CA Paris, 13e ch. A, 16 mai 1994, n° 93-08462
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Conseillers :
MM. Guilbaud, Faucher
Avocat général :
M. Bouazzouni.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a:
joint les procédures P 93 201 0254 6 (dossier 1), P 93 104 0339 4 (dossier 3), P 93 202 0229 2 (dossier 4),
déclaré C Serge:
coupable d'avoir trompé M. Barreau sur la nature et les qualités substantielles de la prestation de service en facturant un dégorgement de WC sur 10 niveaux de 27 841,39 F alors que l'immeuble n'a que 8 étages et que les modes d'intervention étaient à la fois inadaptés et inefficaces,
faits commis courant octobre 1992 à novembre 1992, à Paris,
infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation
coupable d'avoir abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de Mmes Coeugnet, Henique, pour leur faire souscrire par le moyen de visites à domicile des engagements au comptant ou à crédit alors que ces personnes, vivant seules, très âgées, complètement incompétentes en matière de réparations n'étaient pas en mesure d'apprécier la portée des engagements pris ou de déceler les ruses déployées pour les y convaincre,
faits commis courant octobre 1992 à janvier 1993, à Paris,
infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
et, en application de ces articles,
l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement et 20 000 F d'amende,
ordonné aux frais des condamnés: H Simon, C Serge et C Albert, la publication du jugement par extraits dans les journaux "Notre Temps" et "Télé 7 jours",
déclaré les constitutions de parties civiles régulières en la forme et recevables,
condamné solidairement H Simon, C Albert et C Serge à payer à M. Barreau en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires du 38 rue de la Bourdonnais la somme de 18 000 F à titre de dommages-intérêts et à M. Barreau à titre personnel la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,
condamné solidairement H Simon et C Serge à payer à Mme Coeugnet la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,
donné acte à l'association FOC DGI de sa constitution de partie civile, dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
M. le Procureur de la République, le 15 novembre 1993 contre Monsieur C Serge;
Monsieur C Serge, le 15 novembre 1993.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;
Bien que régulièrement cité Serge C ne comparait pas devant la cour. Il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de la citation. Il sera statué à son encontre par défaut;
Par lettre recommandée avec accusé de réception, Francine Coeugnet partie civile intimée, maintient sa constitution de partie civile et évalue le montant de son préjudice à 15 000 F
Par lettre recommandée avec accusé de réception, Henri Barreau partie civile intimée agissant en son nom personnel et en qualité de syndic bénévole du Syndicat des copropriétaire du 38 avenue de la Bourdonnais, maintient également sa constitution de partie civile et sollicite de la cour 13 000 F pour lui-même et 21 000 F pour la copropriété à titre de dommages intérêts;
Le représentant du Ministère public pour sa part estime les faits établis et requiert une aggravation de la peine eu égard à la gravité des agissements commis et au passé judiciaire du prévenu;
Sur l'action publique:
Considérant qu'il convient de rappeler que pour une même prestation de dégorgement dans l'immeuble sis 38 rue de la Bourdonnais à Paris 7° la société X facturait à la copropriété 5 niveaux de dégorgement le 24.10.1992 puis, malgré la garantie prétendument accordée sur cette première intervention, 10 niveaux de dégorgement le surlendemain, après utilisation d'un camion pompe, alors que le bâtiment n'est pourvu que de 8 étages et qu'une attestation des résidents des étages inférieurs démontre que le dégorgement sur plus d'un niveau n'avait pas lieu d'être effectué, puisque leur WC fonctionnait normalement; Que pour les interventions de X le syndicat des copropriétaires réglait à cette société 10 389 F puis 17 452,39 F soit 27 841,39 F; Que la moquette de l'appartement de M. Henri Barreau syndic bénévole de la copropriété était rendue inutilisable en raison de fuites provenant des bouteilles d'acide utilisées; Que quelques jours plus tard la canalisation s'avérant à nouveau engorgée, le plombier habituel de l'immeuble était amené, pour la débouchée, à retirer un verseur-doseur de lessive puis un morceau de jouet;
Que le 27.10.1993 Madame Francine Coeugnet, résidant chez une amie 7 rue Lallier à Paris 9°, oubliait à l'intérieur de l'appartement la clé de la porte qu'elle refermait derrière elle; Qu'elle téléphonait alors à X qui envoyait sur place Serge C; Que ce dernier prétendant ne pas pouvoir ouvrir la porte de l'extérieur, alors qu'une telle opération est à la portée de tout professionnel, faisait intervenir un camion élévateur pour entrer par une fenêtre; Qu'il changeait la serrure, endommagée selon ses dires par ses propres tentatives d'ouverture, par une serrure "5 points d'encrage" ne remplaçant en réalité que le seul bloc central le tout revenant à 13 326,70 F à Madame Coeugnet; Qu'au surplus X n'hésitait pas à établir un devis de 3 668,60 F pour le remplacement de la vitre brisée par Serge C lors de son intervention alors que cette réparation était en définitive facturée par un artisan de quartier au prix plus réaliste de 380 F;
Que le 31 janvier 1993 Mlle Dany Henique, demeurant 39 rue des Appenins à Paris 17°, faisait appel à X pour un problème de refoulement des eaux usées dans sa salle de bains; Que Serge C lui faisait signer un devis de 5 699 F la facture s'élevant en définitive à 6 352,21 F en raison du coût supplémentaire de 5 bouteilles d'acide jetées dans la colonne;
Que Serge C, qui affirmait avoir des difficultés pour déboucher la colonne avec son furet mécanique, proposait de faire venir un camion haute pression pour un prix de 10 000 F mais que cette suggestion était toutefois refusée par Mlle Henique; Que deux jours plus tard cette dernière constatant la poursuite du phénomène de refoulement contactait le plombier du syndic de l'immeuble qui, en moins de deux heures, retirait un jouet d'enfant faisant bouchon et facturait son intervention à 877,64 F;
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, retenu Serge C dans les liens de la prévention;
Considérant que la cour constate pour sa part que Serge C, se disant chômeur depuis bientôt un an, n'a pas contesté lors de l'enquête, tout en soutenant avoir agi bénévolement, être personnellement intervenu une dizaine de fois en tant que dépanneur pour le compte de X, dont son cousin Simon H était le gérant, et notamment à l'occasion des opérations précitées;
Qu'il a reconnu par ailleurs être le rédacteur du devis de 10 389 F remis à la copropriété de l'immeuble du 38 rue de la Bourdonnais;
Considérant qu'il échet de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité;
Que la cour, en revanche, par infirmation, aggravera la peine et condamnera Serge C à un an d'emprisonnement une telle mesure étant seule de nature à sanctionner justement les délits commis compte tenu de leur gravité et du passé judiciaire du prévenu;
Qu'au surplus la cour estime devoir décerner mandat d'arrêt à l'encontre de Serge C pour garantir l'exécution de la peine;
Sur les intérêts civils:
Considérant que les parties civiles intimées, non appelantes, ne peuvent prétendre obtenir une indemnisation supérieure à celle fixée par le tribunal;
Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice certain subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention;
Considérant que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement, par défaut à l'encontre de Serge C, contradictoirement par application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale à l'égard des parties civiles, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur les intérêts civils, L'infirme sur la peine, Condamne Serge C à un an d'emprisonnement, Décerne mandat d'arrêt contre Serge C en application de l'article 465 du Code de procédure pénale; Mande et ordonne à tout huissier de justice ou agent de la force publique de le rechercher et de le conduire à la maison d'arrêt; Enjoint au surveillant-chef de cette maison d'arrêt de le recevoir et de le détenir; Requiert tout dépositaire de la force publique auquel le mandat sera présenté de prêter main-forte pour son exécution en cas de besoin; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.