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Décisions

CA Paris, 13e ch. corr., 14 mars 1991, n° 3026-90

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Actival International (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocats :

Mes Hasan Cohen, Fourgoux.

TGI Paris, 31e ch., du 22 mars 1990

22 mars 1990

Rappel de la procédure

Sur les intérêts civils seuls en cause d'appel

Le jugement

Abilio R a été poursuivi devant le Tribunal de Paris (31° chambre) sur arrêt de renvoi de la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris (4e chambre) en date du 26 mai 1989.

- " pour avoir, en octobre et novembre 1982 et courant 1983 et depuis temps non prescrit, à Paris, trompé ou tenté de tromper la société Actival, par quelque moyen ou procédé que ce soit, sur la nature, l'espèce, l'origine de marchandises,

Faits prévus et punis par la loi du 1er août 1905 modifiée par la loi du 10 janvier 1978 (articles 1 et 5) et le décret 55-241 du 10 février 1955 (article 4).

Par jugement en date du 22 mars 1990, le tribunal a relaxé Abilio R aux motifs que la preuve de l'altération de 25 % des boites de conserves livrées n'était pas rapportée, que le directeur central de la SCACHAP invité, au cours de l'instruction, à donner un pourcentage des boites flochées et bombées a répondu " que ce nombre était relativement important ", sans autre précision, que ni le directeur de l'entreprise X qui a procédé à la destruction des boites litigieuses, ni son chauffeur n'ont pu donner de détails sur l'état des boites fabriquées par la société R qui étaient mélangées avec des boites d'autres origines, a débouté la SARL Actival International, qui s'était constituée partie civile, de ses demandes, fins et conclusions et a constaté " que la société anonyme Y (n'était) pas dans la cause. "

Le tribunal a laissé les dépens à la charge du trésor.

Appel

Appel a été interjeté par :

La société Actival International, partie civile, le 23 mars 1990, par l'intermédiaire de son conseil, décision rendue entre elle et R,

Compte tenu de la limitation de l'appel, la mise en cause et l'intervention devant la cour de la société Abilio R se trouvent être sans objet.

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur l'appel régulièrement interjeté par la société Actival International, partie civile, seule, du jugement du Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) en date du 22 mars 1990, dont le dispositif est rappelé ci-dessus.

Les premiers juges ayant exactement rappelé les faits de la cause, la cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué.

Représentée par son conseil, la SARL Actival International, partie civile appelante, par voie de conclusions développées à l'audience, demande à la cour de :

- " infirmer le jugement rendu le 22 mars 1999 par la 31° chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris;

- " statuant de nouveau

-" dire établie l'infraction poursuivie "

- " sur les réquisitions de M. l'Avocat général, faire à M. Abilio R application de la loi pénale;

- " condamner solidairement Abilio R et la société anonyme de droit espagnol Y à (lui) payer la somme de 223 484,04 F avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

- " les condamner en outre au paiement d'une somme de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- " condamner conjointement et solidairement Abilio R et la société anonyme de droit espagnol Y aux entiers dépens".

Assisté de son conseil, Abilio R tant en son nom personnel qu'en qualité de président du conseil d'administration de la société anonyme de droit espagnol Y, par voie de conclusions développées à l'audience, demande à la cour de :

- " dire le délit de tromperie ou tentative de tromperie sur la nature, l'espèce, l'origine de marchandises prévu et puni par la loi du 1er août 1995 non établi" ;

- " (le) relaxer purement et simplement".

Considérant qu'il est essentiellement reproché à Abilio R, en sa qualité de président du conseil d'administration de la société anonyme de droit espagnol Y, d'avoir livré en France à la SARL Actival International, un certain nombre de boites de conserves d'asperges présentant des défauts externes de déformation ou de bombage des fonds de boite s'accompagnant d'une oxydation plus ou moins prononcée extérieurement du sertis ;

Considérant que la société Actival International, ne soulève, en cause d'appel, aucune argumentation à laquelle il n'ait été déjà répondu par le tribunal ;

Considérant, de première part, qu'il n'est pas établi par les pièces de la procédure que 25 % du lot de conserves présentaient des traces extérieures d'altération de nature à rendre le lot non commercialisable, conformément aux dispositions de l'article 4 du décret n° 55-241 du 10 février 1955 ;

Qu'il est surprenant que la société Actival, alors qu'il n'y avait aucune urgence particulière, les denrées alimentaires n'étant pas particulièrement altérables, et les 96 000 boîtes de conserves de marque "W" étant parvenues à destination le 15 décembre 1982, ait fait procéder à une expertise le 28 décembre 1982 par Michel Christen, ingénieur expert, à Saint Leu d'Esserent (60) sans que Abilio R ou un de ses fondés de pouvoir ait été à même d'y assister puisque la lettre recommandée adressée le 23 décembre 1982 ne lui a été remise que le 30 décembre 1982 ;

Que l'on se demande pour quelles raisons la société Actival n'a pas fait constater par huissier le mauvais état externe de la livraison et n'ait pas, dans les plus brefs délais, informé les Services de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes si elle estimait avoir été trompée ;

Qu'il apparaît pour le moins curieux que la société Actival n'ait pas, selon les usages commerciaux, retourné la marchandise, allant même, au contraire, jusqu'a commercialiser une partie des boîtes, à savoir, selon ses propres dires, prés de 60 000 sur les 96 000 boites expédiées, et à en faire détruire un grand nombre ;

Considérant, de seconde part, que le fait de livrer des boites de conserves dont l'emballage, dans sa partie extérieure, aurait été altéré ne saurait constituer une tromperie au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Qu'en effet, dès lors que le défaut est visible et immédiatement décelable, il ne peut y avoir intention d'induire en erreur;

Qu'un tel fait n'ouvre droit qu'à des réparations civiles ou commerciales ;

Que, dès lors, le délit de tromperie n'est pas caractérisé, faute d'élément matériel et d'élément intentionnel ; que cette absence d'élément intentionnel avait d'ailleurs été relevé par la chambre d'accusation dans son arrêt du 26 mai 1989 ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles ;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Reçoit l'appel de la SARL Actival International, Confirme la jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles, Dit sans objet la mise en cause et l'intervention devant la cour de la société anonyme Y, Condamne la SARL Actival International aux dépens d'appel liquidés à la somme de 476,17 F.