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Décisions

Cass. crim., 29 juin 2004, n° 04-80.535

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

Poitiers, ch. corr., du 12 déc. 2003

12 décembre 2003

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, Y Dominique, contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 2003, qui a condamné la première pour publicité de nature à induire en erreur à 30 000 euro d'amende et le second pour publicité de nature à induire en erreur et infraction à la législation sur le démarchage à domicile, à 10 000 euro d'amende et a ordonné une mesure de publication; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, préliminaire, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique Y et la société X coupables de publicité de nature à induire en erreur;

"aux motifs que la SARL X dont le gérant est Dominique Y a fait procéder au démarchage téléphonique d'abonnés du département par une SARL sous traitante "Z"; qu'après des questions sur leur cadre familial, il leur était demandé de choisir un nombre devant permettre un tirage au sort; il leur était alors adressé un courrier muni d'un coupon destiné à procéder au retrait de 2 lots (un lot de verres et une caisse à outils) et à vérifier si le numéro choisi était gagnant (matériel audiovisuel) ; ce tirage au sort était la résultante d'un jeu dénommé "duo gagnant" dont le résultat était affiché en vitrine; qu'une fois sur place, le client se voyait remettre les deux lots puis était invité à vérifier sur une liste affichée au fond du magasin s'il avait gagné l'appareil audiovisuel ; si tel était le cas, celui-ci était remis, même en-dehors de tout achat de mobilier ; que, dans l'audition des différents clients qui se sont adressés à la Direction Départementale de la Concurrence et de la Consommation (DDCC) et de ceux qui ont été entendus par les services de police, il ressort qu'un vendeur proposait un tour de magasin, et pour convaincre le visiteur, lui indiquait qu'il avait gagné un bon d'achat à valoir, le jour même sur le prix d'un salon; bien que ce bon ait bien mentionné qu'il ne s'agissait pas d'un gain à un jeu, il était présenté ainsi par le vendeur aux dires des clients; la remise proposée pouvait s'élever jus qu'à 16 à 17 000 francs; que la véracité d'une publicité comportant l'annonce d'une réduction de prix doit être appréciée par rapport au prix de référence conformément aux dispositions de l'arrêté n° 77-105 P, lequel est défini par l'article 3 de ce texte, comme étant le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article similaire, dans le même établissement de vente ou détail, au cours des 30 derniers jours précédant la publicité; qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, la DRCCRF a dressé un tableau pour 32 clients faisant apparaître que les prix affichés des salons correspondaient à un coefficient de 6 à 7 et que compte tenu des réductions effectuées, le coefficient réellement pratiqué était de 2,37 à 3,90; que, pour faire accepter le prix décidé après "discussion" entre le vendeur et le responsable qualifié, avait été mis en place un stratagème commercial; le vendeur, dont le montant de la commission dépendait de la réalisation ou non de l'achat, se chargeait de convaincre le client et pour ce faire, disposait pour étayer son pouvoir de persuasion de deux arguments - le premier consistait dans le gain d'un bon d'achat à valoir le jour même sur le prix d'un salon; en fait, ce bon d'achat était imprimé par le vendeur lui-même à l'arrière du magasin en cas d'intéressement du client; la valeur de ce bon était déterminée par le représentant du magasin et n'était valable que le jour même pour l'acquisition d'un salon cuir; ledit bon présenté comme gain à un jeu (d'après les clients) était en fait une offre commerciale servant d'argument de vente ; - le deuxième consistait dans la reprise par le magasin du salon usagé du client; qu'ainsi, déjà attirés par un lot d'appel gratuit pour les faire venir dans le magasin, et ce, à condition que le couple se déplace, les clients étaient ensuite, après des discussions commerciales sur lesquelles la cour n'a pas à se pencher, puis par deux arguments financiers intéressants qui en réalité ne pouvaient être contrôlés dans la mesure où, comme l'a indiqué le tribunal, Dominique Y n'a nullement démontré qu'il ait pratiqué un prix de référence sur les salons mis en vente; qu'ainsi, c'est à juste titre, que le jugement a relevé que le procédé de la " remise " à utiliser le jour même, laisse penser au client, sans lui laisser le temps de réfléchir ou de comparer, qu'il fait une excellente affaire, bénéficiant d'une remise pouvant être de l'ordre de 50 %, alors qu'il paie un prix qui est redevenu le prix normalement pratiqué dans la profession ; que la culpabilité de Dominique Y sera donc confirmée tout comme celle de la société X dont il est le responsable;

"1) alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés dans l'ordonnance ou la citation qui les a saisis à moins de comparution volontaire, dûment constatée par eux, des prévenus sur des faits distincts ; qu'en l'espèce, la prévention reprochait à Dominique Y et à la société dont il était le dirigeant d'avoir annoncé une remise importante aux clients par rapport aux prix artificiellement augmentés et jamais pratiqués dans le magasin et qu'en relevant à leur encontre des faits distincts de présentation fausse ou de nature à induire en erreur portant sur un procédé de vente, à savoir le prétendu gain d'un bon d'achat obtenu à l'issue d'un tirage au sort, cependant qu'en réalité le bon d'achat était imprimé par le vendeur à l'arrière du magasin en cas d'intéressement du client, fait incriminé par des dispositions distinctes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation comme constituant une présentation fausse portant sur la portée des engagements pris par l'annonceur sur lequel ni Dominique Y ni la société dont il était responsable n'ont comparu volontairement, la cour d'appel a méconnu le principe sus visé et ce faisant excédé ses pouvoirs;

"2) alors que tout prévenu étant présumé innocent, il appartient à la partie poursuivante d'apporter la preuve de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et que la cour d'appel, qui, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Dominique Y et de la société X du chef de publicité de nature à induire en erreur sur le prix, a cru pouvoir faire état de ce que Dominique Y n'avait nullement démontré qu'il ait pratiqué un prix de référence sur les salons mis en vente, a statué par un motif impliquant un renversement de la charge de la preuve, ne permettant pas, en tant que tel, de justifier légalement sa décision;

"3) alors que la cour d'appel, qui rappelait liminairement que la véracité d'une publicité comportant l'annonce d'une réduction de prix doit être appréciée par référence au prix de référence conformément aux dispositions de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977, lequel est défini par l'article 3 de ce texte, comme étant le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédent la publicité et qui n'a nullement constaté que le tableau dressé par la DRCCRF constituant, selon elle, la preuve matérielle du délit ait été établi par référence aux prix les plus bas pratiqués au cours des trente derniers jours précédant la publicité, ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision tant au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation qu'au regard des dispositions de l'arrêté susvisé" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X, dont Dominique Y est le gérant, exploite une surface de vente d'ameublement; qu'elle a fait procéder au démarchage téléphonique de clients qui ont été invités, après tirage au sort, à retirer des lots; que, lorsque ceux-ci se sont présentés dans le magasin, il leur a été remis un bon d'achat, de l'ordre de 16 000 à 17 000 francs, à utiliser le jour même et à valoir sur le prix d'un salon ;

Attendu que, pour confirmer le jugement retenant la culpabilité des prévenus du chef de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, au vu d'un tableau établi par la Direction Régionale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes ainsi que des propres déclarations du gérant, que ce bon d'achat était un stratagème tendant à convaincre le consommateur qu'il réalisait une excellente affaire alors que le prix affiché n'avait jamais été pratiqué et que celui dont il s'acquittait correspondait à celui habituellement pratiqué par la profession;

Attendu qu' en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de la contravention à la réglementation sur la publicité des prix, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation, L. 450-2 du Code du commerce, préliminaire, 106, 427, 429, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, ensemble violation du principe de la loyauté des preuves;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique Y coupable d'avoir obtenu des clients du magasin avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours suivant la commande ou l'engagement des clients, la livraison anticipée des salons vendus et la reprise d'anciens canapés;

"1) alors que, si les juges correctionnels sont souverains pour apprécier les preuves qui leur sont soumises et pour les retenir au soutien de leur décision de condamnation, c'est à la condition que leurs motifs n'impliquent pas l'approbation de procédés déloyaux de preuve ; que, pour avoir une valeur probatoire et faire en outre foi jusqu'à preuve contraire, les procès-verbaux dressés par les agents de la DGCCRF en matière de prix et de concurrence doivent être établis dans des conditions conformes aux dispositions générales du Code de procédure pénale et que la cour d'appel, qui constatait expressément que les constatations des agents de la DGCCRF relativement aux livraisons anticipées et aux reprises d'anciens canapés en violation des dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation ne reposaient que sur des témoignages reçus par téléphone impliquant une violation des règles énoncées par l'article 106 du Code de procédure pénale pour le recueil des dépositions, ne pouvait, sans méconnaître le principe de la loyauté des preuves, fonder expressément sa décision de condamnation sur les témoignages ainsi recueillis;

"2) alors que les juges correctionnels méconnaissent le principe du procès équitable lorsque leur décision de condamnation repose, comme en l'espèce, exclusivement sur des preuves obtenues par un procédé prohibé par la loi nationale et en tant que tel nécessairement déloyal";

Attendu que, pour condamner Dominique Y pour infraction à la législation sur le démarchage à domicile, la cour d'appel se fonde notamment sur les auditions de clients par les services de police, dont l'irrégularité n'est pas alléguée; d'où il suit que le moyen, qui affirme à tort que la décision de condamnation reposerait exclusivement sur des preuves obtenues par un procédé déloyal, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.