CA Aix-en-Provence, 2e ch., 16 mars 2004, n° 207
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maurice, Gomez
Défendeur :
Maisons Avenir Tradition (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blin (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP Latil-Penarroya-Latil-Alligier, SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP De Saint Ferreol-Touboul
Avocat :
Me Pogu.
Expose du litige
Selon deux contrats d'agent commercial du 18 juin 1997 la SARL Maisons Avenir Tradition a donné mandat pour une durée de 3 ans à Madame Poquet épouse Maurice et à Monsieur Gomez de vendre des contrats de construction de maisons individuelles, le territoire de prospection étant "13 Bouches du Rhône - Plan de Campagne dans un rayon de 40 km". Il est stipulé notamment:
- par l'article 6 intitulé "engagement de non concurrence de l'agent" que ce dernier s'interdit d'exercer une activité concurrente à cette [celle] objet du présent contrat, que ce soit pour son propre compte, directement ou indirectement, et se porte fort du même engagement pour ses éventuels collaborateurs";
- par l'article 10-3 que l'avance sur commission versée à l'agent n'est pas due en cas d'annulation du contrat avec le client;
- par l'article 15-4 que l'agent s'engage (...) à ne pas exercer une activité comparable à celle objet du présent contrat, sur le territoire de prospection (...) pendant un délai d'un an à compter de la résiliation ou du non renouvellement du présent contrat".
Un avertissement a été adressé à Monsieur Gomez le 10 décembre 1997 par la SARL Maisons Avenir Tradition.
La seconde a notifié le 27 mars 1998 au premier ainsi qu'à Madame Poquet épouse Maurice la résiliation du contrat pour violation de leur engagement de non concurrence, car ils intervenaient dans le cadre de l'entreprise EGC ayant une activité similaire.
Dans un jugement du 30 mars 2000 le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence:
* a condamné Madame Poquet épouse Maurice à payer à la SARL Maisons Avenir Tradition la somme TTC de 15 683 F soit 2 390,86 euros, versée au titre de la vente Di Marino mais à tort puisque cette dernière a été annulée;
* a rejeté tous les autres chefs de demande, notamment de Monsieur Gomez et de Madame Poquet épouse Maurice, en retenant les fautes graves du premier, et de la seconde par son mari et sous-agent Monsieur Maurice, ce qui les prive de l'indemnité de cessation de mandat.
Madame Poquet épouse Maurice puis Monsieur Gomez ont interjeté appel. Concluant le 6 novembre 2000 Madame Poquet épouse Maurice expose qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a pu être relevée à l'encontre d'elle directement; que son mari a travaillé pour l'entreprise EGC, mais ne s'est pas comporté comme son sous-agent, l'ayant naturellement aidée car il avait été licencié pour motif économique par la SARL Maisons Avenir Tradition un mois avant qu'elle ne devienne agent commercial de cette dernière; qu'elle n'a jamais entretenu de relation directe avec l'entreprise EGC.
L'appelante demande la réformation du jugement, et réclame :
- la somme de 806 208 F soit 122 905,62 euros pour l'indemnité de cessation de mandat;
- la somme de 222 914 F soit 33 983,02 euros pour commissions demeurées impayées, outre intérêts à compter du 28 mars 1998;
- la fixation de sa commission sur la vente Di Marino à la somme de 12 060 F TTC, soit 10 000 F HT qu'elle reconnaît devoir;
- la somme de 10 000 F soit 1 524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 7 novembre 2000 Monsieur Gomez soutient que sa présence le 10 mars 1998 dans les bureaux de l'entreprise EGC ne saurait établir qu'il fournissait un travail effectif pour le compte de celle-ci, d'autant qu'à cette date la SARL Maisons Avenir Tradition avait résilié le contrat d'agent commercial.
L'appelant réclame à cette société les sommes de :
- 310 114 F soit 47 276,57 euros TTC au titre de l'indemnité de cessation du mandat;
- 78 390 F soit 11 950,48 euros au titre des commissions arriérées, avec intérêts à compter du 31 mars 1998;
- 20 000 F soit 3 048,98 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Concluant le 29 juin 2001 la SARL Maisons Avenir Tradition demande la confirmation du jugement, considère que Monsieur Gomez travaillait encore pour elle lors de sa présence dans l'entreprise EGC et que les commissions réclamées ne sont pas justifiées, et réclame en outre les sommes de :
- 2 500 000 F soit 38 1122,54 euros pour les pertes financières liées aux actions dommageables de ses adversaires;
- 10 000 F soit 1 524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2004.
Monsieur Gomez a communiqué 8 pièces par bordereau daté du 9 janvier 2004 mais parvenu ultérieurement à la cour en deux exemplaires, le premier le 15 et le second le 23; le 26 du même mois la SARL Maisons Avenir Tradition a conclu au rejet et à l'irrecevabilité de ces pièces dont elle n'a pu prendre connaissance.
Motifs de l'arrêt
La recevabilité des appels n'est pas discutée; en l'absence de moyen d'irrecevabilité pouvant être soulevé d'office par la cour, ces appels seront déclarés recevables. Le bordereau de communication de 8 pièces établi par Monsieur Gomez est daté du 9 janvier 2004, mais l'intéressé ne démontre pas qu'il ait été notifié à cette date à la SARL Maisons Avenir Tradition; au surplus ce document n'est arrivé à la cour que le 15 suivant. C'est donc à bon droit que cette société conclut à l'irrecevabilité de cette communication de pièces, laquelle est intervenue après l'ordonnance de clôture du 12.
Sur la situation de Monsieur Gomez:
Le rapport rédigé par le Cabinet Blanc, agent de recherche privée et de renseignement commercial et industriel, date du 17 mars 1998 c'est-à-dire à une date où Monsieur Gomez était toujours l'agent commercial de la SARL Maisons Avenir Tradition, puisque cette dernière n'a notifié la résiliation du contrat que le 27 suivant.
Il ressort de ce document que Monsieur Gomez était présent dans les locaux de l'entreprise EGC, sur les vitres de laquelle est écrit "constructeur de maisons individuelles", le 10 mars 1998 à 14 H 30; et que le 18 suivant à 14 H 20 un appel téléphonique a été reçu dans ces locaux de la part d'un homme, lequel a demandé à ce que Monsieur Gomez le rappelle.
C'est donc à bon droit que le tribunal de grande instance a retenu que Monsieur Gomez avait violé son engagement contractuel de non concurrence, ce qui le privait de l'indemnité de cessation de mandat.
Pour évaluer son préjudice la SARL Maisons Avenir Tradition se fonde uniquement sur un rapport établi le 9 juin 1998 par la SARL Eurex Fas, expert comptable et commissaire aux comptes; mais ce document se contente d'avancer, sans les justifier, des chiffres concernant d'une part la perte de marge brute de la SARL Maisons Avenir Tradition en fonction du nombre moyen de prospects qu'aurait détournés Monsieur Gomez, et d'autre part les frais nécessaires au rétablissement de la situation. Le caractère trop général de ces calculs conduira la cour à confirmer le jugement ayant rejeté, pour défaut de preuve du détournement de la clientèle, la demande de dommages-intérêts présentée par la SARL Maisons Avenir Tradition.
Monsieur Gomez ne démontre aucunement avoir droit aux commissions qu'il réclame, et c'est donc à bon droit que le tribunal de grande instance l'a débouté.
Enfin l'équité fait obstacle à la demande de la SARL Maisons Avenir Tradition sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur la situation de Madame Poquet épouse Maurice
Il ressort du rapport précité du Cabinet Blanc que Monsieur Main Maurice, époux de Madame Poquet épouse Maurice, était présent en 1998 dans les locaux de l'entreprise EGC les 27 février (matinée), 4 mars (matinée), 5 mars (après-midi), 6 mars (matinée), 10 mars (entre 14 H 30 et 15 H 00), 13 mars (matinée et à 14 H 10) et 16 mars (après-midi, notamment à 14 H 23); que le même a fait visiter des terrains à Vitrolles le 9 mars à 17H00, et a remis dans ces locaux un projet de villa avec plans, devis descriptif et marché de travaux le 13 mars à 9 H 30.
Par ailleurs Messieurs Galonier, Ferru et Kirchthaler ont tous trois attesté que Monsieur Maurice a réalisé pour le compte de la SARL Maisons Avenir Tradition "le démarchage ainsi que le suivi commercial de [leur] dossier jus qu'à la signature du contrat définitif".
Enfin le couple Patrick Ceccato/Corinne Richard-Pomet, qui avait remis le 14 janvier 1998 à la SARL Maisons Avenir Tradition un acompte par chèque de 29 600 F donnant lieu à une fiche d'encaissement de cette société mentionnant "Commercial A Maurice", a écrit le 16 mars suivant pour confirmer l'annulation "du contrat signé avec M. Maurice" et réclamer le chèque, lequel leur a été rendu.
C'est donc à bon droit que le tribunal de grande instance a retenu que Madame Poquet épouse Maurice avait violé son engagement contractuel de non concurrence par l'intermédiaire de son mari Monsieur Maurice agissant comme son sous-agent, ce qui la privait de l'indemnité de cessation de mandat.
Pour évaluer son préjudice la SARL Maisons Avenir Tradition se fonde uniquement sur un rapport établi le 9 juin 1998 par la SARL Eurex Fas, expert comptable et commissaire aux comptes; mais ce document se contente d'avancer, sans les justifier, des chiffres concernant d'une part la perte de marge brute de la SARL Maisons Avenir Tradition en fonction du nombre moyen de prospects qu'aurait détournés Madame Poquet épouse Maurice, et d'autre part les frais nécessaires au rétablissement de la situation. Le caractère trop général de ces calculs conduira la cour à confirmer le jugement ayant rejeté, pour défaut de preuve du détournement de la clientèle, la demande de dommages-intérêts présentée par la SARL Maisons Avenir Tradition.
Madame Poquet épouse Maurice ne démontre aucunement avoir droit aux commissions qu'elle réclame, et c'est donc à bon droit que le Tribunal de Grande Instance l'a déboutée.
La somme que doit restituer Madame Poquet épouse Maurice suite à l'annulation de la vente Di Marino est de 10 000 F HT soit 12 060 F TTC; la compensation effectuée par la SARL Maisons Avenir Tradition avec les soldes de commissions dues, et qui donne le chiffre de 15 683 F retenu par le tribunal de grande instance, ne repose sur aucun document objectif. Il en résulte que ce chiffre sera réduit aux 10 000 F HT que Madame Poquet épouse Maurice reconnaît devoir.
Enfin l'équité fait obstacle à la demande de la SARL Maisons Avenir Tradition sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, déclare recevable les appels de Madame Poquet épouse Maurice et de Monsieur Gomez. Ecarte les 8 pièces communiquées par Monsieur Gomez. Sur le fond, confirme le jugement du 30 mars 2000, sauf à réduire la condamnation de Madame Poquet épouse Maurice en faveur de la SARL Maisons Avenir Tradition à la somme HT de 10 000 F soit 1 524,49 euros. Rejette toutes autres demandes. Condamne Madame Poquet épouse Maurice et Monsieur Gomez aux entiers dépens, avec droit pour la SCP d'avoués de Saint Ferreol et Touboul de recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.