CA Paris, 5e ch. A, 16 janvier 2002, n° 1999-25090
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Made in Sun Corporation-Madisco (SA)
Défendeur :
Biomad (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
SCP Dauthy-Naboudet, Me Huyghe
Avocats :
Mes Sommelet, Hulfau.
La société Made in Sun Corporation (ci-après Madisco) et la société Biomad sont appelantes du jugement rendu le 4 mai 1999 par le Tribunal de commerce de Créteil qui les a déboutées de leurs demandes de restitution, destruction et paiement des cartons objet de l'instance ainsi que de leur demande de dommages et intérêts et condamnées aux dépens (ne comprenant pas les frais de saisie), la société Georges Helfer France étant déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts.
Les sociétés Madisco et Biomad prient la cour, réformant cette décision des chefs qui lui font grief, de:
- condamner la société Georges Helfer à restituer, outre les cartons saisis sous la surveillance de Maître Chetrit, l'ensemble des cartons dont elle est encore en possession, sous astreinte de 500 F par infraction constatée,
- ordonner qu'il soit procédé à la destruction de l'ensemble des cartons saisis au terme des deux saisies conservatoires des 23 et 30 décembre 1997 aux frais exclusifs de la société Georges Helfer,
- condamner la société Georges Helfer à leur payer la somme de 213 819 F en réparation du préjudice subi du fait de la non-restitution des 40 000 cartons de 4 kg et des 25 000 cartons de 2 kg portant la marque Biomad et leur appartenant, ainsi que celle de 301 000 F (en réalité 300 001 F) en réparation du préjudice résultant de l'utilisation frauduleuse de la marque, de la dénomination et du logo "Biomad"constitutive d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- débouter la société Georges Helfer de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
Les sociétés Madisco et Biomad font grief à la société Georges Helfer France de ne pas leur avoir remis les 65 000 cartons destinés au transport de litchis dont elles étaient propriétaires, au mépris du protocole d'accord intervenu entre les parties le 5 août 1997, et d'en avoir disposé sans droit ni titre en les remettant à la société Tracs, autre exportateur malgache, qui les a en partie utilisés pour transporter les fruits au début de la campagne 1997-1998.
La société Georges Helfer France (ci-après Helfer) poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Biomad et Madisco de leurs demandes mais en forme appel incident pour voir condamner ces dernières au paiement des sommes qu'elle réclamait en première instance soit 1 108 110,12 F au titre du préjudice matériel résultant des saisies et 1 000 000 F en réparation de son préjudice moral, ainsi que de celle de 55 805,82 F représentant la valeur du solde des cartons demeurés à Madagascar volés par Biomad postérieurement au prononcé du jugement, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1998, date de signification de ses conclusions reconventionnelles devant le Tribunal de commerce de Créteil. Elle sollicite en outre la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Helfer, qui fait valoir que sa qualité de propriétaire des cartons litigieux n'a jamais été remise en cause dans le cadre de la procédure ayant abouti au protocole d'accord, reproche aux sociétés Madisco et Biomad d'être revenues sur les termes de cet accord et d'avoir abusivement procédé à des saisies qui ont occasionné pour elle des frais de manutention et un manque à gagner sur les litchis transportés.
Sur ce, LA COUR
Considérant qu'il est constant que la société Helfer qui a pour activité le commerce de gros et l'importation de fruits et légumes, a entretenu des relations commerciales avec les sociétés Biomad et Madisco à l'occasion des campagnes d'exportation de litchis malgaches 1995-1996 et 1996-1997; qu'un litige s'est élevé entre les parties, Helfer prétendant payer les litchis conformément à ses comptes de vente à la commission tandis que Biomad et Madisco revendiquaient un prix de vente ferme; qu'il a été mis fin à l'instance engagée par ces dernières devant le Tribunal de commerce de Paris aux termes d'un protocole transactionnel en date du 5 août 1997 valant transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil qui précisait que, dès règlement des sommes convenues, les parties renonçaient à "toute instance et action née ou à naître résultant de la campagne 1995-1996 et du contrat conclu le 25 octobre 1996 portant sur la campagne 1996-1997";
Considérant que ce protocole mettait donc fin à l'intégralité des difficultés ayant opposé les parties, incluant notamment une contestation qui s'était élevée quant au coût (119 360 F) réclamé par Helfer au titre du stockage de 65 000 cartons qu'elle indiquait avoir payés après les avoir commandés à la demande de Biomad, qui en aurait finalement refusé la livraison;
Considérant que Biomad et Madisco, faisant grief à Helfer d'avoir utilisé ces cartons leur appartenant et portant leur marque pour transporter les litchis qu'elle importait de Madagascar par l'intermédiaire d'un tiers, la société Tracs, dans le cadre de la campagne 1997-1998, a fait procéder à la saisie des marchandises à leur arrivée à Marseille - Helfer en obtenant la main-levée subordonnée à leur reconditionnement dans d'autres cartons - et fait assigner Helfer devant le Tribunal de commerce de Créteil, qui a statué par le jugement dont appel;
Considérant que la société Biomad prétend rapporter la preuve de sa qualité de propriétaire des cartons litigieux par le fait que conformément à la transaction du 5 août 1997 Helfer se serait engagée par lettre en date du 7 août 1997 à lui restituer ses cartons comportant sa dénomination et sa marque, ce qui rend inopérant l'endossement effectué antérieurement du connaissement du 10 janvier 1997 relatif aux dits cartons;
Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que les 65 000 cartons litigieux ont été commandés par Helfer pour le compte de Biomad qui à l'arrivée du navire les transportant depuis Durban (Afrique du Sud) a refusé d'en payer le prix et d'en prendre possession, et a endossé le connaissement représentatif de la marchandise au profit de la SCAC qui l'a elle-même endossé au profit de Tracs; que c'est Helfer qui en a réglé le prix les 16 juin et 2 juillet 1997, sans le répercuter dans ses demandes formées dans le cadre de l'instance ayant abouti au protocole transactionnel du 5 août 1997, qui ne portaient que sur les frais de stockage exposés par Helfer à Madagascar faute de prise en charge de la marchandise par Biomad;
Qu'ainsi Helfer n'a à aucun moment, ni avant le 5 août 1997, ni à cette date reconnu un quelconque droit de propriété de Biomad sur lesdits cartons, qui ne résulte pas plus du courrier du 7 août 1997 par lequel il écrit au contraire à la SCAC "je me permets de revenir sur l'objet cité en exergue afin de connaître exactement la situation de ces containers avec mes cartons" (souligné par la cour) avant d'indiquer qu'il lui a été demandé de "réaffecter" ces cartons à la société Biomad et que cette dernière prendrait contact avec la SCAC qui devrait mettre les cartons à sa disposition, ce qui n'implique aucun transfert de propriété en l'absence de paiement;
Que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a débouté Biomad et Madisco de leurs demandes de restitution, destruction et paiement du prix de remplacement desdits cartons faute par Biomad d'en être propriétaire;
Considérant que les sociétés Biomad et Madisco reprennent en cause d'appel leur demande de réparation du préjudice qu'elles auraient subi du fait de l'utilisation frauduleuse de la dénomination de la marque et du logo Biomad, qui a entraîné une confusion dans l'esprit de sa clientèle, et du parasitisme de Helfer qui aurait tenté de bénéficier du renom des litchis fournis par Biomad;
Considérant que si les sociétés plaignantes ne peuvent prétendre opposer à Helfer une marque qui n'a fait l'objet d'un enregistrement, à Madagascar seulement, que le 24 décembre 1997 soit postérieurement à la requête afin de saisie conservatoire présentée au Président du Tribunal de commerce de Marseille, il peut être reproché à Helfer l'utilisation d'une dénomination commerciale non autorisée;qu'il n'en est toutefois résulté pour elles aucun préjudice dès lors que d'une part leur clientèle est celle des importateurs de leurs produits, et non le consommateur final qui ne saurait de surcroît être attaché à un nom commercial ne présentant aucun caractère de notoriété, et qu'en toute hypothèse à la suite de la saisie opérée au port de Marseille l'ensemble des litchis ont été reconditionnés dans des emballages ne portant pas la mention Biomad;que le jugement entrepris doit recevoir confirmation en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes de ces chefs;
Considérant qu'Helfer reprend devant la cour la demande reconventionnelle qu'elle avait soumise au tribunal tendant à l'indemnisation du préjudice, économique et moral, qu' elle a subi du fait de l'attitude fautive des sociétés appelantes auxquelles elle reproche d'avoir violé les articles 2044 et suivants du Code civil en déniant au protocole du 5 août 1997 l'autorité de chose jugée qui s'y attachait puisque tout litige relatif aux campagnes 1995-1996 et 1996- 1997 était réputé éteint, d'avoir fait preuve d'un acharnement inadmissible dans le but de lui nuire en opérant une première saisie de litchis dont la propriété n'était pas contestée puis, en dépit de la mainlevée de cette saisie, procédé à la saisie de la cargaison du second navire en refusant que la dénomination Biomad soit simplement occultée des cartons;
Mais considérant que, si elle était effectivement propriétaire des cartons litigieux, il appartenait à la société Helfer d'en occulter toutes les mentions "Biomad" avant de les utiliser; que c'est l'utilisation fautive qu'elle en a faite qui est à l'origine des initiatives procédurales des sociétés Biomad et Madisco, auxquelles elle ne peut imputer la charge d'un préjudice né de son seul fait que le jugement entrepris qui l'a déboutée de ces demandes doit en conséquence recevoir, de ce chef également, confirmation;
Considérant que la société Helfer poursuit, en cause d'appel, le paiement de la somme de 55 085,82 F soit 8 507,54 euros représentant la valeur du solde des cartons demeurés à Madagascar, dont elle indique qu'ils ont été volés par Biomad postérieurement au prononcé du jugement entrepris;
Considérant que la société Biomad qui ne conteste pas avoir pris possession de ces cartons, dénie les voir volés et indique avoir agi en vertu de décisions judiciaires malgaches, et notamment de l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Toamasina du 10 avril 1998;
Mais considérant que l'ordonnance visée n'est pas versée aux débats, seuls l'étant:
- une ordonnance du 4 décembre 1998 autorisant Biomad à pratiquer une saisie conservatoire, dont il n'est pas établi que les conditions (signification et introduction d'une instance en validité dans les deux mois) aient été observées,
- un procès-verbal d'exécution du 14 septembre 1998 visant l'ordonnance du 10 avril 1998 invoquée par Biomad, tous éléments antérieurs au jugement entrepris et ne pouvant justifier une mesure prise à la fin de l'année 1999;
Qu'il y a lieu en conséquence de condamner les sociétés Biomad et Madisco à payer à la société Helfer la somme de 8 507,54 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2000, date de la mise en demeure de restituer ou payer la marchandise;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Helfer, à hauteur de 6 000 euros, les frais irrépétibles par elle exposés;
Par ces motifs Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne les sociétés Biomad et Madisco à payer à la société Georges Helfer France la somme de 8 507,54 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2000 et celle de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Les condamne aux entiers dépens, Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.