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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 23 juin 1988, n° 792

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UFC Toulouse

Défendeur :

Kodack-Pathe (SA), Sogara (SA), Rigaud Frères (SARL), Labo Service Languedoc (SA), Elysée-Mirail (SARL), FNAC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilbert (faisant fonction)

Conseillers :

M. Bensoussan, Mme Mettas

Avoués :

SCP Malet, SCP Rives, Me Chateau, SCP Boyer-Lescat-Boyer

Avocats :

Mes Auriach, Henriot, Cretot, SCP Camille-Sarramon, Greffe, Didier, Bihl.

TGI Toulouse, du 26 avr. 1984

26 avril 1984

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 avril 1988. Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par l'Association régie par la loi du 1er juillet 1901, Union fédérale des consommateurs de Toulouse, d'un jugement rendu le 26 avril 1984 par lequel le Tribunal de grande instance de Toulouse :

1°) a déclaré irrecevable les demandes qu'elle avaient formées à l'encontre de la société anonyme Kodack-Pathe, et la société anonyme Sogara, de la société à responsabilité limitée Elysée Mirail, de la société anonyme Fédération nationale d'achats des cadres, dite par abréviation FNAC, de la société à responsabilité limitée Rigaud Frères et de la société anonyme Labo Service Languedoc tendant par application de la loi du 10 janvier 1978 et des articles 2 et 4 du décret du 24 mars 1978 d'une part, à faire constater la nullité des clauses de non-responsabilté concernant les pertes survenues à l'occasion du développement des pellicules photographiques qui leur sont confiés et figurant sur les pochettes remises à leurs clients, et d'autre part, à obtenir leur condamnation à supprimer lesdites clauses sur tous leurs documents contractuels " sous astreinte comminatoire de 500 F par contrat à compter du prononcé du jugement, "

2°) a déclaré recevable et mal fondée la demande qu'elle avait présentée à l'encontre de ces mêmes sociétés, tendant à leur condamnation à lui payer la somme de 62 5000 F en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs du fait de la perte annuelle de 2 500 pellicules confiées au développement ;

3°) a rejeté sa demande en paiement d'une somme de 5 000 F au titre de ses frais irrépétibles,

4°) l'a condamné à payer la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à chacune des sociétés Labos Service Languedoc, Elysée Mirail, Rigaud Frères et Sogara.

Attendu que pour déclarer ainsi qu'il l'a fait, le premier juge a retenu que les demandes en nullité et en suppression de clauses estimées abusives tendant à faire statuer la juridiction saisie par voie réglementaire et générale, et que, si elle était recevable en raison de l'agrément préfectoral obtenu par leur auteur en application de l'article 47 de la loi du 27 décembre 1973, la demande de dommages-intérêts de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse n'était assortie d'aucune justification probante des pertes prétendues et notamment des actions en indemnisation intentées par des clients contre les sociétés en cause, ce qui aurait permis de recenser les cas dans lesquels l'effet dissuasif des clauses n'aurait pas joué ;

Qu'il a d'ailleurs qu'en intentant des actions en justice en méconnaissances de certains principes fondamentaux du droit civil, l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse avait commis une faute génératrice d'un préjudice certain pour les quatre sociétés qui lui en réclamaient reconventionnellement réparation ;

Attendu que sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture pour rendre recevable ses conclusions qu'elle a déposé postérieurement à cette ordonnance, l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse fait grief au premier juge d'avoir déclaré irrecevable ses demandes de nullité et de suppressions des deux clauses de non-responsabilité qu'elle estime abusive, alors qu'elle n'a jamais réclamé une décision s'appliquant à des personnes autres que les parties au litige ;

Qu'abordant le fond, elle soutient la nullité des clauses de non-responsabilité qu'elle incrimine qu'elles soient stipulées à l'occasion de l'achat d'une pellicule comprenant dans son prix le développement qui constitue une vente au quel cas les articles 2 et suivants du décret du 24 mars 1978 s'appliquent sans que le vendeur puisse se retrancher derrière le fait qu'il y a prestation de services pour refuser le caractère de vente, " car alors il s'agirait là d'une condition potestative " visée par les articles 1170 et 1174 du Code civil, ou qu'elles le soient à l'occasion d'une prestation de services, c'est-à-dire soit de la remise de la pellicule impressionnée pour obtenir son développement, auquel cas le fait pour le professionnel s'il y a perte de se retrancher derrière la clause de non-responsabilité équivaut à un dol, soit de la remise d'un négatif pour un nouveau tirage, auquel cas les articles 3 et 4 du décret du 24 mars 1978 sont applicables ;

Qu'elle ajoute qu'on estime en moyenne à 2 500 les pellicules détériorées chaque année et à 500 F la réparation accordée à un particulier, ce qui représente un préjudice global de 1 250 000 F, en sorte que le préjudice collectif peut être évalué à 5 % de cette somme ;

Qu'elle reprend en conséquence les fins de son assignation originaire ;

Attendu que la société Elysée Mirail, la société Kodack Pathe, la société Labo Service Languedoc et la société Rigaud Frères soulèvent l'irrecevabilité des conclusions de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse comme déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture et demandent qu'il soit fait droit à leurs écritures d'appel qui tendent à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de l'Association appelante à payer à chacune d'elle la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi que la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que tout en déclarant qu'elle est compréhensible, la société FNAC considère comme mal fondée la demande de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse en faisant valoir qu'en droit positif, la clause dont l'usage lui est reproché n'est ni légale, ni abusive, car, selon la loi du 10 janvier 1978, la reconnaissance du caractère abusif d'une clause ne peut résulter que d'un décret qui n'existe pas en l'espèce et que, stipulée à l'occasion d'un contrat de prestations de services, elle ne tombe pas dans le champ d'application des articles 2 et 4 du décret du 24 mars 1978 qui vise uniquement le contrat de vente, que dans l'ignorance où elle est de la valeur subjectives des pellicules qui lui sont remises, les dommages-intérêts qu'elle pourrait devoir au cas de perte seraient limités conformément à l'article 1150 du Code civil et qu'enfin la preuve n'est pas rapporté de ce qu'elle ait opposé la clause litigieuse à un consommateur de la Haute Garonne, l'association appelante n'ayant aucune vocation à représenter l'ensemble des consommateurs français ;

Qu'elle demande de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse soit déboutée de l'ensemble des prétentions qu'elle a formulé à son encontre ;

Attendu que les articles 783 et 784 du nouveau Code de procédure civile auxquels renvoie expressément en matière d'appel à l'article 910 du même Code dispose le premier qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité, prononcé d'office, le second que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;

Qu'en l'espèce, l'ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 1988, et les conclusions de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse déposées le 24 mai 1988 ; que faute notamment de démonstration de ce qu'elle est intervenue après l'ordonnance de clôture, la circonstances que certaines des sociétés intimées auraient " modifié voire supprimé la clause de limitation de responsabilité " ne constitue pas une faute grave de révocation de ladite ordonnance et ce d'autant que la déclaration d'appel remonte au 18 mai 1984, et qu'une injonction de conclure avant le 21 octobre 1986 avait été modifié le 13 mai 1986 par le conseiller de la mise en état à l'avoué de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse ;

Que les conclusions déposées par cette association doivent dès lors être déclarées irrecevables ;

Attendu qu'en l'état de ce qui précède, les moyens d'appel de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse ne sont pas régulièrement formulés ;

Que dès lors, et sauf moyen d'ordre public susceptible d'être relevé d'office, le jugement déféré ne peut être confirmé ;

Attendu que le seul moyen d'ordre public susceptible d'être relevé d'office serait celui tiré des dispositions des articles 2 à 4 du décret du 24 mars 1978 dans la mesure où elles revêtent le caractère d'ordre public attaché expressément à la loi du 10 janvier 1978 dont ce décret porte application.

Que cependant les dispositions dont il s'agit ne visent que le contrat de vente ;

Que le contrat par lequel une personne confie à un professionnel le développement d'une pellicule ou un nouveau tirage d'une pellicule déjà développée, constitue un contrat de louage d'ouvrage ;

Que le contrat par lequel une personne acquiert une pellicule en même temps que le droit au développement et au tirage de cette pellicule, doit lui aussi être qualifié de contrat de louage d'ouvrage dès lors que le prix de la prestation de service, c'est-à-dire le coût du développement est très supérieur au prix de la pellicule elle-même, et cela, même si le droit au développement n'est pas utilisé ;

Que dès lors, les clauses incriminées par l'Association Union fédérales des consommateurs de Toulouse, dont il est à révéler que le caractère abusif n'a pas été reconnu par voie réglementaire, ne tombe pas dans le champ d'application des dispositions du décret du 24 mars 1978 et ne peuvent être déclarées illicites ;

Que la confirmation du jugement frappé d'appel ne peut être remise en cause ;

Attendu que l'absence de toute précision sur le préjudice qu'il conviendrait de réparer comme de toute justification de ce préjudice ne permet pas d'accueillir les demandes en dommages-intérêts pour appel abusif qu'ont formées les sociétés Sogara, Elysée Mirail, Kodack Pathe, Labo Languedoc Service et Rigaud Frères ;

Attendu que les dépens d'appel sont à la charge de l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse qui succombe ;

Qu'en équité, les frais irrépétibles supplémentaires que les sociétés Sogara, Elysée Mirail, Kodack Pathe, Labo Languedoc Service et Rigaud Frères ont engagés pour suivre sur l'appel et dont il est justifié pour chacune à concurrence de 2 000 F doivent être supportés par l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé irrégulier ; Déclare irrecevables les conclusions déposées par l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse ; Rejette comme non fondées les demandes en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif présentées par les sociétés Sogara, Elysée Mirail, Kodack Pathe, Labo Languedoc Service et Rigaud Frères ; Condamne l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse à payer à chacune des sociétés Sogara, Elysée Mirail, Kodack Pathe, Labo Langudedoc Service et Rigaus Frères, la somme de 2 000 F (deux mille francs) en compensation de ses frais irrépétibles ; condamne l'Association Union fédérale des consommateurs de Toulouse aux dépens d'appel en accordant à la société civile professionnelle d'avoués Boyer et Lescat, le droit de recouvrer directement contre cette association, ceux des dépens d'appel dont ils ont fait l'avance.