Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 27 février 1991, n° 7786-90

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Riondet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocats :

Mes Hadjean, Pasquier.

TGI Bobigny, 16e ch., corr., du 20 sept.…

20 septembre 1990

Rappel de la procédure

Le jugement

Tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,

Etant toutefois précisé que :

- les faits ont été commis le 23/04/1988

- les dépens de première instance ont été liquidés à 60,87 F

Appels

Appel a été interjeté par :

1°) G Mique, le 20 septembre 1990

2°) Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny le 21 septembre 1990.

Décision

Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi

Par jugement en date du 20 septembre 1990, le tribunal de Bobigny (16e chambre) a condamné G Mique Jorge à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour tromperie du co-contractant sur les qualités substantielles d'une marchandise, en l'occurrence un véhicule automobile, le tribunal l'a condamné,en outre à payer à Riondet Gérard, partie civile, la somme de 38 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 1988, celles de 3 009, 85 F et 2 075 F avec intérêts au taux légal a compter du jugement, ainsi que celle de 1 800 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté tant par le prévenu que par le Ministère public.

Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention, la cour s'en rapporte, sur ce point aux énonciations du jugement attaqué.

Assisté de son conseil G Mique Jorge demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite.

La partie civile, assistée de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de condamner le prévenu à lui payer :

- 43 084,85 F en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi ;

- 10 000 F en réparation du préjudice moral ;

- 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Considérant que, le 23 avril 1988, Riondet Gérard a acheté à G Mique Jorge, pour le prix de 38 000 F, un véhicule automobile de marque Porsche, type 911 T, qui avait fait l'objet, de la part du vendeur, d'une annonce publiée dans le journal "Dep 93" ainsi libellée : "03885 D Porsche 911 modèle 1970 bon état général refaite à neuf, prix 45 000 F à déb." ;

Que le vendeur a remis à Riondet, au moment de la vente, un certificat établi à sa demande, le 15 avril 1988, par le garage "Centre de contrôle Claude Dray " à Le Raincy (93340) que ce document mentionnait les anomalies suivantes, dans la rubrique des remises en état à effectuer dès que possible :

- l'état de fixation des canalisations d'échappement et du silencieux.

- l'efficacité du frein de stationnement,

- l'état des pneus avant arrière,

- l'état de fixation des ceintures de sécurité,

- la fixation de la batterie ;

Qu'en outre, ce certificat portait pour toute observation : "pneu avant droit légèrement usé, petite corrosion dessous".

Considérant que Riondet, qui dit avoir été alerté, peu après la vente, par des bruits bizarres provenant du véhicule, a été amené sur le conseil de garagistes, à le faire examiner par le Centre sécurité contrôle automobile (CSCA) situé 59 rue du Général de Gaulle à La Queue En Brie, agréé par la Préfecture du Val-de-Marne ; que le certificat de contrôle établi le 10 juin 1988 par le responsable de ce centre fait état, outre de dysfonctionnements que l'on peut considérer comme mineurs ou aisément réparables, des défauts suivants :

- une course importante de la pédale d'embrayage,

- une corrosion et perforation du plancher avant et arrière au niveau de la fixation des trains avant et arrière.

- une corrosion et perforation des longerons avant et arrière,

- une fuite d'huile moteur,

- une trace de réparation à l'avant et à l'arrière du véhicule,

Que le dit certificat concluait que le véhicule, dangereux, ne répondait plus aux normes de sécurité ;

Que Riondet saisissait alors la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Seine-Saint-Denis ; que Cohen Jacob, mécanicien au Garage Claude Dray, qui a procédé au contrôle du véhicule litigieux le 15 avril 1988 à la demande du vendeur, a été entendu par MM. Michelet et Missioux, commissaires à la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et leur a déclaré :"je n'ai noté aucun défaut majeur au niveau des longerons et plancher, du moins je ne m'en souviens pas - J'ai noté néanmoins la petite corrosion dessous. Je ne vois pas pour le problème du longeron - Le plancher a été blaxonné. Je n'ai pas le droit de toucher ou de gratter un plancher, je n'ai pu voir l'état réel du plancher sous le blaxon. Je n'ai pu voir aucune perforation" ;

Que le Cabinet Ponce Expert en automobile, à la Queue En Brie, a examiné le véhicule le 15 septembre 1988 à la demande de M. Riondet et a dressé un procès-verbal d'expertise qui corrobore les constatations effectuées par le CSCA du Val de Marne, mentionne des traces de soudures et de blaxonnage "visibles même pour un profane", et conclut que le véhicule, n'étant pas conforme aux normes de sécurité en vigueur, est de ce fait dangereux ;

Considérant que Claude Dray entendu par les enquêteurs, a déclaré que, si certains défauts ne pouvaient se voir lors d'un contrôle technique, notamment l'état du plancher sous un blaxon, son employé Cohen Jacob, aurait du voir la fuite d'huile moteur, la corrosion et la perforation des longerons ainsi que les traces de réparation au niveau du véhicule, et qu'il avait, dès lors, commis une faute, volontaire ou involontaire ;

Que G reconnaît avoir été imprudent en indiquant dans le texte de l'annonce publiée dans "Dep 93", que le véhicule avait été "refait à neuf", mais qu'il pensait que celui-ci était dans un état acceptable ; qu'il avait, en effet, fait refaire la peinture et réparer l'embrayage ainsi que la boite de vitesses, qu'il nie avoir fait procéder au blaxonnage du châssis ;

Considérant que si le terme "refait à neuf" ne correspondait pas à la réalité, sauf à estimer qu'il s'appliquait à l'aspect extérieur du véhicule, ce qui n'est pas exclu, l'ancienneté dudit véhicule, qui a été mis en circulation en 1988, ainsi que son prix de vente indiquent, à l'évidence, qu'il ne pouvait être en parfait état ;

Qu'au demeurant le texte de l'annonce ne suffit pas à caractériser la tromperie à l'égard du co-contractant sur les qualités substantielles du véhicule vendu s'il n'est pas établi que le vendeur avait connaissance des défauts et dysfonctionnement dudit véhicule ;

Qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que G a remis à l'acheteur un certificat établi par Cohen Jacob, opérateur au garage Claude Dray qui est agréé par la préfecture pour procéder au contrôle des véhicules ; que Riondet a acheté la Porsche au vu de ce document manifestement insuffisant ;

Qu'il n'est nullement établi que G, qui ne possédait le véhicule que depuis le mois de mars 1987 et n'est pas un homme de l'art en matière automobile, ait eu connaissance des défauts constatés après la vente et qu'il ait fait procéder à un blaxonnage destiné à les dissimuler ;

Qu'il n'est pas davantage établi qu'il y ait eu une entente entre le prévenu et Cohen Jacob en vue de tromper l'acheteur ; que dès lors, il convient d'infirmer le jugement attaqué et de renvoyer G Mique Jorge des fins de la poursuite exercée à son encontre.

Que, compte-tenu de la relaxe à intervenir, les demandes de Riondet Gérard, partie civile, se trouvent être sans fondement ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, LA COUR, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Infirmant le jugement attaque relaxe G Mique Jorge du chef de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise vendue ; Déboute Riondet Gérard, partie civile, de ses demandes. Laisse les dépens à la charge du Trésor en raison de la bonne foi de la partie civile.