CA Dijon, ch. corr., 19 octobre 1994, n° 714
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
INAO, UDUC - UFC 21 Que Choisir, AFOC, UFCS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bray
Conseillers :
Mme Arnaud, M. Levi
Avocats :
Mes Funk-Brentano, De Montille, Defosse.
Faits et procédure
C Maurice a été poursuivi devant 2e tribunal correctionnel de Dijon en vertu d'une citation directe pour avoir :
1) sur des produits naturels ou fabriqués, détenus ou transportés en vue de la vente, mis en vente ou vendus en France, sciemment utilisé des indications de nature à faire croire qu'ils étaient d'origine française en l'espèce en étiquetant, commercialisant, facturant :
- à Montbard, du 1er septembre 1988 au 4 janvier 1989, 45 hl 45 de moûts de pays de la CEE, blancs, sous la fausse indication d'origine de vin de table français,
- à Montbard, du 4 janvier 1989 au 4 juillet 1989, 952 hl 08 de moûts de pays de la CEE, rouges, sous le fausse indication d'origine de vin de table français,
Faits prévus et réprimés par les articles 2 de la loi du 26/03/1930 et 1 loi du 01/08/1905.
2) à Montbard et à Savigny Les Beaune, du 1er septembre 1988 au 4 juillet 1989, sur des produits naturels ou fabriqués, détenus, vendus ou mis en vente, sciemment utilisé des indications quelconques de nature à faire croire qu 'ils avaient une origine différente de leur véritable origine, française ou étrangère, en l'espèce en détenant, vendant ou mettant en vente, sous la dénomination de vin de pays de l'Hérault et du Var, des vins qui n'avaient pas été produits dans ces départements, en l'espèce :
- comme vins de pays de l'Hérault :
* 2 hl 56 de vin de table rouge,
* 34 hl 44 de vin de table blanc,
- comme vins de pays du Var :
* 32 hl 05 de vin de table rosé,
Faits prévus et réprimés par les articles 1 de la loi du 26/03/1930, 1 de la loi du 1/08/1905.
3) à Montbard, Savigny les Beaune et Bligny les Beaune, du 1er septembre 1988 au 4 juillet 1989, sur des produits naturels ou fabriqués, détenus, vendus ou mis en vente, sciemment utilisé des indications quelconques de nature à faire croire qu'ils avaient une origine différente de leur véritable origine, française ou étrangère, en l'espèce en ayant vendu :
* 1461 hl 11 de vin rouge,
* 208 hl 52 de vin blanc
* 5 hl 42 de vin rosé,
Sous des appellations d'origine contrôlée qu'il savait inexactes ou usurpées,
Faits prévus et réprimés par les articles 8 alinéas 1 et 3 de la loi du 06/05/1919, 1 et 2 de la loi du 26/03/1930, 1 de la loi du 01/08/1905,
Le jugement dont il est fait appel a :
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- relaxé Maurice C du délit de fausse indication de provenance en ce qui concerne les faits de commercialisation comme vins de pays de l'Hérault de 2 hl 56 de vin de table rouge et de 34 hl 44 de vin de table blanc,
- déclaré par contre Maurice C coupable du délit de fausse indication d'origine de marchandises pour avoir commercialisé :
* 45 hl 45 de moûts de pays de la Communauté économique européenne blancs, comme vins de table français,
* 952 hl 08 de moûts de pays de la Communauté économique européenne rouges, comme vins de table français ;
- déclaré également Maurice C coupable du délit d'emploi d'appellation d'origine contrôlée inexactes pour avoir commercialisé sous des appellations d'origine contrôlée inexactes ou usurpées :
* 1461 hl 11 de vin rouge,
* 208 hl 52 de vin blanc,
* 5 hl 42 de vin rosé,
- déclaré enfin Maurice C coupable du délit de fausse indication de provenance pour avoir commercialisé 32 hl 05 de vin de table rosé comme vin de pays du Var,
Et ce, par application des articles 1 et 2 de la loi du 26/03/1930, 1 de la loi du 01/08/1905, 8 alinéa 1 et 3 de la loi du 08/05/1919.
En répression,
- condamné Maurice C à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 250 000 F d'amende,
- l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné à l'intéresse absent lors du prononcé du jugement,
- ordonné la publication du présent jugement, par extrait, dans les journaux "Le Bien Public" et " Le Journal de Saône et Loire ", aux frais du condamné, sans que le coût de publication ne dépasse la somme de 8 000 F, par application de l'article 7 de la loi du 1er août 1905,
- ordonné l'affichage du présent jugement, par extrait, pendant une durée de 7 jours et aux frais du condamné, sur les portes extérieures des établissements dénommés "SARL C" sise à Montbard, "SA Maurice C" sise à Savigny les Beaune" et "Domaine de la CREA" sis à Bligny les Beaune,
- dit que les affiches seront du format "quart colombier" en caractères dits "romains de 24" par application de l'article 7 de la loi du 1er août 1905,
- en application de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, la présente décision a été assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F,
- dit que la contrainte par corps s'exercera s'il y a lieu, conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.
Sur l'action civile
- reçu les constitutions de parties civiles de l'institut national des appellations d'origine, de l'Union départementale des usagers et consommateurs de la côte d'Or, de l'Association force ouvrière consommateurs et de l'Union féminine civique et sociale à l'encontre de Maurice C,
- condamné Maurice C à verser
* à l'Institut national des appellations d'origine la somme de 167 505 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
* à l'Union départementale des usagers et consommateurs de la côte d'Or la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
* à l'Association force ouvrière consommateurs la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts,
* à l'Union féminine civique et sociale la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts,
- débouté les parties civiles de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ce jugement a été frappe d'appel par :
- C Maurice, prévenu, le 18 mars 1994, appel principal et général,
- l'Union départementale des usagés et consommateurs de la côte d'Or (UDUC UFC 21 Que Choisir), partie civile, le 18 mars 1994, appel incident des dispositions civiles,
- Le Ministère public, le 18 mars 1994, appel incident.
Décision rendue
LA COUR, après en avoir délibéré,
Attendu que C sollicite à titre principal sa relaxe, à titre subsidiaire une expertise et à titre encore plus subsidiaire un sursis à statuer et la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu que pour l'exposé détaillé de l'argumentation du prévenu, la cour entend se référer aux conclusions que celui-ci a déposées et dans lesquelles il soutient en substance ;
- que la procédure de contrôle est dépourvue de force probante et que les délits ne sont pas constitués car l'inventaire a été fait trop rapidement, il aurait du être procédé à des prélèvements pour analyse des vins et l'administration à commis des erreurs et a employé des méthodes de calcul erronées, comme le démontra l'expertise amiable qu'à réalisée Monsieur Hubert ;
- que pour les chais de Montbard la responsabilité de la tenue des stocks incombait à Monsieur Clément, salarié de la société ;
- qu'en tout état de cause l'intention frauduleuse fait défaut puisque notamment pour les vins de table, les vins français se vendaient moins chers que les vins MVDPCE ;
- la mention de l'origine des vins de table est contraire au principe de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la CEE ;
Attendu que le Ministère public requiert confirmation de la décision entreprise ; que les parties civiles concluent également à la confirmation du jugement, sauf l'UDUC qui réclame 150 000 F de dommages et intérêts ;
Discussion
Attendu que pour l'exposé des faits, la cour entend se référer au jugement entrepris dans lequel ceux-ci ont été exactement rapportés ;
Attendu que les inventaires ont été réalisés par les agents de la DGCCRF et de la DCI en présence et sur "les appels" de personnes qualifiées de l'entreprise ; que procéder à des prélèvements n'aurait au aucune utilité car seul se posait un problème de comptage ; que dans deux notes des 14 octobres 1992 et 23 août 1993 l'administration a parfaitement réfuté les critiques formulées par le prévenu, notamment au sujet de la prise en compte de bouteilles sous CRD ; qu'enfin l'expertise Hubert n'est qu'une expertise amiable non contradictoire, réalisée après que le tribunal ait statué et au sujet de laquelle l'expert indique (page 10) que n'ayant pas le détail des calculs de la DGCCRF il lui a été impossible de vérifier les chiffres de celle-ci ; que pourtant figurent en annexe du procès-verbal toutes les pièces permettant de reconstituer ces calculs ;
Attendu en conclusion que la procès-verbal de la DGCCRF vaut jusqu 'à preuve contraire et qu'il résulte de l'exposé qui précède que C ne rapporte pas cette preuve ; que sa demande d'expertise est dilatoire ;
Attendu que seule est fondée la critique du prévenu à l'égard de la majoration de 1,25 % que l'administration a appliquée aux quantités excédentaires constatées ; qu'en effet ce pourcentage de 1,25 % n'est destiné qu'à justifier des manquants ; que cette majoration doit donc être supprimée mais que sa suppression ne fait que réduire légèrement le montant des excédents qui subsistent en quantités importantes ;
Attendu que le prévenu, dirigeant de fait de la société Etablissements Maurice C ne peut valablement prétendre se décharger de sa responsabilité pour les infractions constatées dans les chais de Montbard, alors qu'il ne justifie nullement des conditions de qualification, d'indépendance et de rémunération nécessaires à la validité d'une délégation donnée à Monsieur Clément;
Attendu que la multiplicité et l'importance des excédants constatés démontrant que non seulement C s'est abstenu de veiller à l'exacte dénomination des vins vendus, obligation qui lui incombait comme chef d'entreprise et dont l'inexécution suffit à caractériser son intention frauduleuse, mais également qu'il a au la volonté de tromper ses cocontractants sur l'identité de cas vins ; que l'élément intentionnel de l'infraction est établi ;
Attendu enfin que l'argument selon lequel l'indication qu'il s'agit de vin de table "français" ou "de France" serait indifférente au consommateur et dès lors serait constitutive d'une entrave à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la communauté, est dénuée de fondement et ne saurait justifier un sursis à statuer et une question préjudicielle ;
Attendu que pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour fait siens la prévention est établi et il y a lieu d'entrer en voie de condamnation ; qu'eu égard à l'importance des fraudas constatées, la sanction infligée à C par le tribunal est entièrement justifiée, y compris les masures d'affichage et de publication ;
Attendu qu'il convient de ramener à 150 684 F, soit 1 F par litre de vin d'AOC fraudé, le montant des dommages et intérêts alloués à l'INAO que pour le surplus las premiers juges ont exactement apprécié le préjudice des parties, qu'il y a lieu d'allouer à l'INAO et à l'UDUC qui réclamant la bénéfice de l'article 475-1 pour les frais irrépétibles qu'ils ont exposés devant la cour, 2 500 F à chacun d'eux.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de C Maurice, prévenu, de l'Institut national des appellations d'origine et de l'Union départementale des usagers et consommateurs de la côte d'Or, parties civiles, et par défaut en application de l'article 487 du Code de procédure pénale à l'égard de l'Association force ouvrière consommateurs et l'Union féminine civique et sociale, parties civiles ; Sur l'action publique : Réformant partiellement le jugement entrepris, dit que les quantités sur lesquelles portent - le délit de fausse indication d'origine, ne sont pas de 45 hl 45 et 952 hl 08 mais de 39 hl 74 et 910 hl 77, - le délit d'emploi d'appellations d'origine contrôlée inexactes, ne sont pas de 1461 hl 11, 208 hl 52 et 5 hl 42 mais de 1324 hl 46, 176 hl 96 et 5 hl 42, - le délit de fausse indication de provenance ne sont pas de 32 hl 05 mais 31 hl 27. Confirme le jugement dans toutes sas autres dispositions. Sur l'action civile Réformant sur le montant des dommages et intérêts alloués à l'INAO, Condamne C à payer à cet organisme 150 684 F. Confirme le jugement pour le surplus. Y ajoutant condamne C à payer au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale 2 500 F à l'INAO et 2 500 F à l'UDUC. Dit que C Maurice est redevable d'une somma de 800 F fixée par l'article 1018 A du Code général des impôts. Dit que la contrainte par corps s'appliquera conformément aux dispositions législatives en vigueur. Le tout par application des articles L. 213-1, L. 216-3, L. 217-6, L. 217-7, L. 115-16 du Code de la consommation, 132-29 à 132-34 du Code pénal, 2, 3, 475-1, 487, 734 du Code de procédure pénale, 1018 A du Code général des impôts.