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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 28 avril 1993, n° 252-93

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Chambre syndicale des artisans électriciens et électroniciens de l'Ile-de-France, Union fédérale des consommateurs de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocats :

Mes Medioni, Fourtanier.

TGI Paris, 31e ch., du 7 déc. 1992

7 décembre 1992

Rappel de la procédure:

Le jugement:

tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,

étant, toutefois, précisé que les faits ont été commis de septembre 1990 à mars 1991,

a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 644,44 F;

Appels:

Appel a été interjeté par:

1°) A Samuel, le 10 décembre 1992

2°) X, le même jour,

3°) le Ministère public, le même jour,

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Par jugement en date du 7 décembre 1992, le Tribunal de Paris (31e chambre) a relaxé Samuel A du chef de tromperie pour avoir procédé à une installation de cuisine non conforme aux règles de l'art mais l'a déclaré coupable de tromperie pour avoir promis faussement dans le devis d'installation de la cuisine de Mme Inga Rydh épouse Martin que la pose était prise en charge gratuitement par Spacial Cuisines, l'a condamné de ce chef à 30 000 F d'amende ainsi qu'à payer, solidairement avec Bachir Daikhi, ce dernier non en cause devant la cour, à Mme Martin, partie civile, la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, à la Chambre syndicale des artisans électriciens et électroniciens de l'Ile-de-France (CSAE), partie civile, la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et à l'Union fédérale des consommateurs de Paris, partie civile, la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Le tribunal, par ailleurs, donné acte à la société en nom collectif "X" de sa comparution volontaire et l'a déclarée civilement responsable de Samuel A.

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté par Samuel A et par la société "X", qui ont fait porter leur recours sur les dispositions tant pénales que civiles du jugement, ainsi que par le ministère public.

A l'audience du 24 mars 1993, Samuel A, assisté de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de prononcer sa relaxe des fins de la poursuite, faisant notamment valoir que, s'il est vrai que la société "X" avait offert à sa cliente une pose gratuite des meubles de sa cuisine, il n'avait jamais été promis à celle-ci, que ce soit dans la publicité faite par ladite société ou dans des documents contractuels, pas plus, d'ailleurs, que verbalement, des prestations supplémentaires gratuites, en l'espèce des travaux d'électricité et de plomberie rendus nécessaires pour l'installation de la cuisine.

La CSAE, représentée par son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de:

- "(lui) adjuger le bénéfice de ses écritures de première instance"

"déclarer recevable et bien fondée (son) action civile,

"en conséquence, condamner M. A et la société X à lui verser solidairement la somas de 50 000 F à titre de dommages-intérêts (et celle de) 4 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale"

- "et la publication de la décision à intervenir dans deux journaux à venir (sic) et dans la revue diffusée par la (concluante) "Septelec", 1 Place Susany, 95340 Joinville-le-Pont, ainsi que son affichage en vitrine des locaux de l'entreprise"

- "Condamner M. A et la société X aux dépens ainsi qu'à tous les frais à intervenir pour l'exécution de la présente décision".

Quant à, l'UFC de Paris, représenté par le même conseil, elle demande à la cour, par voie de conclusions, de:

- "(lui) adjuger le bénéfice de ses écritures de première instance"

- "déclarer recevable et bien fondée (son) action civile"

- "en conséquence, condamner M. A et la société X à lui verser solidairement la somme de vingt mille francs, à titre de dommages-intérêts (et celle de) 4 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,"

- "et ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux quotidiens nationaux et dans Le bulletin "Le consommateur de Paris" diffusé par (la concluante) ainsi que son affichage en vitrine des locaux de l'entreprise".

- "Condamner M. A et la société X, aux dépens ainsi qu'à tous frais à intervenir pour l'exécution de la décision à intervenir."

Toutefois, à l'audience du 24 mars 1993, la CSAE et l'UFC Paris, qui n'ont pas relevé appel du jugement du 7 décembre 1992, se sont bornées, par la voie de leur conseil les représentant, lequel n'ignore pas que, conformément aux dispositions de l'article 515, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la cour ne peut, sur le seul recours du prévenu, aggraver le sort de l'appelant, à solliciter, en ce qui les concerne, la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions civiles et, en outra, la condamnation de Samuel A à payer à chacune d'elles la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.

Quant à Inga Rydh épouse Martin, qui n'a pas non plus interjeté appel, elle demande à la cour de confirmer, pour sa part, la jugement attaqué et de condamner Samuel A à lui payer, en outra, la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

Sur l'action publique:

Considérant que, le 14 décembre 1990, Inga Rydh épouse Martin passait commande à la société en nom collectif X, ayant pour enseigne "Spacial Cuisines", que dirige Samuel A, un ensemble de meubles de cuisine (treize éléments, hauts et bas, plus un plan de travail), un évier avec sa robinetterie, un four, une plaque chauffante et une hotte, le tout pour la somme de 40 382 F TTC; qu'elle versait un acompte de 4 382 F; que sur le bon de commande signé par elle et établi par un employé de la société, M. Donati, figuraient les mots manuscrits:. "pose des meubles seule prise en charge par Spacial Cuisines suivant conditions pub";

Que, le même jour, lui était remis par M. Donati un document imprimé intitulé "devis de pose", qu'elle signait, duquel il résultait qu'était gratuite la "pose de meubles comprenant la mise en place et le raccordement des appareils suivant plan technique fourni par Spacial, sans apport de fournitures";

Qu'y était ajoutée une mention manuscrite "prise en charge par Spacial Cuisines suivant conditions pub" tandis que, sur ce même imprimé, les lignes concernant d'éventuels travaux, notamment d'électricité et de plomberie, y compris la dépose d'évier, avaient été rayées, avec, en regard, à l'emplacement des colonnes réservées au chiffrage, l'inscription manuscrite suivante "Travaux non prévus dans les conditions pub à la charge du client";

Que, le 19 décembre 1990, sait cinq jours plus tard, Inga Martin acceptait, en le signant, le devis d'un montant de 11 140 F TTC que lui présentait M. Dautrey, autre employé de la société X, pour la dépose de l'ancien mobilier (1 200 F) et de l'évier 460 (F) et l'exécution de divers travaux d'électricité et de plomberie que nécessitait l'installation de la nouvelle cuisina, travaux comprenant, notamment, en plomberie, le raccordement au nouvel évier (920 F), et un raccordement à un lave-linge (910 F), lequel n'était pas fourni par "Spacial Cuisines";

Que les dépose et posa ainsi que les travaux acceptés le 19 décembre 1990 étaient exécutés, en sous-traitance, en mars 1991, par Bachir Daikhi auquel, s'était adressée la société X; .qu'il se révéla, par la suite, que les travaux d'électricité avaient été mai exécutés; que, par le jugement du 7 décembre 1992, Bachir Daikhi a, d'ailleurs, été déclaré, en raison des malfaçons constatées, coupable de tromperie pour avoir procédé "à une installation non conforme aux régies de l'art";

Qu'il est manifeste, au vu des déclarations de Inga Martin, comme à la lecture des conclusions de la CSAE et de l'UFC Paris, que ce sont ces malfaçons qui seront surtout reprochées par las parties civiles à Samuel A;

Considérant que le document contractuel signé la 14 décembre 1990, intitulé "devis de pose", na faisait qu'expliciter la mention manuscrite "Pose de meubles seule prise en charge par Spacial Cuisines suivant conditions pub" portée sur le bon de commande, n'étant pas contesté qu'à l'époque la société X diffusait une publicité portant sur la gratuité de la pose des cuisines fournies par aile; que, portées sur les deux documents datés du 14 décembre 1990, ladite mention (sur le premier) où l'adjectif "seule" prend toute son importance, d'une part, la mention "travaux non compris dans les conditions pub à la charge du client" (sur le second), d'autre part, ne laissaient aucun doute que se trouvaient exclus de la gratuité tous les travaux qui ne concernaient pas la pose elle-même, c'est-à-dire, ainsi qu'il l'était précisé, "la mise en place et le raccordement des appareils"; que, plus précisément, en ce qui concerne le raccordement, il ne pouvait s'agir, manifestement, que du raccordement aux installations d'électricité et plomberie existant déjà; qu'en revanche il était clair que s'il y avait lieu à modifier cas installations pour permettre la pose des meubles et des appareils fournis, les travaux nécessaires restaient à la charge du client;

Qu'en revanche, il va de soi que la gratuité de la mise en place des meubles impliquait celle de la dépose de l'ancien mobilier car an ne saurait, en l'espèce, poser si l'on ne dépose pas auparavant; qu'en conséquence, la société X ne pouvait, sans tromper sa cliente sur la nature de ses prestations, facturer ensuite 1 200 F TTC la dépose de l'ancien mobilier et 460 F TTC celle de l'ancien évier;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a déclaré Samuel A coupable de tromperie sur la nature de la prestation de service fournie; que, dès lors, il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement attaqué;

Que, par ailleurs, le tribunal a relaxé à juste titre Samuel A du chef de tromperie "en procédant à une installation non conforme aux règles de l'art", puisque les travaux d'électricité en cause ont été exécutés par Bachir Daikhi; que le jugement attaqué sera donc également confirmé sur ce point;

Qu'en ce qui. concerne la répression, il y a lieu de faire à Samuel A une application moins rigoureuse de la loi pénale;

Sur l'action civile de la Chambre syndicale des artisans électriciens et électroniciens de l'Ile-de-France (CSAE.)

Considérant que, compte tenu de la relaxe de Samuel A du chef de tromperie quant à l'exécution de travaux d'électricité de manière non conforme aux règles de l'art, les demandes de la CSAE, partie civile, se trouvent être sans fondement;

Que, dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Samuel A à payer, solidairement avec Bachir Daikhi, à la CSAE, la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes;

Sur l'action civile d'Inga Rydh épouse Martin:

Considérant que la tromperie dont s'est rendu coupable Samuel A, dirigeant de la société en nom collectif X, n'ayant porté, que sur la dépose de l'ancien mobilier de cuisine et de l'ancien évier, la cour puise dans les circonstances de l'espèce les éléments suffisants pour fixer à 3 000 F le montant du préjudice résultant directement pour Inga Martin,, partie civile, des agissements délictueux du prévenu;

Que, dès lors, il convient, en réformant sur ce point le jugement attaqué, de condamner Samuel A à payer à Inga Martin, solidairement avec Bachir Daikhi dans la limite déterminée par les premiers jugea en ce qui concerne ce dernier non en cause devant la cour, la somme de 3 000 F;

Que la demande d'une somme de 5 000 F formulée par Inga Martin au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel, venant s'ajouter à celle de 1 000 F allouée par le tribunal au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, est justifiée en son principe mais doit être limitée à 2 000 F;

Sur l'action civile de l'Union fédérale des consommateurs de Paris (UFC Paris):

Considérant que le préjudice de l'UFC PARIS ne saurait, en l'espèce, se confondre avec le préjudice direct subi par Inga Martin; que les faits reprochés au prévenu n'ayant pas porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, il y a lieu, en infirmant sur ce point la jugement attaque, de débouter l'UFC Paris de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Samuel A;

Sur l'intervention de la société en nom collectif X en qualité de civilement responsable:

Considérant que la société en nom collectif X ne saurait être déclarée civilement responsable de son gérant Samuel A, qui l'engage et qui l'oblige et n'est donc pas son préposé t qu'en conséquence il échet de la mettre hors de cause;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges; LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels de Samuel A, de la société X et du Ministère public, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a, d'une part, relaxé Samuel A du chef de tromperie pour avoir procédé à une installation électrique non conforma aux règles de l'art, d'autre part, déclaré celui-ci coupable de tromperie sur la nature d'une prestation de service fournie (faits commis les 14 et 19 décembre 1990). L'émendant sur la peine condamne Samuel A à cinq mille francs (5 000) d'amende; Le condamne à payer à Inga Rydh épouse Martin, partie civile, solidairement avec Bachir Daikhi dans la limite déterminée par les premiers juges en ce qui concerne ce dernier non en cause devant la cour, la somme de trois mille (3 000) francs à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, et celle de trois mille (3 000) francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Déboute la Chambre syndicale des artisans électriciens et électroniciens de l'Ile-de-France et l'Union fédérale des consommateurs de Paris, parties civiles, de leurs demandes. Met hors de cause, en qualité de civilement responsable, la société en nom collectif X. Le tout par application des articles 1er, 16 de la loi du 1er août 1905, 415, 424, 512 du Code de procédure pénale.