CA Paris, 13e ch. A, 25 novembre 1992, n° 92-4672
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Allal
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cerdini
Conseillers :
M. Mc Kee, Mme Guirimand
Avocats :
Mes Metzner, Schegin.
Avocat général :
M. Bouazzouni
Rappel de la procédure
Le jugement
Le tribunal a :
Déclaré F Paul coupable d'avoir à Paris le 6 avril 1989 :
- trompé la contractant sur l'origine et les qualités substantielles d'un véhicule automobile en minorant le kilométrage et en donnant une fausse date de modèle ;
- fait un faux en écriture privée en délivrant un reçu en date du 6 avril 1989 mentionnant millésime 85 alors que le millésime était 83 ;
- fait usage d'un faux document administratif, en l'espèce un certificat délivré par les douanes françaises le 15 octobre 1988 ;
Et, par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 150, 153 du Code pénal ;
L'a condamné à 6 mois d'emprisonnement et à 50 000 F d'amende ;
Dit que cette peine ne révoquerait pas le sursis assortissant la condamnation de deux ans d'emprisonnement prononcée le 8 novembre 1988 par le Tribunal de grande instance de Versailles ;
Le tribunal a condamné le prévenu aux frais envers l'Etat, liquidés à la somme de 41 431,71 F, et ce compris les droits de poste et fixe ;
Statuant sur l'action civile,
Reçu Allal Judas en sa constitution de partie civile
condamné F Paul à lui verser, toute cause de préjudice confondues, la somme de 340 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision sur les intérêts civils.
Appels
Appel a été interjeté par :
F Paul, le 25 mai 1992 ;
Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 25 mai 1992 ;
A Judas, le 26 mai 1992.
Décisions
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Le 25 mai 1992, Paul F, prévenu, a régulièrement relevé appel du jugement rendu le 20 mai 1992 contradictoirement à son encontre par le Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) ;
Ce jugement, statuant dans les poursuites exercées à son encontre des chefs de tromperie sur la nature, l'origine ou la quantité d'une marchandise, ainsi que de faux n écritures privées et d'usage d'un document administratif contrefait ou falsifié, a condamné le prévenu :
- sur l'action publique, à six mois d'emprisonnement et à une amande d'un montant de 50 000 F (sans révocation d'un sursis assortissant une précédente condamnation à deux ans d'emprisonnement prononcée le 8 novembre 1988 par le Tribunal de grande instance de Versailles),
- sur l'action civile, au paiement, en faveur de Judas Allal, partie civile, des sommes de 340 000 F à titre de dommages-intérêts et de 5 000 Fs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et ce, sans exécution provisoire ;
Le 25 mai 1992 également et le 26 mai 1992, le Ministère public et Judas Allal ont également relevé appel de la décision, dans les délais légaux ;
La cour se réfère, pour l'exposé des faits et des circonstances de la cause aux constatations et énonciations du jugement ;
Il suffira de retenir les éléments suivants :
Le 6 avril 1989 à Paris, Judas A a acheté, moyennant la somme de 660 000 F, un véhicule Rolls Royce d'occasion, présenté convie étant un modèle 1985 ayant parcouru 16 000 kilomètres, alors qu'il s'agissait en réalité d'un modèle 1983 ayant effectué plus de 100 000 kilomètres ;
Le certificat des douanes, qui mentionnait bien à l'origine qu'il s'agissait d'un modèle 1983, avait été surchargé afin de faire apparaître le mention "modèle 1985' ;
Le prix de l'automobile à été réglé partie en espèces (210 000 F), et partie au moyen d'un chèque (450 000 F); le jour de la transaction, les documents concernant le véhicule n'ont pas été présentés, mais une facture, signée par Paul F et attestant que le millésime de la voiture était de 1985, a été délivrée à l'acheteur ;
Il est apparu que le 6 janvier 1989, l'automobile avait été mise en dépôt-vente auprès de l'établissement "X' à Paris par la société Y" représentée par Paul F ;
Jérôme D, directeur de "X", avait porté sur le registre de police, au vu d'un document douanier remis par Paul F, des montions selon lesquelles le véhicule était un modèle 1985 ayant un kilométrage de 15 589 kilomètres, tel qu'il était mentionné au compteur ;
Il est apparu également que l'automobile avait été achetée à l'état neuf le 22 juillet 1984 par le prince Fayçal d'Arabie Saoudite, lequel, en 1988, avait chargé un de ses proches, le nommé Messaoud Houri, de la vendre, et que la voiture avait été acquise par la société "Y', représentée par Paul F, moyennant la somme de 350 000 F ;
Devant la cour, Paul F demande sa relaxe, en indiquant qu'il n'a pas commis les délits qui lui sont reprochés ;
Le représentant du Ministère public requiert la confirmation du jugement, en relevant que les infractions poursuivies ont été commises par un professionnel de l'automobile ;
La partie civile sollicite la confirmation du jugement sur la culpabilité et la condamnation du prévenu au paiement de la somme de 420 000 F (340 000 F pour le préjudice matériel ; 60 000 F de dommages-intérêts ; 20 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale) ;
Sur ce, LA COUR
Considérant que le receveur principal des douanes de Bobigny a remis les documents afférents au dédouanement de l'automobile, à savoir un état descriptif et une estimation du véhicule indiquant notamment que celui-ci avait parcouru 110 000 kilomètres, et que sa valeur approximative était de 320 000 F ;
Qu'il est résulté d'une expertise contradictoire effectuée conformément aux dispositions de la loi du 1er août 1905 et de l'article 26 du décret du 22 janvier 1919 :
- que le compteur du véhicule avait été monté et desserti pour une "remise à l'heure" ;
- que la Rolls Royce en cause, mise sur le marché en 1982, était un modèle 1983, ce qui a été confirmé par la société "Rolls Royce Motor Cars' dans une lettre du 30 janvier 1991 et par la consultation des documents originaux des services de la Douane Française, l'estimation de la valeur du véhicule et de son ancienneté ayant été faite après renseignements recueillis auprès de 'L'argus de L'automobile' ;
- que du point de vue mécanique, l'automobile présentait toutes les caractéristiques d'un véhicule ayant effectué plus de 100 000 kilomètres ; que ces renseignements ont été confirmés oralement par le directeur financier du Prince FayçaL d'Arabie Saoudite;
- que le certificat de dédouanement remis à Judas Allal avait été falsifié, les mentions 1983 étant remplacées par '1985" ;
Considérant qu'au vu de ces éléments, les premiers juges ont estimé à juste titre :
A) En ce qui concerne l'année modèle du véhicule:
- que le prévenu ne pouvait prétendre ignorer que l'automobile vendue était un modèle 1983 et qu'en tout état de cause, il s'agissait d'un modèle 1985, dés lors, d'une part, qu'il ressortait d'une lettre de la société Rolls Royce Motor Cars" que la voiture en cause avait été fabriquée en 1982, mise sur le marché en octobre 1982, et qu'il s'agissait ainsi d'un modèle 1983, et que, d'autre part, au sens d'un arrêté du 2 mai 1979, que seuls pouvaient porter le millésime d'une année modèle les véhicules vendue à l'utilisateur à partir du 1er juillet de l'année civile précédente ;
- que l'expertise avait démontré que les plaques apposées par le constructeur et portant en l'espèce la lettre "C" donnaient l'indication de l'année millésime 1983, étant précisé que la lettre 'A' correspondait à l'année 1981, la lettre "B' à l'année 1982, et la lettre "C' à l'année 1983 ;
- que Paul F ne pouvait ignorer cette date, Messaoud Houri lui ayant remis, lorsqu'il lui avait vendu le véhicule le 14 décembre 1988, le certificat des douanes, l'estimation de "L'argus de l'Automobile', la carte grise d'origine et la traduction française de cette carte grise, documents portant tous la mention 'modèle 1983' ; que le prix payé par Paul F correspondait effectivement à la valeur d'une voiture correspondant notamment à cette année millésime ;
- que le véhicule avait été vendu comme un modèle 1985, ainsi que l'attestait la facture de vente établie par Paul F le 6 avril 1989 ;
- que la facture, de commission du 20 avril 1989, rédigée par la société "X" à l'intention de la société Y, postérieurement à l'achat du véhicule par Judas A, porte la mention modèle 1983, ce qui implique que le millésime exact de l'automobile vendue était connu ;
Considérant qu'à tous ces éléments, il conviendra d'ajouter qu'il ne saurait être soutenu, comme le fait valoir le conseil du prévenu, que Judas A aurait lui-même été informé du millésime exact de la voiture qu'il achetait par la remise de documents, et notamment de la carte grise de l'automobile ;
Qu'en effet, il résulte des pièces de la procédure que lors de la vante, Judas A, qui avait reçu un certificat d'immatriculation provisoire, avait mandaté X" pour entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir une immatriculation française du véhicule et un passage aux services des Mines ; qu'aucune des partie, en présence lors de l'expertise contradictoire, n'a été en mesure d'affirmer qu'au moment de la transaction la carte grise d'origine, écrite en arabe, avait été traduite en français ;
B) En ce qui concerne le kilométrage de l'automobile:
- que l'expertise avait conclu que le véhicule avait parcouru plus de 100 000 kilomètre, ainsi que l'attestaient l'état d'usure des portes, des charnières ainsi que des éléments mécaniques et les réparations effectuées ;
- que le compteur avait été desserti sur toute se circonférence et avait été démonté pour une 'remise à l'heure',
- qu'à la demande de Messaoud Houri, l'automobile avait fait l'objet le 13 octobre 1988 d'une estimation des services de L'argus de l'automobile", en vue de son dédouanement, et que le document délivré faisait alors apparaître que le véhicule avait parcouru environ 110 000 kilomètres, se valeur étant fixée à 320 000 F TTC, moyennant un coefficient de vétusté de 15 % à compter de 1983 ;
- que ce prix correspondait sensiblement au prix de vente demandé par Messaoud Houri à Paul F ;
- que la fraude commise au seul profit de Paul F et portant tant sur le kilométrage que sur l'année modèle du véhicule avait permis à l'intéressé de revendre le véhicule deux fois plus cher que sa valeur argus estimée le 13 octobre 1988 ;
Considérant que les premiers juges, au vu de l'ensemble de ces éléments, ont à bon droit déclaré Paul F coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule automobile par minoration du kilométrage parcouru, et par indication d'une fausse date d'année modèle ;
Considérant que Paul F a été également à bon droit déclaré coupable du délit de faux en écriture privé, commis en délivrant à Judas A, le 6 avril 1989, une facture mentionnant une année millésime 1985, au lieu d'un millésime 1983 ;
Qu'a enfin été justement retenu à se charge le délit d'usage de faux document administratif, en l'espèce un certificat délivré par les Douanes Françaises le 25 octobre 1988 ;
Considérant, dans ces conditions que le jugement entrepris sera confirmé sur la culpabilité ;
Considérant, sur la peine, que les éléments de la cause permettent à la cour d'envisager un allégement de la sanction initialement prononcée ; qu'une amende d'un montant 4 200 000 F sanctionnera justement les infractions commises ;
Considérant, sur l'action civile, qu'il conviendra de confirmer la condamnation initiale du prévenu au paiement, en faveur de la partie civile,
- d'une part, de la moue, de 340 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues, cette allocation constituant un dédommagement équitable,
- et d'autre part, de la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité, Et réformant sur la peine, Condamne Paul F à une amende d'un montant de 200 000 Fs ; Sur l'action civile Confirme le jugement déféré en ses dispositions civiles ayant condamné Paul F à verser à Judas A, partie civile, la somme de 340 000 F à titre de réparation, toutes causes de préjudices confondues, ainsi que la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne en outre Paul F aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant liquidés à la somme de 417,35 F en ce compris les droits de poste et fixe.