CA Caen, ch. corr., 12 novembre 2001, n° 01-00261
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Charbonnel, Gosselin, Tirel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Holman (faisant fonctions)
Conseillers :
Mlle Bodelot, M. Cadin
Avocats :
Mes Vedie, Losq.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Saisi de poursuites dirigées contre M. M Jacques à Montmartin-en-Graignes (50):
- de juillet 1996 à juillet 1999, trompé M. Philippe Marie, M. Paul Charbonnel, M. Thierry Lefillastre, M. Bernard Cadel, M. Tirel, M. Julien Perrine, M. Michel Deslandes, contractants, sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de marchandises vendues, en l'espèce en vendant à ces personnes des véhicules de marque ARO comportant un montage de direction assistée rendant mauvaise la tenue de route et dangereuse l'utilisation des véhicules ;
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation ;
- courant avril ou mars 1999, trompé M. Pascal Gosselin, contractant, sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi d'une marchandise vendue, en l'espèce en vendant à cette personne un véhicule de marque ARO présentant de nombreux défauts mécaniques dont une forte corrosion de la sortie d'échappement; Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation ;
Le Tribunal correctionnel de Coutances, par jugement en date du 6 mars 2001, a déclaré le prévenu coupable des infractions et l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 F d'amende.
Sur l'action civile, ledit tribunal a reçu M. Charbonnel et M. Gosselin en leurs constitutions de partie civile, a déclaré M. M responsable du préjudice subi par MM. Charbonnel et Gosselin, a condamné M. M à verser a:
- M. Charbonnel Paul, 15 000 F à titre de dommages-intérêts,
- M. Gosselin Pascal 8 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues et 4 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. Tirel Jean-Jacques, celui-ci n'ayant pas formulé de demande expresse d'indemnisation.
Les appels:
Appel a été interjeté par :
Monsieur M Jacques, le 13 mars 2001
M. le Procureur de la République, le 13 mars 2001
Motifs:
I - Sur l'action publique
Le 5 octobre 1998, M. Marie Philippe déposait plainte à l'encontre du garage X de Montmartin-en-Graignes exposant qu'il avait remarqué un mauvais fonctionnement de la direction de son véhicule.
Il précisait qu'en fin d'année 1997, il avait acheté un véhicule d'occasion de marque ARO, type 4 x 4, au garage susvisé. Au bout d'un certain temps, il s'était rendu compte que le véhicule ne tenait pas la route et avait décidé de le revendre au garage Bourdet. Ce garagiste avait constaté que des modifications avaient été faites au niveau de la direction, rendant le véhicule dangereux.
Le même jour, l'ancien propriétaire du véhicule, M. Poutriquet, était entendu par les services de gendarmerie. Il précisait qu'il avait acheté ce véhicule neuf en juin 1996 au garage X, mais que constatant des déficiences au niveau de la tenue de route du véhicule, il avait demandé à un expert d'examiner le véhicule. Dans son rapport du 26 septembre 1997, celui-ci avait indiqué une malfaçon au niveau du boiter de direction, rendant le véhicule dangereux pour la circulation.
Le garage X effectuait la même démarche auprès de M. Gilles, expert à Saint-Lô, qui, dans son rapport du 28 octobre 1997, constatait les mêmes anomalies. Un protocole d'accord était alors établi et le garage susvisé reprenait le véhicule de M. Poutriquet.
Dans le cadre de l'enquête, M. Tessier, expert automobile près la Cour d'appel de Caen, procédait à un examen du véhicule de M. Marie. Dans son rapport du 17 décembre 1998, il indiquait que le système de direction du véhicule se caractérisait par une direction dite "assistée" qui avait nécessité une installation mécanique en dehors du concept d'origine. Il concluait que le véhicule ne devait pas être mis en circulation afin d'éviter à chaque instant de mettre en danger la sécurité des usagers ou celle d'autrui.
Dans le même temps, à la demande du garage X, M. Gilles procédait à un nouvel examen du véhicule et constatait les mêmes anomalies que son confrère (déjà relevées en 1997), le véhicule étant toujours dangereux pour la circulation.
Interrogé, M. M associé de son épouse, gérante du garage et chargé des ventes, précisait qu'il avait effectué les modifications sur le véhicule ARO en installant une direction assistée et qu'il s'était ensuite chargé de la vente du véhicule. A la suite des problèmes rencontrés avec le premier acheteur, il avait repris le véhicule, effectué de nouvelles réparations et l'avait revendu à M. Marie.
Les services de gendarmerie étaient conduits à vérifier tous les véhicules ARO vendus par X et équipés d'une direction assistée.
L'importateur de la marque en France précisait qu'il avait fourni à ce garage, entre 1995 et 1998, 121 véhicules dont 48 étaient équipés d'origine de la direction assistée, et neuf kits d'adaptation de direction assistée. Sept propriétaires de véhicules équipés ultérieurement d'une direction assistée étaient répertoriés dont six se présentaient aux services de gendarmerie.
L'enquête permettait d'établir que tous les véhicules présentaient des soudures d'origine de qualité médiocre au support du boîtier de direction. Celui de M. Charbonnel présentait, lors des constatations, un jeu important à sa fixation : le longeron se vrillait. Certains des propriétaires (MM. Deslandes, Perrine, Tirel) mettaient en avant des problèmes de fiabilité et de qualité, d'autres (MM. Cadel Lefillastre), mentionnaient n'avoir rencontré aucun problème particulier.
Interrogé de nouveau le 29 juillet 1999, M. M expliquait son mode opératoire de montage des kits de direction assistée, prescrit par l'importateur. Il relatait les divers problèmes rencontrés avec la marque ARO, véhicules d'origine roumaine, ayant des pièces de mauvaise fabrication et de qualité médiocre. Selon lui, les problèmes de direction venaient de :
1) la fixation qui, au départ, est prévue pour un boîtier mécanique,
2) la rigidité du longeron qui n'est pas prévu pour une direction assistée qui offre des contraintes beaucoup plus élevées,
3) la qualité des soudures et du support lui-même,
4) les problèmes de course des boîtiers de direction assistée qui, dans certains cas, sont plus importants que les butées d'origine de direction mécanique.
La drire précisait que l'adaptation en question (considérée comme un accessoire), ne nécessitait pas un passage auprès de leurs services pour homologation.
Entendu, l'importateur de la marque en France (par la voix de son ancien directeur administratif et financier), précisait que la société comprenait environ 80 concessionnaires en France et que c'est sous la pression de la concurrence qu'un kit adaptable avait été lancé, fabriqué par un grand groupe équipementier de l'automobile français. Il précisait qu'à sa connaissance, seul X était concerné par ces problèmes de montage, mais qu'il s'agissait d'un bon concessionnaire de la marque. Il indiquait, enfin, que depuis le 26 mars 1999, la société ARO France INC était en liquidation judiciaire.
Dans son rapport d'expertise du 29 avril 2000, M. Tessier, après avoir examiné six véhicules ARO 4 x 4 modèle 104 DR, constatait qu'à des degrés divers, ils étaient affectés de deux défauts majeurs mettant en cause leur sécurité d'utilisation et leur dangerosité :
1) une mauvaise qualité de tenue de route,
2) un rayon de braquage inadapté entraînant une torsion verticale du longeron avant gauche,
En septembre 1999, M. Gosselin Pascal déposait plainte à l'encontre du garage X. Il indiquait lui avoir acheté un véhicule d'occasion ARO 4 x 4 en avril 1999, livré en mai suivant et tombé en panne en juillet. Le vendeur ne prenant pas en charge ce véhicule dans le cadre de la garantie, M. Gosselin faisait alors expertiser le véhicule.
Celui-ci présentait, outre des problèmes mécaniques, des traces de rouille sous la peinture neuve, surtout au niveau de la fixation inférieure du pare-brise. La ligne d'échappement présentait des traces de rouille importantes. L'ensemble des caoutchoucs, joint de pare-brise, joncs divers présentait un aspect médiocre, certains se désagrégeant. M. M déclarait qu'il avait essayé de trouver des pièces pour réparer la voiture mais que l'importateur étant en liquidation judiciaire, cela lui avait été impossible et que lui-même étant actuellement en liquidation judiciaire, il ne pouvait rien faire.
M. M sollicite un complément d'information, car il ne comprend pas l'absence de mise en cause pénale de l'importateur et il produit trois attestations de concessionnaires ARO indiquant avoir connu des problèmes identiques. A défaut il sollicite sa relaxe.
Sur le complément d'information:
Au regard de l'ensemble des renseignements recueillis et notamment des propres déclarations de M. M, la cour estimant qu'un complément d'information n'apporterait aucun élément utile susceptible de modifier la responsabilité spécifique de celui-ci, rejette sa demande en ce sens.
Sur le premier chef de prévention
C'est à bon droit que le premier juge, au vu de l'ensemble des éléments du dossier, notamment des conditions précises de la revente "Poutriquet-Marie" (après deux expertises) et de ses propres déclarations détaillées sur le mode opératoire du montage du kit, a retenu dans les liens de la prévention M. M, garagiste professionnel ayant pleinement conscience des vices en question affectant la direction assistée des modèles vendus par ses soins et des dangers corrélatifs soulignés par l'expertise.
Sur le deuxième chef de prévention:
C'est également à bon droit que le premier juge a retenu dans les liens de la prévention M. M -garagiste professionnel- à l'égard de M. Gosselin. En avril 1999, date de l'acquisition de ce véhicule d'occasion, M. M connaissait la fragilité du système affirmée par deux experts et lui a cependant vendu ce véhicule qu'il savait atteint des mêmes vices, outre ceux visés plus spécialement par la prévention.
Les infractions objet de la poursuite étant établies, le jugement sera confirmé sur les déclarations de culpabilité du prévenu.
Il sera en revanche réformé sur les peines, lesquelles seront autrement appréciées au regard de la nature des faits commis et de la personnalité du prévenu, notamment de son absence de condamnation antérieure.
II - Sur l'action civile
M. Gosselin, partie civile, sollicite, par conclusions déposées ce jour, 7 156,37 F au titre du préjudice matériel et 12 000 F pour le préjudice moral, outre 4 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
N'étant pas appelant, il ne peut que solliciter la confirmation du jugement.
Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que le préjudice de la partie civile a été exactement apprécié. En conséquence les dispositions civiles du jugement entrepris seront confirmées.
Enfin il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 3 000 F en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles d'appel.
M. Charbonnel, partie civile, sollicite par lettre du 2 octobre 2001, 17 869,44 F de dommages-intérêts.
N'étant pas appelant, il ne peut que solliciter la confirmation du jugement.
Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que le préjudice de la partie civile a été exactement apprécié. En conséquence les dispositions civiles du jugement entrepris seront confirmées.
M. Tirel n'ayant pas formulé de demande expresse d'indemnisation, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile. Les dispositions civiles le concernant seront également confirmées.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de M. M Jacques, de M. Gosselin Pascal et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Charbonnel Paul et de M. Tirel Jean-Jacques Reçoit les parties en leurs appels ; Vu les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation; Rejette la demande de complément d'information sollicitée par M. Jacques Martin; Confirme le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité ; Le réforme sur les peines ; Condamne M. Jacques M à 10 000 F d'amende; Prononce la contrainte par corps; Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'action civile; Y ajoutant; Condamne M. Jacques M à verser à M. Pascal Gosselin, partie civile, 3 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en appel; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.