CA Paris, 13e ch. A, 9 décembre 1992, n° 91-5096
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cerdini
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
MM. Mc Kee, Valantin
Avocat :
Me Fourgoux.
Rappel de la procédure
Jugement
Le Tribunal a :
Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de justice ;
Rejeté les conclusions de relaxe ;
Déclaré les prévenus coupables d'avoir à Paris dans le courant du mois de juin 1986 :
- trompé le co-contractant sur les qualités substantielles et la composition de la marchandise en offrant à la vente des bonbons en chocolat dit " Manon et Tête de cheval " qui contenaient de l'acide sorbique, additif dont l'emploi n'est pas autorisé par la réglementation en vigueur ;
- détenu sans motifs légitimes dans les lieux de stockage ou de vente des denrées servant à l'alimentation de l'homme, en l'espèce des bonbons en chocolat dits "Manon et Tête de cheval" dont ils savaient qu'elles étaient falsifiées ;
et par application des articles 1 et 4 de la loi du 1er août 1905, 1er de l'arrêté du 7 juin 1982 modifié par l'arrêté du 19 janvier 1984 ;
A condamné chacun des prévenus à la peine de 1 000 F d'amende avec sursis ;
Dit que cette condamnation serait exclue du casier judiciaire de chacun des prévenus ;
Condamné le prévenu aux dépens, liquidés à la somme de 32 680,41 F en ce compris les droits de poste et fixe et ce pour 1/5 avec d'autres prévenus non en cause d'appel ;
Appels
Appel a été interjeté par :
C Jean Pierre, W Claude et D Paraskeva le 21 mai 1991, sur les condamnations pénales ;
Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 21 mai 1991, contre ces trois prévenus uniquement ;
Décision
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés le 21 mai 1991 par Jean Pierre C, Paraskeva D et Claude W et par le Ministère public à l'encontre du jugement du 13 mai 1991 du Tribunal de grande instance de Paris ;
S'y référant pour l'exposé de la prévention et des faits ;
Par écritures devant la cour les prévenus font valoir que la législation en matière d'usage de l'acide ascorbique est incertaine, que la procédure d'autorisation d'additifs est contraire à la réglementation communautaire et notamment à l'article 36 du traité de Rome. Ils sollicitent que des questions préjudicielles soient posées à la Cour de justice au sujet de l'importation et de l'autorisation de produits contenant de l'acide sorbique et subsidiairement ils demandent un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure engagée devant la Commission de communautés relative à la procédure française d'autorisation ;
Il est rappelé que les 26 et 27 juin 1986 la Direction des Fraudes a procédé à des prélèvements d'échantillons suivant les modalités des articles 10 à 16 du décret du 22 janvier 1919, sur des chocolats importés de Belgique de marque Léonidas chez plusieurs chocolatiers dont les prévenus ;
Les analyses effectuées par le laboratoire central de Massy ont mis en évidence dans les bonbons en chocolat fourrés à la crème fraîche, de type "Manon" et "tête de cheval", la présence d'acide sorbique additif dont l'emploi n'est pas autorisé pour des doses suivantes :
C tête de cheval 750 mg/kg manon : 506 mg/kg
D tête de cheval 580 mg/kg manon : 510 mg/kg
W tête de cheval 547 mg/kg manon : 440 mg/kg
Une expertise ordonnée suivant les régles des articles 24 et suivants du décret du 22 janvier 1919 diligentée par Mme Guardiola et M Brun conclut, malgré des différences imputables à l'hétérogénéité des produits et des périodes d'analyse à "la présence d'acide sorbique" dans les échantillons ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 7 juin 1982, modifié par arrêté du 19 janvier 1984, l'addition d'acide sorbique n'est autorisée que dans les fourrages de confiseries de chocolat de type fondant et pour une dose maximale de un gramme par kilogramme et un pH inférieur à 5 ;
Considérant que le fourrage fondant, est comme l'ont indiqué les experts susnommés, constitué soit d'une suspension de cristaux de sucre dans un sirop saturé en sucre, soit de bonbon de sucre cuit soit de bonbon obtenu en travaillant sucre fondu en pâte, que manifestement le fourrage des chocolats Léonidas type Manon et tête de cheval à base de crème fraîche ne saurait être qualifié de fondant au sens de l'article susvisé,
Qu'au surplus les experts, dans une note en complément de rapport du 14 février 1990, ont précisé que l'ensemble des échantillons examinés par le laboratoire des services de la Répression des Fraudes présente un pH variant antre 5 et 5,5 et qu'un examen qu'ils ont eux-mêmes effectué sur un échantillon de chocolat Léonidas de type fourrage crème fraîche qu'ils ont acheté fait apparaître un pH de 6,1 et 6,6 ;
Qu'ainsi, à supposer même que les fourrages crème fraîche aient pu entrer dans la catégorie des fourrages de type fondant, le pH supérieur à 5 interdisait toute présence d'acide sorbique ;
Considérant dès lors que la réglementation française en matière d'usage d'acide sorbique étant d'évidence à la fois claire et accessible, notamment pour des chocolatiers de profession, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu les textes visés à la prévention et constaté que les prévenus se sont rendus coupables d'infractions à ces textes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 36 du traite de Rome du 25 mars 1957 la protection de la santé et de la vie des personnes, des animaux et des végétaux autorise les Etats à limiter l'application du principe de la libre circulation des biens entre membres de la Communauté sous réserve de ne pas instituer des discriminations arbitraires ou des restrictions déguisées,
Que la réglementation française relative à l'usage d'acide aortique dans les denrées alimentaires entre par son objet, comme l'ont indiqué de façon circonstanciée les premiers juges, dans le champ d'application des intérêts visés par l'article 36, que d'application générale ces règles ne sont manifestement ni discriminatoires ni restrictives au commerce interétatique s'appliquant dans un but de protection de la santé aussi bien aux chocolats fabriqués en France que dans d'autres Etats de la Communauté et hors de celle-ci,
Qu'il convient donc de confirmer sur ce point le jugement déféré ;
Considérant que les prévenus soutiennent, en outre, que la procédure d'autorisation d'emploi d'additifs en application de l'article 1 du décret du 15 avril 1912, dont les modalités sont définies par une circulaire du 8 août 1980, serait non conforme au droit européen ;
Considérant cependant qu'il résulte du dossier qu'aucun des prévenus n'a même soutenu qu'il avait sollicité une telle autorisation, que donc, à supposer même que cette procédure soit considérée non conforme, cette circonstance serait sans effet sur les laits de la cause ;
Considérant en conséquence qu'il n'y a lieu de retenir les demandes relatives aux questions préjudicielles et sursis à statuer ;
Considérant qu'il échet de confirmer le jugement déféré qui a déclaré les prévenus commerçants chocolatiers importateurs des chocolats Manon et tête de cheval coupables de tromperie et de détention,
Qu'eu égard à la nature des faits de la cause la cour estime nécessaire de faire une application plus sévère de la loi pénale, qu'elle estime adaptée une peine d'amende de 50 000 F dont 40 000 F assortis du sursis simple ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels interjetés, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de Jean Pierre C, Paraskeva D et Claude W, L'amendant sur la peine, Condamne chacun des prévenus à une amende de 50 000 F, dont 40 000 F avec sursis ; Condamne les prévenus aux dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 632,05 F.