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Décisions

CA Rennes, ch. de police corr., 28 février 1992, n° 305

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Quinquis

Substitut général :

M. Bartholin

Conseillers :

Mme Rouvin, M. Beuzit

Avocat :

Me Rolland

TGI Lorient, ch. corr., du 21 mars 1991

21 mars 1991

Statuant sur les appels interjetés le 26 mars 1991 par le prévenu, et par le Ministère public le même jour à l'encontre des deux prévenus, d'un jugement contradictoirement rendu le 21 mars 1991 par le Tribunal correctionnel de Lorient qui a condamné F Jean à 4 000 F d'amende pour tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue et a renvoyé L Rémy des fins de la poursuite pour le même délit ;

Considérant que l'examen de l'appel formé par le Ministère public contre le jugement ayant relaxé Rémy L a été, après disjonction, renvoyé à l'audience du 23 janvier ;

Considérant que la Direction de la Répression des Fraudes du Département du Morbihan était informée le 11 mai 1988 par la Direction Départementale de l'Essonne, qu'elle avait procédé à un prélèvement de "Jambons choix" préparés par les Etablissements X et qu'elle avait constaté à l'analyse un taux "d'humidité du produit dégraissé" ou taux HPD de 76,6, alors que ce taux ne pouvait excéder 75 selon le Code des usages de la charcuterie ;

Considérant que la même Direction était en outre informée le 21 juillet 1988, par la Direction Départementale de la Gironde, d'un prélèvement "d'épaule choix" provenant du même Etablissement dont l'analyse avait révélé un taux HPD de 77,6 au lieu de 75 au maximum ;

Considérant qu'à la suite de ces informations, la Direction Départementale du Morbihan procédait à l'usine d'abattage à des prélèvements d'épaule dont l'analyse montrait un taux moyen HPD de 76,06 alors que, compte-tenu de l'écart type du lot concerné, le taux ne pouvait excéder 75,45 ;

Considérant qu'entendus sur les faits, tant Jean F, président directeur général de la SA X, que Rémy L, directeur de l'usine de salaisons, reconnaissaient que le taux d'HPD constaté excédait le taux prescrit par le Code des usages, expliquant l'écart par l'hétérogénéité de la matière brute traitée par l'usine, dont le taux d'humidité était très varié ainsi que par l'adoption d'une nouvelle technique de cuisson sous vide qui ne favorisait pas l'évacuation de l'humidité ;

Considérant qu'à l'audience, le prévenu Jean F fait plaider que si le taux d'HPD relevé par la Direction de la Répression des Fraudes, excède le taux maximum imposé par le Code des usages de la charcuterie, applicable sur le territoire français, la réglementation nationale est plus sévère que celle d'autres Etats, membres de la CEE et notamment la réglementation belge ; qu'il en résulte une discrimination entre produits analogues vendus par des ressortissants de la CEE qui défavorise les fabricants français ; qu'une telle discrimination est prohibée par les articles 3 (F), 7 et 30 du traité de Rome, de sorte qu'il doit être renvoyé des fins de la poursuite ;

Considérant que selon les articles 30 et 36 du traité instituant la Communauté Economique européenne, toutes mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation, sont interdites entre les états membres; que d'autre part, l'article 7 du même traité prohibe les discriminations exercées en raison de la nationalité ; qu'enfin il se déduit de l'article 3 f du traité que la mise en œuvre de ces règles doit se faire dans des conditions propres à assurer que sur toute l'étendue de l'espace communautaire, le commerce des produits provenant des Etats membres fussent-ils d'origine nationale n'en soit pas faussé ;

Considérant que ces principes doivent être combinés avec l'article 1 de la loi du 1er août 1905 dont l'application est écartée dans les seuls cas où elle serait de nature à entraîner des restrictions discriminatoires par rapport au régime applicable au commerce des produits concurrents, tant nationaux que provenant des Etats membres, lorsque ces produits présentent des caractéristiques comparables, étant observé qu'en l'absence de directive communautaire réprimant la fabrication d'un produit, ce qui est le cas pour l'épaule de porc, chaque Etat membre de la Communauté demeure libre d'imposer des règles de production spécifiques ;

Considérant en premier lieu, qu'il n'est pas contesté par le prévenu que le 27 octobre 1988, les Etablissements X ont préparé des épaules de porc destinées à la vente, dont le taux d'humidité était excessif compte-tenu des normes applicables qu'en outre, ils ont au cours de l'année 1988, mis dans le circuit commercial de l'épaule de porc qui a fait l'objet d'un prélèvement en Gironde, alors que le taux d'humidité de ce produit était excessif ;

Considérant que le taux d'humidité de l'épaule de porc constitue une qualité substantielle de cette denrée ;

Considérant que la commercialisation d'épaule (ou la fabrication d'épaule destinée à être commercialisé) alors que celle-ci recèle un taux HPD excessif résulte, au moins, de contrôles insuffisants au sein de l'entreprise ; qu'en raison de ses fonctions il appartenait à Jean F de veiller à ce que les contrôles soient effectués de manière à maintenir un taux d'humidité compatible avec la réglementation nationale ;

Qu'en s'abstenant de veiller au respect de celle-ci, il a agi de mauvaise foi ;

Considérant que si les produits présentés à la venta par Jean F, l'épaule de porc, sont analogues à ceux qui peuvent être vendus sur le territoire national après avoir été fabriqués dans d'autres pays membres de la Communauté Economique européenne, il n'en demeure pas moins que tous ces produits, sans exception sont soumis à l'article 1 de la loi du 1er août 1905 et au Code des usages de la charcuterie et que, s'il apparaît que leur taux d'humidité est excessif par rapport aux exigences nationales, les personnes ayant, au mépris de ces exigences, de mauvaise foi mis en vente en France des produits, sont justiciables de poursuite sur le fondement de ces dispositions ; qu'ainsi aucune discrimination n'est introduite entre les agents économiques commercialisant sur le territoire national le produit concerné ; qu'il convient en conséquence de faire application de la loi à l'encontre de Jean F, l'infraction étant établie ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement sur la qualification et la culpabilité ; que la peine est adéquate et sera également confirmée ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, Reçoit les appels ; Au fond Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Condamne Jean F aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de quatre mille six cent soixante-seize francs treize (4.676, 13 F) En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant de l'amende prononcée et non compris les frais postérieurs éventuels. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1995, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.