Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 23 avril 1992, n° 2909-91

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Salat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocat :

Me James.

TGI Evry, 6e ch., corr., du 4 févr. 1991

4 février 1991

Rappel de la procédure

Le jugement

Le tribunal a déclaré C Louis coupable d'avoir à Brétigny-sur-Orge, le 1er mars 1990 (selon la prévention) tenté de tromper le contractant sur les qualités substantielles d'un véhicule automobile,

Et, par application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905,

L'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 F d'amende,

Sur l'action civile : le tribunal a reçu Salat Jean-Claude en as constitution de partie civile et a condamné C Louis à lui payer la somme de 8 030,61 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues ;

Le tribunal a condamné le prévenu aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de 346,39 F ;

Appels

Appel a été interjeté par :

1°) C Louis, le 7 février 1991, par l'intermédiaire de son conseil, sur les dispositions pénales et civiles,

2°) le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance d'Evry le 12 février 1991,

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public d'un jugement du Tribunal de grande instance d'Evry (6e chambre) en date du 4 février 1991 dont le dispositif est rappelé ci-dessus.

Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention, la cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué.

A l'audience du 26 mars 1992,le prévenu, assisté de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de dire que l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule n'est pas constituée à son encontre et, en conséquence, d'ordonner purement et simplement sa relaxe de ce chef subsidiairement, dans le cas où par extraordinaire la cour retiendrait sa culpabilité, il lui demande de considérer que les ambiguïtés et les circonstances de la cause permettent une diminution notable de sa responsabilité pénale l'autorisant à réduire dans de notables proportions les condamnations prononcées à son encontre.

Il fait valoir, notamment, que le contrôle visuel d'un véhicule, sans démontage, ne permet pas de définir le degré d'usure de certaines pièces, que l'élément intentionnel du délit de tromperie n'est pas caractérisé, et, subsidiairement, que la peine prononcée par les premiers juges est manifestement excessive.

Quant à Jean-Claude Salat, partie civile, il sollicite la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions civiles.

I - Sur l'action publique

Considérant que, le 1er mars 1990, Jean-Claude Salat achetait à un particulier, M. Tang-Sun-Heng, un véhicule de marque Renault Saviem pour la somme de 34 000 F ; que le vendeur lui remettait la fiche de contrôle technique établie le 28 février 1990 au garage X agent Renault, à Brétigny-sur-Orge (91), ladite fiche portant la mention "bon état général" et ne signalant aucune défectuosité qui aurait impliqué une remise en état, qu'elle soit " immédiate " ou " dès que possible " ;

Que Jean-Claude Salat, qui avait essayé le véhicule une dizaine de minutes, ne constatait aucune anomalie au moment de la vente;

Que, toutefois, rentrant chez lui à bord de la camionnette aussitôt après la transaction, il aurait été, au moment où il freinait en raison d'un encombrement sur l'autoroute A6, déporté vers la voie de gauche, dans l'incapacité de maîtriser son véhicules et aurait manqué de percuter d'autres voitures ; qu'il résulte également des déclarations de l'acheteur qu'après être retourné chez lui à faible vitesse, il n'avait pu faire redémarrer le véhicule et qu'il avait été contraint de le faire remorquer et réparer au garage Veloso à Itteville (91) ; qu'il a produit une facture de cette entreprise, en date du 8 mars 1990, pour un montant total de 4 570, 32 F, qui fait état du changement de démarreur que le lendemain, soit le 9 mars, la partie civile faisait procéder à un second contrôle technique par le garage Coursaux à Corbeil ; qu'il a été alors constate que le véhicule présentait de nombreuses anomalies, notamment un jeu anormal de la rotule supérieure avant droite, de la colonne et des relais de direction et du triangle supérieur avant gauche ainsi qu'un desserrement de la transmission centrale; que cette seconde fiche de contrôle mentionnait que les freins n'avaient pu être essayés, le véhicule n'étant pas en état de marche, et qu'étaient cochés, comme nécessitant une remise en état immédiate, des éléments du châssis, de la suspension, de la direction et de la transmission ;

Considérant que, Jean-Claude Salat ayant porté plainte pour ces faits, le prévenu, président du conseil d'administration de la société gestionnaire du garage X à Brétigny-sur-Orge, était entendu, le 25 avril 1990, par les enquêteurs; qu'il déclarait que son entreprise ne disposait pas de bancs de contrôle pour la suspension, les amortisseurs et le freinage, que le seul contrôle technique pratiqué était celui du déccélérographe pour tester l'efficacité du freinage et que, pour le reste, le simple contrôle visuel ne permettait pas de mesurer le degré d'usure des pièces ; qu'il ajoutait qu'en l'espèce, le graphisme du déccélérographe s'était révélé satisfaisant et que M. Desnos, son préposé, qui avait procédé au contrôle, avait remarqué quelques anomalies mais ne les avait pas mentionnées, estimant qu'il n'y avait pas urgence ;

Considérant qu'il résulte de la fiche technique établie le 28 février 1990 au garage X qu'y est portée la mention " bon état général, sans autre observation ou commentaire ; que, dans la partie de la fiche concernant les défauts relevés impliquant une remise en état, aucun élément du véhicule n'a été coché, alors que cette camionnette avait plus de dix ans ; que le prévenu ne saurait s'appuyer, pour expliquer ces lacunes, sur le fait que le contrôle technique doit être effectué sans démontage, puisque le second contrôle, effectué dans les mêmes conditions, a montré non seulement que des anomalies importantes affectaient la sécurité du véhicule (organes de direction notamment), mais que de nombreux éléments nécessitaient une remise en état immédiate ;

Que, dès lors, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la constatation par M. Desnos du " bon état général " du véhicule résulte soit d'une absence de contrôle, soit d'une dissimulation de graves dysfonctionnements, l'une ou l'autres de ces attitudes constituant une tromperie sur les contrôles effectués (et non sur les qualités substantielles de la marchandise ainsi qu'il est indiqué à tort dans la prévention et dans le jugement);

Considérant qu'il est indiscutable que Louis C, responsable du garage X, a conclu un contrat d'entreprise avec le vendeur du véhicule, lequel a été trompé, ainsi que l'acheteur, par la mention " bon état général ", manifestement fausse, figurant sur la fiche technique ; qu'il a signé le " certificat de passage dans un centre de contrôle " annexé à la fiche technique, attestant avoir visité le véhicule; qu'il ne pouvait alors manquer d'observer que, mise à part la mention " bon état général ", la fiche ne comportait aucune autre observation ou signalement, ce qui pouvait donner à penser que la camionnette était à l'état neuf alors qu'il n'en était rien ;

Qu'il aurait du, à l'évidence, exiger de son préposé que soient mentionnées sur ladite fiche de contrôle les anomalies que celui-ci avait constatées et dont il lui avait fait part, tout en les minimisant ; qu'en s'abstenant de le faire alors que sa qualité de chef d'entreprise lui faisait obligation de veiller personnellement à ce que les fiches de visite technique soient scrupuleusement remplies, sans que rien n'y soit omis, Louis C s'est rendu coupable du délit de tromperie prévu et réprimé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Que sa responsabilité pénale est d'autant plus engagée qu'il dirige une entreprise habilitée à procéder au technique des véhicules prévu par la réglementation en vigueur dans la mécanique automobile et, qui plus est, concessionnaire de la marque Renault, qui est celle du véhicule litigieux ;

Considérant qu'il échet, en conséquence, en réformant sur ce point le jugement attaqué, de donner aux faits leur exacte qualification et de déclarer Louis C coupable d'avoir, à Brétigny-sur-Orge (91), le 28 février 1990 (et non le 1er mars 1990, ainsi qu'il a été mentionné à la prévention et dans le jugement), trompé le contractant sur les contrôles effectués sur un véhicule automobile ; qu'il convient également de réformer ledit jugement sur la peine et de faire au prévenu une application moins sévère de la loi pénale, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne mentionnant aucune condamnation ;

II - Sur l'action civile

Considérant que les agissements délictueux du prévenu ont causé à Jean-Claude Salat, partie civile, un préjudice certain, direct et personnel dont il lui est dû réparation ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce préjudice, toutes causes confondues, en fixant à 8 030,61 F le montant de la somme que Louis C devra verser à la partie civile à titre de dommages-intérêts ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement attaqué en ses dispositions civiles ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public ; Requalifiant la prévention en tant que de besoin, déclare Louis C coupable de tromperie du contractant sur les contrôles effectués sur un véhicule automobile (faits commis le 28 février 1990), Le condamne à dix mille (10 000) F d'amende, Confirme les dispositions civiles du jugement attaqué, Condamne Louis C aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant liquidés à la somme de 549,90 F. Le tout par application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 473, 512, 515 du Code de procédure pénale.