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Décisions

CA Metz, ch. corr., 2 juin 1993, n° 502-93

METZ

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Wirtz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greff

Avocat général :

M. Pascal

Conseillers :

MM. d'Aligny, Gérard

Avocats :

Mes Zachayus, Ohlmann.

TGI Metz, ch., corr., du 5 nov. 1992

5 novembre 1992

Vu le jugement rendu contradictoirement par le Tribunal correctionnel de Metz, le 5 novembre 1992, qui:

Sur l'action publique:

a relaxé D Jean-Claude des fins de la poursuite sans peine ni dépens du chef d'avoir à:

* Ban Saint Martin, le 2 juillet 1990, trompé Monsieur Wirtz Franck sur les qualités substantielles d'un véhicule en l'espèce en indiquant mettre un moteur d'occasion de 75 000 km qui a en réalité 165 000 km,

Délit prévu et réprimé par l'article 1 de la loi du 01.08.1905,

Sur l'action civile:

a reçu Monsieur Wirtz Franck en sa constitution de partie civile,

a déclaré la constitution de partie civile de Wirtz Franck non fondée,

a laissé les frais et dépens à la charge de l'état.

En la forme:

Attendu que les appels interjetés le 9 novembre 1992 par le Ministère public, et le 16 novembre 1992 par le prévenu, réguliers en la forme, ont été enregistrés dans les délais légaux;

Qu'il échet de les déclarer recevables;

Au fond:

Sur l'action publique:

Sur la culpabilité:

Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des débats que M. Franck Wirtz a acheté le 2 juillet 1990 auprès de la SARL X, dont l'activité est le négoce en automobile, une voiture d'occasion de marque Volkswagen modèle 1985 pour un prix de 42 000 F payable en échange d'une voiture BMW Typer 524 et d'une soulte de 7 000 F;

Que la facture fait état pour le véhicule vendu d'un kilométrage non garanti de 150 000 km et stipule en outre "véhicule bénéficiant d'un moteur échangé d'occasion de75 000 km";

Attendu que l'acquéreur, constatant très rapidement que la voiture présentait des défectuosités au niveau du moteur, et que notamment elle consommait des quantités anormales d'huile, la soumettait le 30 août 1990 à l'examen de M. Serge Mignani, expert judiciaire près la Cour d'appel de Nancy en automobile;

Que ce technicien relevait en son rapport "très mauvais fonctionnement du moteur, fumée bleue à l'échappement, suintement d'huile importante";

Qu'il notait également l'existence d'un train avant défectueux;

Qu'au sujet du moteur, M. Mignani indiquait encore "le vendeur de X a mentionné: "véhicule bénéficiant d'un moteur d'occasion de 75 000 km; ceci est erroné, ce moteur a bien été remplacé mais par un moteur de 165 000 km à bout de souffle";

Attendu qu'après avoir tenté vainement de trouver un arrangement avec son vendeur, M. Wirtz s'est décidé le 3 avril 1991 de porter plainte pour tromperie à l'encontre de ce dernier;

Attendu qu'à l'époque des faits le gérant de la société était M. Jean-Claude D;

Attendu que celui-ci conteste toute responsabilité pénale dans cette affaire faisant valoir;

- que ce n'est pas lui-même mais son salarié M. Norbert Jacobi qui a effectué la vente de véhicule Volkswagen à M. Wirtz;

- que s'il est exact qu'il a remplacé le moteur d'origine de ce véhicule par un autre moteur, il ignorait que cet appareil était fortement usé en raison d'un kilométrage importante, M. Espinosa, exploitant du garage "Antoine" qui lui avait vendu ledit moteur, lui ayant affirmé que son kilométrage était de l'ordre de 80 000 km;

Qu'il a donc été lui-même trompé par M. Espinosa sur l'état réel du moteur; qu'il est par-là même de bonne foi;

Attendu que D a expliqué lors des débats à l'audience de la chambre des appels correctionnels que l'entreprise exploitée par la société "X" comportait en tout et pour tout que deux personnes, à savoir lui-même, en qualité de dirigeant et M. Jacoby comme vendeur;

Que, de son côté, M. Wirtz a indiqué, au cours de la même audience, qu'il a eu effectivement affaire à un vendeur mais que l'opération de vente s'était déroulée dans un local où se tenait également M. D;

Attendu qu'eu égard à ces circonstances et compte tenu de ce que D connaissait bien les caractéristiques du véhicule en cause puisqu'il venait d'en changer le moteur, il est évident que celui-ci, en sa qualité de gérant, a directement contrôlé la vente de la voiture à M. Wirtz, de sorte qu'il doit personnellement assumer la responsabilité de cette opération;

Attendu qu'en tant que professionnel, D avait l'obligation de vendre le véhicule en parfait état de marche et doté d'un moteur conforme à la garantie stipulée au contrat quant à son kilométrage, à charge pour lui de vérifier ou de faire vérifier ces éléments, et sauf à lui à démontrer qu'il a été lui-même trompé par son propre vendeur;

Attendu qu'il ressort des constatations de l'expert M. Mignani, lesquelles reposent sur examen objectif du véhicule et qui ne sont au demeurant pas sérieusement discutées, que le moteur était à bout de souffle et qu'il présentait un kilométrage effectif de plus du double aux 75 000 km annoncés;

Que le véhicule vendu était donc affecté d'un vice grave portant sur une qualité substantielle;

Or attendu que Jean-Claude D ne justifie pas avoir effectué les contrôles indispensables à l'effet de vérifier le bon état du moteur et le kilométrage approximatif du moteur de la voiture Volkswagen;

Qu'il n'établit pas par ailleurs avoir été à ce sujet trompé, comme il le prétend, par celui qui lui a vendu cet appareil;

Qu'en effet, M. Rafaël Espinosa, gérant du "Garage Saint Antoine", entendu comme témoin sur commission rogatoire dans le cadre du supplément d'information ordonné par le tribunal a déclaré notamment que le moteur vendu à X, qui provenait de l'épave d'une voiture Audi 80 qu'il avait acquise des Etablissements Robinet de Jussy pour les pièces détachées, avait parcouru 165 000 km et que M. D était parfaitement au courant de ce kilométrage;

Que certes D conteste cette assertion, précisant que M. Espinosa lui avait affirmé que le moteur avait un kilométrage de 80 000 km;

Que toutefois il ne prouve pas la réalité de cette affirmation;

Qu'il est notamment incapable de produire la facture se rapportant à cette transaction, se bornant à soutenir que le garage Antoine n'en a pas établi;

Attendu qu'il apparaît, dans ces conditions, qu'en vendant à M. Wirtz un véhicule automobile dont il garantissait faussement le kilométrage relativement faible de son moteur, a trompé son cocontractant;

Que les éléments tant matériel que moral du délit de tromperie prévu et puni par l'article 1 de la loi du 1er août 1905 sont donc rapportés à la charge de D;

Qu'il doit en conséquence être déclaré coupable de l'infraction visée à la prévention;

Qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris;

Sur l'application de la peine:

Attendu qu'il existe des circonstances atténuantes en faveur du prévenu; Qu'il réunit les conditions pour bénéficier du sursis simple;

Sur l'action civile:

Attendu que la constitution de partie civile de M. Franck Wirtz est régulière en la forme et fondée sur l'infraction établie à la charge de Jean-Claude D;

Qu'il convient, en conséquence, réformant le jugement entrepris, de déclarer cette constitution de partie civile recevable;

Que D sera reconnu entièrement responsable du dommage subi par la partie civile, aucune faute susceptible d'avoir concouru à la réalisation de ce dommage n'ayant été par ailleurs démontrée à l'encontre de la victime;

Attendu que se fondant sur un complément de rapport d'expertise privé de M. Mignani en date du 12 mars 1992, M. Wirtz réclame la somme de 23 561,07 F en compensation des travaux nécessaires à la remise en état du véhicule;

Qu'il demande aussi la condamnation de D à lui payer une somme de 4 000 F en réparation de la privation de jouissance du véhicule et en remboursement des frais, notamment d'expertise, qu'il a dû engager dans le cadre du présent procès;

Qu'enfin, il sollicite l'allocation d'une somme de 2 000 F en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu qu'à l'audience, l'avocat de M. Wirtz a demandé que son client se voie accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire;

Attendu que le rapport de M. Mignani prend en compte, non seulement le coût de remplacement du moteur, mais également celui de la réfection du train avant;

Que ce dernier élément n'étant pas compris dans les faits de tromperie expressément visés par la prévention sera en conséquence écarté;

Attendu que D produit l'attestation de M. Blaise, PDG de la société Allo Casse Auto, qui indique que le prix garage pour un moteur Volkswagen Golf turbo diesel ayant parcouru environ 85 000 km est de l'ordre de 4 500 à 5 000 F;

Attendu qu'en fonction de ces divers éléments la cour estime à 13 000 F TTC le coût du remplacement du moteur auquel peut justement prétendre la partie civile;

Qu'il paraît équitable d'accorder à celle-ci une somme de 2 000 F en réparation du préjudice de jouissance, M. Wirtz étant privé de l'usage de son véhicule depuis fin 1990;

Attendu qu'en équité, il y a lieu de lui accorder une somme de 1 500 F en paiement des frais d'expertise exposés et non compris dans les dépens de la procédure;

Par ces motifs: LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire; En la forme Reçoit les appels comme réguliers; Au fond, Sur l'action publique: Réformant le jugement entrepris; Déclare Jean-Claude D coupable de l'infraction visée par la prévention; En répression, le condamne à la peine de un mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de six mille francs; Compte tenu de l'absence du condamné lors du prononcé du délibéré, Monsieur le Président n'a pu donner l'avis prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale; Prononce, en tant que de besoin la contrainte par corps qui s'exercera suivant les modalités fixées par les articles 749 et 750 du Code de procédure pénale, modifiés par la loi du 30 décembre 1985; Sur l'action civile: Réformant le jugement entrepris; Déclare M. Franck Wirtz recevable en sa constitution de partie civile; Déclare Jean-Claude D entièrement responsable du dommage de la partie civile; Le condamne à payer à N. Franck Wirtz la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, y compris les émoluments taxables de l'avocat de la partie civile dont l'intervention aux débats a été effective et utile; Le condamne, en outre, à payer à M. Franck Wirtz la somme de 1 500 F de ses frais d'expertise; Admet M. Franek Wirtz au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire;