CA Paris, 13e ch. B, 5 avril 1991, n° 8822-90
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenormand
Avocat général :
M. Keanjean
Conseillers :
Mmes Magnet, Barbarin
Avocat :
Me Bot.
Rappel de la procédure
Le jugement.
1) le jugement de la 31e chambre du Tribunal de grande instance de Paris du 25 février 1987 ;
Dont appel a été interjeté par André S, le 5 mars 1987, et par le Ministère public, le même jour,
2°) l'arrêt de la 13e chambre (A) de la Cour d'appel de Paris du 12/09/1989.
Dont pourvoi en cassation a été formé,
3°) l'arrêt de la Cour de cassation (chambre criminelle) du 25 octobre 1990,
Tels qu'ils seront rappelées en tête des motifs du présent arrêt ;
Décision
Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement en date du 25 février 1987, le Tribunal de Paris (31e chambre) a condamné André S et Michel C à huit mois d'emprisonnement et trente mille (30 000) francs d'amende chacun pour tromperie ou tentative de tromperie du contractant sur la nature, l'espèce, l'origine ou les qualités substantielles de la marchandise vendue au motif qu'il résultait de l'information et des débats d'audience que les prévenus avaient à Paris, les 13 et 14 octobre 1985, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, vendu à un prix élevé, laissant à penser qu'il s'agissait d'objets précieux, trois objets d'art extrême oriental de faible valeur.
Appel de cette décision a régulièrement été interjeté par André S, seul, et par le Ministère public à son égard.
Par arrêt en date du 16 février 1988, la Cour d'appel de Paris (13e chambre, section A), statuant par défaut à l'égard du prévenu, a confirmé la décision des premiers juges en ce qu'elle avait déclaré André S coupable de tromperie du cocontractant sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise vendue et l'a condamné, de ce chef, à quinze mois d'emprisonnement et cinquante mille (50 000) francs d'amende.
André S ayant régulièrement formé opposition à cette seconde décision, la Cour d'appel de Paris (même chambre, même section), par arrêt en date du 12 septembre 1989, a mis à néant l'arrêt précité du 16 février 1988 et, statuant à nouveau sur les appels du prévenu et du Ministère public, a confirmé la décision des premiers juges sur la déclaration de culpabilité d'André S et condamné celui-ci à treize mois d'emprisonnement et vingt mille (20 000) francs d'amende ;
Statuant sur le pourvoi formé par André S, la Cour de cassation, chambre criminelle, par arrêt en date du 25 octobre 1990, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 1989 et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention en laquelle la cour avait retenu André S en son arrêt du 12 septembre 1989, la cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué. A l'audience de la cour du 15 mars 1991, André S, assisté de son conseil, sollicite sa relaxe au motif, tiré de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 25 octobre 1990, que le fait de vendre une marchandise à un prix supérieur à sa valeur réelle n'est pas en lui-même constitutif du délit de fraude prévu et puni par l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;
Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que, le 13 octobre 1985, André S et Michel C ont vendu à Charles André, à l'hôtel " Lutetia " à Paris, deux objets en pierre dure pour la somme de cinquante mille francs que cette transaction s'est effectuée dans le cadre d'une exposition-vente, intitulée "Art de Chine", organisée par les deux hommes qui procédaient, en outre, à l'expertise gratuite des pièces présentées par les visiteurs ;
Considérant qu'André S a reconnu avoir surestimé la valeur d'une pièce d'ivoire que Charles André lui avait demandé d'expertiser et qu'il avait acheté les deux objets en pierre dure auprès de la société "China Arts" pour les sommes respectives de 844,65 F et 1 549 F ; qu'il estime que son profit personnel se situe entre trois et quatre mille francs ;
Considérant qu'en revanche il n'est pas établi qu'André S ait participé directement, avec Michel C et un prénommé Jean-Paul, à la vente d'une statuette prétendument en ivoire faite au domicile de Charles André le 14 octobre 1985 ;
Considérant qu'il ne peut donc être reproché au seul S eue d'avoir vendu à Charles André deux objets en pierre dure pour un prix considérablement supérieur à leur valeur réelle après l'avoir mis en confiance en surestimant une pièce d'ivoire lui appartenant ;
Que les premiers juges, en estimant que le prévenu, qui a trompé l'acheteur sur la valeur de ces objets, s'est rendu coupable du délit de tromperie d'un cocontractant sur la nature, la qualité, l'origine ou les qualités substantielles d'une marchandise ont fait une interprétation erronée de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 qui ne réprime nullement la tromperie sur le prix ;
Que, par ailleurs, il n'est en rien établi que André S ait trompé Charles André sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principe utile des deux objets en pierre dure qui lui ont été vendus ;
Que, dès lors, il convient d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu André S dans les liens de la prévention et de le renvoyer des fins de la poursuite exercée à son encontre ;
Par ces motifs Statuant publiquement et contradictoirement, Comme cour de renvoi après cassation, Reçoit André S en son opposition à l'exécution de l'arrêt du 16 février 1988 qui se trouve ainsi non avenu ; Reçoit les appels du prévenu et ministère public contre le jugement susvisé du 25 février 1987 ; Infirmant le jugement attaqué, relaxe André S du chef du délit de tromperie prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ; Laisse les dépens à la charge du Trésor.