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Décisions

CA Agen, ch. corr., 19 mai 1994, n° 256

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Hertel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dreuilhe

Avocat général :

M. Boutan

Conseillers :

MM. Louiset, Bastier

Avocats :

Mes Vivier, Gonelle, Falga, Martial.

TGI Agen, ch. corr., du 2 juin 1993

2 juin 1993

Vu les appels interjetés à l'encontre de la décision susmentionnée par Francis C, par Chantal P épouse D et par le Ministère public, lesdits appels formalisés suivant déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d'Agen le 10 juin 1993;

Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et ont été interjetés dans le délai de la loi; qu'il convient, en conséquence, de les déclarer recevables;

Attendu, sur l'action publique, qu'il résulte tant des pièces de la procédure que des débats que Francis C (entreprise en nom personnel) a vendu le 16 novembre 1990 à Guy Pistore un véhicule utilitaire Fiat Fiorinp diesel, millésime 1987, immatriculé 8213 RS 17 pour le prix de 24 000 F, soit 6 000 F au dessus de la côte argus; qu'au moment de la transaction, le compteur affichait un kilométrage de 46 340 kms, chiffre repris sur le livret de garantie NSA remis à l'acquéreur; que, dès le premier jour, Pistore a ramené ledit véhicule, tombé en panne au bout de 3 kms, à C, lequel l'a conduit chez M. Calvet, concessionnaire Fiat à Fumel, qui l'a informé le 20 novembre suivant que le moteur n'avait pas 146 000 kms mais au moins 146 000 kms qu'à la suite de nouvelles pannes, Pistore a signalé les faits à la brigade de gendarmerie, laquelle a fait procéder à un examen technique du véhicule par Philippe Vert, expert près la Cour d'appel d'Agen, lequel a notamment conclu que

- le moteur monté sur ce véhicule ne correspondait pas au moteur d'origine et avait été bricolé (montage d'une pompe à vide) pour l'adapter au véhicule,

- le compteur avait été remplacé et le kilométrage qu'il affichait ne correspondait pas à l'état général du véhicule,

- ce véhicule avait été accidenté à l'avant et réparé en dépit des règles de l'art,

- l'état mécanique du véhicule était mauvais et le moteur était hors d'usage,

- dans cet état, le véhicule ne correspondait pas à l'usage auquel il était destiné,

- le véhicule avait été acheté 214 000 F alors que sa valeur, si sont état avait été normal, n'aurait été que de 16 000 F;

Qu'entendu le 28 mai 1991, C a indiqué avoir acheté ce véhicule à la fin du mois de mai 1989 à Jean-Marcel Maillon, exploitant le garage Siem à Mont-de-marsan, pour le prix de 27 000 F, mais compte tenu du mauvais état de son moteur, de l'avoir vendu à Pistore pour le prix de 214 000 F en l'informant du changement de moteur, acheté au garage Euroto 2000 exploité par Guy Larroque, provenant d'un véhicule de même modèle millésime 1983, immatriculé 53141 RF 147 que C a affirmé "Je ne me souviens pas avoir précisé le kilométrage réel du moteur qui avait été monté, à savoir 78 035 kms et garanti par Euroto 2000" ...; qu'après avoir obtenu de C un véhicule plus récent et en bon état, Pistore a retiré sa plainte;

Attendu que C s'est donc bien rendu coupable du délit de tromperie de Pistore sur les qualités substantielles d'un véhicule; que, par contre, Chantal P épouse D ne peut se voir reprocher la même infraction, n'étant intervenue à aucun titre dans cette transaction, étant ici observé qu'elle n'est devenue gérante de droit de la SARL X qu'après le 2 février 1991

Attendu qu'il est également reproché aux deux prévenus d'avoir trompé Danièle Marques épouse Hertel sur les qualités substantielles d'un véhicule; qu'il est constant que la SARL X a vendu le 28 septembre 1991 à Dame Hertel un véhicule Renault 5 GTL, millésime 1983, pour le prix de 15 000 F, la facture indiquant un nombre de 176 2614 kms au compteur non garantis et le certificat de contrôle technique en date du 12 Septembre 1991 signalant différents défauts et en particulier, en observations: "efficacité freinage arrière faible"; que selon l'acquéreur, le responsable de X lui aurait alors déclaré avoir effectué les réparations nécessaires à la suppression de ces défauts avant de lui livrer le véhicule; que ce véhicule a fait l'objet d'un contrôle de garantie contractuelle NSA n° 623 pour une durée de 6 mois; que, concernant des problèmes mécaniques, dame Hertel a ramené, à plusieurs reprises son véhicule au garage X, étant censé être remis en état dans le cadre de la garantie susvisée; que, ses difficultés persistant, l'acquéreur a fait effectuer, le 18 mars 1992, un nouveau contrôle technique à Cahors, dont le rapport a mis en évidence une détérioration grave du maître cylindre et un bruit anormal aux freins de service arrière; Dame Hertel a demandé à C, salarié de la SARL X, de procéder à une révision de son véhicule, laquelle avait été faite le 18 Avril 1992; qu'un mois après, dame Hertel, s'étant trouvé démunie de frein, alors qu'elle traversait un carrefour, a fait réparer son véhicule par le centre Feu Vert, lequel a dû procéder au remplacement du maître cylindre défectueux; que les services de la répression des fraudes, saisi par Dame Hertel, ont procédé à l'audition de C, qui a refusé de répondre à leurs questions, puis de Chantal D qui a indiqué que:

- sa société avait vendu le véhicule dont s'agit à Dame Hertel, après avoir procédé au dépoussiérage et au réglage des freins arrière,

- Dame Hertel s'était présentée avec son fils à son garage pour remédier à des problèmes qu'elle rencontrait avec sa voiture: odeur d'essence, fuite d'huile, bruit anormal au moyeu arrière, et C avait dématé les tambours arrière, contrôlé les freins et réglé les moyeux arrière,

- elle avait appris que Dame Hertel avait eu, en début d'année un accident avec ce véhicule; alors que celui-ci n'était pas accidenté lors de sa vente, ainsi qu'il ressort d'une attestation de l'ancien propriétaire ?

- il était exact qu'elle avait remis un carnet de garantie NSA à l'acquéreur mais n'avait pas réassuré le véhicule auprès de cet organisme, son entreprise assurant en fait cette garantie;

Que, dans sa première correspondance en date du 18 février 1992 au garage X, dame Hertel n'a émis aucune doléance quant à la mécanique de sa voiture, se bornant à réclamer une facture et la réfection de la peinture; que dans sa seconde lettre en date du 28 juillet 1992, elle a convenu qu'elle avait eu un accident en janvier 1991 avec ledit véhicule, à cause du temps neigeux, en précisant que la remise en état était faite sous le contrôle d'un expert à Cahors que le rapport de contrôle technique du 18 mars 1992 fait état de plusieurs défauts n'apparaissant pas dans le premier rapport de septembre 1991, et notamment:

- moteur: fuite (s)

- boîte: fuite (s)

- canalisation échappement G rupture fixation

- rotule (s) inférieure (s) AVG: jeu anormal

- rotule (s) supérieure (s): soufflet défectueux

- roulement (s) AR: bruit anormal

- longeron (s) AVG: réparation incorrecte

- longeron (s) G: déformation importante

- parechoc ARG: mauvaise fixation

- maître cylindre/doseur: détérioration (s) grave (s);

Attendu qu'ainsi rien ne permet d'affirmer avec certitude que les défectuosités dont se plaint dame Hertel sont antérieures à son accident de janvier 1991; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de réformer le jugement sur ce chef et de renvoyer les deux prévenus des fins de cette poursuite;

Attendu, quant à l'application de la peine que commande le délit de tromperie commis par C au préjudice de Guy Pistore, la cour considère qu'il y a lieu de réformer le jugement en condamnant C à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et à une amende de 5 000 F, et en ordonnant l'affichage et la publication du jugement;

Attendu qu'il est reproché à Francis C et dame D "d'avoir, à Montayral, le 23 octobre 1992, étant vendeur de produits ou prestataires de services, omis d'informer le consommateur, selon les modalités fixées par arrêté, par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout procédé approprié, sur les prix, les limitations éventuelles de responsabilité contractuelle ou les conditions particulières de vente, infraction prévue et réprimée par les articles 33 al. 2.1 du décret 1309 du 29 décembre 1986, 28 de l'ordonnance 86-1243 du 10 décembre 1986, par l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, R. 25 du Code pénal";

Qu'il est constant que le 23 octobre 1992, deux contrôleurs du service de la répression des fraudes se sont présentés à 9 heures 30 au siège de la X, où ils ont constaté que:

- 10 véhicules étaient exposés en vue de la vente sur son parc de stationnement,

- n'étaient pas indiquées, dans les conditions conformes aux articles 5 et 6 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978, les mentions de la marque (pour 9 des 10 véhicules), du millésime de l'année modèle (pour 8 des 10 véhicules), du mois et de l'année de la première mise en circulation pour les 10 véhicules, et du kilométrage pour 10 véhicules,

- l'une des deux mentions "garantis - non garantis" relatives au nombre de kilomètres au compteur d'une Ford Fiesta n° 6132 HZ 46 n'avait pas été barrée, alors que le nombre de kilomètres réel était de 128 500 et celui affiché de 28 680,

- la mention "non garantis" relative au kilométrage de 14 véhicules n'avait pas été indiquée sur les factures de vente y afférentes, alors que le garage X n'était pas en mesure de connaître le nombre réel de kilomètres;

Attendu que les textes visés dans la poursuite concernent les règles de publicité des prix pour les prestations d'entretien ou de réparation, de contrôle technique, de dépannage ou de remorquage ainsi que de garage de véhicules (arrêté du 27 mars 1987); qu'en réalité les textes applicables à l'espèce sont ceux de l'article 6 du décret n° 78-993 pris pour l'application de la loi du 10 août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les véhicules automobiles, et de l'article 13 de la loi du 1° Août 1905; qu'il y a donc lieu de requalifier les contraventions reprochées aux deux prévenus en défauts d'étiquetage informatif sur véhicules d'occasion exposés à la vente et de les en déclarer coupables, étant observé que C était l'unique vendeur de l'entreprise; que la cour considère qu'il y a lieu d'infliger à chacun des prévenus dix amendes de 1 000 F sur ce chef;

Attendu, sur l'action civile, que sur le vu de la constitution de partie civile de Danièle Marques épouse Hertel, Maître Martial, avocat au barreau d'Agen, a sollicité la confirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a condamné conjointement et solidairement les susnommés à payer à celle-ci la somme de 25 000 F à titre de dommages et intérêts; qu'il a néanmoins demandé à la cour d'ajouter à la décision déférée, en disant que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et en condamnant le sieur C et dame Hertel au paiement de la somme de 3 000 F en application des dispositions de l'article 1475-1 du Code de procédure pénale;

Mais attendu que les deux prévenus ont été renvoyés des fins de la poursuite en ce qui concerne la tromperie dont Dame Hertel demande la réparation, de sorte que la cour se trouve incompétente pour statuer sur l'action civile; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris sur ce chef et de débouter la partie civile de l'ensemble de ses demandes;

Que, toutefois, en raison de sa bonne foi, la partie civile sera déchargée de la totalité des frais afférents à la poursuite;

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, En la forme, reçoit en leurs appels Francis C, Chantal P épouse D et le Ministère public, Au fond, Sur l'action publique: - Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Francis C coupable du délit de tromperie de Guy Pistore sur les qualités substantielles d'un véhicule, mais le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau: - Renvoie Chantal P épouse D des fins de la poursuite du chef de tromperie de Guy Pistore sur les qualités substancielles d'un véhicule, - Renvoie Francis C et Chantal P épouse D des fins de la poursuite du chef de tromperie de Danièle Marques épouse Hertel sur les qualités substantielles d'un véhicule, - Requalifie les faits de défaut d'information du consommateur sur la publicité des prestations en défaut d'étiquetage informatif sur véhicules d'occasion exposés à la vente, - Condamne Francis C du chef de tromperie de Guy Pistore à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 F, - Condamne Francis C et Chantal P épouse D, chacun, à 10 amendes de 1 000 F pour les contraventions de défaut d'étiquetage informatif, - Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du nouveau Code pénal n'a pu être adressé par le Président au prévenu, absent, lors du prononcé de l'arrêt, - Ordonne que l'arrêt de condamnation de Francis C sera, à ses frais, publié par extraits dans les journaux "La Dépêche du Midi" et "L'Eveil" (Lot) sans que le coût excède 1 500 F pour chaque journal, et affiché par extraits pendant 7 jours aux portes d'entrée du garage SARL X à Montayral (47), l'affiche devant mesurer 42 cm X 29,7 cm (format A3), La présente procédure est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné, Sur l'action civile: - Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reçu Danèle Marques épouse Hertel en sa constitution de partie civile, - Mais le réforme pour le surplus, et, statuant à nouveau, - Déboute Dame Hertel de l'ensemble de ses demandes. - La décharge de la totalité des dépens de son action. Le tout en application des articles 10, 6 et 7 de la loi du 10 août 1905, 6 du décret 78-993, 13 de la loi du 10 août 1905, 512 et suivants du Code de procédure pénale.