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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 21 juin 1995, n° 93-05460

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Union fédérale des consommateurs de Seine Saint Denis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Avocat général :

M. Bartoli

Conseillers :

Mmes Magnet, Marie

Avocats :

Mes Godest, Brault.

TGI Bobigny, 16e ch., du 1er juill. 1993

1 juillet 1993

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire,

- a rejeté l'exception de chose jugée

- a déclaré U Luciano

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis le 15 novembre 1991, à Stains, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213- 1 du Code de la consommation

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis

l'a condamné à 30 000 F d'amende

a dit n'y avoir lieu à confusion de cette peine avec celle prononcée le 29 octobre 1992 par le TGI de Bobigny.

a ordonné la destruction des objets saisis

a ordonné la publication du présent jugement par extraits, aux frais du condamné dans le quotidien "Le Monde" et "Le Parisien" édition de Seine Saint Denis, sans que les frais de ces insertions puissent excéder 10 000 F HT pour le tout, ainsi que l'affichage pour une durée de 15 jours aux portes du magasin où les marchandises ont été saisies sur des affiches de dimensions 30 x 21 cm, en caractères d'imprimerie d'au moins 0,5 cm de hauteur;

a déclaré la société X SA civilement responsable de Luciano U,

a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

a condamné Luciano U à verser à l'Union fédérale des consommateurs de Seine Saint Denis les sommes de 3 000 F à titre de dommages et intérêts et 2 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

a débouté la partie civile du surplus de ses demandes.

a condamné Luciano U à rembourser les frais exposés par la partie civile.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur U Luciano, le 1er juillet 1993 contre l'Union fédérale des consommateurs de la Seine Saint Denis

M. le Procureur de la République, le 2 juillet 1993 contre Monsieur U Luciano.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par Luciano U et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;

Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention et les faits de la cause, la cour s'en rapporte sur ces points aux énonciations du jugement attaqué.

Luciano U, assisté de son conseil, par voie de conclusions, soulève in limine litis l'exception de la chose jugée aux motifs qu'il a déjà été jugé pour des faits identiques par décision du TGI de Bobigny rendue le 29 octobre 1992, confirmé par arrêt de cette cour rendu le 29 octobre 1993.

Monsieur l'Avocat général requiert la cour de rejeter l'exception soulevée et de joindre l'incident au fond.

Après en avoir délibéré, la cour joint l'incident au fond afin qu'il ne soit statué que par un seul et même arrêt.

Sur l'exception de la chose jugée:

Considérant que c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens que les premiers juges ont rejeté cette exception;

Qu'en effet, les faits visés par les premières poursuites sont distincts par la date de ceux ayant donné lieu aux poursuites qui sont à l'origine de la présente procédure; qu'il est patent que d'autres faits répréhensibles analogues mais non identiques ont été constatés et ont donné lieu à un autre procès-verbal qui a motivé les présentes poursuites.

Qu'il échet en conséquence de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont rejeté cette exception.

Rappel des faits:

Il convient de rappeler les faits suivants.

Il résulte du procès-verbal d'infraction régulièrement établi le 15 mai 1992 par les services de la Direction départementale de la Consommation et de la Concurrence, de la Répression des Fraudes qu'un contrôle portant sur des lampes-fontaines d'ambiance, utilisant l'eau à des fins décoratives, a été effectué le 15 novembre 1991 dans un magasin à l'enseigne Y sis à Satins (93) exploité par la société X SA, dont le siège est à Pantin et dont le responsable légal est Luciano U.

Les opérations d'analyse effectuées par le laboratoire interrégional de Massy sur un prélèvement de trois échantillons pratiqué en conformité avec les dispositions du décret du 22 janvier 1919, ont mis en évidence le non-respect des normes obligatoires affectant les luminaires proposés à la vente par la société X ainsi que leur caractère dangereux pour la sécurité des utilisateurs, exposés à des risques de choc électrique susceptibles, dans certaines conditions, de s'avérer mortels du fait, notamment, d'une accessibilité aux parties actives de l'appareil et d'une isolation électrique défaillante.

Au fond, à titre subsidiaire, le prévenu, qui ne conteste pas les faits, sollicite l'indulgence de la cour aux motifs qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour retirer les lampes litigieuses de la vente.

Il demande de déclarer la partie civile "tant irrecevable que mal fondée en ses demandes en l'absence d'intérêt à agir".

Par voie de conclusions, l'Union fédérale des consommateurs de la Seine Saint Denis sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation du prévenu à lui payer une somme de 15 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP.

Cela étant exposé

Sur l'action publique:

Considérant que le rapport d'expertise du laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes, dont les conclusions n'ont pas été contestées, fait apparaître de façon précise et dépourvue d'ambiguïté que les lampes-fontaines saisies, inadéquatement référencées comme fonctionnant sous une tension nominale de 110-220 volts, et ne comportant aucune indication de montage et de fonctionnement rédigée en langue française, n'ont pas été construites conformément aux règles de l'art définies par l'article 2 du décret 75-848 du 2 août 1975, modifié par le décret 81-1237 du 30 décembre 1981;

Qu'elles présentent en outre un caractère dangereux en ce qu'elles n'obéissent pas aux règles de sécurité des appareils électrodomestiques fixées par la norme harmonisée NF EN 60 335-2- 41;

Considérant que les factures d'achat et les documents douaniers établissent que ces articles, de médiocre qualité, ont été acquis en nombre important (720 pièces du même type) auprès de fournisseurs habituels installés en Asie du Sud-Est pour être revendus en France au prix de 149,90 F l'unité;

Considérant que le prévenu, PDG de la société X, avait en sa qualité d'importateur, responsable de la première mise sur le marché français, l'obligation de contrôler par tous moyens la conformité de ces marchandises aux normes obligatoires, spécialement en matière de sécurité, et de préalablement à toute commercialisation;

Qu' en s' abstenant de satisfaire effectivement et loyalement à cette obligation essentielle, ce professionnel du commerce d'importation de masse a, en connaissance de cause, commis les infractions qui lui sont imputées et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement attaqué tant sur la déclaration de culpabilité que sur le quantum de la peine, laquelle est équitable compte-tenu des antécédents judiciaires de l'intéressé;

Qu'il convient également, eu égard aux circonstances de l'espèce, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la destruction des marchandises saisies et ordonner les mesures de publicité prévues par l'article 7 de la loi du 1er août 1905;

Sur l'action civile:

Considérant que le prévenu fait remarquer dans ses écritures que la partie civile, l'Union fédérale des consommateurs de la Seine Saint Denis, fait référence à un jugement du 1er février 1993 alors que le jugement dont s'agit est du 1er juillet 1993 et fait valoir que la constitution de partie civile de ladite Union fédérale est manifestement irrecevable, en l'absence d'intérêt à agir; qu'en effet, la partie civile ne pouvait en aucune manière démontrer le moindre préjudice aux intérêts collectifs qu'elle est supposée représenter;

Considérant que cette argumentation ne pourra qu'être écartée;

Considérant d'une part qu'il est patent que la partie civile a commis une erreur purement matérielle de date;

Qu'il est manifeste que cette partie civile a entendu, dans son action, viser les infractions faisant l'objet des poursuites;

Considérant que d'autre part l'Union fédérale des consommateurs de Seine Saint Denis est une association ayant pour objet statutaire la défense des consommateurs, agissant en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs; qu'elle justifie de l'agrément auquel elle est assujettie;

Que la recevabilité de son action découle de la spécificité du but et de l'objet de sa mission; qu'en l'espèce, les infractions commises ont eu notamment pour effet de compromettre gravement la sécurité des utilisateurs qui étaient exposés à des chocs électriques qui pouvaient s' avérer mortels;

Considérant que les premiers juges ont justement évalué le préjudice subi par la partie civile du fait des agissements délictueux commis par le prévenu; qu'il échet de confirmer le jugement frappé d'appel dans toutes ses dispositions civiles et y ajoutant, de condamner Luciano U à verser à la partie civile la somme de 5 000 F pour couvrir les frais irrépétibles qu'elle a dû engager par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit les appels de Luciano U et du Ministère public; Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de la chose jugée; Déclare recevable en son action la partie civile; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions tant pénales que civiles; Y ajoutant, Condamne Luciano U à verser à l'Union fédérale des consommateurs de la seine saint Denis la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure le 800 F dont est redevable le condamné.