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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ. et com., 25 octobre 1990, n° 780

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Technitub (Sté), Caraby, Chauffaut, Fromentin, Lerai Bourdoiseau, Sanders, Soye

Défendeur :

Normandie Tuyauterie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonne (faisant fonction)

Conseillers :

Mmes Le Jan, Buffin

Avoués :

SCP Duhaze Mosquet, Me Grandsard

Avocats :

Mes Varin, Salmon.

CA Caen n° 780

25 octobre 1990

La société Technitub ainsi que Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Lerai Bourdoiseau, Sanders et Soye ont interjeté appel d'un jugement rendu le 18 janvier 1989 par le Tribunal de commerce de Caen dans un litige qui les oppose à la société Normandie Tuyauterie, laquelle a formé appel incident.

- Par lettres des 21 septembre 1987 six salariés de la société Normandie Tuyauterie, Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Lerai Bourdoiseau, Sanders et Soye, affectés plus spécialement au secteur d'activité d'équipement de salles blanches, donnaient leur démission pour le 23 octobre suivant ; ils constituaient alors la société Technitub ayant notamment pour objet social la réalisation de salles blanches et laboratoires, effectuaient régulièrement leur préavis et commençaient leur activité au sein de la nouvelle entreprise.

- Estimant que la société Technitub et les 6 salariés susvisés avaient commis a son égard des actes de concurrence déloyale, la société Normandie Tuyauterie les assignait par acte d'huissier du 14 janvier 1988 devant le Tribunal de commerce de Caen en paiement d'une somme forfaitaire de 610 000 F à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle faisait valoir que ces démissions concertées n'avaient d'autre but que de désorganiser l'entreprise afin de permettre aux salariés démissionnaires de s'emparer des marchés passés par elle avec les sociétés Radio Technique Compelec et Photowatt que pour éviter de perdre ces 2 marchés elle avait été contrainte de les sous traiter, qu'elle avait dû former une nouvelle équipe et qu'elle avait en outre subi un préjudice commercial important.

- La société Technitub et les 6 salariés concernés ont conclu au débouté de cette demande en exposant que la société Normandie Tuyauterie ne caractérisait pas l'existence d'une situation de concurrence déloyale et ne justifiait pas du préjudice qu'elle prétendait avoir subi.

- Par le jugement déféré du 18 janvier 1989 le tribunal condamnait solidairement la société Technitub ainsi que Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Leray Bourdoiseau, Sanders et Soye à payer à la société Normandie Tuyauterie la somme forfaitaire de 40 000 F à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- La société Technitub, Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Lerai Bourdoiseau, Sanders et Soye ont demandé à la cour :

* de réformer le jugement entrepris

* de débouter la société Normandie Tuyauterie de ses demandes,

et de la condamner à leur payer la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Normandie Tuyauterie a demandé à la cour :

- de déclarer l'action en concurrence déloyale redevable et bien fondée

- de condamner en conséquence solidairement la société Technitub et Messieurs Fromentin, Sanders, Lerai- Bourdoiseau, Caraby, Chauffaut et Soye au paiement d'une somme forfaitaire de 551 736 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues

* Subsidiairement, et pour le cas où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée quant à la réalité d'une concurrence déloyale, de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne justice dans l'attente des conclusions de l'instruction pénale actuellement en cours

- Attendu que le tribunal, après avoir justement rappelé que le libre établissement des anciens salaries n'ayant signe aucune clause de non concurrence relevait d'un droit fondamental énonce "qu'il est d'une part de jurisprudence constante que la démission d'un ensemble de 6 salariés dans un laps de temps très court pour constituer le noyau d'une société ayant une activité semblable constitue un acte de caractère dommageable, et que d'autre part, la prospection de tout ou partie d'une clientèle appartenant à l'ancien employeur avec les mêmes méthodes constitue dans aucun doute un acte de concurrence déloyale"

- Mais attendu que les 2 lettres produites aux débats par la société Normandie Tuyauterie, lettres qui lui ont été adressées le 18 décembre 1987 par la société Photowatt et le 8 novembre 1988 par la société Clauger, si elles révèlent que ces 2 entreprises ont été démarchées par la société Technitub, ne caractérisent aucune manœuvre déloyale commise par cette société ou par les salariés qui l'ont constituée.

- Attendu en outre que le départ simultané de 6 des 8 salariés affectés au secteur concerné n'était pas de nature à perturber l'activité de la société Normandie Tuyauterie au point qu'elle ne pu rapidement y remédier ; qu'en effet les salariés démissionnaires, qualifiés P2 ou P3 au salaire maximum brut mensuel de 7 200 F n'étaient pas d'une haute technicité puisque les plus qualifiés d'entre eux avaient reçu une formation spéciale de 40 H à 48 H ;que la société Normandie Tuyauterie pouvait facilement dans le délai du préavis, sous la responsabilité du conducteur de travaux responsable du secteur d'activité ou par tout autre moyen a sa convenance, former du personnel apte a assurer les tâches jusqu'alors dévolues aux salariés démissionnaires.

- Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris.

- Attendu que la société Normandie Tuyauterie à l'appui de sa demande de sursis a statuer expose qu'elle a déposé plainte le 23 juin 1989 à l'encontre de l'un de ses salariés, Monsieur T.... et que le dossier d'instruction laisserait entrevoir certains liens entre les vols perpétués par Monsieur T....et certains associés de la société Technitub

- Attendu que cette demande, qui ne fait état d'aucun fait ou élément précis en rapport avec le présent litige, doit être écartée.

- Attendu que la société Technitub ainsi que Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Leray Bourdoiseau, Sanders et Soye conserveront équitablement à leur charge les frais irrépétibles par eux exposés.

Par ces motifs, - Infirme le jugement entrepris, - Déboute la société Normandie Tuyauterie de ses demandes - Déboute la société Technitub ainsi que Messieurs Caraby, Chauffaut, Fromentin, Lerai Bourdoiseau, Sanders et Soye de leur demande fondée sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - Condamne la société Normandie Tuyauterie aux entiers dépens de première instance et d'appel ; accorde à la SCP Duhaze-Mosquet, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même Code.