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Décisions

CA Amiens, 3e ch. civ., 27 avril 1990, n° 353

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cie d'assurance La Préservatrice (Sté)

Défendeur :

Technochim Engineering (Sté), Benzaria, Zundel, Berkowicz (ès qual.), Novachim (Sté), Dic France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cachelot

Avoués :

Me Caussain, SCP Million J, JC, SCP le Roy, Congos, SCP Selosse Bouvet Leroux Lepage

Avocats :

Mes De Montjoye, Duboille, Sterlin, Saboulin

CA Amiens n° 353

27 avril 1990

La Compagnie d'Assurances La Préservatrice aux droits et obligations de laquelle se trouve actuellement la Compagnie d'Assurances "La Préservatrice Foncière SA" (La Préservatrice) a interjeté appel d'un jugement rendu le 21 juin 1984 par le Tribunal de commerce de Senlis qui, après avoir mis hors de cause la société Technochim Engineering, MM. Zundel et Benzaria, la société Novachim en règlement judiciaire et Me Berkowicz son syndic a dit la société Technochim responsable du préjudice subi par la société Dicas Chimie du fait des vices cachés affectant le matériel vendu à cette société, a condamné en conséquence la société Technochim à payer à la société Dicas Chimie la somme principale de 425 237 F HT avec intérêts de droit à compter du 5 janvier 1979 ainsi que les dépens et la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que La Préservatrice devra garantir la société Technochim de toutes les condamnations mises a sa charge.

L'appelante demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de dire irrecevable l'action introduite par la société Dicas Chimie sur le fondement de l'article 1648 du Code civil car non intentée dans un bref délai après la découverte du vice caché.

Elle sollicite subsidiairement sa mise hors de cause, sa garantie ne pouvant être acquise pour le sinistre litigieux d'une part parce que les vices cachés affectent des travaux ayant commencé antérieurement à la date de prise d'effet de la police conclue avec la société Technochim et d'autre part parce que le dommage subi l'a été directement par le matériel objet du contrat entre les sociétés Dicas Chimie et Technochim et non du fait des travaux effectués seuls couverts par la garantie.

La Préservatrice précise enfin qu'elle est l'assureur de la société Technochim et non de la société Technochim Engineering dont elle ignore l'existence.

La société Dic France venant aux droits et obligations de la société Dicas Chimie conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le préjudice subi au titre des achats de polyester.

Elle fait valoir que son action en garantie des vices cachés a été intentée dans le bref délai fixé par l'article 1641 du Code civil dès lors qu'elle a immédiatement réclamé le remboursement du prix de vente du matériel atteint de vices cachés à la société Technochim en lui demandant de faire intervenir son assureur et qu'elle a été victime de manœuvres tendant à lui faire accroire que le litige était en voie d'indemnisation par cet assureur, ce dont elle était d'autant moins fondée à douter qu'elle était elle-même en contact avec La Préservatrice dont elle était également l'assurée et qui lui avait toujours parlé de ce sinistre comme d'une affaire en voie de règlement.

La société Dic France conteste les énonciations Cie La Préservatrice relatives à l'exclusion de sa garantie, faisant valoir qu'il n'est pas exact de soutenir que la réalisation des travaux a pu intervenir avant que cette garantie ait pris effet et ce, d'autant plus que cette compagnie qui d'emblée s'est montrée concernée par le litige a fait procéder à une expertise technique sur le sinistre et sur les causes de la défectuosité de l'installation. Elle soutient que La Préservatrice s'efforce d'introduire la confusion dans une affaire simple en déniant sa garantie en raison de l'objet du contrat et de la personne des co-contractants alors qu'elle n'apporte aucune preuve de ses allégations.

La société Dic France prie la cour de débouter La Préservatrice, la société Technochim, la société Technochim Engineering, MM. Benzaria et Zundel et la société Novachim de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle prie en outre la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 12 000 F correspondant aux achats sur le marché du polyester qu'elle devenait incapable de produire.

Selon la tentative de signification de la déclaration d'appel de la Cie La Préservatrice à la société Technochim effectuée le 20 juin 1985 par Me Billet, huissier de justice, cette société qui, aux termes d'un procès verbal d'assemblée générale extraordinaire du 27 juin 1986 a pris la dénomination de " Novachim " a été déclarée en règlement judiciaire.

La société Novachim et Me Berkowicz, syndic à son règlement judiciaire concluent à la confirmation du jugement qui les a mis hors de cause. Ils soutiennent que la société Novachim n'a pas repris les activités Technochim et demandent en conséquence leur mise hors de cause.

Ils prient en outre la cour de condamner la société Dic France à leur payer les sommes de 8 000 F à titre de dommages-intérêts et de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Technochim Engineering, M. Benzaria et M. Zundel soutenant qu'ils n'ont aucun lien de droit avec la société Ducas Chimie qui a traité avec la société Technochim demandent à la cour de déclarer irrecevable à leur égard l'appel de La Préservatrice.

Sur ce,

Sur la mise hors de cause de la société Technochim Engineering, de MM. Benzaria et Zundel, de la société Novachim et de Me Berkowicz ès qualités.

Attendu qu'aucune demande n'est formulée par la société La Préservatrice Foncière contre la société Technochim Engineering, MM. Benzaria et Zundel, la société Novachim et Me Berkowicz ès qualités.

Attendu que la société Dicas Chimie n'a contracté ni avec la société Technochim Engineering ni avec la société Novachim ; que l'existence d'un lien de droit entre ces deux sociétés et la société Technochim n'est pas établi ;

Attendu que le tribunal a exactement retenu que MM, Zundel et Benzaria, respectivement président directeur général et directeur technique de la société Technochim Engineering ne peuvent être mis en cause personnellement ;

Attendu qu'il échet dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Technochim Engineering, MM. Benzaria et Zundel, la société Novachim et Me Berkowicz ès qualités ;

Sur l'action en garantie des vices cachés dirigée contre la société Technochim et son assureur La Préservatrice.

Attendu que la société Dic France fonde sa demande sur la garantie des vices cachés de la chose vendue régie par les articles 1641 et suivants du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1648 de ce Code, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage des lieux ou la vente a été faite ;

Que ce bref délai qui court à compter de la découverte du vice par l'acheteur ne pouvait, avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985 modifiant l'article 2244 du Code civil, être interrompu que par une assignation au fond ou une reconnaissance par le vendeur de sa responsabilité ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment d'une note en date du 12 décembre 1973 signée de M. De Grossouvre président directeur général de la société Dicas Chimie que les vices cachés à l'origine des désordres affectant l'installation à savoir des défauts dans les soudures des différentes tuyauteries du réacteur ont été découverts à la suite de contrôles radiographiques effectués par la société Apave à la demande de la société Dicas Chimie en décembre 1978 ; que les résultats définitifs de ces contrôles ont été communiqués à cette société le 2 janvier 1979 ;

Attendu que la société Technochim a procédé à un certain nombre de réparations ;

Attendu que par lettre recommandée en date du 5 janvier 1979, récapitulant les défectuosités constatées et énumérant avec une grande précision les éléments du préjudice éprouvé en les chiffrant, M. De Grossouvre ès qualités en a demandé réparation à la société Technochim ;

Que le 22 janvier 1979, la société Dicas Chimie a adressé à la société Technochim une facture d'un montant de 412 000 F ;

Attendu que La Préservatrice a fait procéder à une expertise de l'installation par le Cabinet Engimo ; que la société Dicas Chimie qui a participé aux opérations d'expertise a reçu ce rapport le 19 décembre 1979 ;

Attendu que l'auteur du rapport qui impute les cause du sinistre à la rupture de soudure sur le réacteur de chimie à la suite de contraintes mécaniques alternées engendrées par des chocs thermiques répétés conclut à l'entière responsabilité de la société Technochim ;

Que c'est au plus tard à cette date que doit être fixée la découverte du vice par l'acheteur ;

Attendu cependant que ce n'est que le 30 juin 1983 que la société Dicas Chimie a assigné la société Technochim et son assureur ainsi que les autres parties à l'instance on garantie des vices cachés ;

Attendu que le Juge peut, pour déterminer la durée du délai prévu par l'article 1648 du Code civil, tenir compte de ce qu'un règlement amiable du litige a été envisagé entre les parties ;

Attendu qu'il résulte de la correspondance échangée entre les parties qu'une discussion a bien eu lieu sur la réparation des dommages subis par la société Dicas Chimie mais qu'aucun règlement amiable du litige n'a été réellement envisagé par la société Technochim ou son assureur qui n'ont à aucun moment reconnu être responsables des vices cachés affectant le réacteur ;

Attendu eue si l'attitude de la société Technochim et de son assureur n'est pas exempte de tout reproche, la preuve que ceux-ci se soient livrés à des manœuvres dilatoires n'est cependant pas rapportée ; qu'il appartenait à la société Dicas Chimie d'assigner ceux-ci au fond dans le bref délai édicté par l'article 1648 du Code civil ;

Que tel n'étant pas le cas on l'espèce, l'assignation au fond ayant été, dans la thèse la plus favorable à l'acheteur, délivrée plus de trois ans et demi après la découverte du vice, il échet infirmant le jugement de ce chef de débouter la société Technochim de toutes ses demandes ;

Attendu que la société Novachim et Me Berrowicz ne précisant pas le fondement de leur demande de dommages-intérêts seront déboutés de cette demande ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application on la cause de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Technochim Engineering, MM. Benzaria et Zundel, la société Novachim et Me Berkowicz os qualités ; L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau ; Déboute la société Dic France de toutes ses demandes ; Déboute la société Novachim et Me Berkowicz ès qualités de leur demande de dommages-intérêts ; Condamne la société Dic France aux dépens de première instance et d'appel ; Dit que Me Caussain, la SCP Millon J et JC, la SCP Le Roy ET Congos, avoués à la cour, pourront se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.