Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 29 janvier 2003, n° 2001-13946

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Levée

Défendeur :

Jaquet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Garnier, SCP Verdun-Seveno

Avocat :

Me Soussy.

TGI Paris, 4e ch., du 9 nov. 2000

9 novembre 2000

Rose-Anne Levée est appelante du jugement contradictoire rendu le 10 mai 2001 par le Tribunal de commerce de Paris, qui l'a condamnée, pour concurrence déloyale, à payer à son ancien employeur Marie-Cécile Jaquet 50 000 F de dommages-intérêts et 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 26 octobre 2001, Rose-Anne Levée expose qu'elle a régulièrement résilié son contrat de travail par lettre du 31 août 1998 et qu'elle a effectué son préavis légal avant d'être embauchée par un autre salon de manucure appartenant au même réseau de franchise "L'Onglerie", aucun comportement déloyal ne pouvant lui être reproché, ni aucune manœuvre tendant à une confusion avec le premier salon ou à dénigrer son précédent employeur, et ce même si d'anciennes clientes apportées à ce premier salon ont souhaité l'accompagner dans le nouveau.

Elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de débouter Marie-Cécile Guillot de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Marie-Cécile Guillot, intimée et appelante incidente, réplique par conclusions déposées le 18 janvier 2002 qu'elle exploite en nom propre un salon de manucure à Paris-Beaugrenelle et que les actes de concurrence déloyale reprochés à son ancienne employée sont établis, dès lors que Rose-Anne Levée, dès son installation dans le salon exploité par le franchiseur lui-même boulevard Raspail à Paris, s'est appliquée à démarcher la clientèle du salon où elle avait été employée de novembre 1995 à fin octobre 1998, ces agissements, qui ont consisté pour cette employée à fournir aux clientes du salon qu'elle quittait ses nouvelles coordonnées professionnelles, constituant un détournement de clientèle qui a eu pour effet immédiat une baisse de 46 % du chiffre d'affaires du salon, ce dès le mois de novembre 1998.

Elle prie la cour:

- de débouter Rose-Anne Levée de l'intégralité de ses demandes,

- de la condamner à lui payer

* 6 290,54 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour les mois de novembre et décembre 1998,

* 32 148,56 euros de dommages-intérêts pour l'exercice 1999,

*4 600 euros de dommages-intérêts pour atteinte à ses droits moraux et à son image commerciale,

- d'ordonner la cessation des agissements litigieux sous astreinte définitive de 304,90 euros par jour de retard,

- de la condamner à lui payer 3 000 euros pour ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Sur ce,

Considérant que l'action en concurrence déloyale est fondée non sur une présomption de responsabilité au sens de l'article 1384 du Code civil, mais sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, le seul fait d'avoir, en quittant son employeur causé un déplacement de clientèle du premier salon de manucure vers le second ne constituant pas un acte de concurrence déloyale en l'absence de toute manœuvre imputable au salarié démissionnaire, tendant à détourner les clients de son ancien employeur;

Considérant que Marie-Cécile Guillot n'apporte pas cette preuve, qui lui incombe; que la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre l'intimée et Rose-Anne Levée le 28 septembre 1995 stipule seulement l'interdiction faite à la salariée, à la fin du contrat quelle qu'en soit la cause, d'adhérer ou de s'affilier "à toute chaîne concurrente à L'Onglerie ou d'en créer une, soit directement, soit indirectement";qu'il n'est pas contesté que Rose-Anne Levée a été embauchée à l'issue de son préavis dans un autre salon appartenant au même réseau de franchise "L'Onglerie",sis boulevard Raspail à Paris; que les deux attestations versées aux débats,par lesquelles deux clientes du salon exploité par l'intimée déclarent que Rose-Anne Levée les a informées de son départ et leur a fourni son numéro de téléphone en indiquant qu'elle travaillerait au salon L'Onglerie boulevard Raspail, ne permettent pas de conclure à des actes de détournement de clientèle constitutifs de concurrence déloyale qui lui soient personnellement imputables, étant au surplus observé que chaque membre du réseau de franchise L'Onglerie disposait de la liste des clients de chacun des salons du réseau, ainsi que le démontrent les pièces versées aux débats;

Considérant qu'il convient d'infirmer la décision entreprise et de débouter Marie-Cécile Guillot de toutes ses demandes; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par Rose-Anne Levée, l'intimée ayant triomphé en première instance; que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Infirme la décision entreprise, Et statuant à nouveau, Déboute Marie-Cécile Guillot de toutes ses demandes, Déboute Rose-Aune Levée de sa demande de dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Marie-Cécile Guillot aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Garnier, avoué, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.