CA Paris, 13e ch. A, 28 janvier 1991, n° 90-5958
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Beaumont, Association FO consommateurs, UFCS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
MM. Martinez, De Thoury
Avocats :
Mes Eveno, Jehiel, Fremeaux.
Rappel de la procédure
Jugement
Le Tribunal a :
Déclaré Nabil S coupable de tromperie sur l'origine, les qualités substantielles d'un véhicule et les risques inhérents à son utilisation et de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;
Faits commis à Paris et sur l'ensemble du territoire national, courant janvier 1988 ;
Et par application des articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905 44 I et 44 II de la loi du 27/12/1973 ;
Vu l'article 734-1 du Code de procédure pénale ;
Condamné Nabil S à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et trois mille F d'amende ordonné la publication par extraits du jugement dans la "Centrale des Particuliers" ;
Reçu Jacques Beaumont, FO consommateurs et l'UFCS en leur constitution de partie civile ;
Les a déclarées fondées ;
Condamné Nabil S à leur payer à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes :
- 15 000 F toutes causes de préjudice confondues et 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à Jacques Beaumont ;
- 3 000 F et 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à FO consommateurs
- 3 000 F et 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'UFCS dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions civiles du jugement ;
Condamné S Nabil aux dépens, liquidés à la somme de 4 637,91 F, y compris les droits de poste et fixe.
Appels
Appel a été interjeté par :
S Nabil, le 15 juin 1990
Le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris, le 15 juin 1990.
Beaumont Jacques le 27 juin 1990.
Décision
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par M. S Nabil prévenu, le Ministère public et M. Jacques Beaumont partie civile, à l'encontre d'un jugement, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure du Tribunal de grande instance de Paris du 13/06/1990 qui a condamné des chefs de publicité mensongère et tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue le prévenu à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 F d'amende avec publication de la décision par extraits dans le journal " La centrale des particuliers " ainsi qu'à payer aux parties civiles Beaumont 15 000 F de dommages-intérêts et 2 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l'Association FO consommateurs direction générale des impôts et l'Union féminine civique et sociale 3 000 F de dommages-intérêts et 1 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour chacune ;
Le prévenu sollicite à titre principal sa relaxe estimant que les deux infractions qui lui sont reprochées ne sont pas établies. Subsidiairement il revendique les plus larges circonstances atténuantes et fait valoir que les préjudices invoqués par M. Beaumont ne sont pas établis ;
M. Beaumont conclut à la confirmation du jugement en son principe, mais sollicite l'élévation à 21 903 F des dommages-intérêts qui lui ont été accordés, outre 5 000 F pour troubles de jouissance. Il demande également au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale l'élévation à 4 000 F de l'indemnité de première instance et une indemnité supplémentaire de 4 000 F pour la procédure d'appel ;
Les deux autres parties civiles sollicitent la confirmation du jugement en ce qui les concerne, sauf à voir porter à 5 000 F l'indemnité de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement ;
Considérant qu'il résulte du dossier et des débats que le prévenu a vendu le 15/01/1988 à la partie civile Beaumont un véhicule d'occasion Renault 5 GL mis an service en janvier 1987 pour le prix de 36 000 F suite à une annonce parue dans la Centrale des Particuliers à laquelle le vendeur avait notamment garanti que son véhicule qu'il avait acheté d'occasion n'avait jamais été accidenté et qu'il n'avait jamais été utilisé en location ;
Que S Nabil reconnaît qu'il avait acquis le véhicule en cause, sachant qu'il venait d'être accidenté, d'une société Dem's Auto pour le prix de 26 000 F ; qu il avait fait des réparations pour environ 8 000 F et qu'il avait utilisé ce véhicule sans problème en parcourant un peu plus de 10 000 kilomètres ;
Que l'acquéreur pour sa part a eu très rapidement de très graves problèmes et s'est adressé dès le mois de mars 1988 à un expert en automobiles qui a estimé qu'il convenait de réaliser pour 12 737,52 F de réparations pour que la voiture puisse être utilisée normalement ;
Qu'aucun accord n'ayant pu intervenir entre les parties, plainte a été déposée et une expertise officielle a été ordonnée ;
Que cette mesure d'instruction a révélé que la Renault 5 avait été accidentée le 01/04/1987 alors qu'elle appartenait à la société de location de voitures Hertz, que le montant de la réparation avait été alors évalué à 32 149 F et que la société Hertz avait préféré vendre la voiture en l'état pour 25 000 F à Dam's Auto récupérateur de véhicules accidentés ;
Considérant que l'expert Gilabert a relevé que le véhicule avait été gravement accidenté et que la réparation effectuée n'avait été que partielle dans le but de redonner une présentation extérieure sans s'occuper des structures du véhicule qui n'ont été redressées que sommairement, l'homme de l'art ajoutant qu'il ne lui a pas été possible de contrôler les réparations qui auraient été effectuées à l'initiative de S ;
Que celui-ci d'ailleurs, qui invoque une dépense de l'ordre de 8 000 F ne verse aux débats que quelques factures de fournitures de pièces dont on ignore d'ailleurs à quoi elles étaient destinées, pour un total de 2 430,92 F seulement ;
Considérant que le prévenu admet qu'il n'a pas dit à son acquéreur que le véhicule avait été accidenté perce que cela ne lui a pas été demandé, comme il admet avoir signé à la Centrale des particuliers la double garantie portant sur l'absence d'accident et l'absence de location en disant ne pas avoir lu le texte perce qu'il était pressé;
Qu'il soutient aussi que la société Dam's son vendeur ne l'aurait pas sérieusement informé de l'état du véhicule et laisse entendre mais sans fournir à ce sujet le moindre commencement de preuve que le véhicule aurait été trafiqué avant l'expertise ;
Mais que toutes cas affirmations n'enlèvent rien au fait que la publicité parue dans la Centrale des particuliers comportait des allégations fausses de nature à induire en erreur le cocontractant sur l'origine et les qualités substantielles de la chose vendue ;
Considérant d'autre part qu'il résulte de l'ensemble des éléments de fait ci-dessus rappelés que le prévenu, qui prétend avoir des connaissances en matière de mécanique automobile, a sciemment trompé son contractant sur l'origine et les qualités substantielles de la chose vendue ;
Qu'il ne pouvait ignorer en effet que le véhicule en cause ne pouvait pas être remis en état avec 8 000 F de réparation, à supposer le chiffre exact, alors que d'avis d'expert il fallait dès l'origine envisager pour plus de 32 000 F de travaux ; et cela quant bien même il ait pu faire sans inconvénient deux voyages en Allemagne avec une voiture aussi sommairement réparée ;
Considérant que c'est dans ces conditions à bon droit que les premiers juges sont entrés en voie de condamnation. Qu'en raison de la gravité des faits et de la malignité manifestée par le prévenu, les peines prononcées apparaissent équitables, y compris la publicité de la décision dans la revue où a paru la publicité mensongère ;
Et que le jugement dont appel doit être intégralement confirmé sur le plan pénal ;
Considérant, sur les intérêts civils, que les deux Associations de consommateurs constituées partie civiles tiennent de la loi de droit d'intervenir an justice pour assurer la protection des intérêts généraux des consommateurs et qu'en l'espèce leur intervention a été à juste titre déclarée recevable, une publicité mensongère telle que celle établie à l'encontre du prévenu portant indiscutablement atteinte aux intérêts que les associations en cause ont pour mission de défendre ;
Que cette atteinte leur occasionne un préjudice qui a été exactement réparé par l'allocation à chacune d'elles d'une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts ;
Qu'il est également équitable que ces associations se trouvent défrayées des frais irrépétibles qu'elles ont exposés, mais que la somme de 1 000 F allouée à chacune d'elle à ce titre apparaît suffisante et n'a pas lieu d'être augmentée ;
Considérant, an ce qui concerne M. Beaumont, que celui-ci justifie d'une facture de réparation de 2 463 F et de la nécessité d'une remise en état générale du véhicule évaluée à 12 737 F en 1988 et réévaluée à 15 581 F en 1990. Qu'il convient par ailleurs de tenir compte du trouble de jouissance lié depuis près de 3 ans à l'état du véhicule et que la cour a les éléments nécessaires et suffisants pour fixer au chiffre de 20 000 F le montant des dommages-intérêts devant revenir à M. Beaumont.
Que l'équité implique que les frais irrépétibles qu'il a dû exposer tant en raison de la procédure que des contrôles auxquels il a dû faire procéder pour faire valoir ses droits ne demeurant pas intégralement à sa charge ;
Que les premiers juges lui ont alloué à bond droit une indemnité de 2 000 F à ce titre, mais que les frais dont s'agit se trouvent accrus an raison de l'appel et qu'il convient d'allouer à M. Beaumont une indemnité supplémentaire de 2 000 F ;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit les appels réguliers an la forme ; Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 13/06/1990 dans ses dispositions pénales et ses dispositions civiles intéressant l'association FO consommateurs direction générale des impôts et l'Union féminine civique et sociale ; L'infirme dans ses dispositions civiles intéressant M. Jacques Beaumont et, statuant à nouveau, condamne le prévenu à payer à cette partie civile la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 4 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne S Nabil en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers avancés par l'état s'élevant à la somme de 590,02 F. Après avoir prononcé cette condamnation, le Président a formulé l'avis prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale.