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Décisions

CA Caen, ch. corr., 6 mars 1998, n° 97-00046

CAEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Avocat général :

M. Clouet

Conseillers :

Mmes Bliecq, Holman

Avocat :

Me Martin.

TGI Caen, ch. corr., du 15 janv. 1997

15 janvier 1997

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Saisi de poursuites dirigées contre M. B Michel d'avoir à Mondeville et dans l'arrondissement judiciaire de Caen, courant juin 1995, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente de meubles et matériels hi fi présentés comme vendus à des prix sacrifiés dans le cadre d'une " liquidation totale " d'un bien ou d'un service ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation.

Le Tribunal correctionnel de Caen par jugement en date du 15 janvier 1997 a déclaré le prévenu coupable de l'infraction et l'a condamné à 10 000 F d'amende dont 5 000 F avec sursis et a déclaré la société X civilement responsable.

Les appels:

Appel a été interjeté par :

Monsieur B Michel, le 17 janvier 1997

Société X prise en la personne de son représentant, le 17 janvier 1997

M. le Procureur de la République, le 17 janvier 1997

Motifs:

Courant juin 1995, M. Michel B, directeur du magasin X de Mondeville faisait annoncer par diffusion de dépliants publicitaires et d'encarts dans un journal distribué gratuitement à Caen et sa région, la liquidation totale des stocks disponibles de son magasin.

Le message publicitaire était ainsi conçu : "avant transfert - liquidation totale - nous vous invitons à la liquidation des modèles d'exposition et des fins de série à "prix sacrifiés" - cette offre est limitée aux stocks disponibles tout doit disparaître".

Le 13 juin 1995, un contrôleur de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constatait :

- en magasin que le matériel exposé à la vente comportait soit un affichage de prix unique, soit la mention "vendu", soit une affichette indiquant "liquidation" avec un prix de référence barré et un prix de vente :

* dans le rayon téléviseur couleur ;

- 58 articles exposés dont :

14 avec la mention "vendu"

20 en liquidation

24 sans prix promotionnel

Soit 41,37 % du rayon au prix habituel.

* dans le rayon magnétoscopes ;

- 31 articles exposés dont :

7 avec la mention "vendu"

2 en liquidation

22 sans prix promotionnel

Soit 70,96 % du rayon au prix habituel.

* dans le rayon micro-ondes ;

- 27 articles exposés dont :

1 avec la mention "vendu"

7 en liquidation

19 sans prix promotionnel

Soit 70,37 % du rayon au prix habituel.

* dans le rayon mini-fours et fours compacts ;

- 10 articles exposés dont :

1 avec la mention "vendu"

9 sans prix promotionnel

Soit 90 % du rayon au prix habituel.

* dans le rayon gros électroménager (lave-linge, gazinière, sèche-linge) ;

- 104 articles exposés dont :

20 sans prix promotionnel

et les 84 autres avec la mention "vendu" ou sans aucune indication

Soit 19,23 % du rayon au prix habituel.

Le prévenu a contesté l'infraction aux motifs que les contrôles n'ont porté que sur 5 rayons, alors que les produits des autres rayons étaient commercialisés avec d'importantes réductions et que seule était annoncée une "liquidation totale" et non une réduction de prix, cette dernière notion n'entrant pas dans la définition légale de la liquidation prévue par la loi du 30 décembre 1906 et l'article 3 du décret du 26 novembre 1962, alors applicables.

Aucune plainte n'a été enregistrée de la part de clients.

La société X fait plaider que l'infraction n'est pas constituée à l'égard de son salarié au motif que les faits incriminés procèdent non seulement d'une dénaturation de la notion de liquidation telle que prévue par la loi - la référence au prix ou à la pratique de réduction n'entrant pas dans la définition légale de la liquidation - mais également de l'interprétation inexacte du message publicitaire litigieux, la publicité incriminée n'ayant en aucune façon annoncée une réduction de prix sur la totalité des produits vendus en liquidation, le terme "totale" se rapportant à la liquidation, les réductions de prix étant par ailleurs précisément indiquées sur le dépliant publicitaire par les familles de produits visés ainsi que par la mention : "des modèles d'exposition et des fins de séries à des prix sacrifiés".

La société X conclut au surplus à la relaxe au motif que le tribunal n'a nullement caractérisé l'élément intentionnel du délit pour entrer en voie de condamnation.

Il est constant qu'aux termes des dispositions de la loi du 30 décembre 1906 et du décret du 26 novembre 1962, réglementant les opérations de liquidation et applicables lors des faits, la référence au prix de vente des produits ou à la pratique d'une réduction de prix, d'un avantage de prix ou d'un rabais n'entre pas dans la définition légale de la liquidation ; cependant aucune infraction aux dispositions de la loi de 1906 n'est reprochée au prévenu, en conséquence il ne peut être retenu que les faits incriminés en l'espèce procèdent d'une dénaturation de la notion légale et réglementaire de liquidation, laquelle n'est pas visée à la prévention.

Le message publicitaire doit être compris et interprété en fonction du public qui se définit comme un consommateur moyennement avisé, la répression de la publicité mensongère étant destinée à protéger ce type de consommateur.

En l'espèce le consommateur moyen consultant le message publicitaire annonçant en gros caractères une liquidation totale, faisant référence à des fins de série à des "prix sacrifiés" et concluant par la mention "tout doit disparaître" pouvait espérer au vu de l'ensemble de cette publicité trouver en magasin des réductions de prix sur la totalité des articles mis en vente et non sur une partie d'entre eux seulement.

M. B, en sa qualité de directeur avait l'obligation de vérifier la sincérité et la véracité du message, ainsi que l'absence d'ambiguïté de nature à induire en erreur le consommateur moyen. Le défaut de vérification et la diffusion subséquente du message incriminé caractérisent l'élément intentionnel du délit.

En faisant diffuser des messages publicitaires indiquant les mentions ambigus, ci-dessus exposées qui étaient de nature à induire en erreur le consommateur moyennement avisé, alors qu'il ne pouvait ignorer qu'une partie seulement et non la totalité des articles vendus en magasin comportaient une réduction de prix, M. B a commis le délit visé à la poursuite.

L'infraction objet de la poursuite étant établie, le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité.

Il sera également confirmé sur la peine, celle-ci apparaissant adaptée au regard des faits commis et de la personnalité du prévenu.

Le prévenu sera cependant relevé de la peine complémentaire de publication de l'arrêt.

Le jugement sera également confirmé en ce que la société X a été déclarée civilement responsable de son préposé.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Michel B et par arrêt contradictoire à l'égard de la société X ; Reçoit les parties en leurs appels ; Vu les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Sur la peine d'amende avec sursis Le Président avertit le condamné que si dans le délai de 5 ans à compter du prononcé de cette peine, il commettait à nouveau un crime ou un délit suivi d'une nouvelle condamnation sans sursis, cette dernière condamnation entraînera l'exécution de la présente condamnation avec sursis, sans confusion possible. A l'inverse en l'absence dans le même délai, de nouvelle condamnation de cette nature, la présente condamnation sera réputée non avenue ; Prononce la contrainte par corps à l'égard de M. B Michel ; Relève M. Michel B de la peine complémentaire de publication de l'arrêt ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.