l'Est au delà du 31 mars 1999, tout en précisant qu'elle était "[prête] à examiner les termes d'un nouveau contrat en fonction des propositions tarifaires que vous pourrez nous faire, tenant compte de l'évolution de notre offre commerciale telle qu'elle vous a été exposée dans notre lettre du 29 avril dernier".
35. La société France Télécom Câble a annoncé, dans une lettre du 5 mars 1999, sa décision d'interrompre la diffusion de la chaîne en mode analogique sur les réseaux d'Angers, Rennes, Tours et Dunkerque (Côte d'Opale) et de maintenir la diffusion de la chaîne au-delà du 31 mars 1999 sur les réseaux de Toulon, Evry et Massy, sur le réseau de l'Est et sur le réseau de Saint-Quentin-en-Yvelines. La société a proposé, dans une lettre du 29 mars 1999, pour les réseaux où Planète continuerait à être diffusée, la réduction de la redevance mensuelle à 3 francs par abonné. Dans le même courrier, elle demandait que la réflexion soit étendue à Canal Jimmy et Télé Monte Carlo. Enfin, dans une lettre du 6 avril 1999, elle a exposé que la redevance ne saurait dépasser, en tout état de cause, la somme de 4 francs.
36. Dans un courrier du 12 mars 1999, la société Planète Câble a fait une proposition à 4,70 francs/m/a pour les abonnés analogiques recevant effectivement la chaîne, à condition que la chaîne se trouve dans tous les plans de service de France Télécom Câble et que les abonnés aux bouquets numériques reçoivent gratuitement la chaîne, et ce dans le cadre d'un contrat de 2 ou 3 ans à compter du 1er janvier 1999.
37. Par ailleurs, dès la fin 1999, l'offre type de Planète aux autres câblo-opérateurs pour 1999 a été baissée de 5,15 francs/m/a à 5 francs/m/a pour le nombre d'abonnés au 31 décembre 1998 et de 5 francs/m/a à 3 francs/m/a pour tout accroissement du nombre d'abonnés après cette date.
38. Par un courrier du 1er avril 1999, le groupe Multithématiques a accepté que la chaîne Planète ne soit pas référencée dans les bouquets analogiques de trois réseaux de France Télécom Câble (Angers, Tours Côte d'Opale), qu'elle puisse être commercialisée en mode numérique, et enfin qu'elle ne bénéficie pas d'une garantie de chiffre d'affaires (assiette assise sur le nombre des abonnés).
39. Par courrier du 6 avril 1999, France Télécom Câble a fait une contre-proposition consistant en un prix plafond de 4 francs/m/a "(...) qui ne saurait raisonnablement être dépassé tant pour l'analogique que pour le numérique seul (...) et d'un contrat d'une durée de deux ans (...)".
2. Pratiques de FTC à l'égard de Canal J
40. La société Canal J était engagée avec France Télécom Câble par deux types de contrats : d'une part, un contrat afférent aux réseaux TDF Câble exploités par France Télécom Câble, d'autre part, un contrat conclu directement avec France Télécom Câble, couvrant la période du 1er novembre 1995 au 1er janvier 1998, reconductible tacitement par périodes de deux ans, sauf dénonciation par l'une des parties (sous préavis d'au moins trois mois avant sa date d'échéance), signé le 24 janvier 1996.
41. Canal J était rémunérée au prix de 5,40 francs/m/a, inférieur de 10 % au tarif de référence de 6 francs/m/a, en application d'une clause de dégressivité du prix selon les performances commerciales de chacun des sites de l'opérateur, mesurées par leur taux de pénétration (rapport abonnés Canal J/nombre de prises). Les abonnés pris en compte étaient ceux qui recevaient effectivement la chaîne. Un courrier de France Télécom Câble en date du 2 février 1998 a proposé une grille unique de tarification pour tous les sites de France Télécom Câble dans le cadre d'un nouveau contrat d'une durée de 30 mois au lieu de 3 ans, pour un premier prix de 5,10 francs/m/a contre 5,40 francs/m/a et un deuxième prix de 4,90 francs/m/a contre 5,10 francs/m/a pour des taux de pénétration respectifs de 15/20 % et 20/22,5 % et pouvant descendre, jusqu'à un prix plancher de 3 francs/m/a pour un taux supérieur à 42,5 %.
42. C'est dans ce contexte de négociations contractuelles que, par le courrier déjà mentionné du 29 avril 1998 (paragraphe 29), France Télécom Câble a annoncé l'élaboration d'un nouveau plan de services faisant un recours accru au numérique. Dans le cadre d'une telle offre, Planète Câble et Canal J bénéficiaient d'une diffusion analogique et numérique.
43. Le courrier du 29 avril 1998, demandant à Canal J de faire ses propositions tarifaires quant à cette double diffusion, était accompagné de la liste des réseaux concernés.
44. La chaîne Canal J a pris acte, le 28 mai 1998, de la nouvelle formulation du plan de services et a maintenu son offre du mois de février précédent. Par courrier du 18 juin 1998, le câblo-opérateur a souligné que les contrats en cours ne pouvaient être reconduits dans la mesure où les derniers tarifs proposés s'avèrent "(...) toujours manifestement trop élevés (...)".
45. Le 15 juillet 1998, Canal J a reformulé une offre comportant un prix plancher rehaussé à 3,50 francs/m/a pour un taux de pénétration de 37,5 % contre 3 francs/m/a pour 42,5 % précédemment.
46. Le 3 août 1998, France Télécom Câble a annoncé la cessation de la diffusion de Canal J à compter du 10 novembre 1998 sur les réseaux de Metz et de sa banlieue.
47. Par courrier du 31 août 1998, Canal J s'est plaint du caractère anormalement bas du prix offert par France Télécom Câble, en l'occurrence 1,50 francs/m/a. Le câblo-opérateur a répondu, le 2 septembre 1998, qu'aucun raisonnement économique ou juridique ne permettait de soutenir que France Télécom Câble serait tenue de se plier aux "tarifs infiniment supérieurs" de Canal J.
II. Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil :
48. Aux termes de l'article L. 464-6 du Code de commerce : "Lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure".
49. L'enquête et l'instruction n'ont pas permis d'établir que les résiliations de contrats de distribution des chaînes Planète et Canal J auraient eu un objet ou un effet anticoncurrentiels. Il ressort, en effet, du dossier que France Télécom Câble, en situation de déficit chronique et sous le poids d'une pression concurrentielle importante de la part des autres opérateurs, pouvait légitimement remplacer, dans son plan de services, les chaînes historiques Planète Câble et Canal J, dont les tarifs étaient largement supérieurs à la moyenne de ceux pratiqués, dans le secteur, par les chaînes concurrentes Odyssée et Télétoon, suivant un rapport de 5,15 francs /m/a à 3 francs/m/a.
50. En outre, peu de temps après les résiliations, qui ont été largement motivées et sont intervenues à l'issue de négociations étalées dans le temps, le câblo-opérateur a repris la diffusion des deux chaînes. Aucun élément n'établit que l'arrêt spécifique de diffusion de Planète Câble sur le réseau Bayonne-Anglet-Biarritz aurait pu constituer un moyen de pression illicite sur la société Planète Câble, dans la négociation tarifaire générale avec France Télécom Câble.
51. Enfin, aucun élément du dossier ne permet d'établir l'existence d'une discrimination anticoncurrentielle, par laquelle FTC aurait favorisé Odyssée (détenue par le partenaire de France Télécom dans le bouquet TPS) et Télétoon (filiale de TPS), en évinçant indûment Planète Câble et Canal J de ses plans de service.
52. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la délimitation du marché affecté, qu'il s'agisse des marchés de la diffusion par câble et par satellite ou de la seule diffusion par câble, sur lesquels en toute hypothèse FTC ne détenait, au moment des faits, que respectivement 13,4 % et 23 % des raccordements, les pratiques dénoncées n'entrent donc pas dans les prévisions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Il convient, dès lors, de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce précitées.
Décision
Article unique - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.