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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch., 14 avril 1992, n° 4617-90

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gonzalez

Défendeur :

Beaufleury (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Cornec

Conseillers :

Mme Castagnede, M. Septe

Avoués :

Me Claverie, SCP Labory Moussie Rustmann

Avocats :

Mes Brugière, Fischer

TI Bordeaux, du 7 juill. 1988

7 juillet 1988

Statuant sur une action intentée par Madame Bonnin Hernandez, locataire d'un appartement sis 18, rue Monthyon à Bordeaux, appartenant à Monsieur Marcel Gonzalez, action en paiement d'une somme de 64 983,19 F et en validation de saisie-arrêt, Monsieur Bonnin Hernandez ayant fait assigner par la suite Madame Baillet, ès qualité d'administratrice de la SCI Beaufleury, propriétaire de l'appartement depuis le 25/01/88 pour obtenir sa condamnation solidaire au paiement des sommes réclamées à Monsieur Gonzalez, représentant des travaux de réfection de l'appartement rendus nécessaires à la suite d'un gros orage survenu le 22 septembre 1986,

Le Tribunal d'instance de Bordeaux, par jugement du 7 juillet 1988, entre autres dispositions,

- homologuait le rapport de l'expert Monsieur Filhol,

- mettait hors de cause Madame Baillet,

- donnait acte à la SCI Beaufleury de son intervention,

- condamnait in solidum Monsieur Gonzalez et la SCI Beaufleury à exécuter les travaux préconisés par l'expert dans les trois mois de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 100 F par jour de retard,

- condamnait Monsieur Gonzalez à relever indemne la SCI Beaufleury à concurrence de 45 339,95 F.

Suivant déclaration enregistrée au secrétariat-greffe de la cour le 9 août 1988, Monsieur Gil Gonzalez interjetait appel de cette décision.

Par ordonnance du 6 juin 1991, le conseiller de la mise en état de cette chambre ordonnait un complément d'expertise à l'effet de vérifier si les travaux réalisés en exécution du jugement du 7 juillet 1988 étaient ou non nécessaires et appropriés pour mettre un terme aux désordres préexistants, l'expert ayant également pour mission d'indiquer si leur coût était justifié et d'évaluer éventuellement les travaux intérieurs nécessaires.

L'expert ayant déposé son rapport,

* Monsieur Gil Gonzalez fait valoir, essentiellement, devant la cour, que :

- il s'est désisté de son appel envers Madame Hernandez,

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal pour le condamner à relever indemne la SCI Beaufleury de sa condamnation à réparer la toiture de l'immeuble - mais non les dégâts intérieurs - l'état de la toiture ne constituait pas un vice caché, cet état étant parfaitement connu des acheteurs,

- la preuve de la mauvaise foi qui lui est reprochée qui aurait justifié la perte du bénéfice de la clause de non-garantie stipulée à l'acte de vente en cas de vice caché, n'est nullement rapportée,

- par ailleurs, la charpente a été refaite sans que l'état de celle-ci ait été constaté contradictoirement au préalable,

- l'état intérieur des appartements était visible avant l'achat des lieux,

et il conclut à la réformation de la décision entreprise, demandant à la cour de dire que l'état de la toiture de l'immeuble vendu, nécessairement révélé par celui de l'appartement sis en dessous ne constitue en rien un vice caché, l'immeuble étant, en outre, parfaitement connu de l'acquéreur,

subsidiairement, de dire que la mauvaise foi ne peut être retenue, les notaires rédacteurs de l'acte de vente ayant jugé sans intérêt d'y mentionner l'expertise en cours connue d'eux, de condamner la SCI Beaufleury à lui rembourser la somme de 51 554 F avec intérêts à compter du 12 décembre 1988, de la condamner, en outre, à lui payer 5 000 F en réparation de l'accusation injustifiée de s'être rendu coupable de "maquillage" ainsi que 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

* La SCI Beaufleury soutenant, en revanche, que :

- l'ensemble de la situation réelle de l'immeuble lui a été dissimulé par des travaux de maquillage, y compris intérieurs, effectués par Monsieur Gonzalez, le vendeur,

- le tribunal a relevé à juste titre la volonté de dissimulation du vendeur,

- Monsieur Gonzalez n'a jamais révélé à ses acquéreurs la procédure engagée par Madame Hernandez depuis plus de six mois au moment de la signature de l'acte de vente, il s'agit là d'une indélicatesse flagrante,

- la procédure dont s'agit est révélatrice d'un vice caché l'autorisant à revendiquer contre son vendeur l'action estimatoire,

- elle ne pouvait imaginer avoir à entreprendre sans délai des travaux importants,

- elle est fondée à solliciter dans le cadre d'une action estimatoire, l'allocation d'une somme de 20 000 F en réduction de prix,

- l'état de la charpente gravement endommagée n'a été constaté qu'après le commencement des travaux,

et concluant à la confirmation du jugement frappé d'appel en ce qu'il a condamné Monsieur Gonzalez à l'indemniser à hauteur du montant des réparations extérieures, de chiffrer à 61 585,40 F le montant des réparations, de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de sa demande relative au remboursement des réparations intérieurs d'un coût de 19 643,24 F, d'homologuer le rapport complémentaire de Monsieur Filhol, de condamner Monsieur Gonzalez à lui payer 20 000 F à titre de dommages-intérêts supplémentaires, outre 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Discussion

Attendu qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier la preuve de la mauvaise foi ni de la dissimulation dont aurait fait preuve Monsieur Gonzalez lors de la vente de l'immeuble à la SCI Beaufleury ;

Attendu que le fait que Monsieur Gonzalez n'ait pas tenu au courant la SCI Beaufleury de la procédure qui l'opposait à Madame Hernandez et qu'il n'ait été fait aucune allusion à celle-ci dans l'acte de vente ne saurait suffire à prouver la mauvaise foi de Monsieur Gonzalez, alors même que les notaires rédacteurs de l'acte de vente qui étaient parfaitement au courant de cette procédure et d'une saisie-arrêt effectuée entre leurs mains pour le montant des réparations affectant l'appartement de Madame Hernandez n'ont pas jugé utile d'en faire mention ;

Attendu que la SCI Beaufleury a acquis cet immeuble à un prix très modique, en parfaite connaissance de cause de l'état de celui-ci, situé 60, rue Beaufleury, alors que Madame Baillet, sa fille et son gendre, habitaient au 62 de la même rue ; qu'il lui appartenait, en tout cas, de se renseigner de façon complète sur l'état de celui-ci avant de se décider à l'acheter, au besoin de le visiter en se faisant accompagner d'un homme de l'art ; qu'il n'est nulle part fait état dans la procédure d'un refus quelconque qui lui aurait été opposé par Monsieur Gonzalez à la visite de l'immeuble ; qu'elle pouvait également, parfaitement se renseigner près de la locataire, Madame Hernandez, sa voisine ; que l'état des appartements était visible avant l'achat ; que la SCI procède uniquement par allégations lorsqu'elle soutient que l'état intérieur des appartements lui aurait été caché par "maquillage", sans rapporter la preuve de ce qu'elle avance ;

Attendu, en ce qui concerne l'état de la charpente, que celui-ci, ainsi que l'indique l'expert, n'a été découvert qu'en cours de travaux, l'état des portées de bois de charpente dans les murs ne pouvant être constaté et visible qu'après qu'il ait été possible d'y accéder ; qu'il ne saurait là encore être reproché à Monsieur Gonzalez d'avoir dissimulé cet état alors que l'expert lui même ne l'avait pas décelé lors de sa première expertise ;

Attendu, en revanche, que si des réparations se révélaient nécessaires à ce niveau il appartenait à la SCI de faire procéder à cette constatation au moyen d'une expertise contradictoire ;

Attendu qu'il n'existe pas non plus de vice caché au niveau de la toiture, l'acheteur pouvant parfaitement se rendre compte de l'état de celle-ci ;

Qu'en tout cas, la clause d'exclusion de garantie des vices cachés insérée à l'acte de vente est valable, la preuve de la mauvaise foi du vendeur n'étant nullement rapportée ;

Qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement dont appel, de débouter la SCI Beaufleury de toutes ses demandes, mal fondées, de la condamner à rembourser à Monsieur Gonzalez la somme de 51 554 F, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 1988, à lui payer 4 000 F au titre des frais non répétibles exposés par lui en appel et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, de débouter, en revanche, celui-ci de sa demande en dommages-intérêts, la preuve de l'intention malveillante de la SCI Beaufleury ni du préjudice qui en est résulté du fait de l'utilisation par celle-ci du mot "maquillage" dans ses conclusions n'étant pas rapportée ;

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement rendu le 7 juillet 1988 par le Tribunal d'instance de Bordeaux et statuant dans les limites de l'appel, Déboute la SCI Beaufleury de toutes ses demandes, mal fondées, La condamne à rembourser à Monsieur Gonzalez la somme de 51 554 F avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 1988, à lui payer 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SCI Beaufleury aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile par Me Claverie, avoué.