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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 7 juin 1990, n° 3644-89

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Corsaire (SARL)

Défendeur :

Louarn

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marty

Conseillers :

Mme Bellamy, M. Bouche

Avoués :

SCP Marin Greff Curat, Me Couppey

Avocats :

Mes Laville, Safar

T. com. Fécamp, du 16 mai 1989

16 mai 1989

La SARL Le Corsaire, acquéreur le 7 janvier 1989 à Etretat, en front de mer, d'un Hôtel-Restaurant-Salon de thé, a régulièrement relevé appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Fécamp assorti de l'exécution provisoire qui, le 16 mai 1989, l'a déboutée de son action en réduction du prix fondée sur un courrier de la sous-préfecture adressé en juillet 1987 à la venderesse Madame Louarn l'informant de nouvelles normes à partir de mars 1991, et non porté à sa connaissance, et qui, ordonnant mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée pour 800 000 F entre les mains du notaire rédacteur, l'a condamnée à verser à Madame Louarn 50 000 F de dommages-intérêts et 2 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

La société appelante renouvelle l'existence déjà formulée en première instance d'un vice caché grevant le fonds acquis, en ce que Madame Louarn aurait volontairement omis de lui signaler les modifications réglementaires du classement de l'hôtel deux étoiles, et l'importance considérable des travaux à faire pour continuer à en bénéficier à compter de mars 1991.

Elle demande en conséquence à recevoir les 800 000 F saisis chez le notaire, à titre de réduction du prix d'achat de 2 192 750 F, 150 000 F de dommages-intérêts et 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Madame Louarn prétend que la lettre de la sous-préfecture ne lui a été connue que lors de sa communication par son adversaire en première instance ; qu'une clause de l'acte notarié la dégage de tout recours, et que la mise en conformité aux nouvelles normes ne serait exigée que bien après l'acte de translation de là propriété ; qu'enfin, l'acquéreur, par ailleurs assisté d'un conseil juridique lors des négociations, aurait dû connaître l'arrêté ministériel litigieux. Faute de vice caché, ni d'infraction à son obligation générale de délivrance, Madame Louarn demande donc la confirmation du jugement, et 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

MOTIFS DE LA COUR

Attendu que, même si l'acte de vente ne signale pas le classement de l'hôtel en deux étoiles, et en décrit pourtant toutes les caractéristiques, aucun doute sérieux ne pouvait exister à l'époque sur la parfaite connaissance par la société Le Corsaire de ce classement et sur son intention d'acquérir un hôtel entrant dans cette catégorie et d'en faire un des critères du prix élevé de cet achat.

Attendu en revanche que la connaissance par Madame Louarn de l'existence du nouvel arrêté ministériel du 24 février 1986 est difficilement contestable, en ce que la date du 8 juillet 1987 pour la lettre de notification n'a pu être corrigée par le tribunal que sur sa propre précision, le courrier de la société Le Corsaire interrogeant la sous-préfecture sur la date d'envoi étant postérieur au jugement ; que cependant cette omission par la venderesse de signaler à l'acquéreur cette modification des normes est sans portée sur la notion de vice caché ou d'infraction à l'obligation de délivrance.

Attendu en effet que, s'agissant d'un arrêté ministériel du 14 février 1985 s'adressant à tous les établissements hôteliers, il revêt un caractère réglementaire général que tout professionnel, particulièrement la société appelante assistée d'un conseil juridique lors des longues négociations préalables à l'achat, ne devait pas ignorer ; que de plus, le délai assez lointain laissé par l'arrêté aux hôteliers pour mettre leur établissement en conformité avec les nouvelles conditions du classement deux étoiles (mars 1991) ne permet pas à l'appelante de soutenir qu'au moment de l'acte de vente litigieux le fonds n'était déjà plus ce qu'il aurait dû être au vu de la description faite par le notaire ; que l'établissement bénéficie encore à ce jour du classement deux étoiles.

Qu'en outre, l'acte notarié stipule une clause de renonciation à tout recours contre le cédant, pour quelque cause que ce soit, et un engagement pour le cessionnaire de faire son affaire de toutes les "prescriptions administratives auxquelles pareille exploitation peut et pourra donner lieu..."; qu'en l'absence de mauvaise foi de Madame Louarn et de vice caché de la chose vendue, la société appelante est mal fondée à réclamer une réduction de prix et à exercer une saisie sur partie de celui-ci ;

Attendu que le tribunal a fait une juste mesure en chiffrant à 50 000 F l'indemnité due pour neuf mois d'immobilisation de 800 000 F. Qu'en revanche, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Madame Louarn les frais irrépétibles engagés par elle devant les deux degrés de juridiction.

Par ces motifs et ceux non contraires du tribunal, LA COUR, Confirme le jugement du 16 mai 1989, sauf en ce qu'il a condamné la société Le Corsaire sur le fondement de l'article 700 du NCPC, L'émendant sur ce seul point, Relève la SARL Le Corsaire de cette condamnation, Déboute Madame Louarn de sa demande au même titre en appel, Condamne la SARL Le Corsaire aux dépens, Reconnaît à Maître Couppey, avoué, le droit de recouvrement direct contre elle dans les conditions de l'article 699 du NCPC.