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Décisions

CA Agen, ch. corr., 5 novembre 1992, n° 920304

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Chambre syndicale nationale des industries de la conserve, Confédération française de la conserve

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Khaznadar

Conseillers :

Mme Dreuilhe, M. Lateve

Avocats :

Mes Leclerc, Estoup, SCP Jeannin-Fourgoux.

Substitut :

général: M. Kubiec

TGI Auch., ch.. corr., du 12 sept. 1991

12 septembre 1991

Suivant jugement contradictoire rendu le 12 septembre 1991, statuant sur les poursuites exercées contre Alain D, prévenu de tromperie et tentative de tromperie sur les qualités substantielles, la composition de marchandises, de falsification, mise en vente de denrées falsifiées, distribution de denrées falsifiées, le Tribunal correctionnel d'Auch a:

Sur l'action publique:

- condamné le prévenu à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et 250 000 F d'amende,

- la publication de la décision étant en outre ordonnée par extraits dans les mensuels "50 millions de consommateurs" et "Que choisir?", les quotidiens "La dépêche du midi" et "Sud-Ouest", sans que le coût de l'insertion excède pour chacune 3 000F,

- ainsi que l'affichage à la mairie du siège de l'entreprise et sur la porte principale de l'usine, magasins et ateliers du condamné, pendant 7 jours,

- aux dépens de l'action publique,

Sur l'action civile:

- déclaré irrecevables, en la forme et en l'état, les constitutions de parties civiles de la Confédération française de la conserve et de la Chambre syndicale nationale des industries de la conserve.

Par déclaration au greffe du Tribunal correctionnel d'Auch en date du 19 septembre 1991, successivement et dans l'ordre, le prévenu et le Ministère public ont relevé, chacun, un appel limité aux dispositions pénales du jugement.

Le 20 septembre 1991, dans les mêmes formes, les parties civiles relevaient à leur tour appel des dispositions de cette décision.

Réguliers tant sur le plan de la forme que sur celui des délais, les divers appels sont recevables.

Devant la cour, "in limine litis", les conseils de Monsieur D ont déposé au même instant trois jeux distincts de conclusions qui, pour deux d'entre eux, demandent à la cour de constater, pour des vices de forme divers, la nullité de l'ensemble des opérations de constatations, de saisie et de prélèvements d'échantillons effectuées par la Direction des Fraudes et toute la procédure subséquente, le troisième jeu de conclusions, apparemment relatif au fond de la prévention, demandant, pour sa part à la cour de relaxer, à tout le moins au bénéfice du doute, le prévenu des fins de la poursuite.

Après en avoir délibéré sur le siège, la cour a décidé de joindre l'incident au fond et de statuer sur l'exception de nullité de la procédure après avoir entendu les parties sur le fond.

Pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la cour entend expressément se référer à celui qui avait été réalisé par les premiers juges dans la décision déférée, exposé que la cour adopte et reprend intégralement à son compte.

Mais elle entend ici rappeler que, début octobre 1988, présents pour un contrôle dans les ateliers de fabrication des Etablissements X à Castelnau d'Auzan (Gers), des fonctionnaires de la Direction Nationale d'Enquêtes de la Répression des Fraudes constataient l'incorporation de foie maigre de canard, dans une fabrication présentée comme celle de "blocs de foie gras de canard avec morceaux 35 %", sous forme de "parfait de foie gras de canard", autre préparation qui admet l'incorporation partielle de foie maigre de canard.

L'infraction étant patente n'a jamais été contestée par le prévenu, ni lors de l'enquête préliminaire, ni lors des débats de première instance, ni même devant la cour.

Tout au plus, a t-il soutenu que l'infraction était due à une erreur de ses subordonnés, qui auraient ainsi utilisé un reste de "parfait au foie gras de canard" subsistant depuis la veille où avaient été fabriquées des cailles farcies au "foie gras de canard".

En raison de l'anomalie patente constatée directement, les fonctionnaires des Fraudes devaient opérer des prélèvements et consigner, un peu plus de 8 000 boîtes de 200 gr de "blocs de foie gras de canard", qu'ils avaient trouvées dans les entrepôts de la société X.

Fin octobre 1988, les analyses pratiquées par les Services des Fraudes établissaient, selon ces derniers, la non-conformité en raison, notamment, de la présence de foie maigre dans la composition.

L'enquête préliminaire devait permettre la saisie d'un cahier de fabrication manuscrit dont il résultait que la recette du "bloc de foie gras de canard 35 % de morceaux" prévoyait:

"pour 100 kg . 35 kg pâte, 30 kg morceaux, 10 kg foie de volaille, 10 kg gras de volaille, 15 litres eau et armagnac."

dans ce document, la recette du "bloc de foie gras d'oie" prévoyait pour sa part 10 % de foie maigre, 10 % de graisse, 15 % de foie d'oie, 10 % de foie de canard, 15 % d'eau et 40 % de morceaux (de foie gras d'oie).

Le chef de fabrication, intérimaire à l'époque de l'enquête -Monsieur Léon-, devait reconnaître que ce cahier de fabrication avait été manuscrit par sa compagne, née Cazes, aide-comptable à la société X.

Il prétendait néanmoins ne pas se servir de ce cahier pour la fabrication qu'il dirigeait, mais reconnaissait cependant, dès lors que des prélèvements avaient été effectués par le Service des Fraudes sur une fabrication de "bloc de foie gras de canard", après incorporation de "parfait de foie gras de canard", il s'était rendu sur le champ jusqu'à son véhicule, pour y établir, de mémoire, une fiche de fabrication sur bristol quadrillé, fiche qu'il avait remise aussitôt aux enquêteurs du Service des Fraudes.

En fait, il était alors saisi, outre le cahier de fabrication déjà mentionné, deux fiches établies de l'écriture de M. Léon sur bristol quadrillé portant l'une, une recette de "Parfait pour caille au foie gras" apparemment conforme à la législation, l'autre, une recette de "bloc de foie gras de canard" qui serait conforme également s'il n'y était noté "in fine": "une louche de parfait de canard".

Il convient de noter que la dernière recette inscrite sur le cahier de fabrication est manifestement de la main de Monsieur Léon, lequel prétend ne pas s'en servir.

Mademoiselle Cazes, concubine de Léon, devait indiquer qu'elle avait recopié les recettes du cahier saisi, depuis celles qui figuraient sur un classeur qui lui avait été remis par Léon de 30 à 36 mois auparavant, alors que, pas plus que ce dernier, elle ne travaillait alors chez X.

Cependant, par courrier du 11 octobre 1988, M. D lui-même adressait au Service des Fraudes copies de fiches de fabrication qu'il prétendait utiliser dans l'entreprise.

Il est à noter que toutes les recettes affectées par le contrôle sont établies sur papier à petits carreaux.

En revanche, la plupart des autres fiches, quelle qu'en soit l'écriture, se trouvent soit écrites à grands carreaux, soit collées sur des feuilles quadrillées scolaires à grands carreaux et portent la trace de perforations permettant leur mise en classeur.

En tout état de cause, D, interrogé dès le 6 octobre 1988, avait affirmé que la cahier de recettes saisi était personnel à Léon, et que l'incorporation de parfait dans la fabrication de "bloc de foie gras de canard" constituait une négligence à charge de ce salarié. C'est alors qu'il avait promis de faire parvenir ses fiches de fabrication qui, selon lui, se trouvaient entre les mains de son chef de fabrication de l'époque, Monsieur Carranante, alors ne congé de maladie.

Celui-ci, interrogé quelques mois plus tard alors qu'il avait été licencié et remplacé par Monsieur Léon, devait préciser que, dès son embauche, en août 1987, il s'était vu imposer des pratiques de fabrication se situant hors du champ de la légalité, tant par Monsieur D lui-même, que par Monsieur Malaurie, son intermédiaire commercial.

Ce serait dans le but d'obtenir des prix de revient très bas qu'il avait reçu l'ordre d'adjoindre, dans la fabrication, des foies maigres d'oie ou de canard, et de la graisse brute de canard, appelé vulgairement graisse de ventre.

Selon lui, la recette du "blocs de foie gras de canard 35 % de morceaux" était: moins de 35 % de morceaux, du foie maigre de canard, de la graisse brute de canard et de l'eau pour l'émulsion.

Quant au "blocs de foie gras d'oie", il aurait systématiquement contenu 20 % de foie de canard.

Il indiquait que la graisse brute de canard était fournie soit par l'atelier de découpe de l'entreprise, soit par l'entreprise Lestrade, principal fournisseur de la société X.

Monsieur Carranante précisait qu'en vertu d'un arrangement entre les deux derniers cités, le foie maigre était, en fait, facturé en foie gras tout venant.

Le cahier de recettes détenu par Monsieur Léon et saisi aurait été une copie de celui que lui-même tenait dans un classeur à feuilles perforées.

Il précisait enfin que les quantités de "parfait de foie gras" produites chez X étaient minimes par rapport à celles des "blocs de foie gras", de l'ordre de 200 kg par rapport à 200 tonnes.

Confirmant l'absence de tout parage des foies, il devait indiquer que cette préparation (le parage) était impossible compte tenu du peu de temps accordé à la fabrication par rapport aux quantités produites.

Plusieurs autres membres du personnel confirmaient les déclarations de Monsieur Carranante, savoir l'emploi systématique, dans la préparation des "blocs de foie gras de canard" de foies maigres de volailles (oies et canards), et de graisse de ventre, ces dernières denrées étant initialisées respectivement dans l'entreprise sous les lettres FV et GV, livrées par la société Lestrade en sacs de 5 kg et entreposées dans un semi-remorque frigorifique à proximité immédiate de l'atelier de fabrication.

L'enquête réalisée auprès de Monsieur Lestrade, fournisseur de la société X, établissait que le premier ait livré au second et facturé, près de 30 tonnes de gésiers de canard, 17 tonnes de foies de canards maigres, près de 30 tonnes de foies gras de canard tout en venant, catégorie N, 1 tonne de foie gras "extra" catégorie A, 7,5 tonnes de graisse de volailles et 2 tonnes de foies de canard déclassé (catégorie C), étant précisé que cette dernière catégorie n'entre pas, selon Monsieur Lestrade, dans la rubrique foie gras.

Le témoin devait cependant nier formellement avoir facturé du foie maigre comme du foie gras.

Après inculpation de Monsieur D, deux expertises contradictoires confiées aux professeurs Labie et Rozier, ce dernier désigné par Monsieur D, tous deux professeurs d'Ecole national vétérinaire, le premier à Toulouse, le second à Maisons-Alfort, devaient établir l'existence de mélanges de foies d'oie et de canard, prohibés par la loi.

De même, tous deux devaient convenir d'un parage, à tout le moins défectueux.

Pour la présence de foie maigre, si le professeur Labie est formellement affirmatif, en revanche le professeur Rozier, qui fait des constatations similaires, ne se prononce pas.

Ce dernier admet cependant la mise en œuvre de foies déclassés sous forme de purée.

Interrogé sur les éléments recueillis au cours de l'enquête, D n'a reconnu qu'une seule irrégularité, celle de l'incorporation malencontreuse, sur une initiative personnelle de Monsieur Léon, de 250 gr environ de parfait de foie gras de canard à 75 % dans 250 kg environ de bloc de foie gras de canard.

Il conteste en revanche que le cahier des recettes saisi ait été utilisé dans l'entreprise et en veut pour preuve que les recettes y sont données pour 100 kg, alors que ses propres fabrications se font par 220 à 250 kg, pour chacun des produits.

Les accusations de témoins, anciens salariés de l'entreprise, ne seraient dus qu'à leur rancoeur et certains d'entre eux seraient d'ailleurs revenus sur leurs déclarations; enfin, d'autres auraient confondu des fabrications permettant l'inclusion de foies maigres, avec celles pour lesquelles celle-ci est prohibée.

Cependant, il tire des déclarations de deux témoins le fait que les foies étaient bien dénervés, contrairement à ce qu'indiquerait une partie de l'expertise contradictoire.

Par ailleurs, tant dans un interrogatoire prolongé, qu'aux termes d'un long mémoire en défense remis par son conseil au juge d'instruction quatre mois avant que ne soit communiqué au Parquet, pour règlement, le dossier de l'information, l'actuel prévenu a contesté les conclusions du professeur Labie, dont il souligne le désaccord avec le professeur Rozier, tout comme il a contesté toute signification, au titre de sa responsabilité, des divers procès-verbaux dressés par les Direction Départementales des Fraudes de plusieurs départements, à la suite des poursuites dont il a fait l'objet dans la présente procédure.

De même, Monsieur D avait contesté, en les qualifiant d'extrapolations, les conclusions tirées par le Service des Fraudes de l'analyse par lui faite d'éléments de sa comptabilité ou de documents internes de l'entreprise, pour prétendre par ce moyen rapporter la preuve matérielle de l'existence de la fraude qui lui est prêtée.

Or, selon le Service des Fraudes, les examens comparés des "cahiers de découpe" tenus dans l'atelier qui y est consacré, démontrait que la graisse de canard tirée des découpes était acheminée vers l'atelier de fabrication, et que le cahier tenu dans ce dernier atelier mentionnait des fabrications de blocs de foie gras, chaque fois que de la graisse de canard était acheminée vers lui.

Au surplus, le contrôle comptable, appelé scriptural, dressé par les enquêteurs des Fraudes, aurait établi entre le 1er janvier et le 5 octobre 1988 un excédent d'utilisation par les établissements X de près de 50 tonnes de foies gras de canard et d'un peu de plus de 2,5 tonnes de foies d'oies, situation qui n'aurait été justifiée que par l'existence d'un important stock de foies gras résultant de l'inventaire au 31 décembre 1987.

L'importance de ce stock apparaît totalement invraisemblable au Service des Fraudes, alors qu'au 31 décembre l'essentiel des fabrications annuelles devait être déjà réalisé et qu'au surplus, la constitution de tels stocks à cette époque de l'année, où les foies sont au prix fort, serait totalement irréaliste.

C'est sur la base de tels éléments que la procédure a fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel.

Les premiers juges, eux aussi saisis de conclusions aux fins de nullité de la procédure, ont répondu, sur la tardiveté invoquée de la saisine du Procureur de la République, que celle-ci avait été réalisée, dans les délais prescrits, seulement lorsque les analyses ont confirmé la suspicion de non-conformité des fabrications consignées et objets de prélèvements réalisés le 5 octobre 1988.

Qu'au surplus, il n'était pas établi qu'une quelconque violation de la procédure résultant de l'article 8 du décret du 22 janvier 1919, ait pu porter atteinte aux droits de la défense.

Ils ont donc rejeté ce moyen.

Sur le moyen tiré du fait que Monsieur D ne se serait pas vu notifier les conclusions du rapport d'expertise du Service des Fraudes et ne se serait pas vu proposer l'expertise contradictoire avant toute ouverture d'une information, les premiers juges, pour les rejeter, ont retenu qu'en requérant l'ouverture de cette dernière, en même temps que l'organisation de l'expertise contradictoire prévue par la loi, le voeu de celle-ci d'organiser une mesure d'instruction contradictoire avait été respecté par le Ministère public.

Sur le moyen tiré d'une violation prétendue des dispositions de l'article 11 du décret du 22 janvier 1919, la décision déférée a dit que dès lors que, malgré des irrégularités apparentes dans quatre procès-verbaux de prélèvements d'échantillons, ceux prélevés dans quatre procès-verbaux de prélèvements d'échantillons, ceux prélevés demeuraient parfaitement identifiés dans leurs éléments respectifs de qualité, dénomination, poids, contenu, comme l'étaient les lieux et la date du prélèvement, ces irrégularités formelles ne répondaient pas aux conditions exigées par l'article 802 du Code de procédure pénale pour être sanctionnées, tout comme c'était le cas pour l'absence des signatures de certains des agents verbalisateurs sur quelques-uns des procès-verbaux.

Quant au dernier moyen de nullité soulevé par M. D, l'absence invoquée de prolongation par le Procureur de la République de la période de consignation ordonnée par procès-verbal du 6 octobre 1988, a également été rejetée par les premiers juges, les pièces justificatives de la prolongation régulière ayant été communiquées et librement débattues contradictoirement par toutes les parties, lors de l'audience de jugement, après versement aux débats par le Parquet.

Sur enfin l'allégation d'une entrave aux droits de la défense résultant de la proximité des dates de l'ordonnance de soit-communiqué et de celle de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, les premiers juges ont encore une fois rejeté le moyen, en l'état du long délai, qui a séparé, de l'ordonnance de soit-communiqué, le dépôt de l'important mémoire en défense réalisé après expertises par les conseils de Monsieur D.

La décision querellée a retenu, sur le fond, que l'expertise contradictoire ne constituait que l'un des nombreux éléments permettant d'aboutir à la conclusion formelle qu'étaient utilisés de façon méthodique et délibérée:

a°) du foie gras de canard pour la fabrication de "blocs de foie gras d'oie"

b°) du foie maigre, de la graisse de canard et du foie gras, pour la falsification de "blocs de foie gras de canard" et de "blocs de foie gras d'oie";

Que l'expert désigné par Monsieur D a lui-même estimé que certains échantillons analysés n'étaient pas conformes, notamment par la présence de canard dans un bloc de foie gras d'oie, et également du fait d'un parage défectueux;

Qu'il appartenait au prévenu, s'il entendait contester l'examen comptable réalisé par les agents verbalisateurs, de réclamer une expertise, ce qu'il n'a pas fait;

Qu'enfin, la quasi-totalité des témoins entendus ont confirmé le "modus operandi", seul susceptible d'expliquer la modicité des prix pratiqués par la société X.

C'est pourquoi les premiers juges, soulignant l'aspect particulièrement déloyal de la concurrence exercée par de tels moyens frauduleux, la grave atteinte portée aux intérêts du consommateur et celle portée à l'image d'une production locale de grande qualité qui constitue un des éléments moteurs de son économie, ont décidé d'appliquer au prévenu la sanction la plus sévère prévue par la loi.

Entendu par la cour, Monsieur D a persisté dans ses dénégations et imputé à son subordonné Léon la seule irrégularité qu'il a reconnue.

Ses conseils, entendus dans leurs observations, ont réclamé sa relaxe des fins de la poursuite.

Le Ministère public a requis la cour de confirmer la décision entreprise.

Les parties civiles ont développé oralement les conclusions par elles déposées aux termes desquelles elles demandent à la cour de:

Sur l'action publique:

Confirmer le jugement du Tribunal correctionnel d'Auch du 12 septembre 1991;

Confirmer le jugement sur les publications et l'affichage.

Sur l'action civile:

Infirmer le jugement.

Recevoir la Confédération française de la conserve et la Chambre syndicale des industries de la conserve en leur constitution de partie civile.

Les dire bien fondées.

Condamner Monsieur D à payer à chaque partie civile la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Et, ceci exposé:

Sur les exceptions de nullité soulevées:

Attendu que la défense affirme que les diverses irrégularités procédurales qu'elle allègue ont porté manifestement atteinte aux droits de la défense;

Attendu que les nullités invoquées sont pour la plupart relatives aux procédures de constatations, de prélèvement et d'analyses réalisées par le Service des Fraudes à la société X;

Or attendu qu'ainsi que l'avaient déjà noté les premiers juges, ni la loi de 1905, ni le décret de 1919 ne prévoient que les formalités prescrites doivent être observées à peine de nullité.

Qu'il convient de se référer dans ce cas aux principes généraux du droit.

Attendu que la Cour de cassation a jugé que, lorsqu'aucun doute n'existe sur la conformité des échantillons, la nullité n'existe, malgré des irrégularités ou omissions, que si les droits de la défense ont été violés, de sorte que les juges du fait apprécient librement les conséquences des irrégularités;

Attendu qu'il convient en conséquence de se référer en l'espèce aux dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale;

Qu'en ce qui concerne les irrégularités même substantielles, qui touchent à la protection des seuls intérêts privés, comme étant ici le cas, celles-ci ne peuvent avoir de conséquences juridiques que sous la double réserve de la preuve du préjudice causé aux intérêts de la personne qui entend s'en prévaloir, et de l'accomplissement par celle-ci des obligations de procédure nécessaires à la recevabilité de l'exception soulevée.

Attendu qu'en l'espèce si Monsieur D, qui soulève les exceptions, a bien, tant en première instance qu'en cause d'appel, soulevé celles-ci "in limine litis" et communiqué, en temps utile, ses conclusions à toutes les parties, il se borne cependant à affirmer, sans en apporter la preuve qui lui incombe, que ces irrégularités ont "manifestement porté atteinte aux droits de la défense";

Attendu que le fait qu'un prélèvement opéré sous le n° 96 n'ai pas été compris parmi les échantillons dont les numéros ont été soumis à l'expertise contradictoire, ne peut avoir porté atteinte aux droits de la défense, dès lors que ses résultats peuvent être exclus des conclusions de l'expertise contradictoire, puisque seul l'un des deux experts a examiné cet échantillon.

Attendu que les premiers juges ont déjà parfaitement répondu sur le doute allégué par le prévenu quant à la conformité des échantillons soumis à l'expertise contradictoire dont aucune disposition de la loi de 1905 ni du décret de 1919 n'exige qu'ils soient numérotés sans que cette numérotation présente des hiatus;

Qu'il y a seulement lieu de veiller à ce que le numéro et le scellé de l'échantillon soumis à l'expertise contradictoire, soit bien le même que celui qui a été décrit dans le procès-verbal de prélèvement;

Que tel est bien le cas en l'espèce;

Attendu que les exceptions de nullité soulevées par le prévenu ne résistent donc pas à l'examen et doivent, en conséquence être rejetées.

Sur le fond:

Attendu qu'à admettre pour démontré (ce qui n'a pas été le cas), que les irrégularités dénoncées aient pu porter atteinte aux droits de la défense, il n'en resterait pas moins que l'expertise contradictoire ne constitue pas, en matière de fraudes et falsifications, un mode unique de preuve;

Que l'expertise contradictoire, sauf à ce que ses résultats soient entièrement négatifs, n'exclut pas les modes de preuve du droit commun, la preuve pouvant notamment résulter des constatations faites par les inspecteurs de la Répression des Fraudes ou de la déclaration des témoins;

Attendu que telle est bien la situation que les premiers juges ont retenue en estimant que la preuve de la fraude résulterait tant des constatations initiales des verbalisateurs que de l'aveu de D, des conclusions de l'expertise contradictoire, de l'analyse des documents saisis et de ceux de la comptabilité de l'entreprise, pour en conclure que la prévention était établie à l'encontre du prévenu;

Attendu que le casier judiciaire de Monsieur D portant mention de nombreuses condamnations en répression de délits de même nature ou de nature approchante, c'est à juste titre qu'ils ont implicitement estimé que, les précédents avertissements s'étant révélés inutiles, il convenait de sanctionner le prévenu de façon exemplaire.

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer purement et simplement la décision entreprise, tant sur la culpabilité que sur l'application de la peine;

Attendu cependant qu'à l'audience de ce jour, pour des faits de nature similaires, D a vu confirmer une peine prononçant à son encontre un emprisonnement ferme;

Qu'il y a lieu de confondre les deux peines prononcées ce jour à son encontre, en précisant qu'après confusion le prévenu restera tenu à 2 ans d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis et au paiement de 250 000 F d'amende, la publication et l'affichage dans les conditions prévues par les premiers juges;

Attendu que D sera condamné aux dépens de l'action publique;

Sur l'action civile:

Attendu que, devant la cour, chacune des deux parties civiles exhibe les habilitations nécessaires à l'exercice de l'action civile;

Qu'il y a lieu de les déclarer recevables en la forme et de réformer en conséquence la décision des premiers juges;

Attendu que la Confédération française de la conserve et la Chambre syndicale des industries de la conserve, dès lors que la profession qu'elles représentent subit manifestement, en raison des faits poursuivis, un préjudice direct ou indirect à son intérêt collectif, tirent des dispositions de l'article 11 du livre 3 du Code du travail la capacité d'exercer devant toutes juridictions tous les droits réservés à la partie civile;

Qu'il convient, en conséquence, de déclarer lesdites parties civiles recevables au fond;

Attendu que leurs demandes ne tendent qu'à faire sanctionner le principe du délit poursuivi et à l'allocation d'une indemnité destinée à compenser les frais de représentation en justice engagés à cette occasion;

Qu'il y a lieu de faire droit à leur demande, tout en réduisant à 7 000 F le montant de l'indemnité à allouer à chacune d'elles par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu enfin que Monsieur D sera condamné aux dépens de l'action civile.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier et en dernier ressort, Reçoit les appels réguliers en la forme, En la forme: Rejette les exceptions de nullité soulevées par le prévenus. Au fond: Sur l'action publique: Déboute Alain D des fins de son appel interjeté; Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise; Y ajoutant, ordonne la confusion de la peine ici prononcée avec celle résultant de l'arrêt rendu ce jour, par la cour de céans, à l'encontre du même prévenu en répression de faits de même nature; Dit que cette confusion sera limitée aux seules peines d'emprisonnement et d'amende prononcées; Dit qu'en conséquence Alain D devra en définitive subir 2 ans d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis simple et payer 250 000 F d'amende; Dit en revanche que chacune des mesures d'affichage et de publications ordonnées par la décision ayant prononcé les peines confondues, sera maintenant dans les conditions prévues par les premiers juges; Condamne Alain D aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de 38 066,76 F, en ce non compris le droit de poste et les frais de signification s'il y a lieu; Sur l'action civile: Déclare, par application des dispositions de l'article 11 livre 3 du Code du travail, la Confédération française de la conserve et la Chambre syndicale des industries de la conserve, recevables en leurs constitutions de partie civiles; Réforme en conséquence la décision entreprise, Et, faisant droit aux dites constitutions de partie civile, Condamne Alain D à payer à chacune d'elles, en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 7 000 F; Le condamne aux dépens de l'action civile, le au titre en application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 496 à 520 du Code de procédure pénale.