CA Paris, 13e ch. B, 9 juin 1993, n° 8584-92
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenormand
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
Mmes Magnet, Barbarin
Avocat :
Me Jaurès.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,
étant toutefois précisé que les faits ont été commis courant 1991.
Appels:
Appel a été interjeté par:
1°) Christian E, le 30 octobre 1989
2°) le Ministère public, le même jour.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Christian E a été poursuivi devant le Tribunal d'Evry (6e chambre) sous la double prévention d'avoir à Fleury-Mérogis (91), courant 1991:
1°) effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur sa qualité d'agent ou de concessionnaire de la marque Rover, délit prévu et réprimé par l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et l'article 1er de la loi du 1er août 1905.
2°) trompé ou tenté de tromper sur les qualités substantielles d'un véhicule en vendant à Mme Vergnieux Monique un véhicule sur lequel des réparations de fortune avaient été effectuées et en induisant celle-ci en erreur sur la possession par la SA "X" de la qualité d'agent ou de concessionnaire de la marque Rover, délit prévu et réprimé par les articles 1er et 7 de la loi du 1er août 1905.
Par jugement en date du 27 octobre 1992, le tribunal a déclaré Christian E coupable des faits qui lui sont reprochés, bien que dans sa motivation, il ait estimé que "la mention Range Rover telle que présentée sur les divers documents produits (n'était) pas constitutive d'une publicité mensongère définie par l'article 44-I de la loi du 27 décembre 1973", l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 F d'amende et a ordonné la publication dudit jugement, par extrait, dans l'Auto Journal, aux frais du condamné, sans que le coût de l'insertion puisse dépasser la somme de 3 000 F.
Appel de cette décision a été régulièrement interjeté tant par le prévenu que par le Ministère public.
Assisté de son conseil, Christian E demande à la cour, par voie de conclusions, de le "relaxer de toutes les infractions qui lui sont reprochées" et, subsidiairement, de "voir la cour réduire dans de notables proportions les sanctions fixées aux termes du jugement du Tribunal de grande instance d'Evry".
A l'appui de son recours, il fait valoir, dans ses écritures, d'une part que la société anonyme X c'est-à-dire "X", n'a jamais fait mention dans sa publicité ou dans ses documents commerciaux d'une "quelconque référence à une appartenance au réseau commercial de la marque Range Rover", d'autre part, que le véhicule Range Rover en cause a été vendu à Mme Monique Vergnieux par la société à responsabilité limitée Etudes et diffusion, dont le gérant est Alain Chantelat, et non par la société X, ainsi qu'il a été énoncé inexactement dans la prévention et que, s'il est vrai que la société X a effectué certaines réparations sur ce véhicule en ne respectant pas les directives du constructeur, elle n'a, en fait, effectué qu'un dépannage, "une réparation de sauvetage", qui ne pouvait respecter les règles de l'art, et ce à la demande expresse de la société Etudes et diffusion qui ne souhaitait pas que les travaux dépassent "un coût de l'ordre de 5 à 6 000 F, malgré un premier devis effectué par la société X d'un montant de 12 000 F".
Sur le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur:
Considérant que la société X qui, sur son papier à lettres, se présente comme "spécialiste Land Rover et Range Rover", ce qui est parfaitement son droit, n'a fait figurer sur ses documents publicitaires ou commerciaux, notamment sur les factures délivrées par elle, aussi bien que sur les murs du garage qu'elle exploite à Fleury-Mérogis (91), que les mots "Land Rover" et "Range Rover" sans prétendre pour autant appartenir au réseau commercial de ces marques, que ce soit en qualité de "concessionnaire" ou "agent", ces deux mots n'apparaissant jamais; que, d'ailleurs nulle part ne sont représentés les logos des marques Land Rover ou Rover, alors que tout concessionnaire ou agent d'une marque de véhicule fait figurer le logo de celle-ci sur sa publicité et sur ses documents commerciaux;
Qu'un client normalement attentif ne pouvait nullement être induit en erreur sur l'appartenance de la société X à un réseau commercial par les seuls mots "Land Rover" et "Range Rover" puisque ceux-ci n'étaient accompagnés ni des mots "concessionnaire" ou "agent" ni du logo de la marque;
Considérant que, dès lors, le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur n'étant pas constitué à l'égard de Christian E, il convient de le renvoyer des fins de la poursuite exercée de ce chef à son encontre;
Sur le délit de tromperie du contractant sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et sur la qualité du prestataire de services:
Considérant que, le 30 janvier 1991, la société Etudes et diffusion vendait à Monique Vergnieux pour 78 000 F un véhicule Range Rover d'occasion, immatriculé 795 AAK 91, dont la 1re mise en circulation datait du 6 janvier 1987; que, pour justifier, de l'entretien du véhicule, son gérant, Alain Chantelat, lui remettait diverses factures de réparations émanant de la société X;
Que l'une de ces factures, datée du 20 décembre 1990, faisait état du remplacement de quatre joints de culasse pour la somme de 6 094,76 F, pièces et main d'œuvre;
Que, le 25 février 1991, après que le véhicule eut parcouru 1 700 km environ, les joints de culasse étaient à nouveau à changer; qu'il se révélait à l'examen de la facture que les vis de fixation n'avaient pas été remplacées par la société X alors que leur remplacement est imposé par le constructeur lors de toute dépose de culasse;
Considérant que Christian E ne disconvient pas que le changement des joints de culasse n'avait pas été effectué conformément aux directives de Rover mais expose, sans être en cela contredit par Alain Chantelat, que, dans un premier temps, il avait proposé de procéder à la réparation demandée pour un montant de 11 000 à 12 000 F et que c'est seulement parce que ce dernier trouvait la dépense trop élevée qu'il avait accepté d'effectuer une réparation dont le coût ne devait pas dépasser 5 à 6 000 F;
Qu'un point de divergence subsiste toutefois, entre eux, savoir que Christian E affirme qu'Alain Chantelat lui avait expressément demandé de ne pas dépasser cette somme alors que celui-ci le nie formellement comme il nie avoir demandé que soit effectué une réparation de "sauvetage sans garantie" ainsi que le premier la qualifie dans une lettre qu'il a adressée, le 9 avril 1991, à Monique Vergnieux;
Que, quoi qu'il en soit, les explications de Christian E apparaissant, toutefois, plus vraisemblables, Alain Chantelat ne pouvait ignorer que la réparation que, selon ses dires, Christian E avait consenti à effectuer "pour le prix le plus juste", lequel ne pourrait dépasser celui que, par téléphone, proposait le garage de la pyramide à Juvisy-sur-Orge, soit 5 000 F, ne serait pas réalisé par la société X, pour la moitié du prix qui avait été initialement fixé, ainsi qu'elle aurait dû normalement l'être; que l'on ne peut donc en aucun cas considérer qu'Alain Chantelat a été trompé par Christian E sur la qualité de la réparation ni, par voie de conséquence, que celui-ci ait trompé Monique Vergnieux, qui a acquis le véhicule après réparation;
Considérant que, dans ces conditions, Christian E n'ayant pas commis le délit de tromperie qui lui est reproché, portant tout à la fois sur les qualités substantielles d'un véhicule qu'un autre que lui vendait à Monique Vergnieux et sur la qualité de la société X, dont il est le gérant, qui ne s'est à aucun moment présenté comme étant concessionnaire ou agent de la marque Range Rover, il convient de le renvoyer également des fins de la poursuite exercée de ce second chef à son encontre;
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Infirmant le jugement attaqué, Relaxe Christian E des chefs du délit de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur prévu à l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973.