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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 1 juin 1995, n° 377-95

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Brincat

Défendeur :

Val Agri (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

MM. Lebreuil, Cousteaux

Avoués :

SCP Boyer-Lescat, SCP Rives-Podesta

Avocats :

Me Debuisson, SCP Briat-Mercier

T. com. Montauban, du 6 oct. 1993

6 octobre 1993

Le 25 février 1992, la société Val Agri a acquis du Garage Rolland à Lamagistère, un véhicule Renault type trafic fourgon diesel, puissance 8 CV, date de première mise en circulation: 17 janvier 1986, pour le prix de 38 000 F, alors que la valeur argus était de 16 500 F.

Après avoir constaté de graves désordres, la société Val Agri a obtenu le 17 juin 1992 une ordonnance en référé du Tribunal de commerce de Montauban désignant M. Chastaing en qualité d'expert, pour rechercher si le véhicule est atteint de vice caché, de chiffrer le coût des réparations et le préjudice subi par Val Agri.

L'expert a déposé son rapport, retenant l'existence de vice caché et chiffrant à 17.149,32 F le coût des travaux de remise en état et à 24 392,72 F le montant du préjudice subi par Val Agri au 1er septembre 1992, du fait de l'immobilisation, étant précisé qu'à compter de cette date, le remplacement du véhicule immobilisé serait de 6 890,76 F par mois.

Le 29 septembre 1992 Val Agri a assigné M. Rolland devant le Tribunal de commerce de Montauban pour obtenir l'homologation du rapport d'expertise, sa condamnation aux réparations préconisées, et à défaut à payer la somme de 17 149,32 F, au paiement de 24 392,72 F en réparation du préjudice lié à l'immobilisation, outre 229,69 F par jour depuis le 10 septembre 1992 jusqu'à la date de remise en circulation du véhicule et à 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le 6 octobre 1992, M. Rolland a appelé en cause M. Brincat garagiste pour qu'il le relève et garantisse des condamnations éventuelles et obtenir également 3 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Le 27 octobre 1992, M. Brincat a appelé en intervention forcée et garantie la Cie d'Assurances AXA.

Le tribunal a joint les trois procédures et statué par un seul jugement.

Il a considéré qu'il résultait du rapport de l'expert, que la boite à vitesse avait subi des modifications et que le véhicule n'était plus conforme à la fiche descriptive du Services des Mines, et qu'il était atteint d'un vice caché.

La juridiction retenait que M. Rolland et M. Brincat son vendeur, garagiste professionnel, sont réputés connaître les vices de la chose vendue et doivent de ce fait réparer les conséquences du dommage causé par ce vice.

C'est ainsi que par jugement du 6 octobre 1993, M. Rolland était condamné à réparer le préjudice subi par Val Agri en procédant aux réparations préconisées par l'expert et à défaut, à lui payer 17 149,32 F. Il était également condamné à payer à Val Agri 74 392,72 F, en réparation du préjudice lié à l'immobilisation et 4 500 F par application de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal accueillait l'appel en garantie dirigé contre M. Brincat et le condamnait en conséquence à relever et garantir M. Rolland et mettait hors de cause la Cie AXA, après avoir relevé que la garantie accordée à M. Brincat exclut les dommages résultant des vices cachés connus de l'assureur.

M. Brincat était en outre condamné à payer à la Cie AXA 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et M. Rolland aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'expertise et de référé.

M. Brincat a régulièrement relevé appel de ce jugement en demandant, à titre principal, la réformation, le rejet de l'appel en cause de M. Rolland à son encontre et qu'il soit constaté que M. Rolland est l'unique responsable du préjudice subi par la Sté Val Agri. A titre subsidiaire il demande qu'il soit condamné à relever et garantir M. Rolland, uniquement à hauteur de 17 149,32 F correspondant au montant des réparations prononcées par l'expert.

Il rappelle qu'il a vendu le 25 février 1992, à M. Rolland également garagiste, le fourgon Renault trafic diesel pour 35 000 F, en l'état et sans garantie, alors que le compteur affichant 131 780 km et qu'il avait effectué quelques réparations. Ce véhicule a été revendu par M. Rolland à Val Agri pour le prix de 38 000 F.

L'appelant fait valoir, que Val Agri a ramené le véhicule à M. Rolland et que celui-ci a déposé la boîte à vitesse pour changer la rallonge du pignon à queue. Le véhicule après avoir été récupéré tombait cependant à nouveau en panne.

Selon lui la seule cause de la panne est un manque d'huile dans la boîte à vitesse dont il n'est pas responsable alors que M. Rolland, pour déposer la boîte, a été obligé de vidanger le carter de boîte et du pont, contrairement à ce que soutient l'expert, et comme cela résulte également des attestations de M. Pomier expert et de celle du Garage Renault. C'est à l'occasion de cette réparation que M. Rolland a omis de remettre suffisamment d'huile de sorte que toutes les pièces de la cinquième vitesse, situées en partie haute, ont chauffé et se sont détérioriées.

De plus, l'appelant, a, avant le 25 février 1992, changé le système de la cinquième vitesse, en démontant le carter arrière, sans avoir à déposer la boîte ni la démonter entièrement.

De sorte que selon lui, seul M. Rolland est responsable de la panne survenue au véhicule qu'il a vendu à Val Agri ainsi que du préjudice de celle-ci.

Il affirme qu'il n'est pas l'auteur de la modification du système d'embrayage et qu'il est par ailleurs normal que dans le cadre d'un échange standard, l'année modèle de la boîte montée sur un véhicule ne peut être que postérieure à celle de sa première mise en circulation. Il a effectivement commandé toutes les pièces neuves qu'il a changées et il indique qu'à l'aide de la référence mentionnée sur les bons d'achat de pièces détachées, il est aisé de démontrer que le type de boîte à vitesses qu'il a placé sur le trafic est le même que celui d'origine et que le changement du couple conique des boîtes par le constructeur n'a pas pour effet de rendre le véhicule impropre à sa destination, faute de conformité avec le certificat des Mines.

Il soutient par ailleurs que M. Rolland étant professionnel, il ne peut prétendre avoir ignorer l'existence du vice du 15 février 1992 et qu'il ne peut se prévaloir, à l'égard de l'appelant, de la théorie des vices cachés.

L'appelant estime également que s'il doit être tenu à garantir M. Rolland au titre de la non-conformité de la boîte à vitesse et de l'embrayage, il ne pourrait être condamné que dans la limite du coût de l'échange standard, soit 17 149,32 F TTC car il n'est pas responsable de la détérioration de la boîte qui a seule entraîné l'immobilisation du véhicule.

Enfin, et au cas où la cour serait insuffisamment informée, il sollicite une nouvelle expertise pour rechercher l'origine exacte de l'immobilisation du véhicule.

Il sollicite également 7 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

La société Val Agri, invoque quant à elle l'expertise, qui établit que le véhicule était atteint d'un vice caché "que la boîte montée sur une boite trafic à moteur essence (au commande de débrayage à câble) dont le carter avant a purement et simplement été découpé pour laisser passer l'ancienne commande hydraulique (montée sur le trafic diesel)". Elle soutient que le montage est anormal et constitue un vice caché et que le véhicule n'est plus conforme à la fiche descriptive du Service des Mines.

Elle souligne que M. Brincat reconnaît avoir procédé aux réparations litigieuses, et qu'il n'est pas normal que les pièces échangées ne soient pas relatives au même modèle, la boîte remontée étant une boîte trafic essence, alors que le véhicule est un trafic diesel et qu'il ne peut être prétendu qu'il s'agit d'une amélioration.

Elle indique également que l'expert a indiqué que l'intervention de M. Rolland ne nécessitait pas l'ouverture de la boîte ni sa vidange, alors que lors de son intervention M. Brincat "a remplacé les pignons en ouvrant la boîte".

Elle souligne que M. Brincat n'ignorait pas les malfaçons affectant le véhicule et qu'il s'est dérobé à ses responsabilités.

C'est pourquoi elle conclut à la confirmation du jugement déféré et demande que l'indemnisation de son préjudice, pour la période postérieure au 6 octobre 1993 soit effectuée sur la base de 50 000 F par an jusqu'à remise entre les mains du véhicule réparé. Elle sollicite également 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

M. Rolland invoque lui aussi le rapport d'expertise pour demander la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelant à lui verser 5 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Les conclusions déposées par M. Brincat le 27 février l995, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 24 février 1995, seront déclarées irrecevables, alors que les conclusions auxquelles elles sont censées répondre ont été déposées le 13 septembre 1994 et le 12 octobre 1994, et qu'aucune cause grave n'est même invoquée pour justifier leur tardiveté.

Sur quoi

Attendu qu'il est établi par la facture de M. Brincat lui-même, qu'il est intervenu sur l'embrayage et la boîte à vitesse;

Qu'ainsi M. Brincat ne peut soutenir qu'il ne connaissait pas l'état, ou la transformation de l'ensemble de ces pièces inadaptées;

Que de même, il ne peut valablement soutenir être à égalité avec M. Rolland lui-même professionnel, dès lors qu'il connaissait la transformation et le vice;

Attendu que les conclusions de l'expertise sont sans ambiguïté; qu'elles établissent que le véhicule est affecté de vices; que la boîte à vitesse est détruite et surtout que le véhicule ne correspond plus à la fiche descriptive du Service des Mines et ne peut donc pas circuler;

Qu'il en résulte encore que M. Brincat a certifié à M. Rolland que le véhicule n'avait pas subi de transformation notable, et ce n'est pas vrai;

Attendu que l'expert expose encore dans son rapport additif que M. Rolland a simplement déposé la boîte pour échange de la rallonger du pignon à queue, sans avoir besoin d'ouvrir la boîte ni de la vidanger alors que M. Brincat a remplacé des pignons en ouvrant la boîte;

Qu'ainsi se trouvent démenties les allégations de l'appelant;

Qu'au surplus, et comme le souligne encore l'expert, les réparations sur une boîte à vitesse non conforme, ont moins d'importance que la présence sur ce véhicule d'une boîte à vitesse non conforme et bricolée pour l'adapter à un véhicule pour lequel elle n'était pas faite;

Attendu que la boîte montée est une boîte de trafic à moteur essence (avec commande de débrayage à câble) dont le carter avant a purement et simplement été découpé pour laisser passer l'ancienne commande hydraulique, (montée sur le trafic diesel);

Qu'un tel montage est anormal et constitue selon l'expert un vice caché;

Que dès lors, l'appelant ne saurait prétendre, que les transformations qu'il a apportées constituent une amélioration.

Attendu qu'il est établi par l'ensemble des éléments du dossier, que M. Brincat ne pouvait pas ignorer le bricolage dont le véhicule avait fait l'objet.

Attendu qu'il n'est pas, contesté que M. Rolland, n'a été détenteur du véhicule que pendant 48 heures.

Attendu qu'il convient dans ces conditions de confirmer le jugement déféré, de condamner l'appelant aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à chaque intimé la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Attendu que le véhicule litigieux est toujours en attente d'être réparé et qu'ainsi le préjudice subi par la société Val Agri n'a pu que s'amplifier et qu'il convient en conséquence, d'ajouter à l'indemnisation de ce chef par le tribunal, celle postérieure au 6 octobre 1993 jusqu'à la réparation du véhicule.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier; le déclare mal fondé. Déclare irrecevables par application de l'article 783 du NCPC. les conclusions du 27 février 1995. Confirme le jugement déféré. Y ajoutant dit que l'indemnisation de la Sté Val Agri pour la période d'immobilisation postérieure au 6 octobre 1993 sera effectuée sur la base de 50 000 F par an jusqu'à remise entre les mains du véhicule réparé, Condamne M. Brincat aux dépens d'appel et autorise la SCP Rives-Podesta avoués à recouvrer directement contre lui, ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante. Le condamne en outre à payer à la société Val Agri et à M. Rolland, la somme de 5 000 F (cinq mille francs) chacune, au titre de l'article 700 du NCPC.