CA Angers, ch. corr., 6 décembre 1994, n° 735
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Association Force Ouvrière consommateurs de la Sarthe, Direction Général de la Consommation de la Concurrence et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gauthier
Avocat général :
M. Brudy
Conseillers :
MM. Liberge, Lemaire
Avocat :
Me Le Meur-Baudry.
Le Ministère public a interjeté appel du jugement rendu le 28 février 1994 par le Tribunal correctionnel du Mans qui, pour tromperie sur la nature la qualité l'origine ou la quantité d'une marchandise et falsification de denrée alimentaire boisson ou substance médicamenteuse nuisible à la santé, a renvoyé François C des fins de la poursuite et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'Association Force Ouvrière consommateurs de la Sarthe.
Le Ministère public requiert la culpabilité du prévenu et une amende de 20 000 F ainsi que la publication de la décision.
Régulièrement cité, le prévenu comparait en personne assisté de son conseil lequel sollicite la confirmation du jugement déféré.
Sur ce LA COUR
François C est poursuivi pour avoir à Clermont-Créans courant janvier 1991,
1°) trompé ou tenté de tromper le contractant sur la nature l'espèce les origines les qualités substantielles la composition ou les teneurs en principes utiles de rôtis de dindonneau en l'espèce en omettant de mentionner sur l'étiquetage des morceaux de viande les mentions relatives à la salaison au pourcentage de saumure et à la présence de sel nitrité.
2°) falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme en additionnant à la saumure utilisée pour les rôtis de dindonneau du sel nitrité prohibé par la réglementation en vigueur.
Il résulte du procès-verbal de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire ouverte à sa suite que le 4 février 1991, les fonctionnaires de la DGCCRF intervenaient à la demande du gestionnaire au centre hospitalier spécialisé de Rennes pour contrôler la qualité du rôti filet congelé saumuré de dindonneau fabriqué et vendu par la société anonyme X située à Clermont-Créans.
L'analyse des prélèvements effectuée par la laboratoire inter régional de la répression des fraudes de Paris-Massy révélait notamment la présence de sel nitrité et concluait eu égard au marché public passé par l'hôpital qui impliquait un produit dépourvu de sel nitrité à un produit non-conforme.
Le prévenu François C reconnaissait l'utilisation de sel nitrité et un étiquetage insuffisant mais soutenait que l'emploi de cette substance à concurrence de 2 % était autorisée par un arrêté du 8 décembre 1964 confirmé par un acte réglementaire du 14 octobre 1991 et par le Code des usages des produits de dindes.
Une information judiciaire ouverte pour effectuer la contre-expertise permettait d'établir que le Code des usages en vigueur et validé par l'Administration au moment des faits était celui de l'année 1980 lequel prohibe l'utilisation du sel nitrité pour le produit concerné ainsi que la présence de cet additif non contesté par le prévenu.
Sur l'étiquetage, le prévenu indiquait qu'il s'agissait d'un oubli; cet argument ne saurait être invoqué utilement de la part d'un professionnel. Par ailleurs, le prévenu ne pouvait justifier qu'il avait satisfait aux prescriptions de l'arrêté du 7 décembre 1984 qui prévoit que les mentions concernant la composition du produit vendu dans de telles conditions doivent figurer sur les documents commerciaux remis au destinataire de la marchandise.
Sur la présence de sel nitrité, le prévenu invoque les dispositions des arrêtés de 8 décembre 1964 et 14 octobre 1991 qui prévaudraient sur le Code des usages des produits de dinde.
En premier lieu, le Code des usages des produits de dinde spécifique à la profession s'applique à ses membres s'agissant d'un engagement réciproque fondé sur la qualité des produits concernés;
En second lieu, la primauté de l'arrêté sur le Code des usages suppose que le texte réglementaire concerne le produit en cause; l'arrêté du 8 décembre 1964 relatif à l'utilisation à titre exceptionnel de sel nitrité concerne la préparation des salaisons, produits de charcuterie et conserves de viandes; si la saumure est une méthode de conservation des salaisons, le rôti de dindonneau congelé et saumuré à titre exceptionnel par accord des parties ne constitue pas une salaison au sens de l'arrêté invoqué, le principe de conservation en l'espèce étant la congélation des rôtis. François C est donc mal fondé à invoquer ce texte et pas d'avantage celui du 14 octobre 1991 qui n'était pas en vigueur au moment des faits lesquels se situent aux termes de la prévention en janvier 1991.
Le jugement déféré sera donc pour ces motifs infirmé et le prévenu déclaré coupable des faits de tromperie et de falsification qui lui sont reprochés. Il convient de le sanctionner par le prononcé d'une amende proportionnelle à ses revenus soit 20 000 F; par ailleurs le dispositif du présent arrêt sera publié dans les journaux Ouest France édition Sarthe et le Maine Libre aux frais du condamné dans la limite de 5 000 F.
Par ces motifs: LA COUR statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement du Tribunal correctionnel du Mans en date du 28 février 1994, Déclare François C coupable des faits de tromperie sur les qualités de la marchandise vendue et de falsification de denrée alimentaire; En répression le condamne à la peine de 20 000 F d'amende, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans les journaux Ouest France édition Sarthe et le Maine Libre aux frais du condamné dans la limite de 5 000 F. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable François C, conformément aux dispositions de l'article 1018 A du Code général des impôts, Ainsi jugé et prononcé par application des articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 213-3 al. 1 1°, L. 213-3 al. 2 du Code de la consommation, 473 du Code de procédure pénale.