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Décisions

CA Dijon, ch. corr., 8 juin 1989, n° 958-88

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union départementale des Usagers et Consommateurs de Saône et Loire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Verpeaux

Substitut général :

M. Garric

Conseillers :

MM. Veille, Mecz

Avocats :

Mes Covillard, Sagnes

TGI Chalon sur Saône, ch. corr., du 21 n…

21 novembre 1988

Faits et procédure

J Michel a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône en vertu d'une citation directe pour avoir entre mars 1986 et juin 1987 à Cuisery (71290),

- en sa qualité de PDG de la SA X, trompé les acheteurs sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation des produits, en l'espèce les bicyclettes Y1, Y2, Y3 et Y4.

Infraction prévue et réprimée par l'article 1 de la loi du 1er août 1905.

Le jugement dont il est fait appel a :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort,

- Relaxé Michel J du délit de tromperie visé à la prévention ;

- Laissé les dépens à la charge du Trésor public

- Débouté l'UFC - Union départementale des usagers et consommateurs de Saône et Loire de sa constitution de partie civile.

Le tout par application des articles 2, 3, 418, 470, 474 du Code de procédure pénale.

Appels interjetés par :

- le Ministère public, le 28 novembre 1988,

- l'UDUC, le 5 décembre 1988, appel incident.

Décision rendue

LA COUR, après en avoir délibéré,

Attendu que par jugement en date du 21 novembre 1988, le Tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône a relaxé sans peine ni dépens, Michel J des fins de la poursuite engagée contre lui du chef de tromperie sur les qualités substantielles ;

Attendu que le Ministère public et l'Union fédérale des consommateurs de Saône et Loire ont régulièrement interjeté appel de cette décision ;

Attendu qu' il est reproché à Michel J, PDG de la société X d'avoir importé et mis sur le marché des bicyclettes d'enfants non-conformes aux normes de sécurités françaises ; qu'en effet les agents de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont saisi dans divers points de vente des bicyclettes contenues dans un emballage portant notamment les indications suivantes "la conformité du présent produit aux normes françaises de sécurités obligatoires est garantie par l'importateur" à savoir :

- le 17 juin 1986, au magasin Z la Villette à Paris, 3 bicyclettes de marque "Y2" modèle 4503,

- le 23 juin 1986, au magasin Z Masséna à Paris, 3 bicyclettes de marque "Y1" modèle 4001,

- le 8 juillet 1986, au siège de la société X à Cuisery, 3 bicyclettes de marque Y3, et 3 bicyclettes de marque Y4,

Que les tests réalisés par le Laboratoire national d'essais ont révélé que les modèles de bicyclettes saisis étaient non-conformes aux exigences de la norme NF 5 51 202 en ce qui concerne le dispositif de freinage ; que les résultats de ces examens ont été confirmés par l'analyse contradictoire sollicitée par Michel J, importateur des bicyclettes litigieuses ;

Attendu que pour sa défense, l'importateur prévenu, fait valoir que les modèles dont la conformité est contestée, avaient avant leur commercialisation en France, été soumis au contrôle du Laboratoire national d'essais qui avait établi des procès-verbaux de conformité à la norme NF 5 51 202, le 13 septembre 1982 pour le modèle Y1, le 8 octobre 1984 pour le modèle Y2 et le 29 mai 1986 pour les modèles Y3 et Y4 et que dès lors la mauvaise foi de l'importateur qui s'est fié aux analyses du Laboratoire national d'essais qui a certifié la conformité aux normes du produit importé, ne peut être caractérisée ;

Attendu que l'administration propose deux explications à ces différences dans les résultats des analyses soit un manque d'homogénéité dans la fabrication des articles en cause, soit une manœuvre du fabricant consistant à envoyer intentionnellement au laboratoire un modèle, prototype préalablement réglé, et mis en conformité dans le but d'obtenir le procès-verbal d'essais conforme préalable, nécessaire à la commercialisation du produit ; que ces hypothèses ne se trouvent confirmées par aucun élément du dossier et qu'aucune manœuvre frauduleuse ne peut être imputée à l'importateur, simple intermédiaire entre le fabricant italien et la centrale d'achat française à laquelle il remet les bicyclettes dans leur emballage d'origine ; qu'il ne peut être ainsi démontré que les modèles contrôlés sont différents de ceux qui ont fait l'objet d'un certificat de conformité ;

Attendu toutefois que l'élément intentionnel de la tromperie, résulte non seulement de l'absence de vérification mais aussi d'un contrôle insuffisant de la conformité dont l'obligation professionnelle incombe personnellement à l'importateur ;

Qu'en l'espèce, il suffit de constater qu'un seul test a été pratiqué sur un échantillon transmis par le fabricant italien en 1982 pour le modèle Y1, en 1984 pour le modèle Y2 et en 1986 pour les modèles Y4 et Y3, aux fins de permettre l'accès desdits modèles au marché français, alors que pour l'année 1986 seulement 7 972 bicyclettes italiennes ont été mises sur le marché français par l'importateur J ; que celui-ci semble avoir perdu de vue que sur chaque emballage, la conformité aux normes françaises était garantie par lui-même et que le procès-verbal initialement délivré au fabricant italien et seulement applicable à l'échantillon soumis au laboratoire ne l'exonérait pas définitivement de son obligation personnelle de veiller à la conformité du produit ; que si le prévenu soutient qu' il ne peut être mis à sa charge une obligation systématique de contrôle de tons les produits manufacturés qu'il commercialise, mais qu'en l'espèce une vérification par sondage, telle que celle opérée par l'administration, aurait permis à l'importateur de constater que les modèles achetés ne présentaient plus, lors de leur mise effective sur le marché, la sécurité suffisante au regard des normes françaises ;

Attendu enfin qu'en cause d'appel, Michel J fait plaider qu'il n'a pas la qualité d'importateur s'agissant de la commercialisation d'un produit fabriqué dans un pays de la Communauté économique européenne et vendu dans un autre pays de cette même communauté, tirant argument d'un avant projet de loi réglementant la responsabilité personnelle des producteurs dans chaque Etat-membre ;

Attendu cependant qu'il ressort du droit positif que le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur ; que l'annexe B de l'arrêté du 24 octobre 1984 portant mise en application obligatoire des normes précise que la conformité aux normes de sécurité est garantie par "le fabricant" lorsque les produits sont fabriqués en France, ou par "l'importateur" lorsqu'ils sont importés, sans qu'il soit fait une dérogation pour les Etats-membres de la Communauté économique européenne ; qu'en conséquence, Michel J, importateur de bicyclettes fabriquées, en Italie, doit être considéré comme le responsable de la première mise sur le marché français desdits produits, même si ses co-contractants, W et Z sont également des professionnels de la distribution ;

Attendu en conséquence que Michel J doit être retenu dans les liens de la prévention ;

Attendu que la constitution de partie civile de l'Union départementale des usagers et consommateurs de Saône et Loire est bien fondée, dans son principe ; qu'il est cependant équitable de réduire dans son quantum sa demande d'indemnisation ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels interjetés ; Les déclare bien fondés et réformant le jugement entrepris, Déclare Michel J coupable du délit visé à l'ordonnance de renvoi ; En répression, le condamne à 10 000 F d'amende ; Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans les trois journaux "Le Progrès ", "Le Dauphiné Libéré" et "Le Courrier de Saône et Loire aux frais de Michel J, sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 1 500 F ; Condamne Michel J in solidum avec les Etablissements X, civilement responsable, à payer à l'UDUC - UFC de Saône et Loire la somme de 5 000 F de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, en réparation du préjudice directement lié à l'infraction et la somme de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Condamne Miche J aux dépens. Le tout par application des articles 1er et 7 de la loi du 1er août 1905, 2, 3, 424, 473, 475-1, 477 du Code de procédure pénale.