CA Pau, ch. de police corr., 21 mars 1989, n° 181
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stopele
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bataille (faisant fonctions)
Substitut général :
M. Dagues
Conseillers :
MM. Cordas, lacroix
Avocats :
Mes Fellonneau, Baque
Sur l'action publique :
- déclaré F C coupable des faits qui lui sont reprochés ;
- en répression, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;
- l'a condamné, en outre, à 10 000 F d'amende ;
Sur l'action civile :
- reçu Mme Stopele en sa constitution de partie civile ;
- déclaré F responsable du préjudice subi par Mme Stopele C ;
- l'a condamné à payer à Mme Stopele la somme de 8 000 F à titre de dommages et intérêts - outre la somme de 1 000 F sur le fondement de l'article 425-1 du CPP.
- s'est déclaré incompétent pour prononcer la résolution de la vente ;
- condamné F C aux entiers dépens.
Le tout par application des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905.
LA COUR
Le 21 décembre 1985, Claudine Stopele a commandé à la SA F un véhicule "INNOCENTI" année 1980, d'un prix de 15 000 F, dont elle a pris possession le 24 décembre 1985.
Il était convenu que 2e véhicule subirait un contrôle mécanique postérieurement.
Au motif que l'automobile présentait de nombreuses anomalies de fonctionnement qui n'avaient pas été réparées par le Garage F, Claudine Stopele a fait citer directement Christian F, président directeur général des Etablissements F à Séméac, devant le Tribunal correctionnel de Tarbes sous la prévention de l'avoir à Séméac - le 24 décembre 1985 et les jours suivants - trompée sur les qualités substantielles de la chose vendue en lui vendant au prix de 15 000 F un véhicule réputé de marque INNOCENTI sans l'informer des défectuosités constituant le véhicule dangereux en son utilisation.
Par jugement en date du 27 octobre 1988, le tribunal a déclaré Christian F coupable des faits reprochés et l'a condamné aux peines de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 F d'amende. Recevant - en outre - Mme Stopele en sa constitution de partie civile, il a retenu la responsabilité entière de Christian F pour le préjudice subi par cette dernière et l'a condamné à lui payer la somme de 8 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Civile. Il s'est, par ailleurs, déclaré incompétent pour prononcer la résolution de la vente.
Appel de cette décision a régulièrement été interjeté par Christian F - Claudine Stopele et le Ministère public.
Les parties ont été régulièrement citées.
Christian F a comparu, assisté de son défenseur.
La partie civile n'a pas comparu, mais a été représentée par son avocat.
Christian F a sollicité sa relaxe et le rejet des demandes formées par la partie civile.
Dans ses conclusions déposées devant la cour, il demande essentiellement de constater que :
- l'existence d'un rapport d'expertise, à l'appui de chaque vente de véhicule d'occasion et, en l'espèce, effectué à la demande du PDG de la SA F, s'oppose à la constitution même de l'élément matériel de dissimulation ou mensonge nécessaire au délit de tromperie ;
- que ce processus de contrôle, instauré par l'entreprise et qui doit être respecté scrupuleusement par les vendeurs, particulièrement par le responsable VO, ajouté aux notes de service, s'oppose à l'affirmation déjà trop vague, retenue par le tribunal, selon laquelle le chef d'entreprise a manqué à son devoir de contrôle ;
- que le grief selon lequel les travaux préconisés par le premier rapport de contrôle n'auraient pas été effectués, constitue un élément matériel totalement étranger au délit de tromperie, qui doit s'apprécier au moment de la vente ;
- qu'en toute hypothèse, n'est pas suffisamment rapportée la preuve que les désordres signalés par l'expert dans son premier rapport n'auraient pas été réparés par le garage F, le second rapport effectué après plus de 11 000 kms, et de manière non contradictoire, ne pouvant constituer cet élément de preuve.
La partie civile sollicite par voie de conclusions l'allocation, après réformation du jugement, des sommes suivantes :
- 15 000 F avec intérêts au taux légal depuis le 24 décembre 1985, à titre de remboursement, en indemnisation du dommage direct né de la perception, sans cause réelle, de cette somme ;
- pour indemnisation des dommages annexes :
* 5 560 F représentant la différence entre le coût du crédit de financement et le montant principal de 12 000 F ;
* 1 300 F, soit le coût de la police d'assurance avec intérêts du jour du paiement ;
* 378 F, soit le coût du transfert de la carte grise, avec intérêts du jour du paiement ;
* 350 F, coût du rapport du Bureau de Contrôle ;
- a titre d'indemnisation de l'immobilisation avec encombrement du garage et privation de jouissance par impossibilité d'user du véhicule litigieux 10 000 F,
- a titre d'indemnité pour frais non répétibles accumulés par le fait des moyens dilatoires "pour la plupart imaginés par le prévenu", en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, 6 000 F ;
Sur quoi :
Sur l'action publique :
Attendu que le contrôle, effectué le 7 janvier 1986, a révélé de nombreuses défectuosités du véhicule, l'affectant dans ses organes essentiels (amortisseur AVD inefficace, jeu important sur articulation de bras ARD, jeux importants sur l'ensemble des organes de direction, fuites d'huile moteur, légers jeux sur transmissions D et G, pour l'essentiel) ;
Attendu que si ce contrôle a été opéré postérieurement à la convention des parties, il n'en a pas moins été prévu par celle-ci et a constitué ainsi une condition essentielle à sa validité,
Que, par suite, l'intention des parties et notamment celle du vendeur doit s'apprécier au vu des résultats de ce contrôle auquel la vente était subordonnée ; qu'il est à noter du reste que le rapport du 7 janvier 1986 fait apparaître le garage F comme propriétaire du véhicule ;
Attendu que force est d'admettre dès lors que le vendeur a eu connaissance, à tout le moins, le 7 janvier 1986, des défauts présentés par le véhicule vendu sous condition de vérification, dont l'état nécessitait une réfection ;
Or, Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que, nonobstant la connaissance des défauts importants, il était procédé par le garage F seulement à quelques réparations (remplacement des rotules supérieure et inférieure, d'un roulement avant, des balais d'essuie-glace et de deux ampoules) ; qu'en fait, en faisant croire faussement à Mme Stopele que les réparations utiles avaient été réalisées, les défauts majeurs ont subsisté en dépit de réclamations verbales de Mme Stopele et d'une mise en demeure adressée le 3 février 1986 aux Etablissements F, ainsi que le démontre un second contrôle pratiqué à la diligence de Mme Stopele, en juillet 1986, par le même expert qui a révélé la persistance des défectuosités les plus importantes qui n'avaient donc pas été réparées bien que connues du vendeur ; qu'il doit être souligné au surplus que Mme Stopele a pris possession du véhicule dès le 24 décembre 1984 alors qu'il avait été reçu seulement la veille par les Etablissements F qui ne s'étaient pas assuré de son bon fonctionnement par un examen sérieux avant de le céder ;
Attendu qu'en sa qualité de chef d'une entreprise qui vend non seulement des véhicules neufs, mais aussi des véhicules d'occasion, il lui appartient de connaître, tout au moins pour l'essentiel, la qualité de ces derniers, mis en vente ; que s'il a, à juste titre, institué pour chaque véhicule d'occasion un système de contrôle strict, il lui incombe de prendre connaissance, en tant que représentant de la société venderesse, des résultats du contrôle instauré par lui-même ; qu'en l'espèce, alors que le rapport de contrôle a été établi le 7 janvier 1986 à la demande du "Garage F" dont il est le représentant légal et qu' il devait, comme chef d'entreprise, connaître les conclusions de ce rapport, il a laissé subsister la vente sans faire procéder aux réparations qui s'imposaient, et ce, au surplus, malgré les doléances que Mme Stopele lui a adressées, ce qui suffit à caractériser l'infraction reprochée à son encontre, et notamment l'intention frauduleuse ;
Que s'il n'avait pas connu les défectuosités, il lui appartenait, ce qu'il n'a fait, d'expliquer pourquoi il avait ignoré ce que son contrôle aurait dû lui permettre d'apercevoir, étant souligné que l'entreprise profitant de la vente, une vérification lui incombait personnellement ;
Attendu, en conséquence, que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions relatives à l'action publique ; qu'il apparaît justifié en outre d'ordonner la publication par extraits et l'affichage de la présente décision, selon des modalités qui seront précisées au dispositif de l'arrêt ;
Sur l'action civile
Attendu qu'il est constant que Mme Stopele a subi un préjudice du fait des agissements de Monsieur F,
Que, cependant, ses demandes en indemnisation sont manifestement exagérées,
Qu'il y a lieu tout d'abord de noter que Mme Stopele conserve la propriété du véhicule, même si celui-ci est atteint de défectuosités et qu'elle a parcouru avec cette voiture 11 000 kms,
Que diverses sommes dont elle réclame le paiement ne se trouvent pas dans un rapport de causalité nécessaire et direct avec l'infraction et auraient de toute façon été exposées, quelque soit le véhicule acquis,
Qu'en définitive sa demande ne peut légitimement porter que sur le coût des réparations qui s'imposaient et sur les troubles et tracas qu'elle a subis en raison du comportement de M. F,
Qu'à cet égard il apparaît que les premiers juges ont fait une juste appréciation de son préjudice et que leur décision doit donc être maintenue,
Qu'il y a lieu seulement à lui allouer, au vu des éléments de la cause, la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en supplément de celle déjà allouée au même titre par les premiers juges ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en dernier ressort, Reçoit les appels comme réguliers en la forme. Au fond, Sur l'action publique Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, Ordonne la publication, par extraits, du présent arrêt de condamnation dans les journaux "La Dépêche du Midi" (Edition des Hautes-Pyrénées) et "La Nouvelle République", sans que le coût de chaque insertion excède 2 000 F et ordonne l'affichage du présent arrêt aux portes des Etablissements F pour une durée de 7 jours. Sur l'action civile, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, Condamne Christian F à payer à Claudine Stopele la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en supplément de celle à laquelle il a déjà été condamné au même titre par le tribunal. Condamne Christian F aux entiers dépens de première instance et d'appel.