CA Caen, ch. corr., 16 janvier 1989
CAEN
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Passenaud (faisant fonctions)
Conseillers :
M. Lecourt, Mme Varin
Avocat :
Me Le Pasteur.
Faits :
Par jugement du Tribunal correctionnel d'Argentan en date du 1er mars 1988 a relaxé le prévenu pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ;
Appel de ce jugement a été interjeté par le Ministère public le 2 mars 1988 ;
Attendu que Ministère public a requis la réformation du jugement entrepris, à savoir que Barbier soit retenu dans les liens de la prévention et condamné à une amende de 10 000 F, ce aux motifs suivants :
- l'arrêté (des ministres de l'Agriculture et des Transports) en date du 21 décembre 1979, relatif aux critères microbiologiques auxquels doivent satisfaire certaines denrées etc...prévoit, en son annexe II § 7, que la recherche des coliformes fécaux s'effectuera " soit en milieu solide (...) soit en milieu liquide " ; or les directives générales pour le dénombrement des coliformes en microbiologie alimentaire publiées par l'Association française de normalisation (AFNOR), applicables lors des faits poursuivis, soit les normes V.08-015 et 016, prévoient que la culture en milieu solide est " plus précise " que celle en milieu liquide ;
- c'est donc à tort que le directeur de Laboratoire de biologie et d'hygiène du Calvados, expert judiciaire commis, dans les conclusions de son rapport en date du 15 janvier 1987, après avoir constaté que "les 5 échantillons analysés (éclairs au café) ne sont pas conformes aux critères de l'arrêté ministériel du 21 décembre 1979 en ce qui concerne les coliformes fécaux en milieu solide mais le sont en milieu liquide (a déclaré in fine que) les échantillons examinés sont conformes à la réglementation et ne font pas courir de risque hygiénique à la santé des consommateurs ;
Que le prévenu a demandé la confirmation du jugement entrepris à savoir son renvoi des fins des poursuites, ce aux motifs suivants:
- l'expert judiciaire, selon conclusions du prévenu, "conteste lui la méthode en milieu solide qu'il considère difficile d'emploi et doute de cette méthode" ; le prévenu se basant, pour conclure ainsi, sur le compte rendu d'une réunion qui s'est tenue à Paris, le 20 mai 1987, regroupant les représentants du laboratoire d'Etat qui effectuent les analyses microbiologiques de produits alimentaires, ainsi que des laboratoires agréés pour effectuer semblables analyses, réunion à laquelle donc prenait part cet expert ;
- ledit expert (selon encore conclusions du prévenu) a " indiqué que les bactéries coliformes relevées (lors de l'expertise relative à cette affaire) ne produisant pas de gaz à 44° C, ne peuvent être classées dans le groupes des coliformes fécaux " ;
- ce n'est parce qu'à l'étranger on emploierait la culture en milieu liquide (selon compte rendu susvisé) qu'en France on ne pourrait, au choix, employer les deux cultures ;
- "enfin (selon encore conclusions du prévenu) on ne peut d'avantage retenir la seule méthode en milieu solide au motif que les prélèvements précédents ont été analysés par cette technique, alors que les analyses n'ont pas été faites de façon contradictoire" ;
Que les moyens de défense du prévenu doivent être écartés pour les raisons suivantes:
- le doute de l'expert quant à la meilleure culture, lors d'une réunion professionnelle subséquente, n'est qu'un doute, et surtout ne saurait prévaloir à l'encontre d'une norme parfaitement claire ; étant remarqué, à la lecture attentive du compte rendu susvisé, que cet expert ne "conteste" pas vraiment la culture en milieu solide, disant seulement qu'elle est plus difficile que celle en milieu liquide, ce qui n'est pas du tout la même chose ;
- dans le rapport susvisé il est certes écrit que "en microbiologie alimentaire, on a l'habitude d'appeler coliformes fécaux les entérobactéries ayant l'aptitude à fermenter le lactose avec production de gaz à 44° C (et que) compte tenu de cette définition, dans le cas présent, il semble donc rationnel de prendre en considération le nombre de coliformes ayant ce caractère plutôt que le nombre de coliformes ayant (été) cultivé(s) à 44° C en milieu solide" ; mais c'est là un raisonnement que la cour ne saurait adopter, puisque la culture en milieu solide a établi qu'existaient de 246 à 816 coliformes fécaux à 44° C par gramme (pour 10 autorisés réglementairement), ce dans les 5 échantillons analysés : ainsi qu'en fait état le tableau analytique de la page 2 de ce rapport ;
- en droit interne les deux cultures sont certes possibles, mais si elles sont pratiquées concurremment, il est évident qu'elles doivent, l'une et l'autre, pour qu'il n'y ait pas infraction à la réglementation, donner des résultats ne dépassant ce qu'autorise ainsi ;
- B n'est pas poursuivi pour d'autres prélèvements antérieurs ;
Qu'ainsi, approuvant le rapport d'expertise quant aux résultats des analyses et non quant a ses conclusions, et adoptant les réquisitions du Ministère public, il y a lieu de retenir B dans les liens de la prévention, et, considérant ses ressources estimées, de le condamner à une amende de 10 000 F ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique et contradictoirement ; Vu l'arrêté et les normes AFNOR susvisées, ainsi que l'article 1er de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services ; Réformant le jugement entrepris, retient B dans les liens de la prévention, et le condamne à une amende de 10 000 F ; Le condamne aux entiers dépens qui s'élèvent à la somme de 1 764, 55 F ;