CA Dijon, ch. corr., 13 juin 1986, n° 438-86
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Union départementale pour la défense et l'information des consommateurs de la Haute Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Richard
Conseillers :
MM. Gallet, Ristorcelli
Avocats :
Mes Miget, Mougeot.
Décision rendue
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
S Antoine et S Charles ont été poursuivis sur citation directe du Ministère public pour avoir à Chaumont, début décembre 1983, trompé un acheteur (Mme Antoine) sur les qualités substantielles de la chose vendue (véhicule d'occasion) en n'indiquant pas le kilométrage réel du véhicule vendu (mentionnant 32 500 Kms parcourus au lieu des 132 500 Kms réels).
Par jugement du 11 février 1986, le Tribunal correctionnel de Chaumont à :
Sur l'action publique
- condamné S Antoine et S Charles, chacun à 7 000 F d'amende,
- ordonné l'affichage du jugement aux portes du garage et sa publication dans le journal "La Haute Marne Libérée" sans que le coût de celle-ci ne dépasse 1 500 F.
Sur l'action civile
- condamné "in solidum" S Antoine et S Charles à payer :
1°) à dame Mireille Antoine la somme de 11 000 F à titre de dommages-intérêts,
2°) à l'Union départementale pour la défense et l'information des consommateurs (UDDIC) la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 500 F en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Les prévenus, le Ministère public, l'UDDIC ont régulièrement relevé appel de cette décision.
S Antoine a fait déposer des conclusions aux termes desquelles il demande à la cour de le relaxer.
S Charles sollicite également sa relaxe.
Le Ministère public requiert condamnation contre les prévenus.
Dame Mireille Antoine, régulièrement citée comparait et demande la confirmation du jugement.
L'Union départementale pour la défense et l'information des consommateurs conclut également à la confirmation.
Sur ce, LA COUR
Attendu que début décembre 1983, S Charles, vendeur au garage X SA de Chaumont et dont le président directeur général est son frère S Antoine, a vendu à dame Mireille Antoine un véhicule Fiat Ritmo immatriculé 8459 LL 52 au prix de 22 000 F que le bon de commande indiquait "kilométrage au compteur non garanti 32 500".
Attendu que dame Antoine a découvert par la suite que son véhicule avait parcouru plus de 100 000 kilomètres, qu'il avait, en effet été acheté le 26 avril 1979 par Carrier Alain qui l'avait cédé le 10 février 1981 au Garage X lequel l'avait ensuite vendu le 6 mai 1981 à Fournier Claude ; que ce dernier l'avait enfin revendu en 1983 au Garage X.
Attendu que les prévenus nient le délit de fraude qui leur est reproché.
Attendu que S Antoine soutient, à cet égard, par conclusions déposées à l'audience par son conseil, que le Garage X n'ayant pas acquis ce véhicule neuf et ne pouvant justifier du kilométrage réel il s'était conformé aux dispositions du décret du 4 octobre 1978 en indiquant sur le bon de commande "kilométrage au compteur non garanti".
Attendu qu'il est à retenir liminairement que la fraude reprochée aux prévenus repose essentiellement sur la non indication du kilométrage réel parcouru par le véhicule vendu.
Attendu que l'article 2 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978 dispose :
"Tout véhicule automobile conforme au modèle dont le fabricant a fixé les caractéristiques pour une année déterminée est désigné par le millésime de ladite année appelée "année modèle"."
"Dans les transactions portant sur des véhicules automobiles neufs ou d'occasion, d'origine française ou étrangère, la dénomination de vente de ces véhicules doit comporter l'indication du millésime de l'année modèle, complétée en ce qui concerne les véhicules d'occasion par la mention du mois et de l'année de la première mise en circulation et par l'indication du kilométrage total parcouru depuis cette mise en circulation s'il s'agit d'un véhicule acquis neuf par le vendeur ou d'un véhicule dont le kilométrage réel peut être justifié par le vendeur.
En ce qui concerne les autres véhicules d'occasion, l'indication du kilométrage total parcouru est remplacée par celle du kilométrage inscrit au compteur suivi de la mention "non garanti"."
Attendu qu'il convient de rechercher si les prévenus se sont conformés ou non à ces prescriptions.
Attendu qu'en l'espèce, le Garage X, vendeur, n'a pas acquis le véhicule neuf puisque celui-ci a successivement appartenu à Carrier et à Fournier ; que même si pendant quelque temps le Garage X a assuré l'entretien du véhicule, alors propriété de Fournier, il apparaît à la cour, au vu des éléments du dossier que celui-ci était dans l'impossibilité de justifier du kilométrage réel parcouru par le véhicule depuis le 26 avril 1979, date de la première mise en circulation, successivement par Carrier et Fournier ; que dès lors le vendeur ne pouvait, comme il l'a fait qu'indiquer le kilométrage affiché au compteur en spécifiant que celui-ci n'était pas garanti ; qu'ainsi les prévenus qui ont appliqué strictement le dernier alinéa de l'article 2 susvisé, texte édicté pour protéger les acheteurs de voitures automobiles n'ont pas commis le délit de tromperie à l'égard de dame Antoine ; qu'il convient donc de réformer la décision déférée, de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite et de débouter les parties civiles de leurs demandes.
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Réformant le jugement entrepris. Sur l'action publique Renvoie S Antoine et S Charles des fins de la poursuite. Laisse les dépens à la charge du Trésor public. Le tout par application des articles 516 et 474 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile Déboute dame Mireille Antoine et l'Union départementale pour la défense et l'information des consommateurs de leurs demandes. Laisse aux parties civiles les frais de leur intervention.