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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 29 juin 1994, n° 93-03058

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Truffot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

M. Guilbaud, Mme Pénichon

Avocat :

Me Coubat.

TGI Auxerre, du 7 janv. 1993

7 janvier 1993

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a:

- déclaré L Jean Louis coupable d'avoir, à Auxerre le 26 juin 1991, trompé Mlle Truchot sur les qualités substantielles d'un véhicule (puissance fiscale et l'origine d'un véhicule (ancienne nature de véhicule utilitaire)),

- infraction prévue et réprimée par les articles 1 et 7 loi du 01 08.1905 et, en application de ces articles, l'a condamné à 20 000 F d'amende, ordonné la publication par extraits aux frais du condamné dans le journal l'Yonne Républicaine,

- dit que le coût de cette publication ne devrait pas dépasser la somme de 3 000 F,

statuant sur l'action civile,

- reçu Truchot Sylvie en sa constitution de partie civile

- condamné L Jean Louis à lui payer la somme de 8 000 F à titre de dommages-intérêts,

- l'a condamné aux dépens liquidés à la somme de 386,43 F en ce non compris la signification de 101,43 F.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur L Jean Louis, le 10 février 1993

M. le Procureur de la République, le 10 février 1993 contre Monsieur L Jean Louis

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Jean Louis L, assisté de son conseil, sollicite de la cour, par infirmation, sa relaxe des fins de la poursuite et le débouté de la partie civile de sa demande;

Il fait essentiellement valoir que Sylvie Truffot n'a pas été trompée sur les qualités substantielles du véhicule puisqu'elle désirait une Fiat Uno 45 qui, en berline, n'existe pas en 6 CV et que le modèle par elle choisi correspondait parfaitement à son attente;

Il souligne que l'automobile concernée a été transformée dans les règles et que seuls des équipements de confort ont été ajoutés sans autres modifications techniques ou mécaniques;

Il soutient par ailleurs que la partie civile n'a subi aucun préjudice puisque le passage de 6 CV à 4 CV constitue un avantage, la prime d'assurance et la vignette étant moins onéreuses alors que le prix de revente d'une berline est supérieur à celui d'un véhicule commercial;

Le représentant du Ministère public estime pour sa part les faits établis et requiert de la cour, par infirmation, une aggravation de la peine;

Sylvie Truffot, partie civile intimée, a demandé à la cour, par lettre recommandée avec avis de réception, conformément aux dispositions de l'article 420-1 du Code de procédure pénale, la confirmation de la décision entreprise;

Sur l'action publique:

Considérant qu'il convient de rappeler que le 19.9.1991 la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes recevait une plainte de Mlle Sylvie Truffot dénonçant un litige l'opposant au garage Fiat, sis <adresse>à Auxerre, exploité par la SA X dont le PDG est M. Jean Louis L; Qu'elle exposait qu'elle avait acheté dans cet établissement, le 26.6.1991, pour le prix de 35 000 F, une voiture d'occasion Fiat Uno 45 S présentée sur le panonceau informatif comme une "6 chevaux"; Que cette puissance fiscale qui l'intéressait particulièrement lui avait été confirmée par le vendeur ainsi que par les mentions figurant sur le bon de commande et la facture; Que le certificat d'immatriculation délivré le 8.8.1991 par la Préfecture de l'Yonne mentionnait quant à lui une puissance fiscale de 4 CV mais qu'elle ne s'en était guère inquiétée, attribuant ce fait à une erreur de rédaction; Que cependant, après avoir été victime d'un accident de la circulation le 2.9.1991, elle avait appris, par le dépanneur agréé de son assureur, que son véhicule était en réalité une 4 CV, cotée à ce titre 28 000 F à l'Argus, valeur de base pour les réparations; Qu'après un courrier resté sans réponse, M. L lui avait expliqué par téléphone que le véhicule était bien à l'origine une 6 chevaux fiscaux, en tant que voiture de société, assujettie à un taux de TVA minoré, mais que l'ayant transformé en automobile de tourisme, par la pose d'une banquette arrière pour l'essentiel, il l'avait fait incidemment passer dans la catégorie des 4 chevaux fiscaux, assujettie par ailleurs à la TVA normale Qu'elle estimait avoir été trompée à un double titre car elle n'aurait jamais acheté cette Fiat Uno si elle avait connu sa puissance fiscale réelle, inférieure à celle souhaitée, et été informée de ce qu'il s'agissait antérieurement d'une voiture de société, en raison du peu de soins apportés à ce type de véhicule par ses multiples utilisateurs;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications;

Considérant que la cour observe en effet que Jean Louis L a déclaré lors de son audition initiale par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes "Mlle Truffot n'a été avertie avant la vente ni de l'ancienne nature du véhicule (fourgonnette) ni de la transformation, ni de l'incidence fiscale de celle-ci. Il est exact que sur ce dernier point au contraire, le panonceau comme les documents de vente indiquaient 6 CV";

Qu'il est ainsi établi qu'alors que le véhicule avait déjà été transformé et qu'il était donc devenu un 4 CV fiscaux, il a été présenté, par panonceau puis verbalement et enfin sur les documents de vente, comme une automobile de puissance fiscale de 6 chevaux

Que cette présentation mensongère, plus valorisante et de nature à emporter la décision de l'acheteur, comme cela s'est avéré être le cas pour Mlle Truffot, constitue sans conteste une tromperie sur les qualités substantielles de la marchandises ainsi que le fait d'avoir caché qu'il s'agissait d'une ancienne voiture de société, soumise aux aléas de sa fonction commerciale: charges importantes, conducteurs multiples, employés et non propriétaires du véhicule;

Considérant que professionnel de l'automobile, parfaitement averti de l'incidence fiscale des transformations opérées par ses soins, Jean Louis L se devait de veiller à l'information régulière de sa cliente à cet égard;

Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu le prévenu dans les liens de la prévention;

Qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité mais, par infirmation, d'aggraver la peine, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu;

Qu'il y a lieu également d'ordonner la publication du présent arrêt par extrait dans le journal l'Yonne Républicaine, aux frais du condamné et ce dans la limite de 5 000 F;

Sur les intérêts civils:

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction; Qu'il échet de confirmer le jugement entrepris sur les intérêts civils;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu, contradictoirement à l'égard de la partie civile, Mlle Sylvie Truffot et non Truchot comme indiqué par erreur dans le jugement dont appel, par application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale; Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité; L'infirme sur la peine; Condamne Jean Louis L à 30 000 F d'amende; Ordonne la publication du présent arrêt par extrait dans le journal l'Yonne Républicaine, aux frais du condamné et ce dans la limite de 5 000 F, Sur l'action civile: Confirme le jugement entrepris sur les intérêts civils; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.