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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 7 janvier 1994, n° 93-01562

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Union générale des syndicats pour la défense des producteurs des grands crus de Bourgogne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martinez

Avocat général :

M. Louise

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocats :

Mes Smadja-Epstein, Gambuli, Renaudin, Modere, Narboni, Kerdrebez, Pernet, Pegaz-Gajowka.

TGI Créteil, 11e ch., du 30 mars 1992

30 mars 1992

Rappel de la procédure:

Le jugement:

B Jean a été poursuivi devant le tribunal sous la prévention:

- d'avoir courant 1988, 1989 jusqu'au 26 juin 1989, à Alfortville et sur le territoire national trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espace, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminante qui a fait l'objet de contrat,

- d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu mis en vente ou vendu des vins sous de fausses indications de provenance en l'espèce: 23,68 hl de vin sous l'appellation inexacte de Côte de Provence, 3,97 hl de vin doux naturel sous l'appellation inexacte Rivesaltes, en ne respectant pas la législation en vigueur: article 11 du décret du 24 octobre 1977 relatif à l'appellation Côte de Provence, article 8 du décret du 19 mai 1972 relatif à l'appellation Rivesaltes,

- d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu mis en vente ou vendu des vins sous de fausses indications de provenance en l'espèce: 91, 33 hl de vin sous la fausse indication de provenance vin d'Algérie une valeur indéterminable de vin sous la fausse indication de "Vin de table français", en ne respectant pas la législation en vigueur: article 16- 7 du règlement CEE 822-87,

- d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu commercialisé 132 hl de vin ayant subi des coupages interdits (mélange de vin de table alors que ces vins ne devaient pas être livrés à la consommation humaine directe (article 4 bis du règlement CEE 1972-78)

Faits prévus et réprimés par les articles I de la loi du 1-08-1905, 7, 6 de la loi du 1-08-1905.

B Jean, T Nicole, T Pierre, G Jean-Claude, P Robert, M Patrick, L. Christian, T Jean, A Joseph ont été poursuivis sous la prévention:

- d'avoir courant 1988, 1989 à Alfortville et sur le territoire national trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principe utile de la marchandise, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet de contrat,

- d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu mis en vente ou vendu des vins sciemment sous diverses appellations d'origine inexacte,

- d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu mis en vente ou vendu des vins sciemment sous de fausses indications de provenance (emploi abusif des appellations Bourgogne, Saint Emilion, Châteauneuf du Pape, Chablis, Gevrey Chambertin, Clos Vougeot, Nuits Saint Georges, Volnay et Saint Estèphe) réglementés par les articles 8 des décrets des 14-11-1936, 13-01(1938, 11-09-1936, 3 1-07-1937, 5-12-1972, 9-09-1937, et les articles 9 des décrets du 31-07-1937 et 11-01-1984 et l'article 10 du décret du 2-11-1966 en l'espèce en vendant les quantités de bouteilles de 75 CL suivantes: par B Jean 364 000 bouteilles, par L. Christian 5 500 bouteilles, par M Patrick 82 000 bouteilles, par P Robert 80 000 bouteilles, par G Jean-Claude 47 000 bouteilles, par T Nicole 3 500 bouteilles, par A Joseph 33 000 bouteilles,

Faits prévus et réprimés par les articles S AL. 1 de la loi du 6-05-1919, article L. 721-1 du Code propriété intellectuelle.

Par jugement contradictoire, le tribunal a relaxé tous les prévenus des fins de la poursuite et a débouté l'INAO et l'UGS de leurs demandes de parties civiles.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Union générale de syndicats pour la défense des producteurs des grands vins de Bourgogne, le 6 avril 1992 contre Monsieur B Jean, Mademoiselle T Nicole, Monsieur T Pierre, Monsieur G Jean Claude, Monsieur P, Robert, Monsieur M Patrick, Monsieur L Christian, Monsieur T Jean Patrick, Monsieur A Joseph

M. le Procureur de la République, le 8 avril 1992 contre Monsieur B Jean, Mademoiselle T Nicole, Monsieur T Pierre, Monsieur G Jean Claude, Monsieur P Robert, Monsieur M Patrick, Monsieur L Christian, Monsieur T Jean Patrick, Monsieur A Joseph.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

I. Les appels:

Statuant sur les appels interjetés par l'Union générale des syndicats pour la défense des producteurs des grands vins de Bourgogne (UGS) et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré qui a relaxé les prévenus des fins de la poursuite.

La cour se réfère à cette décision pour l'exposé de la prévention.

A. Rappel des faits:

Le 26 juin 1989, un contrôle sur la qualité et la présentation des vins détenus mis en vente et vendus par la SA X, <adresse>à Alfortville (94140) était effectué par la DGCCRF.

Il faisait apparaître, compte tenu du stock au 31 décembre 1988, du volume des entrées du 1er janvier 1989 au 26 juin 1989, des sorties pour la même période et de l'inventaire au 26 juin 1989, des excédents pour le Rivesaltes VDN et les Côtes de Provence et des manquants anormaux au niveau des Côtes du Rhône, Côtes du Rhône Villages, Médoc, Pouillac et Muscadet.

M. B, PDG de cette société expliquait ces anomalies par des erreurs commises par son maître de chai en ce qui concerne les excédents, et pour les manquants par des déclassements de vin et par des coupages pour améliorer certaines cuvées étant immédiatement observé, d'une

part, que la réglementation en vigueur interdit la mise à la consommation d'un mélange de vins provenant de vin de qualité produit dans une région déterminée (VQPRD) avec un autre vin (art. 4 bis du règlement CEE 1972-78) et, d'autre part, que les déclassements ne peuvent être effectués qu'après une demande auprès de l'administration ce que l'intéressé n'a pas fait.

D'autre part, le contrôle révélait l'existence de sorties de rosé d'Algérie (le Tahar 12°5) alors qu'aucune rentrée n'était enregistrée, B expliquait qu'il coupait les vins d'Algérie (une seule entrée de 20 hl le 14-3-1989) révélée par la recette locale des impôts avec des vins de table français en provenance de la société Préau de Sète, pratique interdite par la réglementation CEE (art. 16 point 7 du règlement CEE 822-87).

L'enquête et l'information ont permis d'établir et d'impliquer un certain nombre de personnes, dont certains sont commerçants en vina et d'autres de simples particuliers et d'établir l'existence de présomptions relatives à:

- l'emploi d'appellations d'origine inexactes (art. 11 du décret du 24-10-1977 relatif à l'appellation Côtes de Provence et 8 du décret du 19-5-1972 concernant l'appellation Rivesaltes) pour la mise en vente et la vente de:

* 23,68 hl sous l'appellation Côtes de Provence

* 3,97 hl de vin doux naturel sous l'appellation de Rivesaltes à la charge de B.

- l'emploi de fausses indications de provenance (art. 16-7 du règlement CEE 822-87) pour la vente d'un produit provenant de coupage de vin de table français avec 20 hl de vin d'Algérie sous La dénomination de "Vin rosé d'Algérie" ou "Vin rosé français" et ce non compris les vins rouges vendus sous la dénomination Vin d'Algérie par M. B courant 1988 et jusqu'au 13- 3-1989 alors qu'il n'avait aucune disponibilité de vins d'Algérie,

- le coupage interdit (art. 4 bis du règlement CEE 1972-78) de VQPRD avec un vin autre qu'une VQPRD et qui ne peut donner ni un VQPRD ni un vin de table.

A cet égard, il y a lieu de remarquer que ces vins qui ont été appelés par M. B cuvées avec des noms choisis par lui ont été vendus par des revendeurs professionnels ou non en les présentant aux clients comme des vins déclassés, le nom la de la cuvée rappelant souvent celui de grands crus:

- Cuvée Sylou sous l'appellation Nuits Saint Georges

- Cuvée Bertin - Gevrey Chambertin

- Cuvée V/nay - Volnay

- Cuvée Clément VI- Châteauneuf du Pape

- Cuvée Léonard - Clos Vougeot

- Cuvée Les Treilles - Saint Emilion

- Cuvée Marquis - Saint Estèphe

- Cuvée Poyet - Chablis

Jean B, PDG de la SA X, Robert P, marchand de vins, Patrick M, Commerçant, Joseph A, gérant de société, Jean-Claude G, marchand ambulant, Christian L, Chauffeur, Nicole T, caissière, Pierre T, ingénieur des ventes, Jean T, maître nageur, ont été renvoyés devant la juridiction de jugement pour infraction à la réglementation des vins et tromperie sur les qualités substantielles, l'origine et la nature des marchandises vendues, pour la vente respectivement: 364 000 bouteilles, 80 000 bouteilles, 82 000 bouteilles, 33 000 bouteilles, 47 000 bouteilles, 55 000 bouteilles, 3 500 bouteilles, 38 000 bouteilles, 75 000 bouteilles.

B. Les conclusions:

Par voie de conclusions, l'UGS appelante, sollicite l'infirmation de la décision entreprise et la condamnation in solidum des prévenus à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts avec intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt et celle de 40 000 F au titre des frais irrépétibles.

Pour le concluant, B a revendu par l'intermédiaire de huit revendeurs des bouteilles de vins non étiquetées présentées comme des vins d'AOC déclassés pour mieux tromper les clients.

Par voie de conclusions également B demande à la cour de confirmer purement et simplement le jugement frappé d'appel.

En effet, selon lui, la vente de 23,68 hl de vins sous l'appellation inexacte de Côtes de Provence provient d'une erreur du maître de chai M. Thievin, tout comme la vente de 3,97 hl de vin vendue sous l'appellation inexacte de Rivesaltes. D'ailleurs et à cet égard M. B fait remarquer qu'il a obtenu une transaction avec la Direction Générale des Impôts, ce qui établirait sa bonne foi.

S'agissant de la vente de 91,33 hl de vin sous la fausse indication de provenance d'Algérie, il fait observer qu'il est de notoriété publique que les vins d'Afrique du Nord ne sont jamais vendus en l'état sans être coupés avec ce que l'on appelle des "vins remèdes" et qu'en agissant de la sorte, il n'a fait que répéter la tradition en bonifiant du vin d'Algérie sans intention de tromper.

Enfin, en ce qui concerne la mise en vente de vins de table sous la fausse indication de vin de table français et la commercialisation de vin ayant subi des coupages interdits, il reconnaît avoir commercialisé des vins de table français ayant subi des coupages avec des vins d'AOC, ne faisant que répéter des coutumes pour rehausser la qualité des vins de table et ce, nonobstant la réglementation de plus en plus complexe de la CEE.

Il conteste avoir vendu 364 000 bouteilles sous de fausses indications de provenance ou d'AOC précisant que si les bouteilles n'étaient pas étiquetées c'était à la demande des clients.

Il assure que les noms des cuvées qu'il avait choisis ont été rapprochés de noms devins d'AOC ce sont les revendeurs qui ont pris cette initiative sans qu'il en soit responsable.

D'ailleurs ses factures mentionnaient vin de table français.

Il s'appuie pour le surplus, sur les déclarations qu'il juge contradictoires de L. ou sur la pratique de la société SMED dirigée par un certain M. Griva qui se fournissait en vins auprès de la SA X et qui présentait ces vins comme des vins déclassés pour mieux les vendre et remarquant que MM, P, M et G qui ont été employés auprès de cette société SMED avant d'être négociants, il estime qu'ils ont pu continuer à agir de la sorte sans qu'il y soit pour quoique ce soit.

Il assure qu'en tout état de cause il n'a pu avoir voulu tromper sa clientèle.

A son tour, A Joseph, gérant de la SARL Y, prévenu, intimé, demande à la cour, par voie de conclusions, de confirmer la décision critiquée.

Il conteste d'une part, avoir vendu des bouteilles non étiquetées, celle provenant de la SA X portant l'étiquette de cette société sous les marques: Cuvées Sylou, Bertin, Léonard, Marquis, Les Treilles, Clément VI, et d'autre part, avoir proposé ces vins comme étant d'appellation déclassée.

Subsidiairement, il conteste le nombre de bouteilles vendues en provenance de la SA X.

Par voie de conclusions, Jean T, prévenu, intimé, sollicite la confirmation de la décision frappée d'appel, et la condamnation in solidum de l'UGS et de l'INAO (non en cause d'appel) à lui payer la somme de 10 000 F sur la base de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, alors que le bénéfice de ce texte ne peut être invoqué par T qui est prévenu.

Sur le fond, il conteste les faits qui lui sont reprochés indiquant qu'il ne faisait aucun profit des vins qu'il recevait à son domicile et qu'il destinait à son entourage sans les présenter autrement que comme des vins de table.

G, assisté de son conseil plaide la confirmation de la décision de relaxe dont il a bénéficié et subsidiairement sollicite l'indulgence.

En substance, il se présente comme ancien employé de la société SMED et assure qu'en revendant certains vins achetés à la SA X comme des Nuits Saint Georges il n'a fait que perpétuer la pratique de cette société sans intention de tromper sa clientèle.

M Patrick assisté de son conseil, estime également qu'il n'a pas eu l'intention de tromper en continuant à présenter ces vins baptisés de noms de cuvées comme des vins déclassés comme cela se faisait à la société SMED où il travaillait. Il assure qu'il n'a pas de formation professionnelle et sollicite à titre principal sa relaxe.

Subsidiairement, il sollicite l'indulgence de la cour expliquant qu'en qualité de gérant de superette, il dispose d'un revenu mensuel de 7 000 F alors qu'il a deux enfants à charge.

A son tour P et son conseil assurent que l'élément intentionnel fait défaut puisque ses pratiques de ventes sont celles de la société MED où il travaille sans formation spécifique.

Il se trouve actuellement à l'ANPE sans revenus et avec deux enfants à charge.

Pierre et Nicole T également assistés de leur conseil demandent à la cour de confirmer le jugement déféré expliquant qu'ils effectuaient des achats de vins pour le compte de personnes de leur entourage et non pour revendre et ceci pour favoriser leurs relations professionnelles.

Ils sollicitent leur relaxe et le débouté de la partie civile.

II. Les motifs:

Considérant que le nombre de bouteilles dont la vente est imputée aux prévenus résulte des constatations des enquêteurs ainsi que des déclarations de ces prévenus.

A. L'action publique:

1°) Pierre, Nicole et Jean T

Considérant au fond qu'il résulte des éléments du dossier et spécialement des auditions des clients que ces prévenus leur vendaient des vins portant des noms de cuvées choisis par B sous celui de grands vins.

C'est ainsi qu'un de ces clients M. Saint Roquier (cote D 135) précise avoir acheté à Mme Nicole T des vins provenant des cuvées Bertin, Sylou et Léonard présentés par elle comme des vins déclassés correspondant respectivement à des Gevrey Chambertin, Nuits saint Georges et Clos Vougeot et aux prix de 29 F, 27 F et 27 F le millésime étant 1988 ces bouteilles ne portant aucune étiquette.

Qu'un autre client, Pollet Camille, entendu à la cote D 137 a fait des achats identiques par l'intermédiaire d'un démarcheur avant de recevoir la visite de M. P qui devait lui proposer les mêmes vins à des prix voisins et sans facture. Enfin, M. Sylvain Quoirin, également client des T, dont l'audition figure à la cote D 146, révèle qu'un M. T, représentant, lui à proposé des vins provenant de jeunes vignes se trouvant dans les zones d'appellation suivantes: Clos Vougeot, Gevrey Chambertin, Châteauneuf du Pape et Chablis pour des prix s'échelonnant entre 25 et 32 F.

Le représentant lui ayant révélé que les vins provenaient de la SA X, ce client affirme avoir commandé à cette société des cartons de Clos Vougeot, de Gevrey Chambertin et de Châteauneuf du Pape, le règlement de ces commandes ayant été effectué partie en chèques partie en espèces.

Considérant que ces éléments établissent la réalité des infractions poursuivies à l'égard de ces prévenus même si l'enquête n'a pu identifier des clients de Jean T, lequel à la cote D 133 explique avoir été avisé des possibilités de vendre du vin en provenance des établissements X par son frère Pierre.

La cour retire de ces éléments que Jean T qui a vendu 75 000 bouteilles de vins provenant des mêmes cuvées, a suivi les mêmes errements que son frère et sa soeur.

2°) P

Considérant que ce prévenu, marchand de vins avait déjà été employé à la société SMED qui commercialisait des vins en provenance de la SA X en les présentant comme "vins déclassé"; qu'il ne peut en qualité de professionnel prétendre avoir agi sans intention de tromper. Il a d'ailleurs été mis en cause par M. Pollet (cote D 137).

3°) M

Considérant que ce commerçant qui avait déjà été employé à la société SMED ne peut pour les mêmes motifs invoquer sa bonne foi.

4°) A

Considérant que ce prévenu est mal venu à contester sa responsabilité en la cause dans la mesure où, d'une part, à la cote D 189, il a reconnu avoir présenté les vins qu'il vendait à ses clients comme provenant de Bourgogne et comme des vins déclassés; que, dans ces conditions, sa culpabilité est d'autant mieux établie qu'il est négociant en vins.

5°) G

Considérant que ce prévenu est courtier en vin. Que ses ventes de 47 000 bouteilles sous l'appellation de vins déclassés ne peuvent avoir eu lieu dans l'ignorance de la réglementation puisqu'il est aussi courtier en vin et qu'il avait précédemment été employé à la société SMED.

6°) L

Considérant que ce prévenu, chauffeur de la SA X a reconnu devant le juge d'instruction avoir vendu 55 000 bouteilles à des comités d'entreprise sots la dénomination de vins déclassés avec un profit de 10 F par bouteille.

Il a remis aux enquêteurs un tarif de "vins déclassés année 1985" vendus par cartons aux prix de 288 F pour 12 bouteilles de Nuits Saint Georges, 312 F pour le même nombre de bouteilles de Clos Vougeot, 336 F pour le Gevrey Chambertin, 384 F pour le Châteauneuf du Pape, 408 F pour le Saint Estèphe et 360 F pour le Chablis (cote 110).

Il a déclaré aux enquêteurs avoir entendu su mois de septembre 88 chez son patron parler de vins de consommation courante qui se vendait sous ces différentes appellations.

Au nombre de ses clients figure le ministère de la Justice pour 40 cartons de 12 bouteilles!!

7°) B

Considérant que la cour observe des éléments en sa possession que ce prévenu a bien vendu 23,68 hl de vin sous l'appellation inexacte de Côtes de Provence, 3,97 hl de vin sous l'appellation inexacte de Rivesaltes, étant immédiatement observé qu'une transaction consentie par la DGI implique une responsabilité fiscale et non pas comme le prétend B la reconnaissance de sa bonne foi; que, s'agissant de coupages, B professionnel ne peut invoquer la tradition pour ignorer la réglementation applicable en la matière et ce d'autant que nombre de bouteilles étaient vendues sans étiquette, ce qui est encore contraire à la réglementation.

Considérant enfin que s'agissant de la pratique des vins déclassés, la cour constate que depuis la société SMED jusqu'aux revendeurs, professionnels ou non, et à des époques différentes la vente de ces vins provenant de cuvées dont les noms ont été choisis par ce prévenu et qui ne sont pas, au moins pour certains d'entre eux, sans suggérer ceux de grands crus que les revendeurs ont cités aux clients dans les mêmes rapports avec les cuvées, donne à la cour la conviction que B a bien sciemment trompé les clients sur la nature, l'origine et les qualités substantielles des marchandises vendues et ce, d'autant que, d'une part M. Quoirin client des frères T, a déclaré à la cote D 146 avoir directement commandé à la SA X des cartons de Clos Vougeot, de Gevrey Chambertin et de Châteauneuf du Pape réglés pour partie en espèces, et que, d'autre part, L chauffeur à la SA X, en possession d'un tarif de vins déclassés, affirme avoir entendu au mois de septembre 1988 chez son patron, parler de vins de consommation courante qui se vendaient sous différentes appellations.

Que, dans ces conditions et pour ces motifs la cour estime devoir infirmer le jugement frappé d'appel et entrer en voie de condamnation en tenant compte à la fois de la gravité des faits reprochés à chaque prévenu et de la situation professionnelle des intéressés tout en ordonnant la publication par extrait de l'arrêt à intervenir et aux frais des prévenus dans le Bien Public, l'erreur invoquée d'un maître de chai n'emportant pas la conviction de la cour.

B. L'action civile:

Considérant que la cour, en possession des éléments nécessaires et suffisants estime devoir accueillir l'UGC, en sa constitution de partie civile et faire droit à sa demande de dommages- intérêts et condamner

- B à lui payer la somme de 150 000 F

- L celle de 755,50 F

- M celle de 11263,74 F

- P celle de 10 989 F

- G celle de 6 454,80 F

- Pierre T celle de 5 219,78 P

- Jean T celle de 10 302,20 F

- Nicole T celle de 480,90 F

- A celle de 4 533 F

chacun des prévenus étant également condamné à payer à la partie civile la somme de 2 500 F au titre des frais irrépétibles à l'exception de B qui devra acquitter à ce titre une somme de 20 000 F, la cour n'ayant pas la certitude que tous les prévenus aient eu la connaissance l'existence d'un réseau de vente illicite de vins.

Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement contradictoirement à l'égard de toutes les parties à l'exception de L. qui sera jugé contradictoirement par application de l'article 410 du Code de procédure pénale, Reçoit les appels de la partie civile et du Ministère public, Infirme le jugement déféré, Déclare coupables: - Jean B d'avoir courant 1988, 1989 (jusqu'au 26 juin 1989) à Alfortville et sur le territoire national trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminante qui a fait l'objet de contrat en: - mettant en vente ou vendant des vins sous une appellation d'origine inexacte en l'espèce: * 23,68 hl de vin sous l'appellation inexacte de Côtes de Provence * 3,97 hl de vin doux naturel sous l'appellation inexacte Rivesaltes en ne respectant pas la législation en vigueur: art. 11 du décret du 24 octobre 1977 relatif à l'appellation Côtes de Provence, art. 8 du décret du 19 mai 1972 relatif à l'appellation Rivesaltes. - mettant en vente ou vendant des vins sous de fausses indications de provenance en l'espèce: * 91,33 hl de vin sous la fausse indication de provenance de vin d'Algérie, * une valeur indéterminable de vin sous la fausse indication de "vin de table français" en ne respectant pas la législation en vigueur: art. 16-7 du règlement CEE 822-87, - commercialisant 132 hl de vin ayant subi des coupages interdits (mélange de vin d'appellation avec du vin de table) sous la dénomination vin de table alors que ces vins ne devaient pas être livrés à la consommation humaine directe. art. 4 bis du règlement CEE 1972-78. Infractions prévues et punies par les articles 8 de la loi du 6 mai 1919, 1 et 2 de la loi du 26 mars 1930 et les articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905 modifiée par la loi 78-23 du 10 janvier 1978 sur les fraudes. - Jean B, Christian L, Patrick M, Robert P, Jean-Claude G, Pierre T, Nicole T, Jean T et Joseph A d'avoir courant 1988, 1989 à Alfortville et sur le territoire national trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principe utile de la marchandise, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat en: - mettant en vente ou vendant des vins sciemment: * sous diverses appellations d'origine inexactes ou * sous de fausses indications de provenance (emploi abusif des appellations Bourgogne, Saint Emilion, Châteauneuf du Pape, Chablis, Gevrey Chambertin, Clos Vougeot, Nuits saint Georges, Volnay et Saint Estèphe réglementée par les articles 8 des décrets des 14 novembre 1936, 13 janvier 1938, 11 septembre 1936, 31 juillet 1937, 5 décembre 1972, 9 septembre 1937, 11 septembre 1936 et les articles 9 des décrets du 31juillet 1937 et 11 janvier 1984 et l'article 10 du décret de 2 novembre 1966, en l'espèce en vendant les quantités de bouteilles de 75 cl suivantes: * par Jean B 364 000 bouteilles * par Christian L 5 500 bouteilles * par Patrick M 82 000 bouteilles * par Robert P 80 000 bouteilles * par Jean- Claude G 47 000 bouteilles * par Pierre T 38 000 bouteilles * par Jean T 75 000 bouteilles * par Nicole T 3 500 bouteilles * par Joseph A 33 000 bouteilles; Infractions prévues et réprimées par l'article 8 de la loi du 6 mai 1919 (appellation d'origine inexacte sur des documents) les articles 1 et 2 de la loi du 26 mars 1930 (fausse indication de provenance présentée verbalement) et les articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes modifié par la loi 78123 du 10 janvier 1978, En répression condamne: - Jean B à 50 000 F d'amende - Nicole T à 2 000 F d'amende - Pierre T à 12 000 F d'amende - Jean-Claude G à 15 000 F d'amende - Robert P à 20 000 F d' amende - Patrick M à 20 000 F d'amende - Christian L à 3 000 F d'amende - Jean T à 15 000 F d'amende - Joseph A à 12 000 F d'amende; Ordonne la publication par extraits de cet arrêt aux frais des prévenus dans le "Bien Public", Statuant sur l'action civile, Reçoit l'Union générale des syndicats pour la défense des producteurs de grands vins de Bourgogne en sa constitution de partie civile, Condamne chacun des prévenus à lui payer respectivement à titre de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale les sommes de: * B 150 000 F et 20 000 F * L 755,50 F et 2 500 F * M 11 263,74 F et 2 500 F * P 10 989 F et 2 500 F * G 6 454,80 F et 2 500 F * T Pierre 5 219,78 F et 2 500 F * T Jean 10 303,20 F et 2 500 F * T Nicole 480,98 F et 2 500 F * A 4 533 F et 2 500 F. Rejette comme non fondées toutes conclusions contraires ou plus amples des parties.