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Décisions

CA Orléans, ch. corr., 11 février 1992, n° 150-92

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Substitut :

général: M. Joly

Conseillers :

M. Turquey, Mme Lourmet

Avocat :

Me Nail.

TGI Tours, ch. corr., du 4 mars 1991

4 mars 1991

Par actes au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Tours en date du 5 mars 1991, le Ministère public, puis le prévenu ont relevé appel d'un jugement rendu le 4 mars 1991 par le Tribunal correctionnel de Tours qui a déclaré T Maurice coupable d'omission de tenir un compte entrées-sorties, d'avoir fait apparaître des appellations d'origine qu'il savait inexactes, de tromperie sur les qualités substantielles du produit vendu (avoir en qualité de Président de la cave coopérative 1°) en exerçant le commerce en gros de vins, omis de tenir un compte spécial d'entrées et de sorties pour les produits achetés ou vendus, avec appellation d'origine française, 2°) fait apparaître par addition, retranchement ou par une altération quelconque sur des produits naturels ou fabriqués, mis en vente des appellations d'origine qu'il savait inexactes, en l'espèce mis en vente 870,16 hectolitres de vins sous l'appellation d'origine touraine alors même que ces vins ne pouvaient prétendre à cette appellation, 3°) trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen que ce soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises, en l'espèce trompé les contractants sur l'origine du vin qu'il leur vendait), faits commis courant 1988 et jusqu'au 15 mars 1989, entre le 11 septembre 1987 et le 31 août 1988 à Civray de Touraine (37);

- l'a condamné, par application des articles 12, 22, 8 de la loi du 6 mai 1919 et 1 de la loi du 1er août 1905, à 25 000 F d'amende dont 20 000 F avec sursis;

- l'a condamné aux frais dus envers l'Etat et dit que la contrainte par corps s'appliquera, s'il y a lieu, selon les dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale;

LA COUR,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés le 5 mars 1991 par le Ministère public et par Maurice T, d'un jugement du Tribunal correctionnel de Tours du 4 mars 1991;

Attendu que le Ministère public requiert à l'encontre de Maurice T la peine de 25 000 F d'amende sans sursis; que Maurice T demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il ne conteste pas les infractions d'omission de tenir un compte "entrées et sorties" et "mise en vente de vins d'appellation d'origine inexacte" qui lui sont reprochées et, qu'il lui soit fait une application modérée de la loi pénale; qu'en revanche, il plaide sa relaxe du chef du délit de tromperie sur les qualités substantielles du produit vendu en arguant de sa bonne foi, la preuve n'étant pas rapportée en l'espèce de sa volonté de commettre cette infraction;

Attendu que les premiers juges ont fait une exacte relation des faits de la cause à laquelle la cour entend se référer pour plus ample libellé;

Qu'il suffira de rappeler qu'à la suite du contrôle effectué le 23 novembre 1989 à 9 heures afin de vérifier la bonne exécution des aides aux contrats de stockage de vins souscrits par l'ex-cave coopérative de Civray de Touraine sise <adresse>à Civray de Touraine, devenue, après fusion le 15 mars 1989, la cave coopérative de Francueil, Monsieur Kernet, chef de section de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Tours a été amené à établir, le 28 mai 1990, un procès-verbal d'infraction pour non tenue du registre des appellations d'origine et usurpation d'appellation d'origine;

Attendu qu'en effet, aucun registre d'entrée et de sortie des vins d'appellation d'origine n'était tenu par la cave coopérative de Civray de Touraine ayant pour Président Maurice T et ce conformément aux dispositions prévues par l'article 12 de la Loi du 16 mai 1919 alors qu'elle avait la position de marchand en gros au regard de l'administration fiscale; que cette infraction reprochée à Maurice T qui d'ailleurs ne la conteste pas, est donc établie;

Qu'en outre l'analyse des comptes de ladite coopérative pour la période du 1er septembre 1987 au 31 août 1988 a mis en évidence que 870,16 hectolitres de vins pour la campagne 87/88 (du 17 septembre 1987 au 31 août 1988) soit 406,88 hectolitres de vin rouge et 463,28 hectolitres de vin blanc avaient été détenus en vue de la vente, mis en vente et vendu sous l'appellation d'origine touraine à laquelle ils n'avaient pas droit;

Que Maurice T n'a pas nié ces faits, mais a imputé le dépassement sur les vins rouges à une erreur humaine consécutive au stockage des vins par cépage;

Que l'administration a relevé qu'il n'avait fourni aucune explication pour le dépassement relatif aux vins blancs; qu'en fait l'infraction établie à son encontre résulte du fait que, pour la période considérée, aucune différenciation n'était faite à la cave de Civray entre les vins de table, de pays et les vins d'appellation tant lors du stockage que de la vente;

Attendu que cependant, Maurice T soutient n'avoir pas eu l'intention de tromper ses co-contractants sur l'origine du vin qu'il leur vendait;

Attendu que le délit de tromperie est une infraction intentionnelle prévue par la loi du 1er août 1905 qui n'édicte aucune présomption de mauvaise foi; qu'en l'espèce l'aspect économique de l'usurpation d'appellation n'est pas négligeable, même si Maurice T le relativise en indiquant que la somme de 144 422 F correspondant à la plus-value tirée desdites ventes sur l'appellation erronée, ne représente que 2,51 % du chiffre d'affaires total de la coopérative;

Que les premiers Juges ont, avec pertinence, relevé qu'en sa qualité de Président de la cave et de professionnel, il incombait à Maurice T de vérifier personnellement la classification correcte de ses produits et surtout de s'assurer que ce qu'il titrait sous l'appellation AOC correspondait effectivement à cette origine, d'autant que la taille de son entreprise et le circuit commercial mis en place lui permettaient d'exercer les contrôles nécessaires avant de se dessaisir des vins destinés à la vente;

Qu'en tant que professionnel, il avait l'obligation de veiller personnellement à la conformité de la marchandise par rapport à la commande, ce qu'il s'est abstenu de faire en l'espèce et ce qui a eu pour effet de tromper ses co-contractants sur l'origine du vin acquis par eux qu'ils ont payé plus cher; que dans ces conditions, Maurice T ne peut arguer utilement de sa bonne foi alors qu'il s'est soustrait aux obligations qui lui incombaient personnellement;

Attendu qu'en définitive, Maurice T s'est bien rendu coupable des infractions qui lui sont reprochées;

Attendu que c'est donc à bon droit que les premiers Juges l'ont retenu dans les liens de la prévention;

Attendu que Maurice T n'a jamais été condamné et fait l'objet d'excellents renseignements; qu'au vu de ces éléments, de ceux de la cause et des circonstances atténuantes dont il bénéficie, il convient de lui infliger une amende de 10 000 F;

Par ces motifs: Statuant contradictoirement, Reçoit les appels, Confirme sur la culpabilité le jugement déféré. Emendant quant à la peine, Condamne Maurice T à la peine de dix mille francs (10 000) d'amende, Le condamne aux dépens, Liquide les frais dus envers l'Etat à la somme de 791,32 F.